- Mondafrique https://mondafrique.com/international/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Sat, 10 May 2025 20:13:51 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/international/ 32 32 Le Pape Léon XIV célèbre sa première messe https://mondafrique.com/limage-du-jour/le-pape-leon-xiv-celere-sa-premiere-messe/ https://mondafrique.com/limage-du-jour/le-pape-leon-xiv-celere-sa-premiere-messe/#respond Fri, 09 May 2025 08:27:28 +0000 https://mondafrique.com/?p=133064 L’Américain Robert Francis Prevost, devenu jeudi à 69 ans le premier pape américain de l’histoire sous le nom de Léon XIV, célèbre vendredi une messe dans la chapelle Sixtine avant une série de rendez-vous lors desquels ses paroles et ses gestes seront scrutés. À 11H00 (09H00 GMT), ce pasteur augustinien féru d’histoire chrétienne et de […]

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L’Américain Robert Francis Prevost, devenu jeudi à 69 ans le premier pape américain de l’histoire sous le nom de Léon XIV, célèbre vendredi une messe dans la chapelle Sixtine avant une série de rendez-vous lors desquels ses paroles et ses gestes seront scrutés.

À 11H00 (09H00 GMT), ce pasteur augustinien féru d’histoire chrétienne et de mathématiques célébrera une messe privée avec les cardinaux, retransmise par les médias du Vatican, au cours de laquelle il prononcera sa première homélie en tant que pape, très attendue.

Lors de sa première apparition jeudi soir devant une foule en liesse place Saint-Pierre, Léon XIV s’est adressé aux plus de 1,4 milliard de catholiques : « Que la paix soit avec vous tous ! », ont été ses premiers mots, dans un italien teinté d’accent américain. « Merci au pape François », décédé le 21 avril à 88 ans, a-t-il aussi lancé, très ému, remerciant ses collègues cardinaux de l’avoir élu.

Fidèles et touristes ont salué avec un tonnerre d’applaudissements son apparition sur le balcon de la basilique Saint-Pierre tandis que les cloches sonnaient à toute volée, un peu plus d’une heure après que la fumée blanche fut sortie de la cheminée installée sur le toit de la chapelle Sixtine.

Du Liban à l’Espagne en passant par l’Italie, l’UE ou Israël, les réactions internationales se sont multipliées dès l’annonce de son élection.

Donald Trump a félicité le nouveau pape, parlant d’un « grand honneur » pour les États-Unis, tandis que le président français Emmanuel Macron a plaidé pour que le « nouveau pontificat soit porteur de paix et d’espérance ».

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit espérer que le Vatican continuera à soutenir « moralement et spirituellement » Kiev, et Vladimir Poutine s’est dit certain qu’une coopération constructive se poursuivra entre la Russie et le Vatican.

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Notre enquête sur un monde sunnite déboussolé et divisé https://mondafrique.com/moyen-orient/proche-orient-notre-enquete-sur-un-monde-sunnite-deboussole-et-divise/ https://mondafrique.com/moyen-orient/proche-orient-notre-enquete-sur-un-monde-sunnite-deboussole-et-divise/#respond Fri, 09 May 2025 07:17:02 +0000 https://mondafrique.com/?p=132813 Du Golfe au Levant, le monde sunnite vacille entre autoritarismes épuisés, illusions technocratiques et désillusions populaires. Tandis que la Syrie stagne dans la fragmentation post-dictatoriale, le Liban tente, à contre-courant, une refondation républicaine fondée sur le droit, la méthode et la sobriété politique. Une enquète de la rédaction de Mondafrique La plupart des pays du […]

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Du Golfe au Levant, le monde sunnite vacille entre autoritarismes épuisés, illusions technocratiques et désillusions populaires. Tandis que la Syrie stagne dans la fragmentation post-dictatoriale, le Liban tente, à contre-courant, une refondation républicaine fondée sur le droit, la méthode et la sobriété politique.

Une enquète de la rédaction de Mondafrique

La plupart des pays du Proche-Orient et de l’Asie centrale sont de rite sunnite, avec parfois quelques petites communautés chiites. Cinq pays arabes ont une partie importante de leur population qui se rattache au rite chiite: l’Irak, le Bahreïn, le Liban, Oman, le Yémen et la Syrie.

Le monde sunnite en panne de modèle et de leadership

Le monde sunnite traverse une crise silencieuse mais profonde. Longtemps dominé par de grandes puissances régionales aux récits bien établis — monarchie théocratique en Arabie saoudite, islamisme électoral en Turquie, nationalisme militaire en Égypte — il se trouve aujourd’hui orphelin de toute vision collective. Les discours fondateurs se sont effondrés, les coalitions se sont disloquées, et les peuples, désabusés, oscillent entre émigration, révolte épisodique ou repli religieux. Le tumulte des années 2010 — printemps arabes, guerres civiles, interventions étrangères — a laissé place à un silence oppressant, celui d’un monde dirigé par des régimes autoritaires fragiles, usés ou en surrégime.

L’exception libanaise dans un monde figé

Grande roue du Luna Park et la route de la corniche de Beyrouth la nuit, Rue du General De Gaulle, Manara, Ras Beyrouth, Beyrouth, Liban

Les élites dirigeantes, confrontées à des urgences économiques, sociales et sécuritaires, ont largement misé sur la centralisation absolue du pouvoir, le recours à la répression, et la séduction par le prestige technologique ou architectural. Mais cette logique d’apparence masque un vide de sens. Le monde sunnite, du Golfe au Levant, peine à se penser comme un espace politique cohérent. Les États n’interagissent plus que dans une logique de méfiance mutuelle, de compétition régionale, d’alliances opportunistes.

Plus grave encore, aucune alternative institutionnelle sérieuse ne semble émerger pour répondre aux défis structurels : jeunesse marginalisée, économie dépendante des rentes, effondrement des systèmes éducatifs et sanitaires, polarisation religieuse exacerbée.

Dans ce paysage décomposé, un cas fait exception, le Liban, où une nouvelle configuration institutionnelle — articulée autour du président Joseph Aoun et du Premier ministre Nawaf Salam — esquisse une voie de reconstruction souverainiste et républicaine. Ces deux trajectoires, opposées mais révélatrices, pourraient à terme reconfigurer le champ politique régional.

Cet article propose une traversée critique du monde sunnite en crise, avant de s’attarder sur ces deux cas emblématiques que sont la Syrie et le Liban : l’un pour ce qu’il révèle d’un régime post-dictatorial sans direction, l’autre pour ce qu’il incarne comme possible sursaut politique dans un Proche-Orient saturé de renoncements.

L’Arabie saoudite : mégaprojet, microvision

 

Le royaume saoudien incarne à lui seul les paradoxes du monde sunnite contemporain. Sous l’impulsion de Mohammed ben Salmane (MBS), l’Arabie saoudite a opéré une transformation rapide et spectaculaire, à la croisée du capitalisme autoritaire, du culte de la personnalité et d’un techno-futurisme débridé. En quelques années, le jeune prince héritier a concentré l’ensemble des leviers de pouvoir, neutralisé ses rivaux internes et verrouillé tout espace de débat. Sa vision de la modernisation repose sur un postulat simple : un peuple obéissant, une élite réduite au silence, un État ultra-centralisé, et une vitrine internationale fondée sur l’événementiel grandiose et l’innovation hors-sol.

Le projet Neom, mégapole futuriste censée incarner la « nouvelle Arabie », incarne cette dérive. Conçue comme une ville intelligente, écologique et robotisée, elle est aussi un territoire arraché aux tribus, un désert transformé en laboratoire déshumanisé. Son ambition — créer ex nihilo un espace de vie de 500 milliards de dollars — en dit long sur la déconnexion entre la gouvernance saoudienne et les réalités sociales du royaume, où le chômage des jeunes, les inégalités de genre et la dépendance aux hydrocarbures restent endémiques.

L’équilibrisme économique

Sur le plan diplomatique, MBS adopte une posture d’équilibriste. Proche des États-Unis mais en froid avec l’administration Biden, il multiplie les gestes vers la Chine et la Russie. La réconciliation surprise avec l’Iran — scellée à Pékin — a stupéfié les observateurs : comment un prince ayant comparé l’Iran à Hitler peut-il désormais dialoguer avec ses dirigeants en invoquant la stabilité régionale ? La réponse tient dans une logique purement stratégique : sécuriser ses frontières, protéger ses infrastructures énergétiques des attaques houthies, et surtout garantir la stabilité de son propre pouvoir dans un Golfe en recomposition.

Les dépenses militaires saoudiennes, colossales, traduisent cette obsession sécuritaire. En moins de deux ans, Riyad a commandé plus de 350 avions, dont une majorité d’Airbus, tout en investissant dans des programmes de drones, de cybersécurité et de satellites. Ce réarmement massif est salué par les capitales occidentales, qui y voient une manne financière, quitte à sacrifier la question des droits humains sur l’autel de la Realpolitik.

Mais ce modèle d’État-mirage pose une question essentielle : que restera-t-il de cette modernisation si elle n’est pas accompagnée d’un processus de participation politique, d’institutionnalisation durable, d’appropriation populaire ? Le « néo-wahhabisme » d’apparat promu par MBS — tolérance culturelle mais zéro liberté politique — est un pari risqué : il peut séduire à court terme, mais pourrait bien, à moyen terme, provoquer une crise de légitimité interne. D’autant plus que la société saoudienne, sous ses dehors disciplinés, est traversée par des tensions silencieuses, que la brutalité du régime ne pourra éternellement contenir.

Turquie et Égypte : nationalismes fossilisés et autoritarismes symétriques

Si l’Arabie saoudite incarne le modèle d’un despotisme modernisateur fondé sur l’argent et l’image, la Turquie et l’Égypte illustrent quant à elles une forme d’autoritarisme plus classique, enraciné dans la mythologie nationale et la verticalité militaire. Mais derrière des façades opposées — islam politique d’un côté, laïcisme militaire de l’autre — ces deux États partagent des logiques de pouvoir similaires : personnalisation extrême, répression des contre-pouvoirs, instrumentalisation de la religion, et effondrement du débat public.

En Turquie, Recep Tayyip Erdogan règne depuis plus de deux décennies sur un pays profondément transformé. De leader islamo-conservateur élu à figure néo-sultanique, son évolution a suivi une pente autoritaire constante. Révisions constitutionnelles successives, purge massive de la fonction publique après le putsch avorté de 2016, mainmise sur les médias et la justice : le président turc a bâti un régime hyperprésidentialisé où toute dissidence est assimilée à une trahison. Son palais à Ankara, symbole d’un pouvoir monarchisé, traduit cette volonté de mise en scène permanente de l’autorité.

Le paradoxe turc tient dans la capacité d’Erdogan à conjuguer autoritarisme interne et ambition géopolitique. Il se rêve en arbitre des conflits du monde musulman, intervenant en Syrie, en Libye, dans le Caucase, tout en menant une politique active dans les Balkans et en Afrique. Cette hyperactivité diplomatique, nourrie d’un néo-ottomanisme assumé, masque toutefois une réalité intérieure préoccupante : inflation galopante, dévaluation de la livre turque, polarisation politique extrême, exode des élites.

En Égypte, Abdel Fattah al-Sissi incarne un autre visage du pouvoir autoritaire : celui du maréchal-président, issu de l’armée, arrivé au pouvoir par la force après l’éviction de Mohamed Morsi. Depuis 2013, l’Égypte vit sous un régime sécuritaire implacable : des dizaines de milliers de prisonniers politiques, une répression systématique des ONG, des médias sous contrôle total. Le discours du régime repose sur un double récit : sauver l’État de la menace islamiste, et restaurer la grandeur perdue de l’Égypte antique et nassérienne.

Mais derrière les slogans, le pays s’enfonce dans une crise économique grave. Les projets pharaoniques – comme la nouvelle capitale administrative dans le désert ou la mosquée géante de l’armée – sont financés par une dette croissante, tandis que l’inflation appauvrit les classes moyennes et que le FMI impose des mesures d’austérité. La population, privée d’espace de contestation, subit une double peine : l’absence de libertés et un appauvrissement structurel.

Dans ces deux pays, les élections sont devenues des rituels sans enjeu. Le Parlement est une chambre d’enregistrement, les partis d’opposition sont soit interdits, soit cooptés, soit neutralisés. L’État se confond avec le chef, et la nation avec sa survie politique. Cette confusion entre légitimité et pouvoir personnel empêche toute forme de régénération politique. L’avenir y est à la fois bouché et sous surveillance.

