- Mondafrique https://mondafrique.com/international/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Sun, 20 Jul 2025 09:05:31 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/international/ 32 32 La Guerre froide en Afrique (4/5), l’OPA soviétique sur la formation des élites https://mondafrique.com/international/guerre-froide-en-afrique-4-6-lopa-sovietique-sur-la-formation-des-elites/ https://mondafrique.com/international/guerre-froide-en-afrique-4-6-lopa-sovietique-sur-la-formation-des-elites/#respond Sun, 20 Jul 2025 22:22:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=54030 Au-delà des conflits armés qui ont ensanglantés le continent pendant trente ans, les Deux Grands ont tout fait pour gagner la bataille des cœurs et des esprits en investissant dans la formations des élites africaines. Une histoire méconnue qui résonne encore aujourd’hui Olivier Toscer  Février 1960 à Moscou. Nikita Khrouchtchev annonce l’ouverture prochaine de l’Université […]

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Au-delà des conflits armés qui ont ensanglantés le continent pendant trente ans, les Deux Grands ont tout fait pour gagner la bataille des cœurs et des esprits en investissant dans la formations des élites africaines. Une histoire méconnue qui résonne encore aujourd’hui

Olivier Toscer

Des étudiants africains à Moscou. » Nous ne serons pas affligés, si vous ne devenez pas communistes », assurait Nikita Khrouchtchev

 Février 1960 à Moscou. Nikita Khrouchtchev annonce l’ouverture prochaine de l’Université de l’Amitié des Peuples. L’établissement est destiné à procurer à des étudiants venus de ce que l’on appelle alors le Tiers-Monde, un enseignement supérieur de haut niveau.L’initiative passe alors plutôt inaperçue, même au sein des services de renseignements occidentaux, en regard d’autres affaires majeures de la guerre froide cette année-là comme le sommet avorté de Paris entre Khrouchtchev et Eisenhower (mai), la crise congolaise (juillet à décembre) ou le départ des conseillers soviétiques de Chine (août).

L’Université de l’Amitié lance pourtant un nouveau mode de lutte d’influence idéologique, une autre guerre froide, non-dite celle-là. Une bataille sans armes nucléaires, ni affrontements militaires mais visant pourtant le même objectif : assurer la suprématie de bloc de l’Est dans ces pays que l’on appelle alors « sous-développés » et particulièrement en Afrique

Le pragmatisme avant l’idéologie

L’URSS étudie avec appétit, depuis plusieurs années, le processus de décolonisation en vue d’étendre son influence.La patrie de Lénine a certes déjà envoyé une poignée de conseillers militaires au Ghana, en Guinée et au Congo notamment. Mais elle prend soin de ne pas déclencher un conflit armé. Elle vient ainsi de décliner les appels du pied du Premier ministre congolais Patrice Lumumba pour s’engager militairement dans la guerre civile en cours dans l’ex-colonie belge.

Dans le Tiers-Monde, Moscou préfère le pragmatisme et l’opportunisme à la rigueur idéologique. « Nous ne serons pas affligés, si vous ne devenez pas communistes, assure même Nikita Khrouchtchev dans une adresse aux étudiants, lors de l’inauguration de l’Université de l’Amitié des Peuples. Mais vous resterez toujours des gens honnêtes, si, en acquérant le savoir, vous consacrez votre vie au service fidèle de votre peuple, et non au sac d’argent, à la pièce d’or ».

L’offensive de charme soviétique est instantanément couronnée de succès : avant même son ouverture, l’établissement reçoit près de 2 000 candidatures pour 500 places disponibles. Il faut dire que l’aide concrète apportée à chaque étudiant sélectionné est appréciable: une allocation mensuelle, un logement en foyer universitaire, et surtout un encadrement pédagogique impressionnant – environ 800 enseignants pour 4 000 étudiants. Les étudiants africains sont traités comme des princes : ils reçoivent de 80 à 150 roubles par mois (contre 50 à 70 pour les boursiers soviétiques, et 100 pour le salaire moyen en Russie).

Dès mars 1961, l’Université prendra le nom de Patrice Lumumba, ex-Premier ministre du Congo assassiné dans la guerre civile qui ravage encore l’ancienne colonie belge. Une récupération qui vise à montrer la solidarité de l’URSS avec les peuples libérés du système colonial, à séduire.

« Combien d’entre vous êtes prêts à passer dix ans de vos vies en Afrique? », lance John Kennedy à un auditoire étudiant peu avant son élection

Naissance du « Peace Corps »

Le 14 octobre 1960, à 2 heures du matin, juste après son premier débat télévisé avec Nixon dans le cadre de l’élection présidentielle, à l’Université de Ann Arbor, John F. Kennedy met au défi les 10 000 étudiants restés pour l’accueillir : « Combien d’entre vous êtes prêts à passer dix ans de vos vies en Afrique, en Amérique latine ou en Asie pour les États-Unis et pour la liberté ? ».

Quelque jours plus tard, le futur président des Etats-Unis théorise la notion de Peace Corps lors d’un discours où il s’en prend à l’administration Eisenhower, incapable, selon lui, de mener la guerre froide avec suffisamment de vigueur. Il faut faire mieux en envoyant des Américains à l’étranger, motivés pour défendre la liberté et « triompher des efforts des missionnaires de M. Khrouchtchev ».

le Peace Corps voit le jour le 1er mars 1961

Enfanté par la guerre froide, le Peace Corps voit le jour le 1er mars 1961. Dès la fin de l’année quelque 400 jeunes coopérants sont déjà en poste notamment au Ghana et au Nigeria où ils donnent des cours d’anglais, de mécanique ou de médecine, triment dans les champs ou aident dans les ministères.

Le nombre de ses volontaires atteindra 15 000 en 1966 dont 40 % en Afrique noire. Les corpsmen  se vivent comme les vigies avancées de la société américaine dans les pays du Sud. Ils sont censés aider les jeunes nations bien sûr mais également combattre l’image de « l’Ugly American », la réputation de yankee prétentieux qui colle à la peau des Américains à ce moment-là dans le monde. « Ils sont exactement le calibre d’hommes et de femmes qui devraient être encouragés à poursuivre leur carrière au sein de l’administration fédérale », écrit, avec enthousiasme le président Lyndon Johnson en mai 1964[1].

