L’incendie commence à ravager les États de la CEMAC ( Cameroun, Centrafrique, Congo Brazzaville, Guinée Équatoriale, Gabon et Tchad) et la République démocratique du Congo. Les pompiers sont occupés ailleurs, notamment au Sahel.
Les remèdes prodigués, à la fois, par les institutions de Bretton Woods ( FMI et BM), qui peinent à prendre en compte les travers de la mauvaise gouvernance de ces pays et qui continuent de leur accorder imperturbablement des centaines de millions de dollars, et par les institutions onusiennes, qui ne cessent de proclamer leur soutien aux régimes en place voire les protéger comme en Centrafrique, ont fait long feu. La France, qui a d’autres préoccupations en Afrique, a baissé sensiblement son implication pour se reposer sur l’Union africaine, actuellement présidée par Paul Kagame et le Tchadien Moussa Faki Mahamat. Les États de cette région ont désormais l’incendie chez eux tandis que les pyromanes ne sont nullement inquiétés. Le slogan « seuls les africains peuvent résoudre les crises africaines » n’est-il pas destiné à cantonner les bailleurs dans le rôle de payeurs, en leur interdisant d’avoir un droit de regard sur le contrôle et sur les solutions mises en oeuvre ?
Le Gabon ne se remet pas du tripatouillage électoral
L’ancien président de la Commission de l’Union africaine et candidat floué lors de l’élection présidentielle de 2016, Jean Ping est désormais bien seul au niveau international. Les soutiens, affichés ou tacites, à Ali Bongo Ondimba n’ont pu empêcher l’embrasement. Les relations avec le secteur privé français n’ont jamais été aussi tendues tandis que les relations avec les États de la CEMAC sont de moins en moins fraternelles. La crise politique a atteint son point de non retour le 30 avril 2018. La présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mbosantsuo, en poste depuis 27 ans et jusqu’à maintenant liée à la famille Bongo, a été obligée de constater le blocage de la situation. Mise plus en ou moins à l’écart par le pouvoir, elle est dans les filets de Tracfin pour des multiples comptes bancaires trop bien approvisionnés. Elle a donc décidée de dissoudre l’Assemblée nationale qui avait perdue sa légitimité constitutionnelle, suite aux reports successifs des élections législatives, et contraint de ce fait le gouvernement, incapable d’organiser ces élections, à présenter sa démission. Curieusement, le Sénat se voit confier les pouvoirs législatifs intérimaires. Le Gabon se retrouve donc sans gouvernement et sans Assemblée nationale, avec une Cour constitutionnelle qui se réveille. Le président Bongo va-t-il profiter de cette situation, en organisant ce scénario qui l’arrange plutôt ?
Le Cameroun s’embrase au nord, à l’ouest et à l’est
Le président Paul Biya (85 ans et 36 ans de présidence) est confronté à de multiples foyers d’incendie qui menacent de ranimer les cendres des précédents drames du pays. L’Extrême Nord est en état de siège. Boko Haram en est la cause mais les populations musulmanes locales que sont les Haoussa, les Foulbe et les Peulh, en sont les principales victimes. Les deux régions de l’ouest anglophone sont dans une crise identitaire profonde qui prend de plus en plus la forme d’une guerre civile avec ses nombreuses victimes, de part et d’autre. La région de l’est subit les dégâts collatéraux de la crise centrafricaine et sombre dans l’insécurité. Face à ces foyers d’incendie, Paul Biya peut-il encore gouverner à distance et repartir pour un nouveau septennat en octobre 2018 ?