La Turquie et l’Égypte, autrefois moteurs du monde sunnite, sont devenues des puissances à la dérive, qui inspirent plus de crainte que d’adhésion. Elles illustrent l’impasse de l’autoritarisme néo-national, incapable de répondre aux aspirations d’émancipation, de justice sociale et de représentation politique qui animent encore les jeunesses arabes et musulmanes. Leur paralysie institutionnelle est à l’image du système qu’elles incarnent : centralisé, rigide, épuisé.

Monarchies du Golfe : rivalités froides dans un désert brûlant

À la différence des régimes à socle démographique dense comme l’Égypte ou la Turquie, les monarchies du Golfe cultivent une autre forme d’autorité : celle d’un pouvoir stable car concentré, d’une richesse qui autorise la prévoyance, et d’une influence diplomatique souvent disproportionnée à leur taille. Mais derrière cette façade de stabilité se dissimule une compétition féroce entre pôles sunnites rivaux, au premier rang desquels les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite.

Longtemps considérés comme partenaires stratégiques, les Émirats et l’Arabie saoudite sont aujourd’hui engagés dans une rivalité de plus en plus manifeste, marquée par des différenciations dans leurs alliances, leurs ambitions économiques, leurs choix géopolitiques. Si Riyad revendique le leadership religieux et symbolique du monde sunnite, Abou Dhabi entend incarner une puissance post-islamique, tournée vers la technologie, la finance, la diplomatie culturelle.

Les Émirats ont fait de leur relative discrétion démographique un levier stratégique. En accueillant capitaux russes et iraniens, en servant de hub financier aux oligarques en fuite comme aux sociétés occidentales, en investissant massivement dans les universités, la cybersécurité ou les musées, ils ont transformé leur espace en plateforme d’influence globale. Dubaï est devenue une vitrine de la mondialisation capitaliste sans démocratie, un Singapour du désert.

Mais cette réussite est aussi le fruit d’un calcul géopolitique redoutable, celui de jouer sur tous les tableaux. Les Émirats entretiennent des relations cordiales avec Israël – notamment dans le cadre des Accords d’Abraham – tout en restant un point de passage officieux pour des fonds iraniens. En Afrique, leur politique est encore plus ambivalente, le soutien au général Hemedti au Soudan, alors que Riyad appuie le général al-Burhane ; implication dans la guerre au Yémen, mais avec une autonomie grandissante vis-à-vis de la coalition saoudienne. Cette « diplomatie tous azimuts » inquiète autant qu’elle fascine puisqu’elle repose sur une absence de scrupules idéologiques, mais aussi sur une maîtrise technocratique du risque.

Riyad, de son côté, supporte de moins en moins cette concurrence. Le projet Vision 2030 porté par Mohammed Ben Salmane veut repositionner l’Arabie saoudite comme le centre économique et diplomatique du monde arabe. Cela passe par une politique de relocalisation agressive. Les grandes entreprises doivent déplacer leur siège régional à Riyad sous peine de sanctions. Mais la capitale saoudienne reste perçue comme rigide, conservatrice, bureaucratique, loin du cosmopolitisme de Dubaï ou d’Abou Dhabi.

Les autres monarchies du Golfe, comme le Koweït, Bahreïn ou Oman, tentent de se maintenir à l’écart de cette rivalité, mais en subissent les effets collatéraux. Quant au Qatar, toujours marginalisé par certains de ses voisins depuis la crise de 2017, il joue sa propre partition : soft power sportif, médiatique et humanitaire, en s’appuyant sur Al Jazeera, la Coupe du monde, ou ses liens avec les Frères musulmans. Si la crise du Golfe semble apaisée sur la forme, elle n’a jamais disparu sur le fond : elle révèle un monde sunnite incapable d’unifier ses priorités, où chaque capitale poursuit sa logique d’influence propre — quitte à fragiliser l’ensemble.

La guerre du Soudan illustre cette fragmentation. Ce n’est plus un affrontement local, c’est un théâtre d’opposition entre Riyad et Abou Dhabi, entre visions concurrentes de l’ordre régional. Et c’est toute la logique du leadership sunnite qui vacille ; aucune capitale ne parvient à proposer une direction commune, une architecture sécuritaire partagée, un projet économique inclusif. Le Conseil de coopération du Golfe, censé être un pôle d’unité, est aujourd’hui réduit à une coquille formelle.

Dans cet éclatement du monde sunnite, la rivalité entre les Émirats et l’Arabie saoudite joue le rôle d’accélérateur. Elle oppose deux modèles d’autoritarisme sophistiqué : l’un techno-médiatique, l’autre mégalomaniaque. Mais ni l’un ni l’autre ne propose une véritable vision politique. Il n’y a plus de récit collectif : seulement des stratégies de pouvoir.

Palestine et Jordanie : entre blocage politique et épuisement stratégique

Au cœur du monde sunnite, la cause palestinienne est devenue l’un des révélateurs les plus amers de la déliquescence du leadership arabe. Jadis point de ralliement des peuples et des régimes, elle est aujourd’hui abandonnée, instrumentalisée ou ignorée, selon les intérêts du moment. Entre un Hamas radicalisé et militarisé dans la bande de Gaza, et une Autorité palestinienne bureaucratisée et corrompue en Cisjordanie, les Palestiniens sont doublement otages : d’un occupant sans scrupule et de représentants sans légitimité.

La division institutionnelle entre Gaza et Ramallah n’est plus simplement un clivage politique : c’est une rupture existentielle. Elle empêche toute stratégie commune, toute réponse unifiée aux offensives israéliennes, toute réactivation diplomatique. Le Hamas, issu des Frères musulmans, a vu son isolement s’aggraver après la normalisation des relations israélo-arabes — à commencer par les Émirats et Bahreïn. Son discours de résistance est largement vidé de substance, tant il repose sur la gestion autoritaire d’un territoire assiégé, où les civils paient le prix des calculs géopolitiques. L’Autorité palestinienne, quant à elle, se maintient grâce aux subsides internationaux, mais sans aucune base populaire. Mahmoud Abbas incarne une ère révolue, et aucune relève crédible ne semble émerger.

Israël, lucide sur cette fragmentation, en tire tous les bénéfices. Il instrumentalise la division pour justifier ses offensives, saboter les négociations, et avancer dans l’annexion de facto de la Cisjordanie. Les gouvernements successifs — de droite radicale ou d’extrême droite religieuse — ont acté la mort du processus de paix et banalisé la violence d’État. Dans ce contexte, les pays arabes ont choisi, pour la plupart, la stratégie de l’évitement : quelques condamnations rituelles, une aide humanitaire ponctuelle, mais aucun engagement diplomatique structurant.

La Jordanie, pourtant historiquement liée à la question palestinienne, est elle-même en situation de fragilité structurelle. Le royaume hachémite, confronté à une majorité démographique palestinienne, une crise économique chronique, une dépendance stratégique vis-à-vis d’Israël (pour l’eau) et des États-Unis (pour l’aide), tente de maintenir une neutralité tendue. L’interdiction des Frères musulmans — longtemps colonne vertébrale de l’opposition — a affaibli encore davantage le pluralisme politique. Le roi Abdallah II incarne une monarchie sous perfusion, contrainte d’équilibrer les revendications populaires, la pression régionale et la survie de ses propres institutions.

Les manifestations pro-palestiniennes y sont étroitement surveillées, les critiques contre la normalisation étouffées, et les réformes politiques limitées à des ajustements cosmétiques. La Jordanie ne joue plus un rôle actif dans la région : elle se contente de survivre. Ce repli, compréhensible mais préoccupant, renforce l’idée que les régimes arabes ont renoncé à la question palestinienne, voire à toute ambition collective.

Et pourtant, la rue arabe, elle, ne désarme pas. En Égypte, en Tunisie, en Jordanie, au Liban, les manifestations de soutien à Gaza en témoignent. Mais elles sont sans relais, sans traduction politique, sans débouché diplomatique. La fracture entre régimes et peuples est totale. La cause palestinienne reste un marqueur d’identité collective, mais elle ne structure plus l’action des États. Ce décalage entre émotion populaire et indifférence gouvernementale est devenu l’un des traits constitutifs de l’ordre arabe contemporain.

Syrie : faux départ, vraies fragmentations

Quatorze ans après le soulèvement de 2011, la Syrie ne s’est pas relevée : elle s’est transformée. À la figure glacée du despotisme baassiste incarnée par Bachar al-Assad succède aujourd’hui une autorité plus trouble, plus ambiguë, mais tout aussi problématique : celle d’un pouvoir post-dictatorial sans cap, incarné par Ahmad Al Charaa, ancien cadre islamiste passé par les marges du djihadisme, aujourd’hui converti au langage policé des conférences internationales. Cette transition de façade ne trompe personne. Le système de violence et de fragmentation territoriale reste intact, les lignes de fracture confessionnelles plus vives que jamais, et le processus de réconciliation, inexistant.

La Syrie actuelle est une mosaïque d’illusions contradictoires. Un État nominalement unifié mais en réalité éclaté entre zones d’influence russe, turque, iranienne et kurde ; gouvernement central affaibli mais toujours répressif ; population exsangue, fragmentée, méfiante. Dans ce décor post-apocalyptique, les apparences de normalité sont des simulacres. Des ministres pour signer des protocoles, des ambassadeurs pour occuper des sièges vides, et des discours de reconstruction démentis par les ruines omniprésentes.

Le pouvoir de Charaa cherche aujourd’hui à obtenir la levée des sanctions occidentales et à relancer l’aide internationale. Pour cela, il tente de se présenter comme une figure de stabilisation. Mais cette stratégie repose sur une hypocrisie fondamentale qui fait l’impasse sur la justice transitionnelle, nie la mémoire des massacres commis par le régime précédent, et refuse toute inclusion réelle des minorités, en particulier alaouite et druze, désormais perçues comme suspects potentiels.

L’épisode récent des violences visant la communauté druze dans les universités d’Alep et de Homs est emblématique de cette dérive. À l’origine, un enregistrement truqué attribué à un cheikh druze insultant le Prophète. Résultat : appels au massacre, lynchages, et silence radio des autorités. Ce silence est plus qu’un aveu : c’est une stratégie. Laisser monter la haine confessionnelle pour canaliser la peur, contrôler la rue, et réinstaurer l’ordre par le chaos. Le pouvoir joue ici une carte dangereuse, celle du « laissez-faire confessionnel », où chaque communauté devient à la fois bouc émissaire et ligne rouge.

Dans ce contexte, l’intervention israélienne se veut protectrice des Druzes — mais elle aggrave encore la perception d’une collusion, renforçant l’idée d’un “Druze agent d’Israël”, et donc traître. Le piège se referme. Ceux qui se sentent menacés par le régime le sont aussi par ses ennemis. La politique de la peur remplace toute architecture de paix.

Autre signe de fragmentation inquiétante : l’annonce par Rami Makhlouf, cousin de l’ex-président, de la création d’une milice exclusivement alaouite. Ce geste, loin d’être marginal, révèle la nature du système en place : incapable de créer des institutions transversales, il se replie sur des logiques communautaires armées. La Syrie devient ainsi un archipel de milices, où chaque région, chaque clan, chaque confession tente d’assurer sa survie à défaut d’un avenir.

Le déni du pouvoir syrien

Or le pouvoir politique refuse de nommer les tensions, encore moins de les apaiser. Le récent appel du mufti à l’apaisement — tardif, formel, isolé — n’a pas empêché les affrontements de se poursuivre dans la région de Sweida. La Syrie n’est plus un État failli : c’est un État fragmenté, où l’État lui-même est un acteur parmi d’autres, sans capacité de régulation ni horizon de légitimité.

L’internationalisation du conflit, déjà ancienne, prend aujourd’hui de nouvelles formes. La Turquie continue d’imposer ses intérêts dans le nord syrien, en y administrant des zones entières. Israël multiplie les frappes ciblées sur des positions iraniennes ou pro-iraniennes. La Russie maintient sa présence militaire, mais sans engagement politique réel. Quant aux puissances arabes, elles oscillent entre normalisation opportuniste et indifférence stratégique. Personne ne croit plus à une solution politique : chacun gère son périmètre.

Le régime, quant à lui, ne propose rien. Il ne réforme pas, ne dialogue pas, ne reconstruit pas. Il gère l’effondrement comme une routine, comme si la survie suffisait à justifier son existence. Il laisse les exils se multiplier, les minorités s’alarmer, les confessions s’armer. Et dans cet apparent calme administratif, se rejoue la tragédie d’un pays réduit à sa peur.