Si l’objectif solennel confié par le Congrès américain au Peace Corps est bien de «promouvoir la paix et l’amitié dans le monde », la mention par une brochure de l’Académie des sciences de l’URSS de cette « organisation anticommuniste au service du capital monopolistique » montre que les Soviétiques y voient un concurrent sérieux.

Un étudiant sur quatre pro soviétique

Au début de son offensive de charme, l’URSS semble bien placé pour emporter la bataille des cœurs et des esprits. En 1962, selon une étude du sociologue sénégalais Jean-Pierre N’Diaye, réalisée auprès de la jeunesse estudiantine africaine en France, 25 % d’entre eux admirent l’URSS contre seulement 8 % la France et 3 % les Etats-Unis. Mais la susceptibilité des jeunes Etats africains, jaloux de leur souveraineté dans leur propre pays, ralenti la pénétration du bloc communiste sur le territoire africain.

Exemple à l’Institut Polytechnique de Conakry où dès la première année scolaire, deux professeurs soviétiques sont destitués après le premier semestre sur ordrede l’inspecteur général de l’enseignement Louis Béhanzin, à causede leur mauvaise connaissance du français. « Quand les professeurs américains arrivent, explique-t-il aux autorités soviétiques, ils n’ont pas de difficultés avec la langue française. La différence dans la connaissance du français entre les enseignants soviétiques et américains a une importance politique non seulement pour la Guinée mais aussi pour tous les pays africains »[2]

 Les boursiers africains accueillis à l’université Patrice-Lumumba ne sont pas non plus tous très contents de leur vie à Moscou. En décembre 1963, entre 500 et 700 d’entre eux manifestent même sur la Place Rouge contre le racisme qu’ils subissent en URSS, après qu’un de leur camarades ait été retrouvé mort au bord d’une bretelle d’autoroute. Et certains se plaignent, dès leur retour chez eux, de la qualité des diplômes soviétiques toujours sous-évalués par les autorités locales par rapport à ceux de camarades ayant fait leurs études à Paris ou à Londres.

Inquiétudes de Jacques Foccart

Le directeur de la CIA se plaint de l’interdiction de placer ses hommes dans le Peace Corps

Côté Etats-Unis, l’influence des Peace Corps américains reste également limitée par la légende urbaine qu’ils seraient des agents de la CIA sous couverture. Même leurs alliés se méfient de « ces volontaires auxquels les Américains donnent une formation très idéologique », comme l’écrit dans ses carnets Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » du Général De Gaulle. « Ils ne font pas autre chose que du renseignement ou de la propagande »[3]. Une chimère en réalité : des notes récemment déclassifiés aux Etats-Unis montrent qu’une règle en vigueur dès le départ disqualifiait automatiquement les candidats qui voulaient s’enrôler dans les Peace Corps, s’ils avaient eu auparavant une carrière dans un service de renseignement. Et même la CIA se plaignait d’une telle interdiction ! « Je pense que cette interdiction porte un terrible désaveu envers les hommes et les femmes honorables qui servent leur nation en travaillant à la CIA »[4], fulminera William Casey, le maitre-espion américain au début des années 80.

De toute façon, au tournant des années 60-70, les Américains embourbés au Vietnam, se désintéressent de plus en plus de la coopération avec l’Afrique, se contentant de livrer des armes et de soutenir politiquement les régimes qui leur sont déjà acquis (Zaïre et Afrique du Sud notamment). Ils ne réagissent même pas quand l’Ethiopie de Hailé Selassié bascule dans la dictature militaire communiste en 1974 et que le Peace Corps doit plier bagage.

A partir du début des années 70, l’URSS va également concentrer ses efforts sur le continent noir dans le seul domaine militaire et déléguer la coopération éducative aux autres pays de l’Est. L’Allemagne de l’Est par exemple devient à partir de 1973, le principal « coopérant » civil du bloc de l’Est en Afrique. Les « chemises bleues », les jeunesses communistes est-allemandes sont envoyés dans les champs et dans les usines notamment au Congo, Angola, Mozambique. Surtout, les Allemands de l’Est excellent dans la formation à la propagande, notamment avec ADN, l’agence de presse nationale chargée de former les journalistes africains issus des pays frères en Afrique.

Au final, le bloc de l’Est a-t-il réellement été capable de produire des élites «rouges», guidées par l’idéologie communiste et soucieuses de mettre en place une administration et une bureaucratie de type socialiste en Afrique ?

Certains anciens élèves du bloc soviétiques ont effectivement accédé au plus haut niveau dans leurs pays alors d’orientation marxiste : José Eduardo dos Santos, président de l’Angola à partir de 1979, a étudié en URSS de 1963 à 1969 ; il était le principal dirigeant des étudiants angolais en URSS et a obtenu à Bakou un diplôme d’ingénieur du pétrole et des télécommunications. Fikre-Selassié Wogderess, Premier ministre éthiopien de 1985 à 1987, a étudié à l’Institut de sciences sociales à Moscou en 1975. Alemu Abebe, ministre de l’Agriculture en Éthiopie a fait des études de médecine vétérinaire à Moscou. Au Mali, plusieurs présidents ont été formés derrière le rideau de fer, parmi lesquels Alpha Oumar Konaré (1971-1975 : Institut d’Histoire, Université de Varsovie, Amadou Toumani Touré (1974-1975 : École supérieure des troupes aéroportées à Riazan en URSS), Dioncounda Traoré (1962-1965 : Faculté de langue russe à Moscou et Faculté de mécanique et mathématiques de l’Université d’État de Moscou).

Dans le domaine culturel, la formation aux différents métiers du ciném(opérateurs, scénaristes, réalisateurs, critiques de cinéma, éclairagistes, etc.), retient également l’attention puisque le cinéma joue un rôle essentiel dans la conquête des coeurs et des esprits. Parmi les cinéastes, le Sénégalais Sembene Ousmane, le Malien Souleymane Cissé, ou encore le Mauritanien Abderrahmane Sissako (Timbuktu), pour n’en citer que quelques-uns, ont fait leurs classes en Union soviétique, pour la plupart à l’Institut du cinéma de Moscou (VGIK). La célèbre «école soviétique du cinéma » a joué et joue encore un rôle majeur dans leur manière de représenter leur société.