Le Tchad est la question présidentielle
Le meilleur allié de la France au Sahel est déstabilisé par les conflits ouverts et contagieux au Soudan, au Soudan du sud, en Libye, en Centrafrique et par la secte Boko Haram. Au pouvoir depuis 27 ans, Idriss Deby Itno doit faire face à une crise sociale sans précédent et à des difficultés financières, trop rapidement mises sur le compte de la crise pétrolière. Devant tous ces dangers, le président du Tchad a fait fi des dénonciations de l’opposition et a décidé de toucher à la Constitution pour instaurer un régime présidentiel intégral sans premier ministre. Avec cette IV ème république, qui instaure un nouveau mandat présidentiel, Idriss Deby Itno pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2033. Mais ne risque-t-il pas de rejoindre ses prédécesseurs, obligés de quitter brutalement le pouvoir, comme François Tombalbaye, Felix Malloum, Goukouny Ouddeï et Hissène Habre ?
Le Centrafrique en voie d’implosion
On pouvait croire que l’élection de l’universitaire, à la bonne réputation, Faustin Archange Touadera aurait pu remettre le Centrafrique dans le droit chemin. Pratiquant le népotisme et le clientélisme à grande échelle, le président Touadera a échoué. L’État centrafricain n’existe plus, sauf pour la communauté internationale qui a fait de ce pays l’un des plus aidés au monde sans pour autant sauver la population du désastre. Le pays est en déshérence et commence à nourrir les conflits dans la région. Le président Obiang Nguema Mbasogo de Guinée équatoriale l’a appris à ses dépens, le président Paul Biya déplore chaque jour les infiltrations criminelles sur la frontière orientale, Joseph Kabila voit les rebelles de son régime y constituer des sanctuaires, Ali Bongo Ondimba accepte difficilement les accusations portées contre ses militaires de la Minusca et Idriss Deby Itno ne supporte plus les accusations et la mauvaise foi centrafricaines ce qui l’a conduit à déplacer le siège de la CEMAC à Malabo. Seul Denis Sassou Nguesso conserve de bonnes relations avec Bangui, à condition toutefois que ses protégés ne soient plus inquiétés par le cercle présidentiel. Combien de temps Faustin Archange Touadera pourra-t-il tenir sans se séparer de son clan qui entraîne sa chute ? Un avertissement lui a été donné le 1er Mai 2018.
Le Congo en quasi banqueroute
La gestion familiale du président Denis Sassou Nguesso et la chute des recettes pétrolières ont mis le Congo en soins palliatifs du FMI. Les difficultés pour connaître réellement la dette souveraine, estimée à 110% du PIB, et les habituels maquillages des comptes publics n’ont pas empêché le FMI et la France d’apporter quelques centaines millions de dollars. Le Congo devra apporter des réformes drastiques et restructurer sa dette notamment avec les concours de la Chine et des majors du négoce que sont Glencore et Trafigura. En dehors de cette quasi faillite financière, Denis Sassou Nguesso (75 ans et 33 ans de présidence) essaie de mettre un terme aux problèmes du Pool mais comme le révèlent les « Paradise Papers », toutes les révélations fort compromettantes de détournements de deniers publics, de corruprion sont autant de barils de poudre prêts à exploser. Fin politique, Denis Sassou Nguesso le sait bien aussi a-t-il récemment repris en main personnellement le système sécuritaire et l’armée nationale. Au Congo, l’inquiétude monte.
La RDC suspendue à des élections qui auraient dû avoir lieu en 2016
La République Démocratique du Congo (RDC), territoire immense de quatre fois la France avec une façade maritime de 50 km, est un monstre sans tête. La RDC est entourée par neuf Etats. Pratiquement jamais administrée, avec quatre langues nationales, appartenant à la fois à la Francophonie et à l’Afrique des grands Lacs plutôt anglophone, la République Démocratique du Congo est l’exemple type d’un pays sans État. Les élections attendues depuis 2016 auront-elles enfin lieu ? Mettront-elles fin à là mauvaise gouvernance et aux innombrables rébellions qui irradient la sous-région ?
Un embrasement de l’un de ces Etats d’Afrique centrale pourrait difficilement être circonscrit et une propagation à d’autres États ne serait pas à exclure. Pendant ce temps là, beaucoup de chancelleries occidentales et l’Onu chantent « Tout va très bien madame la Marquise… » On connaît la suite….