Liban : l’hypothèse républicaine 

Tandis que la Syrie illustre le naufrage d’un État sans cap, le Liban explore, à contre-courant, une voie républicaine ténue mais structurée.
Dans un monde arabe saturé d’autoritarismes pétrifiés, de régimes de survie et d’utopies devenues poussière, une voix ténue s’élève depuis le Liban. Malgré l’effondrement bancaire, l’explosion du port de Beyrouth et une paralysie institutionnelle chronique, deux figures incarnent un possible sursaut politique : Joseph Aoun, président méthodique issu de l’armée, et Nawaf Salam, Premier ministre juriste et diplomate de carrière. Ensemble, ils esquissent une alternative inédite au sein du monde sunnite, un État fondé non sur la force ou la rente, mais sur la souveraineté juridique, le réformisme patient, et la foi dans les institutions.

Joseph Aoun n’est pas un homme providentiel, sa présidence repose sur la restauration progressive de l’autorité étatique. Neutralité, discipline, refus de l’affrontement frontal, il incarne une stratégie d’institutionnalisation silencieuse. Il place l’armée au centre de son projet, relance les administrations indépendantes, milite pour l’application de la résolution 1701 — désarmement implicite du Hezbollah — sans provoquer de rupture brutale. Nawaf Salam, ancien juge à la Cour internationale de Justice, complète ce dispositif par son autorité morale. Son gouvernement de technocrates tranche avec les coalitions confessionnelles habituelles. Son discours est sobre : désarmement, justice, réforme. Mais son action est freinée par un Parlement dominé par les clientélismes et les jeux d’obstruction. Sans majorité, sans milice, Salam s’appuie sur sa crédibilité et des relais diplomatiques. Leur stratégie commune est celle du contournement. Coopération avec les ONG, renforcement des relations bilatérales, recours aux audits et à l’expertise internationale. Réformer sans rompre, agir sans provoquer. Dans un Liban épuisé, ce réalisme modéré est déjà une forme de courage politique.

Le Hezbollah reste le facteur d’équilibre le plus sensible. Acteur central de l’État sans jamais s’y fondre pleinement, il ne peut ignorer la dynamique actuelle — ni l’empêcher totalement. Naim Kassem, secrétaire général, adopte un ton plus technocratique. Le lexique de la « résistance » s’enrichit de mots comme stabilité et développement. Mais les fondamentaux demeurent comme le refus du désarmement, le maintien d’un appareil militaire autonome, la défense d’une doctrine régionale de dissuasion. Face à l’émergence progressive d’un État crédible, le Hezbollah joue la retenue stratégique, il accepte certaines réformes sans en devenir partie prenante. Le pari du tandem présidentiel est clair : rendre cette exception de plus en plus coûteuse, symboliquement et politiquement.

La Chambre des députés, dominée par une mosaïque de blocs confessionnels, constitue l’obstacle institutionnel majeur. Réformes judiciaires, audits, modernisation de l’administration, tout y est ralenti, redéfini, neutralisé. Le Parlement joue le rôle paradoxal d’un gardien de la légalité procédurale — sans produire de décisions substantielles. Dans cette impasse, l’exécutif gouverne par circulaires, partenariats et mécanismes administratifs, au risque d’une fragilité constitutionnelle.

La société civile libanaise, moteur de la révolte d’octobre 2019, reste mobilisée mais fatiguée. ONG, syndicats, étudiants, collectifs professionnels…tous exigent des résultats concrets. Le tandem Aoun–Salam tente une stratégie d’écoute ; forums citoyens, nominations de personnalités indépendantes, consultations publiques. Mais la confiance est précaire. La population ne veut plus de symboles, elle réclame la justice, les services, la transparence. L’enjeu est de taille : si cette société civile est leur principal soutien moral, elle pourrait devenir leur juge le plus sévère. Car elle a déjà vu, trop souvent, les promesses politiques sombrer dans les compromis.

Le projet souverainiste se heurte à des dépendances massives. Économiquement, le Liban est sous assistance internationale : FMI, UE, Banque mondiale exigent des réformes avant tout financement. Énergétiquement, le pays est tributaire de ses voisins. Militairement, l’armée dépend du soutien logistique et financier des États-Unis et de la France. Diplomatiquement, le Liban évolue sous surveillance régionale. Dans ce contexte, toute décision politique devient un signal international. La souveraineté ne peut être qu’un chantier progressif, balisé par les rapports de force. Aoun avance avec prudence, il cherche à restaurer l’État, non en proclamant son indépendance, mais en réduisant peu à peu ses vulnérabilités.

Le Liban ne sera pas un modèle, mais il pourrait devenir un laboratoire. Dans un monde sunnite dominé par les princes, les militaires et les prédicateurs, il tente une voie différente, celle d’un pouvoir modeste mais légitime, fondé sur le droit et l’équilibre. Ce pari, aussi incertain soit-il, mérite d’être regardé. Il est la seule tentative en cours de réintroduire un sunnisme politique compatible avec la démocratie, la souveraineté légale et l’État civil. Si le tandem Aoun–Salam échoue, la thèse d’une fatalité autoritaire dans le monde arabe en sortira renforcée. Mais s’il tient, même partiellement, il offrira une issue. Ce n’est pas un renversement spectaculaire. C’est une reconstruction lente, ancrée dans la méthode et la résilience. Et dans la région actuelle, c’est déjà un événement.

 

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Les Houthis, la cible numéro un des Israéliens et des Américains https://mondafrique.com/international/de-la-mer-rouge-a-liran-loperation-americaine-contre-les-houthis/ https://mondafrique.com/international/de-la-mer-rouge-a-liran-loperation-americaine-contre-les-houthis/#respond Mon, 05 May 2025 09:33:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=130573 Personne mieux que les Houthis, un groupe politico-militaire zaïdite, originaire du nord du Yémenet soutenu par l’Iran, n’ont manié mieux qu’eux l’arme économique dans l’embrasement géénral que connait le Moyen Orient.  Ces miliciens déterminés ont mené plusieurs attaques en mer Rouge depuis le 7 octobre 2023, entraînant une baisse de 73 % du trafic de […]

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Personne mieux que les Houthis, un groupe politico-militaire zaïdite, originaire du nord du Yémenet soutenu par l’Iran, n’ont manié mieux qu’eux l’arme économique dans l’embrasement géénral que connait le Moyen Orient.  Ces miliciens déterminés ont mené plusieurs attaques en mer Rouge depuis le 7 octobre 2023, entraînant une baisse de 73 % du trafic de conteneurs et une chute de 87 % des échanges de gaz naturel liquéfié (LNG).

Des dizaines de frappes, imputées aux États-Unis, avaient été menées ces derniières semaines dans différentes régions du Yémen, notamment la capitale Sanaa.

Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a promis, dimanche 4 mai 2025, des représailles contre les rebelles houthis du Yémen et l’Iran, après le tir d’un missile ayant touché la zone de l’aéroport Ben-Gourion, près de Tel-Aviv.
Pour la première fois, la zone de l’aéroport Ben-Gourion, près de Tel-Aviv (Israël), a été touchée par un tir de missile, dimanche 4 mai 2025. L’attaque est survenue quelques heures avant que l’armée ne confirme officiellement le rappel de dizaines de milliers de réservistes en vue d’élargir son offensive contre le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza.
Un panache de fumée s’élève dans le ciel après les frappes israéliennes près de l’aéroport international de Sanaa, au Yémen. (Photo d’archives)

Le 11 mars 2025, Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef du média américain The Atlantic, a reçu une invitation via l’application de messagerie privée Signal de la part de Michael Waltz, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis. Dans un premier temps, le journaliste a suspecté une fraude, un individu se faisant passer pour Mike Waltz dans le but d’obtenir des informations.

Cependant, deux jours plus tard, il est ajouté à un groupe intitulé « Houthi PC small group », au sein duquel figurent JD Vance, vice-président des États-Unis, Marc Antonio Rubio, secrétaire d’État, ainsi que Tulsi Gabbard, directeur des renseignements nationaux. Il prend alors conscience qu’il a été intégré à un groupe de discussion où se prépare une offensive contre les Houthis au Yémen. 

Le 14 mars au soir, les soupçons de Jeffrey Goldberg se sont confirmés lorsqu’il apprend, alors qu’il se trouve dans sa voiture sur un parking, via le réseau social X, que la ville de Sanaa, capitale du Yémen et sous contrôle des Houthis, avait été bombardée par les États-Unis. Depuis, les forces américaines et les Houthis s’échangent des tirs de missiles, entraînant la mort de plusieurs dizaines de combattants houthis.

Les doutes de JD Vance 

Le vice président américain

Grâce à son accès aux plans de l’opération, Goldberg a pu suivre en temps réel la formation du « comité principal », une instance réunissant les plus hauts responsables de la sécurité nationale, parmi lesquels les secrétaires à la Défense, à l’État et au Trésor, ainsi que le directeur de la CIA. Ce comité avait pour but de superviser la planification et l’exécution de l’attaque.

Cependant, quelques heures avant son lancement, JD Vance a exprimé des réserves quant à l’opportunité de l’opération, la qualifiant d’« erreur ». Il faisait valoir que seulement 3 % du commerce américain transite par Suez, contre 40 % du commerce européen », et mettait en garde contre le risque d’incompréhension de l’opinion publique quant aux motivations de cette intervention. Dès lors, une question demeure : pourquoi une telle opération est-elle jugée nécessaire par les États-Unis ? Quels intérêts stratégiques justifient la prise de ce risque face aux représailles potentielles du groupe houthi, si ce n’est la reprise du trafic maritime en mer Rouge ?

Un avertissement pour l’Europe

Avec 50 chefs d’État et de gouvernement, quelque 150 ministres ainsi que d’innombrables représentants d’ONG, la Conférence de Munich sur la sécurité est l’une des rencontres les plus importantes pour le dialogue international

Une des principales leçons à tirer de ces échanges est la virulence des propos tenus à l’encontre de l’Europe, pourtant alliée historique des États-Unis. Le vice-président américain a ainsi confié à Pete Hegseth, secrétaire à la Défense, qu’il « déteste simplement payer la caution pour l’Europe », une remarque à laquelle Hegseth a répondu : « Je partage entièrement votre aversion pour le free-loading européen. C’est PATHÉTIQUE », insinuant que l’Europe profite excessivement de la protection militaire et économique américaine.

Ce discours hostile envers l’Europe n’est pas nouveau de la part du vice-président. Un mois plus tôt, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, JD Vance avait critiqué les politiques européennes, dénonçant ce qu’il perçoit comme une restriction croissante de la liberté d’expression sur le continent. Il s’inquiétait en particulier du « recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs fondamentales » et condamnait le cordon sanitaire imposé en Allemagne face à l’extrême droite.

Si ces déclarations avaient déjà provoqué un « choc » et une « humiliation » parmi les dirigeants européens – selon les propos du député ukrainien Oleksiy Goncharenko –, leur répétition dans ce groupe de messagerie leur donne une dimension stratégique : les États-Unis ne se préoccupent guère de la protection des Européens en mer Rouge ni de leurs intérêts commerciaux.

Cependant, cette opération militaire, qui sert leurs intérêts, ne saurait rester sans contrepartie de la part de l’Europe et de l’Égypte. En frappant les Houthis dans l’espoir de rétablir le commerce maritime via le canal de Suez, Washington attend donc un soutien explicite de ces deux partenaires.

« Nous devrons bientôt indiquer clairement à l’Égypte et à l’Europe ce que nous attendons en retour. Nous devons également déterminer comment faire respecter cette exigence. Si l’Europe ne rémunère pas, que se passera-t-il ? » Stephen Miller, conseiller à la sécurité nationale

L’Égypte sous pression

Environ 3 millions de Palestiniens vivent en Jordanie, 500’000 au Liban et 500’000 en Syrie. En Egypte où on en compte entre 50’000 à 70’000, il n’y a là pas de camps de réfugiés à proprement parler .

Que pourraient exiger les États-Unis en échange de la reprise du commerce maritime en mer Rouge ? Plusieurs hypothèses émergent. D’une part, l’Europe pourrait être contrainte d’apporter un soutien accru aux États-Unis et à Israël dans leurs opérations au Moyen-Orient, en particulier la guerre contre le Hamas à Gaza, dont les actions pourraient engendrer un génocide selon l’Organisation des Nations Unies. D’autre part, l’Égypte, sous pression, pourrait être amenée à accepter l’accueil d’une partie de la population palestinienne déplacée, conformément au projet du président Trump visant à transformer la bande de Gaza en une « Riviera ».