Des milliers de cadres 

Mais l’essentiel de l’héritage soviétique en Afrique ce sont surtout des milliers d’ingénieurs, agronomes, médecins, pharmaciens, cadres de l’administration et du secteur privé, techniciens, enseignants d’université ou du secondaire. Ils ont contribués et contribuent encore à la construction des Etats africains.

Dans quelques rares pays, ils ont même été dominants dans l’élite administrative. A la fin des années 80 par exemple, les Ethiopiens formés en URSS représentait 30 % des postes de cadres du ministère des Affaires Etrangères et près de la moitié des cadres des ministères économiques et des entreprises publiques.

Indirectement, l’engagement soviétique dans l’éducation a incité les Etats-Unis et leurs alliés à suivre le mouvement et renforcer leur coopération avec les pays africains. La moitié des coopérants français, les volontaires du service national, ces « soldats sans uniformes » déployés à partir de 1962 en Afrique étaient par exemple des instituteurs.Pour l’historien français Constantin Kaztsakioris, « l’aide soviétique dans l’éducation a été d’une grande importance aussi bien pour le développement des pays africains que pour plusieurs générations de jeunes africains. Ses effets ont été majeurs ».

Aujourd’hui, les Africains retournés dans leur pays travaillent de plus en plus dans des compagnies russes ou comme intermédiaires entre les hommes d’affaires russophones de l’ancienne URSS et les milieux commerciaux et sociaux et l’appareil d’État de leur pays, par exemple dans les grandes compagnies d’extraction de ressources en énergie telles que RusAl en Guinée.

Ils sont un atout dans le grand retour de la Russie en Afrique qui s’est fait jour ces dernières années.

[1] Memorandum à tous les chefs de départements exécutifs et des agences fédérales du 16 mai 1964

[2] Compte rendu d’une conversation avec l’expert principal de l’Unesco en Guinée, le 10 décembre 1962, Archives d’Etat de la Fédération de Russie.

[3] Extrait des mémoires de Jacques Foccart, Journal de l’Elysée, tome IV, Fayard, 2000.

[4] Lettre du directeur de la CIA au directeur du Peace Corps, le 2 novembre 1983

Guerre froide en Afrique (4/5), la CIA en Angola en 1975

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Iran, les Gardiens de la révolution imposent la terreur en Iran https://mondafrique.com/international/iran-les-gardiens-de-la-revolution-imposent-la-terreur-en-iran/ https://mondafrique.com/international/iran-les-gardiens-de-la-revolution-imposent-la-terreur-en-iran/#respond Sun, 20 Jul 2025 06:16:42 +0000 https://mondafrique.com/?p=136816 Ce que cette guerre a provoqué, c’est un saut brutal dans la répression, une accélération féroce d’un système de contrôle qui ne reposait déjà plus que sur la peur. L’espace public iranien, déjà sous tension, s’est transformé en théâtre d’occupation intérieure sous bonne garde des gardiens de la révolution qui ont pris tout le pouvoi […]

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Ce que cette guerre a provoqué, c’est un saut brutal dans la répression, une accélération féroce d’un système de contrôle qui ne reposait déjà plus que sur la peur. L’espace public iranien, déjà sous tension, s’est transformé en théâtre d’occupation intérieure sous bonne garde des gardiens de la révolution qui ont pris tout le pouvoi

Depuis les frappes israélo-américaines contre les installations nucléaires du pays, les rues de Téhéran, Ispahan ou Machhad sont saturées de forces sécuritaires. Les Pasdaran (Gardiens de la révolution islamique), en uniforme ou en civil, quadrillent les quartiers avec l’aide des Bassidjis – ces milices paramilitaires de «défense morale». Les anciens Komiteh, comités islamiques de quartier, ont été relancés. Leur mission?  Une simple coiffure, un jean, un message sur Telegram peut désormais valoir un interrogatoire – ou pire.

«C’est aussi sans doute la réaction d’un animal blessé», explique le chercheur et expert à l’Iris Paris, David Rigoulet-Roze. «Le régime a été humilié par la ‘guerre des douze jours’, se sait infiltré de longue date par le Mossad, incapable de protéger ses élites et encore moins sa population. Alors il se retourne d’autant plus contre elle qu’il en a peur. Il mobilise plus que jamais ses outils de terreur.»

Un passé qui ne passe pas: l’ombre de 1988

Ce n’est pas la première fois que le pouvoir réagit ainsi à une menace existentielle. En 1988 déjà, à la fin de la guerre Iran-Irak, l’ayatollah Khomeiny accepte à contrecœur un cessez-le-feu avec Saddam Hussein. Pour faire croire que le régime ne fléchit pas, il ordonne une purge atroce: des milliers de prisonniers politiques sont exécutés en silence, après des parodies de procès qui durent parfois moins de deux minutes. Le chiffre exact reste inconnu, mais on parle de près de 5.000 morts, jetés dans des fosses communes sans nom.

David Rigoulet-Roze y voit un écho glaçant. «On est dans la même logique de vengeance du régime: il a été durement frappé depuis l’extérieur, alors il décide de frapper aussi durement à l’intérieur pour faire savoir qu’il ne lâchera rien. En 1988, les milliers de morts du ‘massacre des prisons’ décidé par une fatwa de l’Ayatollah Khomeiny, étaient une réaction directe au fait d’avoir été contraint de ‘boire la ciguë’ en acceptant le cessez-le-feu avec l’Irak de Saddam Hussein et ce, afin de montrer que le régime ne prendrait pas le risque d’être menacé par une opposition de l’intérieur. Aujourd’hui, le nombre des exécutions augmente dans une logique peu ou prou similaire.»

Le chercheur évoque aussi une comparaison troublante avec la loi des suspects en France, pendant la Terreur révolutionnaire. Adoptée en 1793, cette loi permettait d’arrêter n’importe qui pour «attitude contre-révolutionnaire», sans preuve, sans procès équitable. C’était une machine à broyer la société au nom de la pureté idéologique. En Iran aussi, aujourd’hui, le soupçon suffit. On arrête préventivement. On frappe pour l’exemple. Le système ne cherche pas à exercer la justice, mais l’intimidation totale.

