Fâché avec ses homologues Macky Sall et Umaro Umbalo Sissoco Embalo, à qui il reproche d’accueillir ses opposants peuls, le président guinéen Alpha Condé a fermé ses frontières avec le Sénégal et la Guinée Bissau.
Depuis le mois de septembre 2020, des milliers de familles guinéennes, qui vivent du commerce transfrontalier avec le Sénégal et la Guinée-Bissau, ne savent plus à quel saint se vouer. Sur une simple saute d’humeur, Alpha Condé a d’abord décidé de fermer la frontière entre la Guinée et le Sénégal. Il tenait alors à manifester son mécontentement au président Macky Sall sur sa bienveillance supposée envers l’opposition guinéenne.
En réalité, le Sénégal a historiquement été le lieu de repli de la communauté peule de Guinée qui tentait d’échapper dans les années 1970 à la répression du premier président guinéen Ahmed Sekou Touré.
Le Sénégal, base arrière
Bien plus tard, l’Union forces démocratiques de Guinée (UFDG) du chef de file de l’opposition guinéenne Cellou Dalein Diallo a pu recruter de très nombreux militants au Sénégal où le parti dispose de sa section la plus active en dehors du territoire national.
Selon plusieurs sources, Cellou Dalein Diallo, ancien Premier ministre et ancien ministre dans de nombreux gouvernements, a effectué d’importants investissements au Sénégal où il a ses habitudes et ses entrées dans les premiers cercles du pouvoir, y compris dans l’entourage de Macky Sall. Le hasard de la vie a fait par ailleurs que le président sénégalais Macky Sall est issu de la communauté peule tout comme Cellou Dalein.
Alpha Condé y a vu des relations de connivence entre le Sénégal et son opposition, surtout la composante peule. Il a surtout vu des risques réels de déstabilisation de son pouvoir par « une connexion peule » sous-régionale qui passe également par la Guinée-Bissau où, autre hasard de la vie, le président Umaro Sissoco Embalo est également issu de la communauté peule.
Dans sa volonté d’éviter un « encerclement peul » de son pouvoir, Alpha a donc fermé les frontières communes avec le Sénégal et la Guinée-Bissau, jetant dans la pauvreté des centaines de milliers de Guinéens, notamment les producteurs agricoles qui vivent des exportations des produits maraîchers vers le Sénégal.
Au nom de la »Sécurité Nationale »
L’argument de « la sécurité nationale » invoquée à Conakry pour justifier la fermeture de la frontière avec le Sénégal et la Guinée-Bissau n’a convaincu personne. Si tel avait été, rétorque-t-on dans la capitale guinéenne, pourquoi la frontière longue de plus de 800 km avec le Mali d’où partent les attaques terroristes dans la sous-région jamais été fermée. Les Guinéens sont d’autant moins convaincus par les raisons de sécurité nationale que la frontière avec la Côte d’Ivoire, autre voisin de la Guinée déjà attaqué plusieurs fois par les groupes terroristes, n’a jamais été fermée elle non plus.
Après une longue période de silence, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est résolue à interpeller le président guinéen sur sa décision de fermer les frontières de son pays avec ses voisins sénégalais et bissau-guinéen. En effet, le Protocole constitutif de la CEDEAO signé par la Guinée garantit la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace communautaire. Ce que la Commission de la CEDEAO basée à Abuja a rappelé au chef de l’Etat guinéen qui a accueilli par le mépris cette injonction.
Nombreux sont désormais en Guinée ceux qui redoutent que cette longue fermeture des frontières n’appauvrisse considérablement les populations frontalières et prépare un terreau favorable au recrutement des jeunes par les groupes terroristes qui sont déjà aux portes du Golfe de Guinée, après avoir écumé le Sahel.