En effet, l’impact économique des attaques houthis sur le canal de Suez coûte à l’Égypte plus de 800 millions de dollars par mois. Une normalisation de la situation placerait ainsi Le Caire dans une position de dépendance encore plus accrue vis-à-vis de Washington, lui laissant peu de marge de manœuvre face aux exigences américaines.

Les tensions extrèmes entre Washigton et Téhéran

Les motifs réels de cette opération militaire restent incertains. JD Vance lui-même souligne : « Il existe un risque réel que le public ne comprenne pas cela ou pourquoi c’est nécessaire. » Pourquoi, en effet, cette intervention est-elle jugée indispensable ? Si les frappes américaines semblent viser à renverser les Houthis au Yémen – le président américain ayant déclaré vouloir « annihiler complètement » ce groupe et lui faire subir « le feu de l’enfer » –, elles pourraient en réalité s’inscrire dans une stratégie plus large visant à préparer une offensive contre l’Iran.

Malgré le rapport annuel d’évaluation de la menace, publié le 25 mars par les services de renseignement américains, qui conclut que l’Iran ne développe pas actuellement d’arme nucléaire malgré l’accumulation d’uranium enrichi à 60 %, les tensions entre Washington et Téhéran restent considérables. Le 8 mars, le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a rejeté l’appel du président américain à reprendre les négociations sur le nucléaire, affirmant que « certains gouvernements tyranniques » ne cherchent pas à « résoudre les problèmes », mais à « imposer » des exigences inacceptables pour l’Iran.

La santé du Guide suprème en question

 Le décès possible d’Ali Khamenei pourrait déstabiliser la région

Si aucun accord nucléaire n’est trouvé dans les mois à venir, une frappe américaine sur l’Iran ne saurait être exclue. Bien que Khamenei ait prononcé en 2003 une fatwa interdisant le développement de la bombe atomique, son état de santé préoccupant – il approche les 86 ans et est atteint d’un cancer – pourrait fragiliser la situation actuelle. En cas de décès du guide suprême, son successeur pourrait relancer le programme nucléaire militaire iranien, ce qui inciterait les États-Unis à adopter une posture plus agressive. Washington pourrait alors soutenir Israël ou participer activement à une attaque préventive contre les infrastructures nucléaires iraniennes, une option déjà envisagée par le Premier ministre israélien en octobre dernier.

Les États-Unis semblent donc se préparer à une éventuelle confrontation avec l’Iran en réduisant progressivement les capacités militaires de ses alliés régionaux. L’objectif serait d’éliminer, un à un, les forces armées soutenues par Téhéran afin de s’assurer une liberté d’action totale en cas d’intervention directe contre la République islamique. Le Hezbollah, pilier de l’Axe de la Résistance, a déjà subi de lourdes pertes dans sa guerre contre Israël. De son côté, Washington exerce des pressions sur le gouvernement irakien pour démilitariser les PMF et les intégrer aux forces gouvernementales, ce qui affaiblirait considérablement leur autonomie et leur capacité de nuisance en cas de conflit. Les Houthis constituent aujourd’hui le dernier obstacle. Possédant l’arsenal militaire le plus important parmi les alliés régionaux de l’Iran – en grande partie grâce aux livraisons d’armes en provenance de Moscou –, ils représentent une menace non négligeable pour les intérêts américains et israéliens. En les neutralisant, Washington s’assurerait un corridor militaire dégagé et limiterait la capacité de riposte de l’Iran en cas d’escalade.

Faille sécuritaire ou manoeuvre délibérée

Toutefois, une interrogation subsiste : l’ajout de Jeffrey Goldberg au groupe de discussion Signal était-il une véritable erreur ou une stratégie pour délivrer un message à l’Europe et à l’Égypte ? Le 26 mars, Michael Waltz a assumé sa responsabilité, qualifiant l’ajout de Goldberg au groupe Signal d’« erreur ».

Toutefois, le soutien affiché de Donald Trump à Michael Waltz, malgré cette faille sécuritaire majeure, renforce l’hypothèse selon laquelle l’incident était une manœuvre délibérée. En effet, la création d’un groupe de discussion sur Signal pour traiter d’une opération militaire imminente constitue une violation grave des protocoles de sécurité. Par ailleurs, le fait qu’un journaliste ait eu accès à des documents et des plans confidentiels sans que des mesures strictes ne soient prises contre les responsables suggère une mise en scène plutôt qu’un accident.

En exposant cette conversation, Washington signifierait à ses alliés européens qu’ils ne peuvent plus compter sur la protection américaine et qu’ils devront assumer leurs responsabilités face aux défis sécuritaires régionaux. Cette révélation devrait donc alerter l’Europe, l’Égypte et l’Iran. Chaque jour, le vieux continent prend davantage conscience que les États-Unis ne sont plus un partenaire fiable et qu’en cas de crise majeure, il pourrait se retrouver seul face aux menaces qui pèsent sur lui.

 

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« Crisis Group » analyse les risques de l’escalade entre Alger et Bamako https://mondafrique.com/international/crisis-group-analyse-les-risques-de-lescalade-entre-alger-et-bamako/ https://mondafrique.com/international/crisis-group-analyse-les-risques-de-lescalade-entre-alger-et-bamako/#respond Sat, 03 May 2025 09:48:47 +0000 https://mondafrique.com/?p=132770 Sur le plan sécuritaire, une coopération renforcée entre le Mali et l’Algérie apparaît plus nécessaire que jamais. A cet égard, le Comité mixte de coopération Mali-Algérie, une instance établie en 2005 pour faciliter les échanges, notamment en matière sécuritaire, entre les deux pays, pourrait servir de cadre pour une reprise du dialogue. Les deux pays, […]

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Sur le plan sécuritaire, une coopération renforcée entre le Mali et l’Algérie apparaît plus nécessaire que jamais. A cet égard, le Comité mixte de coopération Mali-Algérie, une instance établie en 2005 pour faciliter les échanges, notamment en matière sécuritaire, entre les deux pays, pourrait servir de cadre pour une reprise du dialogue. Les deux pays, qui ont une si longue frontière commune, n’ont guère d’autres choix que de développer des mécanismes de coopération plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme et pour la régulation des flux transfrontaliers.

Voici la note de synthèse de « Crisis Group » parue en avril qui revient sur les principales causes de cette crise si grave que « la menace d’une escalade militaire entre Alger et Bamako, écrivent ces experts, ne doit pas être sous-estimée »

Des combattants touaregs se reposent dans le désert malien. Les tensions croissantes entre l’Algérie et le Mali sont engendrées par un désaccord sur la façon de faire face à la rébellion touarègue qui remonte à douze ans, centrée sur la région frontalière entre les deux pays
Le 1er avril, le ministère algérien de la Défense a annoncé la destruction par son armée, dans la nuit du 31 mars au 1er avril, d’un « drone de reconnaissance armé » à proximité de Tin Zaouatine, une ville algérienne située sur la frontière entre le Mali et l’Algérie. Selon Alger, l’engin aurait pénétré le territoire algérien sur une distance de deux kilomètres, violant ainsi l’espace aérien du pays. Plus tard dans la soirée, l’état-major de l’armée malienne a indiqué qu’un de ses aéronefs s’était écrasé près de Tinzawatène, une ville jumelle de Tin Zaouatine située du côté malien de la frontière, et a dit lancer une enquête afin de faire la lumière sur l’incident.

Le 6 avril, à l’issue des premières conclusions de l’enquête, le gouvernement malien a dénoncé une action « hostile » et « préméditée » de l’Algérie. Bamako a précisé que cet incident avait empêché une frappe que le drone s’apprêtait à effectuer contre des groupes armés « ayant revendiqué des actes terroristes », y voyant là une preuve qu’Alger « parraine le terrorisme international ». Dans la foulée, un communiqué du collège des chefs d’Etat de la Confédération des Etats du Sahel (AES) – qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger – a condamné un « acte d’hostilité » visant l’ensemble des pays de l’AES. De son côté, l’Algérie a rejeté les accusations du Mali et de ses alliés. Dans un communiqué publié le 7 avril, le ministère algérien des Affaires étrangères a affirmé que l’appareil abattu avait pris « une trajectoire offensive », ajoutant qu’il s’agissait de la troisième incursion d’un drone malien en territoire algérien depuis août 2024.

La région de Tinzawatène est connue pour être une zone de refuge pour les combattants du Front de libération de l’Azawad (FLA).

La région de Tinzawatène est connue pour être une zone de refuge pour les combattants du Front de libération de l’Azawad (FLA), une coalition de groupes séparatistes du nord du Mali signataires de l’accord d’Alger en 2015 et dont le principal bastion, la ville de Kidal, a été repris par l’armée malienne en novembre 2023. Dans les heures ayant suivi l’incident, le FLA avait d’ailleurs été le premier à revendiquer la destruction du drone, présenté comme appartenant à la « junte terroriste de Bamako », avant que l’Algérie ne confirme sa responsabilité dans ce tir.

L’affaire s’est rapidement muée en crise diplomatique. Le 6 avril, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont rappelé leurs ambassadeurs à Alger. Le lendemain, l’Algérie a riposté, retirant à son tour ses ambassadeurs en poste au Mali et au Niger, et différant l’entrée en poste de celui qui devait s’installer au Burkina Faso. Alger et Bamako ont par ailleurs fermé leurs espaces aériens respectifs. Le Mali s’est enfin retiré du Comité d’état-major conjoint (Cemoc), un mécanisme de coopération militaire regroupant l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Mis en place en 2010 pour lutter contre le terrorisme, ce dispositif était cependant peu opérationnel depuis sa création.

Les tensions ont aussi gagné les populations des deux pays. Le 11 avril, plus d’un millier de personnes se sont rassemblées à Bamako et à travers le Mali pour protester contre ce qu’elles considèrent être une « agression de l’Algérie ». Sur les réseaux sociaux, les comptes soutenant l’un ou l’autre pays se livrent à une campagne agressive mêlant désinformation, surenchère nationaliste et, parfois, appels à la violence.

Pourquoi cette détérioration?

Des camions algériens livrés au Mali quand le liens étaient très bons entr les deux pays

Le Mali et l’Algérie, qui partagent 1 400 kilomètres de frontière, se sont longtemps revendiqués « frères » de la lutte contre le colonisateur français. Leurs populations frontalières sont unies par de fortes attaches culturelles et économiques. Depuis les années 1990, l’Algérie a dirigé plusieurs médiations entre l’Etat malien et les rébellions du nord du Mali. La dernière en date a débouché sur la signature de l’accord de paix d’Alger en 2015. Enfin, les groupes jihadistes qui opèrent au Mali depuis les années 2000 sont issus de la matrice algérienne et conservent, jusqu’à aujourd’hui, des liens avec al-Qaeda au Maghreb islamique, dont le commandement est basé en Algérie.

Mais depuis deux ans, les relations entre les deux voisins se sont détériorées de façon préoccupante. La mise en œuvre de l’accord d’Alger a, tout d’abord, alimenté les tensions. Les autorités algériennes ont longtemps reproché à Bamako son manque d’engagement et la lenteur dans l’application de certaines dispositions clés de l’accord de paix, notamment celles portant sur la gouvernance, le développement économique et l’intégration des anciens rebelles au sein de l’armée régulière. Alger estimait en effet que l’accord avait été dument négocié et signé à la fois par le gouvernement et par plusieurs groupes politico-militaires maliens, sous l’égide d’une médiation internationale réunissant plusieurs Etats et organisations, dont le Nigeria, le Tchad, l’Union africaine (UA) et l’Union européenne. A l’inverse, Bamako considérait qu’Alger et les autres acteurs de la médiation internationale avaient imposé aux autorités maliennes le contenu de l’accord sans leur laisser de véritables marges de négociation.

Dès 2019, le gouvernement de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta avait ouvert la perspective d’une révision de l’accord à travers l’organisation d’un dialogue national, considérant qu’il bénéficiait davantage aux groupes armés séparatistes qu’à l’Etat malien. Ces divergences se sont accentuées avec l’arrivée au pouvoir de militaires en 2021 après un double coup d’Etat, et plus encore après novembre 2023, lorsque les Forces armées maliennes (Fama), avec l’appui des paramilitaires russes du groupe Wagner, ont repris la ville de Kidal.