La peur comme seul ciment

Les chiffres récents donnent froid dans le dos: plus de 1.000 arrestations, des dizaines d’exécutions, des membres de minorités (Kurdes, Juifs, Bahaïs) ciblés sans relâche. Les ONG parlent de transferts forcés, de détenus déplacés vers des lieux secrets, de procès expédiés. Même Hossein Ronaghi, figure emblématique de la liberté d’expression, a été arrêté. Des artistes, des étudiants, des militantes féministes disparaissent sans que leurs proches sachent où ils sont emmenés.

Et tout cela n’est que le début, prévient Roya Boroumand, du Abdorrahman Boroumand Center: «Les dirigeants iraniens recourent à la peur pour empêcher leurs opposants de se regrouper. Et ils ne font peut-être que commencer.»

Khamenei s’efface, les Pasdaran règnent

Mais derrière cette brutalité se cache un basculement plus profond: le cœur du pouvoir iranien semble avoir changé de mains. Officiellement, l’ayatollah Ali Khamenei reste le Guide suprême. En réalité, retranché dans son bunker, vieilli, effacé, il s’appuie de plus en plus sur les Pasdaran. Certains évoquent une passation de pouvoir déjà opérée, mais il s’agissait en réalité d’un dispositif mis en place pendant la guerre pour assurer la continuité du régime au cas où Khamenei aurait été tué. Il a finalement repris les commandes.k

 

«Il s’est lié les mains depuis longtemps avec le Corps des gardiens de la révolution qui est théoriquement la ‘garde prétorienne’ du régime religieux. Il n’avait plus vraiment le choix», tranche Rigoulet-Roze. «Aujourd’hui, on estime que les Pasdaran, outre leur hégémonie militaire en tant qu’armée-bis et dans les services de renseignements, contrôlent près de 40% de l’économie, les douanes pour faciliter leur commerce interlope, les innombrables entreprises dont ils ont pris le contrôle à travers des participations plus ou moins imposées. Le clergé, de son côté, est totalement disqualifié auprès d’une population de plus en plus sécularisée, ce qui conduit à une marginalisation latente. Aujourd’hui, autour du Guide suprême, ce ne sont plus les turbans qui sont visibles selon le principe du ‘velayat-e faqih’ (primauté du religieux sur le politique), mais de plus en plus les képis des Pasdarans.»

Ce qui était autrefois un «État dans l’État» est devenu l’État lui-même. La République islamique n’a plus de façade religieuse crédible. Elle est devenue une machine sécuritaire pure, où la loi n’est plus un cadre, mais un outil de guerre psychologique contre la population.

Et après?

Cette stratégie est-elle efficace? À court terme, oui. Elle paralyse la contestation, fait taire les figures de l’opposition et impose une chape de plomb, explique l’expert. Mais pas à long terme. «Le régime est en bout de course. Il ne peut pas évoluer. S’il change, il se renie, donc potentiellement s’effondre de l’intérieur. Il ne peut plus fonctionner autrement. Il est devenu en quelque sorte prisonnier de sa propre machine de répression», poursuit-il.

La société iranienne, surtout urbaine et connectée, n’est plus dupe. Les jeunes n’aspirent ni à la théocratie, ni à la militarisation. Ils veulent partir, fuir ou s’éteindre. Les chiffres parlent: +24% de suicides en trois ans, une jeunesse minée par la dépression, la toxicomanie, l’exil comme horizon.

«Il n’y a pas de radicalisation à proprement parler dans le passage à l’action violente», conclut M. Rigoulet-Roze. «Il n’y a qu’une forme dépressive de désespoir pur pour beaucoup d’Iraniens.»

Et ce désespoir, le régime le sent. D’où sa violence.

C’est cela, aujourd’hui, l’Iran: un régime en guerre contre son peuple. Un peuple étouffé, traumatisé, tenu par la peur. Et une communauté internationale qui regarde ailleurs.

Mais à force d’agiter le fouet, il oublie une chose: la peur, quand elle est partout, finit par ne plus suffire. Et le jour où elle cessera de paralyser, elle explosera.

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Les Druzes libanais appellent à l’apaisement en Syrie https://mondafrique.com/international/les-sruzes-libanais-appellent-a-lapaisement-en-syrie/ https://mondafrique.com/international/les-sruzes-libanais-appellent-a-lapaisement-en-syrie/#respond Sat, 19 Jul 2025 18:17:03 +0000 https://mondafrique.com/?p=136801 Face à l’escalade dramatique des violences dans la province syrienne de Soueïda, le cheikh akl de la communauté druze du Liban, Sami Abi el-Mona, a lancé un appel solennel à la communauté internationale. Dans une lettre ouverte adressée aux chefs d’État, souverains, responsables onusiens et dirigeants d’organisations humanitaires, il implore une intervention urgente pour mettre un […]

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Face à l’escalade dramatique des violences dans la province syrienne de Soueïda, le cheikh akl de la communauté druze du Liban, Sami Abi el-Mona, a lancé un appel solennel à la communauté internationale. Dans une lettre ouverte adressée aux chefs d’État, souverains, responsables onusiens et dirigeants d’organisations humanitaires, il implore une intervention urgente pour mettre un terme à ce qu’il qualifie de «massacre humanitaire» contre les druzes.

Dans ce message, le chef religieux dénonce les «crimes de guerre» et les «violations des droits humains fondamentaux» perpétrés contre les civils de Soueïda, dans un climat de chaos sécuritaire croissant. Il évoque le sort tragique de nombreux innocents: enfants massacrés, femmes agressées, vieillards humiliés, malades torturés, maisons incendiées et symboles culturels profanés.

«Nous vous adressons cet appel au nom de chaque victime de la barbarie et de la haine. Ce qui se passe à Soueïda ne peut être réduit à un conflit local, il s’agit d’une tragédie humaine qui appelle une réponse internationale immédiate», affirme le cheikh.

«Agir maintenant, pas demain»

Le cheikh Abi el-Mona fustige l’usage disproportionné de la force par l’État syrien et la présence de groupes extrémistes opérant sous couvert de légitimité étatique. Il critique également les ingérences étrangères qui instrumentalisent la province à des fins géopolitiques.

