Iran/Israël (5/6), des centaines d’Israéliens fuient via Chypre

Alors que le ciel est fermé et que la guerre avec l’Iran fait rage, des centaines d’étrangers et d’Israéliens tentent de fuir par la mer. Traversées improvisées, prix exorbitants, Chypre débordée : un exode par voie maritime, documenté par plusieurs médias régionaux.

À Herzliya, au nord de Tel-Aviv, les quais ont changé de fonction. Plus de voiliers de plaisance. Place à une nouvelle scène : valises cabossées, regards pressés, capitaines improvisés. La marina a des allures de terminal d’embarquement. « Dès 7h du matin, des passagers – au moins une centaine – ont afflué à la recherche du yacht leur permettant de fuir vers Chypre », rapporte Haaretz dans un article publié le 17 juin.

Depuis que les missiles volent entre Israël et l’Iran, le pays est partiellement à l’arrêt. L’espace aérien civil est fermé depuis plusieurs jours. Les aéroports sont en veille. Les ambassades débordent. Et le chaos pousse vers la mer.

Sur les réseaux sociaux, les groupes de coordination maritime explosent. Toujours selon Haaretz, « des centaines de personnes tentent désormais de quitter Israël de cette manière », via les ports de Herzliya, Haïfa ou Ashkelon. Des propriétaires de petits yachts se sont rapidement organisés, acceptant « des groupes de dix passagers maximum », souvent en espèces, parfois sans même savoir naviguer jusqu’à Larnaca.

Dans cet exode improvisé, l’opacité domine. Les prix varient, mais l’angoisse fait flamber les tarifs. Haaretz recueille le témoignage de plusieurs passagers : « Des voyageurs témoignent avoir déboursé 2 500 shekels (plus de 700 dollars américains), disant qu’ils ont été confrontés à des tarifs encore plus élevés. “Quelqu’un m’a demandé 6 000”, raconte un passager. »

Et ce n’est pas tout : « Tous les bateaux ne fonctionnent pas légalement : certains propriétaires privés font payer les passagers sans disposer de l’assurance adéquate pour le transport de personnes », alerte un capitaine.

La plupart refusent de parler ouvertement. Ils évoquent des raisons familiales, un déménagement prévu, un vol annulé. « Seuls quelques résidents admettent fuir les frappes de missiles iraniens », précise encore Haaretz. L’un d’eux lâche tout de même, sans détour : « Je déménage au Portugal ».

Chypre submergée

Mais cette hémorragie improvisée se heurte à la capacité limitée de Chypre. Selon Philenews, plus de 1 500 ressortissants étrangers – Américains en majorité, mais aussi Argentins, Canadiens et Australiens – sont arrivés mercredi matin au port de Larnaca à bord du Crown Iris, un navire de croisière venu de Haïfa. Il doit effectuer au moins quatre allers-retours pour désengorger la côte israélienne.

Sauf que l’île peine à suivre. Philenews parle déjà d’« effets secondaires » du conflit : le séjour imprévu de centaines d’Israéliens « a entraîné une augmentation des besoins en sécurité de la part de la police », tout en provoquant une tension forte sur le secteur hôtelier. Certains y voient un bénéfice économique, mais la logistique, elle, craque. Les hôtels sont pleins, les chambres introuvables.

Un premier vol de rapatriement depuis Chypre vers Israël a été organisé mercredi, mais les autorités locales savent déjà qu’il ne suffira pas.

Pendant ce temps, les évacuations se poursuivent pour les visiteurs temporaires. Le programme Birthright Israel, qui propose chaque année des voyages gratuits en Israël à des jeunes juifs du monde entier, a évacué ses participants. Israel Hayom rapporte que 1 500 jeunes ont été embarqués à bord d’un bateau de croisière luxueux à destination de Larnaca, au départ du port d’Ashdod. Le navire a été escorté par la marine israélienne.

Mais tandis que certains partent, d’autres tentent de rentrer – sans succès. Israel Hayom révèle que le gouvernement israélien a interdit aux compagnies aériennes nationales de permettre aux citoyens israéliens de monter à bord des avions affrétés pour rapatrier les Israéliens bloqués à l’étranger. En cause : « les inquiétudes des responsables de la sécurité concernant la surpopulation à l’aéroport Ben-Gourion ».

Une scène qui rappelle le Liban en guerre

L’image de familles fuyant un pays en guerre à bord de yachts n’est pas nouvelle. Israel Hayom rappelle qu’en 2023, lors du conflit entre Israël et le Hezbollah, « des centaines de personnes avaient choisi de quitter le Liban à bord de yachts luxueux à destination de Chypre », pour des tarifs oscillant entre 1 400 et 2 300 dollars.

Aujourd’hui, c’est Israël qui vit cet épisode, renversé par le tumulte d’une guerre régionale. Le ciel est fermé, les routes incertaines, et la mer devient la seule porte de sortie. Une mer qui n’est ni calme, ni réglementée, ni gratuite. Mais une mer qui sauve, parfois.