Ce dernier événement a non seulement conduit au retrait du Mali de l’accord de paix d’Alger en janvier 2024, mais il a aussi mis en lumière deux visions divergentes du règlement de la crise malienne. Depuis 2021, Bamako défend le principe de « solutions endogènes » à la crise que traverse le pays et entend se libérer de l’influence d’acteurs étrangers ou multilatéraux. A partir de la fin 2023, les autorités maliennes ont opéré un tournant en qualifiant de « terroristes » tous les groupes armés qui s’opposent à l’Etat, qu’ils soient séparatistes ou jihadistes, mettant dès lors fin aux discussions officielles avec une partie de ces groupes. De son côté, Alger estime au contraire que la résolution de la crise malienne doit passer par une solution politique, et fait une distinction entre les mouvements séparatistes signataires de l’accord et les groupes jihadistes. A ce titre, l’Algérie accueille sur son sol plusieurs personnalités maliennes qu’elle juge indispensables à la reprise du dialogue et à la mise en place d’une solution politique durable au conflit malien. Il s’agit, entre autres, d’Alghabass Ag Intalla, membre influent du FLA, et de l’imam Mahmoud Dicko, partisan convaincu du dialogue avec les groupes armés et considéré comme un opposant au pouvoir en place à Bamako.

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A Bamako, de nombreux militants politiques et associatifs influents accusent, en public ou en privé, l’Algérie d’entretenir l’instabilité au Mali.

La présence de ces figures politiques maliennes en Algérie constitue une autre source de tensions. Les autorités maliennes y voient un acte hostile, assimilable à un soutien d’Alger à des forces d’opposition ou à des groupes « terroristes ». A Bamako, de nombreux militants politiques et associatifs influents accusent, en public ou en privé, l’Algérie d’entretenir l’instabilité au Mali. Selon eux, Alger se serait débarrassé de son problème terroriste en repoussant, à la fin des années 1990, les groupes jihadistes vers le nord du Mali et plus largement au Sahel. Ils estiment qu’Alger continuerait même d’instrumentaliser les liens conservés avec une partie de ces groupes armés pour se poser en médiateur et maintenir ainsi son statut de puissance régionale. A leurs yeux, l’échec des multiples processus de paix relève avant tout de l’ingérence extérieure de l’Algérie, qu’ils comparent à celle de l’ex-colonisateur français.

De son côté, l’Algérie, qui aurait pu profiter du retrait français du Sahel, avec la fin officielle de l’opération Barkhane en novembre 2022, pour jouer un rôle de pivot régional, semble plutôt sur la voie de la marginalisation. D’abord, l’architecture sécuritaire mise en place par le Mali avec ses nouveaux alliés – la Russie et les membres de l’AES – fait d’Alger un acteur moins indispensable sur le plan de la coopération militaire. Le gouvernement algérien s’agace aussi de la présence de forces militaires étrangères – françaises hier, russes aujourd’hui – à proximité de ses frontières, qu’il voit comme une menace directe pour sa sécurité nationale. Enfin, la reprise des hostilités entre les Fama et les groupes séparatistes, outre les exactions qu’elle engendre contre les civils, accroît le risque d’un afflux important de réfugiés maliens vers l’Algérie et réduit le rôle politique potentiel de ce pays, qui était jusqu’alors parvenu à s’imposer comme médiateur naturel des conflits armés maliens.

Alger fait, par ailleurs, face à la concurrence d’autres puissances. Plusieurs diplomates et journalistes algériens mettent en cause en effet l’influence du Maroc sur les autorités maliennes. Ils comparent les accusations répétées de Bamako contre l’Algérie, soupçonnée de soutenir le jihadisme, aux propos de certains médias marocains qui qualifient la Kabylie algérienne de « région occupée ». Selon eux, l’évolution du discours malien reflète l’influence accrue de Rabat sur les autorités maliennes de transition, alors que la coopération sécuritaire entre les deux pays s’est intensifiée, comme en témoigne la tenue, en février 2025 à Bamako, de la première réunion de la commission militaire mixte entre le Mali et le Maroc.

Bien que la question des relations avec le Maroc soit rarement abordée en public au Mali, elle est centrale en Algérie, où nombre d’analystes estiment qu’Alger est en train de perdre de son influence au Sahel. Dans le même temps, outre le Maroc, d’autres puissances comme la Turquie et l’Iran voient leur rôle grandir dans la région, tout particulièrement dans les secteurs économique, religieux (notamment à travers les confréries musulmanes) et militaire. La Turquie, par exemple, est devenue le principal fournisseur de drones de l’armée malienne.

Les conséquences de la crise entre Alger et Bamako 

La menace d’une escalade militaire entre Alger et Bamako ne doit pas être sous-estimée si les fortes tensions diplomatiques actuelles persistent et conduisent à une rupture du dialogue entre les deux pays. Alors que les Fama poursuivent leurs opérations contre les groupes armés dans le nord du Mali, notamment par le biais des frappes de drones, l’absence de mécanismes de coordination entre les deux pays accroît le risque d’incidents transfrontaliers. Cette situation peut conduire à des violations territoriales à la frontière ou à des frappes accidentelles touchant des civils ou des militaires qui circulent dans ces régions. En juillet 2024, lors d’une confrontation avec les groupes armés du FLA, des frappes attribuées aux Fama auraient ainsi causé la mort de plusieurs civils, parmi lesquels des orpailleurs nigériens, tchadiens et soudanais.

En outre, la détérioration des relations entre Bamako et Alger réduit un peu plus la perspective (déjà faible) d’une relance du dialogue politique entre les autorités maliennes et les représentants du FLA, éloignant plus largement les chances d’une stabilisation durable du Mali. Compte tenu de son rôle historique dans les différents processus de paix, l’Algérie disposait jusqu’ici d’une capacité d’influence réelle sur plusieurs groupes séparatistes opérant au nord du pays. En se retirant de l’accord négocié par Alger, et en accusant ouvertement l’Algérie de soutenir le terrorisme, Bamako ferme la porte à une reprise du dialogue avec un médiateur disposant de leviers importants. Cette situation pourrait mener à la radicalisation de certaines factions armées séparatistes qui, faute d’option politique, pourraient s’allier aux groupes jihadistes ou recourir à des tactiques militaires exposant davantage les civils, en utilisant par exemple des engins explosifs improvisés.

Enfin, la crispation actuelle entre Alger et Bamako intervient dans un contexte de fragmentation politique croissante des espaces ouest-africain et maghrébin, exacerbée par les différends entre l’AES et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et par le regain de tensions entre le Maroc et l’Algérie. Ces divisions ne sont bonnes pour personne – sauf, peut-être, pour les groupes jihadistes qui pourraient tirer parti de l’affaiblissement des mécanismes de coordination politique et sécuritaire entre les Etats pour s’étendre ou se renforcer, menaçant encore davantage la stabilité de l’ensemble de la région.

Comment faire baisser les tensions ?

Qu’il s’agisse de lutte contre le terrorisme, de développement économique, de gestion des flux transfrontaliers ou de politique d’assistance humanitaire aux populations déplacées, Alger et Bamako ont trop de dossiers en commun pour se tourner le dos durablement. Ces intérêts mutuels rappellent que, malgré les tensions actuelles, la diplomatie reste le levier le plus réaliste pour éviter une rupture prolongée aux conséquences régionales potentiellement désastreuses.

Il revient aux dirigeants des deux pays de faire preuve de raison et de rétablir un dialogue direct plutôt que de s’enliser dans un échange public d’accusations et d’invectives qui ajoutent aux tensions frontalières, dont la destruction d’un drone malien est pour le moment l’exemple le plus grave. Bamako devrait reconnaître que l’Algérie n’agit pas uniquement en tant que puissance étrangère extérieure mais a aussi un intérêt important à voir leur espace transfrontalier commun stabilisé. De son côté, Alger gagnerait à revoir son approche qui, par le passé, a souvent été perçue par Bamako comme lui étant imposée, d’autant que le gouvernement malien est aujourd’hui déterminé à reprendre le contrôle des actions de l’Etat sur son territoire.

Au vu des tensions actuelles, et malgré la rhétorique souverainiste qui anime les deux régimes, souvent méfiants à l’égard des interférences étrangères, le recours à un facilitateur pourrait s’avérer indispensable pour initier une détente et comme préalable à un dialogue direct entre Alger et Bamako. En raison du retrait des pays de l’AES de la Cedeao et des frictions persistantes entre ces deux organisations, l’Union Africaine apparaît bien placée pour porter une telle démarche. Le président angolais João Lourenço, en sa qualité de président en exercice de l’UA, devrait rapidement se saisir du dossier et désigner un facilitateur de haut niveau.

L’Afrique du Sud […] pourrait […] jouer un rôle important, du fait des relations équilibrées entretenues de longue date par Pretoria tant avec Alger qu’avec Bamako.
 

Pour cela, l’UA pourrait se tourner en priorité vers le Ghana et l’Afrique du Sud. Depuis son entrée en fonction en janvier 2025, John Mahama Dramani, le président ghanéen, a multiplié les gestes d’ouverture à l’égard des pays de l’AES, en les conviant à sa cérémonie d’investiture et en nommant un envoyé spécial dédié à cette région. Enfin, il a effectué, en mars 2025, une tournée dans les pays de l’AES, soulignant une volonté d’établir des relations positives et apaisées avec ses voisins sahéliens. L’Afrique du Sud, quant à elle, pourrait également jouer un rôle important, du fait des relations équilibrées entretenues de longue date par Pretoria tant avec Alger qu’avec Bamako. Pretoria bénéficie aussi d’un héritage d’engagement panafricain, susceptible de trouver un écho favorable auprès des dirigeants algériens et maliens. L’implication d’un représentant ghanéen ou sud-africain permettrait d’instaurer un cadre crédible et impartial, à bonne distance des dynamiques régionales conflictuelles, offrant ainsi des conditions favorables à un dialogue constructif.

Dans cette perspective, les partenaires extérieurs disposant d’une influence avérée auprès de Bamako et d’Alger, comme la Russie, et/ou d’une forte expérience en matière de médiation internationale, comme le Qatar, pourraient mettre leur poids politique au service de ces efforts africains. L’engagement de ces acteurs renforcerait la crédibilité du processus et constituerait une preuve supplémentaire de leur attachement à la mise en place de solutions africaines aux problèmes africains.

 

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Rien ne va plus entre les Émirats arabes unis et l’Algérie https://mondafrique.com/international/rien-ne-va-plus-entre-les-emirats-arabes-unis-et-lalgerie/ Sat, 03 May 2025 01:26:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=119399 La télévision nationale algérienne a vivement réagi ce vendredi soir à ce qu’elle considère comme une « dangereuse escalade médiatique » orchestrée par les Émirats arabes unis. Dans un éditorial au ton ferme, la chaîne publique a accusé l’État émirati d’avoir « franchi toutes les lignes rouges » en s’attaquant à l’unité et à l’identité du peuple algérien. La télévision nationale […]

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La télévision nationale algérienne a vivement réagi ce vendredi soir à ce qu’elle considère comme une « dangereuse escalade médiatique » orchestrée par les Émirats arabes unis.

Dans un éditorial au ton ferme, la chaîne publique a accusé l’État émirati d’avoir « franchi toutes les lignes rouges » en s’attaquant à l’unité et à l’identité du peuple algérien.

La télévision nationale a affirmé que « malgré tous les avertissements directs et indirects, le micro-État des Emirats se permet d’attaquer l’Algérie souveraine, pays d’un million et demi de martyrs, avec comme seul objectif d’acquérir plus de loyauté à ceux qui dérange la stabilité et le progrès de l’Algérie ».

Si le Président Bouteflika n’avait rien à refuser aux Émirats arabes unis, ses successeurs à la tète de l’État algérien sont pour la plupart très hostiles aux tentatives de Mohammed ben Zayed, dit MBZ, d’étendre son influence au Mali, en Libye ou en Tunisie, des pays où Alger a joué traditionnellement un rôle déterminant d’arbitre et de tuteur. 

Depuis au moins deux ans, les titres algériens multiplient les reproches envers Abou Dhabi, qualifié de « capitale des embrouilles » par le journal arabophone privé El-Khabar. Le 12 décembre 2023, la radio publique avait accusé les Emirats d’avoir débloqué 15 millions d’euros au profit du Maroc pour « financer des campagnes médiatiques subversives ». Le média officiel, s’appuyant sur des « sources proches du dossier », affirmait que des campagnes de « désinformation et d’intox » sur les réseaux sociaux avaient pour but de « créer un climat de tension entre l’Algérie et les pays du Sahel ».