Il appelle les grandes puissances à intervenir «avec la rapidité de l’éclair» pour arrêter les massacres, lever le siège imposé à des centaines de milliers d’habitants et garantir les besoins vitaux de la population. Il propose que la communauté internationale parraine des accords de cessez-le-feu et soutienne des ententes durables visant à rétablir la sécurité et à préserver la participation pleine et entière des druzes à la vie nationale.

«Ceux qui ont rejeté l’entrée de l’armée à Soueïda l’ont fait par crainte d’un bain de sang. Cette peur s’est confirmée. Ceux qui demandaient des garanties n’avaient pas tort», ajoute-t-il.i

 

La fragmentation de la Syrie

Dans sa lettre, le cheikh rappelle le rôle historique de la communauté druze dans la défense de l’unité syrienne, et exhorte à préserver la diversité et le tissu social du Jabal el-Arab. Il met en garde également contre les risques de «fitna» (discorde sectaire) si les violences ne cessent pas immédiatement, redoutant un élargissement du conflit à l’ensemble du territoire syrien et à la région.

«La guerre, si elle ne s’arrête pas maintenant, plongera la Syrie et la région dans une spirale incontrôlable de chaos et de destruction», avertit le cheikh.

Il conclut en appelant les responsables internationaux à assumer leurs responsabilités avant qu’il ne soit trop tard.

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Mohamed Wardi, l’icône musicale et révolutionnaire du Soudan https://mondafrique.com/international/mohamed-wardi-licone-musicale-et-revolutionnaire-du-soudan/ https://mondafrique.com/international/mohamed-wardi-licone-musicale-et-revolutionnaire-du-soudan/#respond Sat, 19 Jul 2025 10:34:02 +0000 https://mondafrique.com/?p=136783 Pendant six décennies, la voix de Mohamed Wardi a accompagné tous les événements politiques du Soudan. Il a chanté l’espoir, la liberté, la désillusion, la douleur, la révolte. Il a incarné la richesse culturelle de son pays, trop souvent méconnue. Plus de dix années après son départ, il demeure une icône musicale et révolutionnaire dans […]

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Pendant six décennies, la voix de Mohamed Wardi a accompagné tous les événements politiques du Soudan. Il a chanté l’espoir, la liberté, la désillusion, la douleur, la révolte. Il a incarné la richesse culturelle de son pays, trop souvent méconnue. Plus de dix années après son départ, il demeure une icône musicale et révolutionnaire dans toute l’Afrique de l’Est.

Leslie Varenne

Un peu de musique : aujourd'hui nous traduisons une chanson de Mohamed Wardi, un des plus grands chanteurs soudanais, qu'il écrivit en 1997 après le coup d'état d'Omar al-Bashir. Celle-ci a été redécouverte et reprise pendant la révolution de décembre 2018 qui a mené à sa chute, avec un message intemporel et universel : rends-nous les clés du pays.
Un peu de musique : aujourd’hui nous traduisons une chanson de Mohamed Wardi, un des plus grands chanteurs soudanais, qu’il écrivit en 1997 après le coup d’état d’Omar al-Bashir. Celle-ci a été redécouverte et reprise pendant la révolution de décembre 2018 qui a mené à sa chute, avec un message intemporel et universel : rends-nous les clés du pays.

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L’histoire contemporaine du Soudan se conjugue avec la voix de Mohamed Othmane Hassan Wardi. Né en 1932 sur l’île de Sawarda, dans la région nubienne du nord du pays, il a grandi dans l’espoir de voir la fin du condominium anglo-égyptien, une forme particulière de colonisation qui masquait en réalité une domination pure et dure de l’Empire britannique.

Des débuts fulgurants

À 25 ans, moins d’un an après l’indépendance acquise en 1956, il chante pour la première fois à la radio soudanaise d’Omdurman, une ville de la banlieue de Khartoum…  et c’est la révélation !  Dans la foulée, il enregistre son premier album, chante en arabe et en nubien, s’inspire des chants de son enfance, des mélodies populaires, des rythmes du Nil. Il s’impose sur la scène musicale, mêlant oud, percussions africaines et influences arabes, et reprend les textes des grands auteurs de son pays. Mohamed Wardi s’inscrit dans cet héritage culturel millénaire où la littérature et la poésie sont des respirations pour les Soudanais réputés être les plus grands lecteurs du monde arabo-musulman. Dès le début des années 1960, la voix de Mohamed Wardi résonne déjà dans toute l’Afrique de l’Est et puis au-delà, du Liban, au Mali et à la Mauritanie.

Poètes, vos papiers !

Chez Mohamed Wardi l’art est l’essence de la vie, il est néanmoins inséparable de l’engagement politique. A ce titre, il est souvent assimilé à Fela Kuti : tous deux portaient la musique comme une arme. En 1964 commence au Soudan une révolution populaire qui durera plus d’un an. Elle réussira à mettre un terme au régime militaire du général Abboud et à instaurer une période de transition démocratique. Dans son livre « Le Soudan dans tous ses Etats », l’ambassadeur Michel Raimbaud décrit cette période comme un exemple rare, dans la région, de changement politique impulsé par la société civile et non par l’armée. Evidemment, l’artiste choisit le camp du peuple et accompagne le mouvement. Ses chansons, comme « Ya Baladna Ya Helo », « Al Mursal », « Al Ghorba » deviennent des hymnes pour les étudiants, les ouvriers, les militants.

Mais ce combat a un prix. Membre du Parti communiste soudanais, le plus important du continent africain mais également le plus original car adapté aux réalités et à la culture du pays, Wardi deviendra un homme à abattre. En 1971, après l’échec de la transition démocratique, le nouveau régime militaire du général Nimeiry procède à des arrestations massives dans les milieux de la gauche soudanaise, le musicien est envoyé en prison, comme Fela Kuti, il y fera plusieurs séjours.

