C’est boulevard Charles Helou, à proximité du port de Beyrouth, que la parade civile marquant le 78e anniversaire de l’Indépendance s’est déroulée ce 22 novembre, sous le thème « Peuple, armée, justice ».
Un article du site « Ici Beyrouth » qui vient d’être créé au Liban.
À l’initiative de ACT (Achieve, Change, Today), un rassemblement issu du mouvement de contestation du 17 Octobre, quelque 50 bataillons ont défilé tour à tour, dans une réédition plus timide du même événement organisé deux ans plus tôt, place des Martyrs, dans le cadre de la thaoura. La crise économique qui sévit dans le pays a sans aucun doute eu raison de la mobilisation populaire. La lassitude aussi.
Munis du drapeau libanais, les civils ont commencé à affluer dès lundi à l’heure du déjeuner par petits groupes sur les lieux de l’événement où une esplanade a été érigée pour l’occasion. Au loin, un petit groupe brandissant le portrait d’Élias Khoury, jeune élève tué dans la double explosion survenue au port le 4 août 2020, observe la scène.
En deuil, les familles des victimes du port ont décidé de ne pas prendre part à la parade. Elles ont délégué à la place un groupe d’activistes et d’hommes religieux, mené par le père Hani Tawk. S’adressant aux hommes politiques, le père Agapios Kfoury, qui fait partie du bataillon des proches des victimes et martyrs affirme que l’un des acquis de la Révolution de 2019 est qu’aujourd’hui « aucun responsable n’ose se rendre sur la place, tous suivent la parade sur leur écran TV ». « Nous nous sommes réappropriés la fête de l’Indépendance », ajoute-t-il à notre collègue Sandra Noujeim.
« Les familles des victimes ressentent une immense frustration », confie Lara Kfoury, dont la sœur blessée dans l’explosion du 4 août a perdu la vue.
« Les blessés refusent de baisser les bras, explique la souer d’une femme blessée lors de l’explosion du port. Ils veulent nous faire taire. Mais nous ne le ferons pas. »Foulard en laine aux couleurs du drapeau libanais noué autour du cou, Abdel Rahman Mohammad, peintre impressionniste et coordinateur du bataillon du Liban-Nord et du Akkar, souligne que « la dignité » est tout ce qui reste de la thaoura. S’insurgeant contre les personnes qui rechignent encore à descendre dans la rue alors qu’elles se sont appauvries, il lance : « Cette fête de l’Indépendance n’en est pas une. La vraie indépendance c’est lorsque le Liban ne sera plus occupé par aucune milice, communauté ou organisation. La vraie indépendance c’est lorsque tous les Libanais retournent à leur libanité et déclarent leur appartenance à la nation et non à leur communauté. »