Début 2024, le président de la République algérienne, Abdelmadjid Tebboune, avait présidé une réunion du Haut Conseil de sécurité. Le communiqué de la Présidence avait indiqué que cette réunion a été consacrée à l’examen de la situation sécuritaire qui prévaut dans les pays voisins. Dans ce contexte, expliquait le communiqué de la Présidence, « le Haut conseil de sécurité a exprimé ses regrets concernant les agissements hostiles à l’Algérie, émanant d’un pays arabe frère ». Ce pays « frère » n’était autre que les Émirats Arabes Unis.

En avril dernier, le Président Tebboune, plus explicite, se lâchait dans la presse. «Partout où il y a des conflits, l’argent de cet État est présent, au Mali, en Libye, au Soudan», a-t-il débiné, avant de renchérir: «Si tu cherches à avoir avec nous les comportements que tu as avec les autres, tu te trompes. Nous avons 5.630.000 martyrs morts pour ce pays. Ceux qui veulent s’approcher de nous, qu’ils le fassent».

La réaction des Émirats fut immédiate. Anouar Karkach, conseiller diplomatique du président émirati Mohammed ben Zayed Al Nahyane, dit MBZ, et ancien ministre émirati des Affaires étrangères, a choisi X (anciennement Twitter) pour répondre en ces termes: «Comportement étrange et bizarre de la part de l’un des pays frères qui choisit les sous-entendus et les murmures sur ses relations avec les Émirats, et qui recourt à des insinuations à peine voilées sans clarifications ni explications.»

Les malentendus entre les deux pays viraient à la crise ouverte!

Une coupe pleine

Les différents anciens entre les deux pays sur deux dossier régionaux épineux, la Libye et le Soudan, se sont aggravés. En Libye d’abord, où MBZ joue à fond la carte du Maréchal Haftar, chef militaire de la cyrénaïque alors que l’Algérie se range du coté du Gouvernement d’Union Nationale (GUN), soutenu par le Qatar et la Turquie. Les deux pays s’opposent aussi au Soudan, où les émiratis soutiennent militairement le général dissident Hamiti alors qu’Alger porte un soutien diplomatique au gouvernement du général Burhan portant putschiste.

Plus grave, Alger considère que les Émirats ont franchi les lignes jaunes en établissant en décidant d’ouvrir un consulat émirati au Sahara occidental et en reconnaissant l’État israélien. Sans évoquer la décision des autorités émiraties, via Dubai Aéroport freezone, d’imposer un visa d’entrée aux ressortissants de treize pays dont l’Algérie, ce pays frère!

Bouteflika et MBZ, l’idylle !

Après sa réélection en septembre, le Président Tebboune était chaudement félicité par un coup de fil de MBZ. »Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a reçu ce jour un appel téléphonique de Son Altesse le président des Émirats arabes unis frères, Cheikh Mohammed Ben Zayed Al Nahyan, qui lui a exprimé ses félicitations en son nom et au nom des Émirats arabes unis, pour sa victoire aux élections présidentielles pour la deuxième fois, lui souhaitant plein de succès« , indique la Présidence de la République dans un communiqué diffusé le 10 septembre sur les réseaux sociaux. « Pour sa part, poursuit le communiqué, le président de la République a remercié le président des Émirats arabes unis et, à travers lui, toute la noble famille régnante et les dirigeants des Émirats, lui souhaitant ainsi qu’au peuple émirati de nouveaux progrès« .

Une réconciliation semble possible! Sauf qu’une campagne de presse virulente, animée par une partie de l’appareil sécuritaire qui combat l’influence émiratie au Sahel et son rapprochement avec le Maroc, a relancé la polémique à Alger. Ainsi un média arabophone a violemment critiqué l’ambassadeur des Émirats arabes unis, Youcef Saif Khamis Al-Ali, le qualifiant de « persona non grata ». L’ambassadeur aurait activement œuvré, pouvait-on lire, à « semer le chaos entre l’Algérie et les Émirats, détériorant ainsi les relations entre les deux nations«.

On est loin des relations au beau fixe qui rêgnaient l’époque de Bouteflika. Ce dernier, dès son arrivée à la présidence en 1999, avait grand ouvert l’accès au marché algérien à ses amis émiratis qui l’avaient soutenu dans sa traversée du désert. Ainsi, la gestion des ports ainsi que la relance de l’industrie du tabac ont été offert aux proches de MBZ sans même un appel d’offre. 

L’appétence des émiratis ne s’arrêtait au secteur économique. Des projets communs furent imposés par la présidence dans le secteur militaire. Qu’il s’agisse du blindé Namre, pourtant conclu entre le département de l’industrie militaire et le groupe Mercedes et en cours de réalisation. Un autre oukaze de la Présidence a contraint les forces constituées, notamment la police, de s’équiper avec le pistolet Caracal. Ce projet de production de ce pistolet brésilien, sous licence émiratie, a montré ses limites lors de la phase de validation. En dépit de l’opposition des services qualité de l’industrie militaire, des unités de production ont été mises en fonction.

L’immobilier bradé

Les appétences des émiratis s’étendaient également au secteur de l’immobilier en Algérie. Le projet Dunia Parc, qui initialement était conçu pour la réalisation d’un parc de loisirs dans la capitale algérienne a été dévié de son objectif initial. C’est un fonds d’investissements détenu par la famille royale d’Abu-Dhabi à qui a été bradé un terrain de 800 hectares, après avoir procédé à l’expropriation des propriétaires. Le projet n’a u être mis en place que grace à des fonds publics du trésor public algérien à hauteur de 100 milliards de dinars. Ce que devrait être un lieux de loisir dans une capitale qui en manqu, est devenu un scandale qui s’apparente à une affaire d’escroquerie.

Plus grave encore, le fonds « Emirates international investment company » (EIIC) a recouru à l’arbitrage international pour mettre en cause le ministère algérien de la justice et l’agence algérienne de développement de l’investissement (ANDI). Les Émiratis obtiendront 280 millions de dollars. Cherchez l’erreur!

 

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Liban, des pièces d’or à l’effigie de Hassan Nasrallah https://mondafrique.com/international/liban-des-pieces-dor-a-leffigie-de-hassan-nasrallah/ https://mondafrique.com/international/liban-des-pieces-dor-a-leffigie-de-hassan-nasrallah/#respond Thu, 01 May 2025 12:19:28 +0000 https://mondafrique.com/?p=132644 Depuis l’assassinat de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, une véritable ruée vers les objets à son effigie s’est déclenchée dans la banlieue sud de Beyrouth. Livres, médaillons et même pièces et lingots en or se vendent comme des petits pains. Selon des informations recueillies par nos confrères d' »Ici Beyrouth », site partenaire de […]

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Depuis l’assassinat de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, une véritable ruée vers les objets à son effigie s’est déclenchée dans la banlieue sud de Beyrouth. Livres, médaillons et même pièces et lingots en or se vendent comme des petits pains.

Selon des informations recueillies par nos confrères d' »Ici Beyrouth », site partenaire de Mondafrique, les bijoutiers de la région enregistrent une demande soutenue et continue depuis octobre dernier. «Ce n’est pas une rumeur ni un phénomène monté de toutes pièces sur les réseaux sociaux: les vidéos devenues virales reflètent bien la réalité», confirme une source locale bien informée.
Parmi les objets les plus prisés figure une pièce en or à l’effigie de Nasrallah, comparable en poids à la célèbre souveraine britannique (environ 8 grammes). Mais si cette dernière est frappée en or 22 carats, la pièce libanaise est quant à elle titrée à 21 carats.

Autre nouveauté: des lingots de 10 grammes au profil du leader défunt circulent également. «Fabriquer des lingots plus lourds est techniquement plus complexe pour les artisans libanais spécialisés dans le traitement des métaux précieux», confie un joaillier beyrouthin. «Et pour lancer une frappe, il faut atteindre un volume de commandes suffisant pour rentabiliser les coûts.»

 

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La maison abrahamique d’Abou Dhabi rassemble musulmans, juifs et chrétiens https://mondafrique.com/international/la-maison-abrahamique-dabou-dhabi-rassemble-musulmans-juifs-et-chretiens/ https://mondafrique.com/international/la-maison-abrahamique-dabou-dhabi-rassemble-musulmans-juifs-et-chretiens/#respond Tue, 29 Apr 2025 17:18:23 +0000 https://mondafrique.com/?p=132587 À Abou Dhabi, la Maison abrahamique, inaugurée en 2023, unit mosquée, église et synagogue dans un même ensemble harmonieux. Projet unique, entre ambition spirituelle et diplomatie culturelle, où chaque édifice célèbre l’identité de sa foi dans une architecture lumineuse Belinda Ibrahim, d’Ici Beyrouth En 2023, au cœur d’Abou Dhabi, s’est élevée la Maison abrahamique, une […]

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À Abou Dhabi, la Maison abrahamique, inaugurée en 2023, unit mosquée, église et synagogue dans un même ensemble harmonieux. Projet unique, entre ambition spirituelle et diplomatie culturelle, où chaque édifice célèbre l’identité de sa foi dans une architecture lumineuse

Belinda Ibrahim, d’Ici Beyrouth

En 2023, au cœur d’Abou Dhabi, s’est élevée la Maison abrahamique, une œuvre architecturale et spirituelle destinée à rassembler musulmans, chrétiens et juifs autour de leurs valeurs communes. Sur l’île de Saadiyat, trois édifices de culte – une mosquée, une église et une synagogue – trônent côte à côte, dans une parfaite égalité de stature et de symbolique. Le projet, porté par les Émirats arabes unis et conçu par l’architecte britannique Sir David Adjaye, vise à incarner une vision moderne, à savoir celle d’une fraternité possible dans un monde fragmenté.

Chaque bâtiment, tout en dialoguant avec les autres, conserve sa spécificité propre, exprimée par le jeu des formes, des matériaux et surtout de la lumière, qui devient ici un véritable langage spirituel.

La mosquée Imam al-Tayeb s’élève dans une clarté presque minérale. Construite en pierre blanche, elle accueille la lumière naturelle par des ouvertures discrètes, qui baignent la salle de prière d’une lueur douce et diffuse. Le mihrab, simple et sobre, capte cette lumière en orientant l’attention du fidèle vers La Mecque. À l’intérieur, l’espace, volontairement dépouillé, invite au recueillement profond, porté par une atmosphère de pureté silencieuse.


La mosquée Imam al-Tayeb au sein de la Maison abrahamique à Abou Dhabi. © Ici Beyrouth

À ses côtés, l’église Saint-François d’Assise célèbre la lumière de manière spectaculaire. Son plafond est une œuvre d’art, un entrelacs complexe de croix en bois sombre forme une immense étoile ajourée, à travers laquelle la lumière naturelle tombe en faisceaux changeants. Cette clarté sculpte littéralement l’espace, projetant sur les murs blancs des ombres mouvantes, comme autant de prières silencieuses. Suspendue au centre de la nef dépouillée, une croix dorée capte la lumière et la magnifie, créant un point d’élévation intérieure. Ici, le dialogue entre l’ombre et la lumière devient une parabole silencieuse de la foi franciscaine.


L’église Saint-François d’Assise au sein de la Maison abrahamique à Abou Dhabi. © Ici Beyrouth

La synagogue Moïse Ben Maimon adopte, elle aussi, une relation subtile à la lumière. Construite en pierre claire et bois naturel, elle se refuse à toute ostentation. À l’intérieur, la lumière filtre discrètement à travers des lucarnes géométriques, évoquant des étoiles stylisées, projetant sur les sols et les murs des motifs abstraits. L’Aron Hakodesh, abritant les rouleaux de la Torah, se détache avec simplicité dans cet univers de pierre et de bois clair. Ici, la lumière enveloppe sans jamais dominer, favorisant la méditation et l’étude.


La synagogue Moïse Ben Maison au sein de la Maison abrahamique à Abou Dhabi. © Ici Beyrouth

Ce parti pris architectural, où chaque tradition s’exprime à travers sa propre relation au clair-obscur, est le fruit d’une vision portée par Sir David Adjaye. Pour l’architecte, la lumière est le véritable fil conducteur du projet, autant que l’équilibre des formes. Aucun édifice ne surplombe les autres; chacun affirme son identité tout en dialoguant silencieusement avec ses voisins. L’ensemble devient ainsi une chorégraphie de la lumière et de la foi, matérialisant l’idée d’une égalité spirituelle.o

 

Au centre du complexe, un forum ouvert offre un espace de dialogue et de réflexion, destiné à accueillir des rencontres interreligieuses, des débats et des manifestations culturelles. Cet espace neutre, baigné lui aussi par la lumière naturelle, souligne l’esprit du projet, celui de favoriser la connaissance mutuelle sans effacer les différences.