En 1989, lorsqu’Omar el-Béchir arrive au pouvoir, le chanteur choisit l’exil en Égypte. Il y restera treize longues années. Du Caire, il chante « l’oiseau migrateur » qui évoque la douleur de l’éloignement, le rêve du retour, la solidarité entre exilés. En juin 2002, il décide de rentrer chez lui au pays, quelque en soit le prix.  A son arrivée à Khartoum, il est accueilli comme un héros par une foule en liesse. Alors qu’Omar el-Béchir est toujours au pouvoir, il déclare : « Je suis un humain, et tout être humain est contre la dictature. Je continuerai à la dénoncer. L’atmosphère n’encourage pas la création. La liberté est essentielle à l’épanouissement de l’art. » Il n’a rien lâché, il est le poète indomptable… Emu par cet accueil, il dira plus tard : « Le plus touchant, c’est que 85 % des gens étaient des jeunes qui avaient cinq, sept ans à mon départ et ne m’avaient jamais vu chanter » Preuve de son immense popularité dans tout le monde arabo-musulman, à l’occasion de ce retour triomphal, le journal libanais l’Orient le Jour lui consacre un article intitulé : « Chanter contre la dictature à 70 ans ».

« Rends nous les clés du pays »

Sa mort en 2012 n’a rien effacé. Sa chanson intitulée « Rends nous les clés du pays » écrite en 1997 et adressée à Omar el-Béchir a été reprise par les manifestants de la révolution de 2018. Cette complainte est une sorte de quintessence de son œuvre où la poésie se marie avec le combat : « Rends-nous le temps perdu, ces années d’exil et de peine, les rêves que nous avons vécus, le rêve d’un pays si grand et qui meurt de faim. Rends-nous enfin les clés du pays ! Où vas-tu fuir ? Dis-moi, où vas-tu fuir ? Comment vas-tu fuir toute cette souffrance, et toute cette faim ? Comment vas-tu fuir le lait des mères et le jugement de Dieu ? Comment vas-tu fuir quand tes deux mains sont trempées de sang ? Et le sang dit, se joignant à nous : « rends-les nous ».

Plus qu’un poète, un chanteur, un musicien, Mohamed Wardi est une conscience nationale ! Son héritage est immense : 300 chansons dans son répertoire et des générations de fan, qui fredonnent ses mélodies lors de fêtes, de deuils, de naissances. Il a également ouvert la voix à toute une nouvelle génération d’artistes africains en intégrant des instruments modernes et en renouvelant les arrangements tout en restant fidèle à ses racines. Avec lui les sons, les rythmes de sa région de son pays se sont exportées pour incarner la mémoire, la résistance, la beauté. Sous une vidéo d’un de ses concerts, un internaute a écrit : « C’était notre fils, il appartient à l’Afrique de l’Est, merci au Soudan. »

Après deux années de guerre, devant un Soudan dévasté, ruiné, affamé, les musées de Khartoum détruits, les joyaux du pays anéantis par la barbarie,  on ne peut s’empêcher de se demander : « Que chanterait Wardi aujourd’hui ? »  Une mélodie de pleurs accompagnée par les tambours du sanglots…

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La guerre froide en Afrique (3/5), la CIA en Angola en 1975 https://mondafrique.com/a-la-une/guerre-froide-en-afrique-6-6-nos-revelations-sur-la-cia-en-angola/ https://mondafrique.com/a-la-une/guerre-froide-en-afrique-6-6-nos-revelations-sur-la-cia-en-angola/#comments Mon, 14 Jul 2025 04:44:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=54056 Sans jamais intervenir directement militairement en Angola, les Etats-Unis, sous l’impulsion du « faucon » Henry Kissinger, ont mené à partir de 1975 une guerre souterraine aux Soviétiques et aux Cubains en nombre sur les champs de bataille angolais. Livraisons d’armes, financement de mercenaires, opérations de déstabilisation : l’engagement de la CIA explique la durée […]

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Sans jamais intervenir directement militairement en Angola, les Etats-Unis, sous l’impulsion du « faucon » Henry Kissinger, ont mené à partir de 1975 une guerre souterraine aux Soviétiques et aux Cubains en nombre sur les champs de bataille angolais. Livraisons d’armes, financement de mercenaires, opérations de déstabilisation : l’engagement de la CIA explique la durée d’un conflit qui aura duré plus de quinze ans

Une enquête d’Olivier Toscer

Jonas Savimbi, leader de l’UNITA, un des trois mouvements qui se disputent le pouvoir en Angola lors de l’indépendance du pays

Le 27 juin 1975, la Maison-Blanche réunit un conseil national de sécurité. Autour du président Gérald Ford et du Secrétaire d’Etat Henry Kissinger, siègent notamment le Secrétaire à la Défense James Schlesinger et le patron de la CIA, Bill Colby. Un seul sujet à l’ordre du jour : la situation en Angola. Elle est désastreuse du point de vue américain.

Depuis plus d’un an, après l’annonce de son retrait par le Portugal, la puissance coloniale, le pays est à feu et à sang. Trois mouvements rivaux se disputent le futur pouvoir, les armes à la main : d’un côté, les communistes du MPLA d’Agostinho Neto ; de l’autre, deux mouvements pro-occidentaux, le FNLA de Roberto Holden et l’UNITA de Jonas Savimbi.

Massivement soutenu par l’Union soviétique et le bloc de l’Est, ainsi que par des forces cubaines, encore peu nombreuses[1], le MPLA est aux portes de Luanda la capitale. Un situation qui inquiète Henry Kissinger au plus haut point : « L’histoire de l’Afrique a montré que le point essentiel est le contrôle de la capitale, professe-t-il ce jour-là. Par exemple dans la guerre civile au Congo, la raison pour laquelle nous avons pu sortir par le haut a été que nous n’avons jamais perdu le contrôle de la capitale Léopoldville. En Angola, si Neto (le leader de la rébellion pro-communiste, ndlr) gagne Luanda, il aura une base de pouvoir et petit à petit gagnera les faveurs des Africains »[2].

Et le Secrétaire d’Etat, faucon anticommuniste par excellence, de peindre devant le Président Ford, le tableau angolais en noir : « Les cargaisons d’armes soviétiques ont renversé la situation. (…) Le Portugal vacille face à Neto et les Soviétiques ont confiés des équipements importants, comme des transports de troupe, entre les mains de Neto », s’alarme-t-il.

Le président américains, Ronald reagan, en compagnie du leader de l’UNITA, Jonas Savimbi

Plusieurs options  sur la table.