La Maison abrahamique s’inscrit dans le prolongement du «Document sur la fraternité humaine», signé en 2019 par le pape François et le grand imam Ahmad el-Tayeb. Les Émirats arabes unis, à travers ce projet, ont voulu inscrire dans la pierre et la lumière leur engagement pour une coexistence pacifique, dans une région historiquement fragmentée.

L’initiative a été saluée par de nombreuses autorités religieuses internationales. Le Vatican voit dans la Maison abrahamique une «avancée historique» pour le dialogue islamo-chrétien; plusieurs institutions juives ont salué la création de la synagogue comme un signe d’une ouverture inédite dans la péninsule Arabique.

Bien sûr, quelques critiques subsistent. Certains craignent un relativisme qui diluerait les différences confessionnelles; d’autres rappellent que la liberté religieuse reste encadrée dans la région. Mais au-delà des réserves, la Maison abrahamique propose le message fort d’une altérité respectée et célébrée, dans un monde où la différence devient richesse.

Par son architecture inspirée, son travail subtil de la lumière et son engagement spirituel discret mais puissant, le complexe incarne une utopie fragile mais essentielle, celle d’un monde où la diversité des croyances n’empêche pas la communion des âmes. Ces trois édifices qui s’élèvent ainsi côte à côte, chacun portant la mémoire d’une foi, mais tous baignés d’une lumière commune, incarnent parfaitement cela.

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Une Syrie en transition … vers une destination inconnue https://mondafrique.com/international/une-syrie-en-transition-certes-mais-une-destination-inconnue/ https://mondafrique.com/international/une-syrie-en-transition-certes-mais-une-destination-inconnue/#respond Sun, 27 Apr 2025 17:34:49 +0000 https://mondafrique.com/?p=132501 Un processus de transition politique est en cours en Syrie, constatent nos confrères de « The Conversation ». Une Constitution doit être adoptée et des élections doivent se tenir dans cinq ans. Mais les massacres survenus en mars dans la région alaouite sont venus brutalement rappeler que le chemin vers la paix durable sera long pour une […]

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Un processus de transition politique est en cours en Syrie, constatent nos confrères de « The Conversation ». Une Constitution doit être adoptée et des élections doivent se tenir dans cinq ans. Mais les massacres survenus en mars dans la région alaouite sont venus brutalement rappeler que le chemin vers la paix durable sera long pour une société syrienne éprouvée par treize ans de guerre épouvantable, et alors que le pouvoir est exercé par un groupe au passé djihadiste.

Professeur agrégé en sciences politiques et en relations internationales. Spécialiste du monde arabe, Sciences Po Grenoble


Depuis la chute spectaculaire du régime de Bachar Al-Assad, l’évolution de la Syrie suscite de nombreuses interrogations.

D’une part, on observe certains développements qui paraissent constructifs, même si le pouvoir exécutif est très concentré entre les mains du président transitionnel : la « conférence de la victoire » tenue en janvier 2025 devant un conclave fermé de chefs de factions militaires, et marquée par la nomination au poste de président par intérim d’Ahmed Al-Charaa, le leader du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), a proclamé la suspension de la Constitution du régime précédent, la dissolution des services de sécurité, de l’armée, du parti Baas et du Parlement, et la mise en place d’un comité de dialogue national.

Ce comité a organisé fin février 2025 une « conférence du dialogue national » visant à aider à l’élaboration d’une Constitution intérimaire. Mi-mars 2025, Ahmed Al-Charaa a signé une « déclaration constitutionnelle », c’est-à-dire un texte définissant les règles du jeu pour une période de transition de cinq ans, à l’issue de laquelle devront se tenir des élections et une nouvelle Constitution devra être adoptée. Enfin, début avril 2025, il a nommé un nouveau gouvernement de transition, qui se veut « inclusif » (il comprend notamment une femme chrétienne, un Alaouite, un Druze et un Kurde).

D’autre part, la Syrie a connu les 6-8 mars 2025 un épisode très violent de massacres sur la côte (Jableh, Banyas, Lattaquié, Tartous) et à Homs, qui a commencé quand des combattants menés par d’anciens chefs recherchés de milices ou de forces prétoriennes du régime Assad ont attaqué de manière relativement coordonnée les forces de sécurité du nouveau pouvoir. La contre-offensive militaire de HTC et d’autres factions qui en sont plus ou moins proches a été chaotique, a conduit à des atrocités commises contre des civils et n’a pas empêché des règlements de compte entre voisins de confessions différentes qui ont principalement frappé la communauté alaouiteDes centaines de victimes civiles sont à déplorer au sein de cette minorité confessionnelle souvent associée au régime déchu, la famille Assad en étant issue.

Un groupe « anciennement » djihadiste au pouvoir

La personnalité d’Ahmad Al-Charaa a fait l’objet de nombreux portraits détaillés. Le nouvel homme fort du pays est certes un acteur crucial (avec quelques autres). Il serait toutefois utile d’élargir le regard et de s’intéresser davantage à son organisation, HTC, qui a réussi à abattre en douze jours une dictature terrible, alors que les études quantitatives montrent que les guerres infra-étatiques voient en général la victoire du gouvernement en place et rarement celle des rebelles.

 

Les références aux talibans revenus au pouvoir en Afghanistan en 2021 sont peu parlantes, ce dernier groupe étant le produit des profondes transformations sociales d’une société afghane brutalisée depuis plusieurs générations par la guerre et surgi d’une forme de séclusion depuis les écoles religieuses (madrassa) à l’intérieur du pays et surtout de la frontière pakistanaise.

La généalogie de HTC, qui remonte au début de la guerre civile syrienne en 2012, est clairement djihadiste. Ses liens sont longtemps étroits avec l’État islamique en Irak puis avec Al-Qaïda, mais il rompt successivement avec le premier en 2013 puis avec Al-Qaïda (dirigée alors par Ayman Al-Zawahiri) en 2016. Ahmed Al-Charaa, chef du Front Al-Nosra, devenu Front Fatah al-Cham en 2016, avant sa fusion avec d’autres groupes rebelles qui donne naissance à HTC en 2017 (al-Cham signifie la Syrie géographique ou Damas en arabe), était alors connu sous le nom de guerre d’Abou Mohammed al-Joulani.

Le groupe armé HTC, connu pour ses attentats suicides spectaculaires contre le régime, mais aussi ses attaques violentes contre des villages alaouites ou druzes (de la province d’Idlib), est assez vite réputé pour son efficacité militaire, sa discipline et compte au départ en son sein des combattants dans toute la Syrie, entrant en concurrence pour le contrôle de la rébellion avec les autres groupes influents, en particulier salafistes et djihadistes.

Après l’intervention irano-russe (appuyée par l’action du Hezbollah) de 2015-2016, le retournement du conflit en faveur du régime repousse HTC vers la région d’Idlib, où le groupe va finalement émerger comme la force principale après une série d’affrontements entre 2017 et 2019 avec les autres puissants groupes salafistes présents sur place. HTC se retrouve alors contraint d’évoluer : il gère à présent une population locale de deux millions de personnes à laquelle viennent s’ajouter presque autant de réfugiés poussés par le régime Assad vers cet espace.

L’évolution, pour HTC, est aussi une question de survie : à partir de 2017-2018, sous la pression des troupes d’Assad appuyées par la Russie, HTC s’est rapproché d’acteurs régionaux, en particulier de la Turquie. Celle-ci a alors eu la haute main sur le Nord-Ouest de la Syrie, région promue « zone de désescalade » dans des négociations complexes conduites par Ankara avec la Russie puis avec l’Iran : ce processus dit d’Astana n’empêcha pas la Turquie de pratiquement entrer en conflit direct avec la Russie en février 2020 lors d’une tentative de reprise de la zone d’Idlib par le régime Assad.

Ajoutons qu’en se débarrassant, à cette période, des oripeaux du djihadisme, et en se plaçant dans la lignée directe de la « révolution syrienne » de 2011 et comme un gestionnaire pragmatique d’Idlib, HTC a pu se préserver de toute frappe venant de la coalition anti-Daech menée par les États-Unis.

Enfin, HTC s’est connecté de manière officieuse avec des acteurs internationaux : l’ONU, malgré les sanctions onusiennes et américaines contre HTC, était présente à Idlib, de même que diverses ONG internationales qui géraient la partie réfugiée de la population de la province.

Une « idlibisation » de la Syrie, ou une « syrianisation » de HTC ?

De multiples études comparatives depuis les années 1990 montrent que, dans les situations de guerres civiles ou d’effondrement des États, des groupes armés non étatiques (armed non-state actors) aspirent à « gouverner » les territoires dont ils prennent le contrôle, en y instaurant, avec plus ou moins de succès, une administration parallèle et concurrente à celle de l’État qu’ils combattent. Cette « gouvernance rebelle » est généralement secondaire par rapport aux objectifs de structuration militaire, a peu d’autonomie par rapport à ceux-ci et représente souvent, pour les groupes en question, une manière de recruter.

Les études différencient les groupes armés non étatiques pour lesquels cette gouvernance est de pure façade, souvent destinée à les légitimer aux yeux de l’extérieur, de ceux qui s’ancrent réellement dans les dynamiques locales. HTC a acquis une expérience certaine à partir de sa gestion de la région d’Idlib. L’organisation s’y est connectée aux notables et aux leaders religieux locaux, certes conservateurs mais pas sur la même ligne idéologique que le djihadisme originel du groupe d’Al-Joulani. De 2017 à 2024, HTC a ainsi dirigé cette région du nord-ouest, mais sans la dominer totalement.

 

Depuis décembre 2024, HTC a transféré cette expérience d’Idlib au niveau national syrien. HTC domine la transition avec une petite élite cohésive, importée de ses structures d’Idlib, mais insuffisante numériquement pour gouverner toute la Syrie. Le groupe qui dirige la transition autour d’Ahmed Al-Charaa est restreint. On le retrouve au cœur des deux gouvernements de transitions de décembre 2024 puis avril 2025 : les ministres de la défense, des affaires étrangères et de l’intérieur, ainsi que le chef des renseignements sont tous issus des structures de HTC en place à Idlib.

HTC a pensé de longue date ce projet d’arrivée au pouvoir. On peut dans un premier temps le comprendre en reprenant les analyses d’Ibn Khaldun, historien musulman du XIVe siècle, qui soulignait que dans le monde des empires islamiques, il arrive que des individus issus du monde rural, liés par des liens de solidarité ou familiaux, créent un groupe cohésif, une asabiyya, qui peut parvenir à construire un pouvoir (une dynastie) en milieu urbain et à perdurer tant que l’esprit de solidarité reste ferme.

Mais à Idlib, derrière une idéologie qui a fortement évolué depuis son point de départ djihadiste pour devenir plus nationaliste syrienne tout en demeurant clairement musulmane conservatrice, HTC a agrégé une génération de trentenaires ou quadragénaires venus dans cette région de toute la Syrie, poussés par la guerre et le régime Assad, et qui vont désormais constituer ses cadres et relais locaux, formés pour mener voire dominer la transition : rappelons à cet égard que le Front Al-Nosra avait une emprise nationale avant de se retrouver dans son bastion du nord-ouest. HTC a ainsi intégré dans une certaine mesure la diversité syrienne parmi ses propres cadres. Au total, c’est peut-être plus un creuset pragmatique assez représentatif de la Syrie actuelle et de sa jeunesse qu’une asabiyya cohésive que HTC a formé.

Comme tout groupe armé s’emparant du pouvoir dans un pays, HTC a relativement verrouillé le contrôle de l’appareil policier et la re-formation de l’armée après la défaite et la débandade, puis la dissolution, de celle du régime Assad. À ce stade, les principaux responsables de la nouvelle armée sont uniquement des membres de HTC ou de proches alliés (ainsi que des djihadistes étrangers, notamment un Jordano-Palestinien à la tête de la garde républicaine, un Turc commandant la division de Damas, etc.). Ces dernières nominations, qui ont suscité beaucoup de commentaires à l’international au vu des tentatives par HTC de lisser son image, peuvent aussi correspondre à l’introduction d’individus qui seront fidèles à Al-Charaa et sont détachés de tout ancrage local, une question clé étant donné la réintégration d’autres composantes de la rébellion armée syrienne. De même, l’appareil policier est restructuré avec des policiers d’Idlib et les nouvelles recrues, formées en urgence pour faire face aux besoins, sont soigneusement encadrées par des formateurs de HTC.

HTC et les autres composantes de la société syrienne

Avec tout cela, il ne faudrait pas oublier que d’autres groupes ont également participé à la chute du régime Assad (certains ont même pris Damas en premier) et sont aussi puissants que HTC : Armée nationale syrienne soutenue par la Turquie au nord-ouest, Chambre d’opération du Sudforces druzes, etc.

Ces organisations alignent plus d’hommes armés que HTC (mais sont moins bien structurées), n’ont pas rendu leurs armes (ou pas totalement) – elles leur servent aussi d’assurance-vie pour un futur incertain –, conservent leur autonomie et entendent aussi peser sur la transition. Mais HTC peut capitaliser sur le fait d’avoir été le groupe qui a lancé l’offensive qui a mis à bas le régime Assad : le 10 mars, après les massacres d’alaouites du début de ce mois, un autre groupe clé, les Kurdes des Forces démocratiques syriennes (PYD) a signé avec le président Al-Charaa un accord de réintégration, ce qui représente une avancée considérable. Le 12 avril, un autre accord a été mis en place avec une des plus importantes forces de la Chambre d’opération du Sud (la 8e Brigade).

La place centrale de HTC est également favorisée par la faiblesse de l’opposition politique syrienne, déjà réduite à la portion congrue par des décennies d’autoritarisme des Assad (père puis fils) puis laminée à partir de 2011 par la profonde transformation du soulèvement populaire de 2011, de mouvement pacifique en une multitude de groupes armés.

Toutefois, la Syrie nouvelle bruisse d’initiatives locales qui ont repris avec la chute du régime. Malgré les contraintes très pesantes de la vie quotidienne, des groupes promeuvent la « paix civile », défendent les droits des prisonniers sortis des geôles de l’ancien régime ou militent en faveur de la justice transitionnelle.


À lire aussi : Syrie : le long combat des familles de disparus


Sa victoire contre le régime détesté des Assad a valu à HTC une large popularité en Syrie, mais l’organisation demeure, fondamentalement, une faction armée qui doit se connecter avec toute une société à la fois pleine d’espoirs et éprouvant une profonde angoisse. Et pour que cette connexion fonctionne, il faut que HTC aille au-delà de sa communication soignée, des rencontres d’Al-Charaa avec des représentants des diverses composantes du peuple syrien, pour devenir l’acteur d’un retour de l’État au service de ses citoyens (ceux restés en Syrie pendant la guerre comme ceux ayant été poussés en exil).

Une voie très étroite

Les massacres d’alaouites de mars 2025 ont tragiquement rappelé les dangers inhérents aux périodes de changement de régime. Pour que les dynamiques de violence — qui sont courantes dans les cas de transition et, chose très étonnante, n’ont surgi véritablement en Syrie que quatre mois après la chute du régime — restent isolées ou sporadiques et soient « subsumées » au plus vite par des dynamiques institutionnelles, s’impose un retour de l’État, en termes de règles constitutionnelles du jeu politique, de réorganisation institutionnelle et de processus de justice, et laissant une place au contrepoids que constitue l’action de la société (civile). La question est donc simple : HTC peut-il pleinement se placer, dans la durée, dans une logique d’État et plus seulement de groupe armé victorieux ?

Si la réponse est négative, alors la violence peut s’installer et devenir endémique, faire dérailler les dynamiques politiques et laisser place à une lutte exacerbée pour le pouvoir entre des élites appuyées par des milices. En Libye, un processus initialement prometteur en 2011, certes vite abandonné par les intervenants extérieurs (France et Royaume-Uni) qui avaient aidé à renverser le régime de Kadhafi mais avaient été surpris par les capacités endogènes des Libyens à s’organiser, a laissé place à des divisions mortelles enracinées entre l’Ouest et l’Est du pays et une fragmentation milicienne. Après 2011, le Yémen, qui avait organisé une conférence de « dialogue national » là aussi très prometteuse, a sombré dans la guerre entre factions, dont les Houthis, et la fragmentation.

Au total, et indépendamment des défis internes abyssaux de reconstruction et de remise en route de l’économie et du pays, qui plus est dans un contexte régional très complexe (guerres d’Israël à Gaza et au Liban, incursions israéliennes en Syrie, luttes d’influence en Syrie entre Turquie, Arabie saoudite et Qatar…), le pouvoir de HTC est à la croisée des chemins. Pour la société syrienne, il faut espérer qu’il empruntera celui de la consolidation d’une transition qui, dans l’idéal, devrait déboucher sur des élections libres dans cinq ans…

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Le Bénin saigné par le terrorisme d’en prend à ses voisins https://mondafrique.com/international/le-benin-saigne-par-le-terrorisme-den-prend-au-niger-et-au-burkina/ Sun, 27 Apr 2025 06:24:32 +0000 https://mondafrique.com/?p=132484 Le 17 avril, le Bénin a subi une attaque majeure qui, officiellement, a coûté la vie à 54 soldats, le bilan le plus lourd jamais enregistré dans le pays. Jusqu’ici relativement épargné par les malheurs des pays sahéliens, Cotonou, désormais pris dans la nasse du terrorisme, pointe du doigt la responsabilité de ces voisins burkinabè et […]

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Le 17 avril, le Bénin a subi une attaque majeure qui, officiellement, a coûté la vie à 54 soldats, le bilan le plus lourd jamais enregistré dans le pays. Jusqu’ici relativement épargné par les malheurs des pays sahéliens, Cotonou, désormais pris dans la nasse du terrorisme, pointe du doigt la responsabilité de ces voisins burkinabè et nigériens.

Depuis le début de 2025, le pays fait face à une escalade sans précédent de la menace djihadiste dans la zone dite du « triple point » à la frontière avec le Burkina Faso et le Niger. Depuis 2021, date à laquelle le Bénin a été confronté à ses premières violences armées, l’attaque du 17 avril est la plus grave. Le JNIM, qui l’a revendiquée, conteste le bilan officiel et évoque 100 morts. 

Les Etats du Sahel responsables ?

Les forces béninoises, engagées dans l’opération Mirador depuis janvier 2022, peinent à contenir la progression djihadiste, malgré un effort sans précédent avec le déploiement de près de 3 000 soldats dans les zones sensibles. Pour justifier cet échec sécuritaire, Cotonou reproche à Ouagadougou et Niamey de ne plus coopérer dans la lutte antiterroriste. Depuis le coup d’État de juillet 2023, le Niger a en effet rompu les accords de coopération militaire qui permettaient échanges de renseignements, opérations conjointes et droit de poursuite contre les groupes armés à travers la frontière.

Cependant, si cette stratégie du bouc émissaire paraît commode, elle n’est pas fondée. D’une part, une bonne coopération n’empêche pas les attaques, comme le démontre l’exemple de l’Alliance des États du Sahel (AES), où la collaboration entre Mali, Burkina Faso et Niger n’a pas mis fin à la violence dans la zone des trois frontières. D’autre part, ces voisins pourraient tout aussi bien renvoyer la balle, puisque le côté béninois du parc W – qui s’étend sur les trois pays – sert depuis longtemps de refuge aux groupes armés. Enfin, les attaques ne se limitent plus à cette seule zone : le 25 avril, le JNIM a frappé la partie centrale du pays, proche de la frontière nigériane, en faisant exploser un véhicule de transport de troupes.

Derrière la tentation de désigner un bouc émissaire, le Bénin semble surtout répéter les erreurs qui ont mené à l’échec de la lutte antiterroriste au Sahel  : réponse essentiellement militaire, absence de stratégie politique globale. L’expérience des voisins sahéliens montre que l’approche sécuritaire seule ne suffit pas à endiguer la menace. Cette escalade de la violence est aussi une très mauvaise nouvelle pour la France et les États-Unis qui coopèrent avec le Bénin et qui voient, une fois de plus, leurs efforts menacés par la répétition des mêmes impasses.

 

 

 

 

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Le 26 avril, les grandes voix d’Afrique vibrent à l’Athénée à Paris https://mondafrique.com/international/le26-avril-les-grandes-voix-dafrique-vibrent-a-lathenee-a-paris/ Fri, 25 Apr 2025 03:57:19 +0000 https://mondafrique.com/?p=132342 Le 26 avril 2025, l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet accueille le Concours International des Grandes Voix d’Opéra d’Afrique. Un événement rare qui célèbre les artistes lyriques africains et afro-descendants, entre grands airs du répertoire et chants enracinés. Dans le cadre somptueux de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet à Paris, les 24 et 26 avril 2025, les voix d’Afrique résonneront […]

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Le 26 avril 2025, l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet accueille le Concours International des Grandes Voix d’Opéra d’Afrique. Un événement rare qui célèbre les artistes lyriques africains et afro-descendants, entre grands airs du répertoire et chants enracinés.

Dans le cadre somptueux de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet à Paris, les 24 et 26 avril 2025, les voix d’Afrique résonneront avec puissance et émotion à l’occasion du Concours International des Grandes Voix d’Opéra d’Afrique. À l’heure où les scènes lyriques s’ouvrent encore timidement à la diversité, cet événement se donne pour mission de mettre en lumière les talents africains et afro-descendants dans le domaine exigeant du chant lyrique. Durant deux soirées exceptionnelles, le public parisien découvrira ou redécouvrira des interprètes d’exception, porteurs d’un souffle nouveau, d’un ancrage singulier et d’un engagement artistique fort.

Ce concours, bien plus qu’une compétition, est pensé comme une célébration de la voix dans toute sa splendeur, sa virtuosité et sa profondeur émotionnelle. Il donne à entendre de jeunes artistes venus de tout le continent africain — Afrique du Sud, Cameroun, Bénin, République démocratique du Congo, Sénégal, Égypte, Nigeria — ainsi que des chanteurs issus des diasporas afro-caribéennes et afro-européennes. Tous ont en commun une passion pour le bel canto, le drame lyrique et l’opéra romantique, mais aussi un désir de faire entendre des répertoires qui croisent les influences et les racines.

Le programme du concours alterne ainsi grands airs classiques — de Verdi à Bizet, de Mozart à Puccini — avec des pièces vocales issues du patrimoine africain, dans leurs langues originales ou adaptées pour la scène lyrique. Ce dialogue entre tradition savante occidentale et chants populaires ou sacrés africains crée une tension féconde, une émotion rare. Le public n’entend pas seulement des prouesses techniques, il assiste à une relecture du répertoire, à une affirmation artistique qui bouscule les catégories figées.

Les finalistes seront jugés par un jury international composé de personnalités du monde lyrique, de directeurs d’opéras, de chefs d’orchestre, de metteurs en scène, mais aussi de spécialistes des musiques africaines. Le prix principal, « Grande Voix d’Afrique », sera décerné à l’un ou l’une des chanteurs qui aura su conjuguer excellence vocale, présence scénique et singularité artistique. D’autres prix récompenseront la meilleure interprétation d’un air africain, la révélation jeune talent ou encore le prix du public.

Mais l’événement ne se limite pas à la scène. En amont du concours, des masterclasses sont organisées à Paris pour les chanteurs sélectionnés, leur permettant de perfectionner leur technique, de travailler leur diction et leur interprétation avec des professionnels renommés. Ces moments de transmission font partie intégrante de la philosophie du concours : encourager les artistes dans leur parcours, leur offrir un tremplin, et faire exister une filière lyrique plus inclusive, mieux connectée aux réalités du monde contemporain.

Le choix de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet n’est pas anodin. Ce lieu chargé d’histoire, réputé pour son exigence artistique, offre un écrin idéal à ce projet audacieux. La beauté du lieu, son acoustique raffinée et son élégance classique dialoguent parfaitement avec l’ambition esthétique du concours. Il s’agit de montrer, par l’excellence, que les grandes voix d’opéra d’Afrique ont toute leur place dans les temples de la culture européenne.

Dans une capitale comme Paris, qui se veut carrefour des cultures, ce concours sonne comme un manifeste artistique et politique. Il invite à élargir les imaginaires, à écouter d’autres voix, d’autres récits, d’autres timbres. Il révèle aussi le vivier immense et souvent invisibilisé des chanteurs lyriques noirs dans le monde francophone. En donnant à voir et à entendre cette richesse, le Concours International des Grandes Voix d’Opéra d’Afrique fait œuvre de justice, de beauté, et d’espoir.

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