La première est la neutralité, « laisser la nature suivre son cours », comme il dit. Et de lister les avantages d’une telle position attentiste : « Echapper à une implication militaire coûteuse, nous protéger contre les critiques de la communauté internationale et nous éviter d’être dans une confrontation plus dure avec le MPLA ». Mais Kissinger tient aussi à mettre le président Ford devant les inconvénients d’un tel détachement américain. « Le résultat probable sera que Neto sera en position de force, l’Angola prendra une direction progressiste. Et le cerveau de la politique étrangère américaine de pointer également le risque de s’aliéner son allié, voisin de l’Angola, Le Zaïre. Mobutu aura la tentation de s’allier avec Savimbi (le leader de l’UNITA, groupe de rebelles pro-occidentaux, ndlr) et le Zaïre pourrait également conclure que nous nous désintéressons du sort de cette partie du monde et devenir devienne anti-américain ». Une hypothèse, en réalité peu réaliste, vu le soutien financier sans faille de la CIA dont Mobutu a bénéficié depuis le début de son règne il y a quinze ans…

Lors de cette réunion cruciale du Conseil de Sécurité, Kissinger écarte également d’un revers de main, la voie diplomatique. « Mon ministère y est favorable mais je ne le suis personnellement pas. Si nous appelons les Soviétiques à la modération, cela sera vu comme un signe de faiblesse et on arrivera à rien », explique-t-il.

En réalité, deux mois seulement après la chute de Saigon et le retrait des troupes américaines du Vietnam, Henry Kissinger est chaud partisan de repartir sur le sentier de la guerre, du côté de Luanda. Il penche clairement pour la livraison d’armes

« Le comité ad-hoc pour l’Angola a d’abord envisagé d’envoyer des fonds puis a étudié l’envoi d’armement. Je recommande qu’un groupe de travail étudie cette dernière option en détail », annonce-t-il au président. « En tous les cas, ne rien faire est inacceptable », répond ce dernier.

Dans ce document partiellement déclassifié, la CIA liste ses opérations secrètes menées en Angola pendant l’année 1975l

Engagement américain en Afrique Australe.

Les archives de la CIA récemment déclassifiées montrent en effet que le conflit angolais ne se résume pas à l’engagement historique de près de 20 000 soldats cubains sur le terrain et de l’implication massive des conseillers militaires soviétiques. L’action secrète des Américains, une gigantesque offensive basée sur les opérations clandestines, permet d’expliquer, la durée record du conflit angolais qui va durer vingt-sept longues années.

Au départ, les Etats-Unis avaient étudié la faisabilité d’un opérations aéronavale sur Luanda pour anéantir les forces pro-communistes. Mais ils y avaient finalement renoncé pour éviter un conflit armé direct et incertain avec le bloc de l’Est. « Le rapport de force est favorable au mouvement pro-soviétique du MPLA grâce à un afflux massif d’armes soviétiques »[3] avaient rapidement constaté les experts

La croisade angolaise est donc confiée à la CIA. Il s’agit de fournir les deux autres mouvements de libération non-communistes en armes et en moyens financiers, mais sans que cela ne s’ébruite.

Dès le 29 juillet 1975 un avion de transport C141 arrive de Kinshasa avec un premier chargement d’armes pour la rébellion anti-communiste. D’autres suivront. Mais selon les règles de l’action clandestine, ces armes ne doivent pas pouvoir être attribuées aux Etats-Unis. Ce sont donc essentiellement des armes de la Seconde guerre mondiale qui sont acheminés, ainsi que des missiles anti-aériens SA7 fourni par Israël. La CIA a convaincu l’Etat hébreu d’effectuer cette livraison en échange d’équipements américains modernes livrés à Tel Aviv.

Le 13 septembre 1975, les Américains accentuent encore leur aide « pour distribuer plus d’armes américaines modernes en Angola, entraîner des miliciens angolais hors du territoire angolais et recruter des conseillers militaires non-américains »[4]. Mais tout est fait pour garder cet engagement militaire américains le plus secret possible. Même son principal allié dans la région, le Zaïre, ne doit pas intervenir directement pour éviter d’alerter les Soviétiques. « Il faut éviter d’encourager Mobutu a envoyer ses propres troupes au Cabinda mais coopérer avec lui pour armer et entraîner des forces cabindaises », préconisent les experts de la CIA. Même si Bill Colby, le patron de l’Agence reconnaît que « si le renseignement montre que la situation en Angola se détériore, on ne pourra pas calmer Mobutu »[5]

Les combattants de l’UNITA, soutenus par les Américains

Détour par l’Afrique du Sud

La CIA préfère jouer la carte de l’Afrique du Sud, un partenaire réputé plus fiable et moins soupçonnable d’agir sur ordre américain. Les troupes sud-africaines entrent ainsi en Angola le 14 octobre 1975 mais sans parvenir à empêcher la chute de la capitale Luanda aux mains des procommunistes. A partir de cette date, ce qui était une guerre civile africaine devient un conflit mondialisé, même en l’absence visible de l’US Army sur le terrain.

Pendant les 27 années que va durer le conflit angolais, l’armée américaine n’interviendra qu’une seule fois sous son pavillon, entre aout et octobre 1992, et de manière plutôt pacifique puisqu’il s’agissait de ramener par avion Hercules C-130 des rebelles pro-occidentaux chez eux, à la fin de la guerre. Mais pendant toutes la durée du conflit, des avions F27 affrétés par la CIA se chargeront de plusieurs opérations de transport. L’un d’eux sera même abattu par des MIG de l’armée de l’air cubaine en 1976.

La CIA n’est pas en reste non plus pour financer le recrutement de mercenaires à 300 dollars la semaine pour épauler les forces du FNLA de Roberto Holden. Budget total : 1,5 million de dollars. Plusieurs d’entre eux, tous arrivés via le Zaïre voisins, seront ainsi capturés par les hommes du MPLA et jugés publiquement. Certains seront condamnés à mort et exécutés.

Reagan élu, la CIA triomphe

En 1980, avec l’arrivée de Ronald Reagan à la Maison Blanche, les offensives clandestines de la CIA repartent de plus belle.

La CIA est chargé d’approvisionner la guérilla de Jonas Savimbi en armes et d’impliquer l’armée zaïroise, jusque là plutôt tenue à l’écart, dans le conflit. L’engagement américain devient de plus en plus massif. En 1987, Reagan donne même le feu vert pour livrer des missiles anti-aérien Stinger, le nec plus ultra de l’époque, à la guérilla anticommuniste. Il y en a pour 15 millions de dollars. Mais l’effort reste néanmoins dérisoire face aux milliards de dollars d’équipement fournis à ses alliés par l’Union Soviétique. L’équilibre des forces qui reste à l’avantage du bloc de l’Est, même si Washington ne cesse de mettre à contribution ses alliés dans le soutien à Savimbi. L’Arabie Saoudite par exemple paie la formation des rebelles de l’UNITA au Maroc pour cinquante millions de dollars. Même le Brésil est sommé d’envoyer des conseillers militaires sur le terrain.

La CIA attendra 1991 et le début du processus de paix pour mettre un point final à son opération secrète en Angola. Le bilan est maigre. Le MPLA, même si son vernis marxiste a disparu, est toujours au pouvoir à Luanda.

Le bilan humain du conflit est, lui, évalué à 500 000 morts.

[1] Selon un mémorandum titré « L’implication des Cubains en Angola », rédigé par la CIA le 22 juin 1977, ils ne sont que quelques centaines sur le terrain avant un engagement militaire beaucoup plus massif à partir de septembre 1975

[2] Minutes du Conseil de Sécurité Nationale du 27 juin 1975

[3] Extrait du récapitulatif des plans d’actions secrètes en Angola de janvier à octobre 1975, rédigé par la CIA, le 22 octobre 1975

[4] Ibid

[5] Ibid

Guerre froide (2/4), le Mali au mieux avec Moscou et Washington

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Le palestinien Marwan Barghouti, le favori du peuple https://mondafrique.com/international/marwan-barghouti-le-favori-du-peuple/ https://mondafrique.com/international/marwan-barghouti-le-favori-du-peuple/#respond Thu, 10 Jul 2025 18:29:05 +0000 https://mondafrique.com/?p=136690 Marwan Barghouti, emprisonné depuis plus de vingt ans dans les geôles israéliennes, est une des rares personnalités palectiniennes à incarner une relève. Né en 1959 à Kobar, en Cisjordanie, cet homme est l’ancien chef du Tanzim, la branche armée du Fatah, à l’époque où Yasser Arafat en était le leader. Il a notamment été condamné […]

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Marwan Barghouti, emprisonné depuis plus de vingt ans dans les geôles israéliennes, est une des rares personnalités palectiniennes à incarner une relève. Né en 1959 à Kobar, en Cisjordanie, cet homme est l’ancien chef du Tanzim, la branche armée du Fatah, à l’époque où Yasser Arafat en était le leader. Il a notamment été condamné à cinq peines à perpétuité pour son rôle au cours de la seconde Intifada.

Bien qu’enfermé derrière les barreaux, Barghouti n’est pas resté inactif. Il a notamment œuvré pour l’unité des différentes factions politiques palestiniennes, en publiant en 2006 un texte signé conjointement par des responsables emprisonnés du Fateh, du Hamas, du Jihad islamique et du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).

Ce « document des prisonniers »  intégrait notamment le principe de négociations avec Israël, dans le cadre d’un processus de paix. Il  avait alors quitté le Fateh un an plus tôt, désormais dirigé par Mahmoud Abbas, et créé sa propre formation, Al-Mustaqbal.

En outre, la longévité de cette situation lui confère une aura particulière, l’opinion publique palestinienne le considérant comme un héros de la «résistance», d’autant que, contrairement au Hamas et au Jihad islamique, il est considéré comme un acteur laïc.

Selon les sondages publiés avant que Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas en exil au Qatar, soit tué dans un raid israélien contre son quartier général à Téhéran après sa participation à l’investiture du nouveau président iranien, Barghouti émergerait comme le candidat préféré des Palestiniens pour succéder à Mahmoud Abbas, recueillant 34% des suffrages, tandis qu’Ismaïl Haniyeh se positionnerait en seconde place avec 17%.

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Cinq africains infantilisés par Donald Trump https://mondafrique.com/international/cinq-africains-infantilises-par-donald-trump/ https://mondafrique.com/international/cinq-africains-infantilises-par-donald-trump/#respond Thu, 10 Jul 2025 18:17:17 +0000 https://mondafrique.com/?p=136686 Le vieux slogan de Paris Match, « le poids des mots, le choc des photos », n’a jamais trouvé illustration plus magistrale et plus brutale. Donald Trump, assis derrière le bureau ovale, entouré de cinq chefs d’État africains debout, la casquette MAGA au premier plan… La scène a fait irruption sur les réseaux sociaux, déclenchant […]

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Le vieux slogan de Paris Match, « le poids des mots, le choc des photos », n’a jamais trouvé illustration plus magistrale et plus brutale. Donald Trump, assis derrière le bureau ovale, entouré de cinq chefs d’État africains debout, la casquette MAGA au premier plan…

La scène a fait irruption sur les réseaux sociaux, déclenchant en un éclair un tsunami de réactions. Colère, dépit, vertige, effondrement, stupeur : les réactions sont à la hauteur de la violence de l’image. Si Donald Trump en prend pour son grade, les présidents africains qui ont accepté de se livrer à cet exercice d’humiliation publique ne sont pas épargnés.

Un rapport de force d’un autre âge

Ces commentaires virulents sont légitimes car ce face-à-face inédit entre Donald Trump et cinq chefs d’État africains constitue non seulement une rupture diplomatique, mais expose aussi crûment une asymétrie de pouvoir d’un autre temps. Là où le protocole bilatéral suggère l’égalité, ce format collectif impose hiérarchie et soumission. Ce choix de mise en scène, loin d’être anodin, rappelle combien certains héritages de l’histoire continuent de peser sur la représentation des relations internationales et hantent encore les relations Nord-Sud.

C’est peu de dire que les présidents africains ne sont pas sortis grandis de cette séquence. Qu’est-ce qui a pris au président sénégalais Bassirou Diomaye Faye de proposer à Trump la construction d’un club de golf à Dakar ? Quant au Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, pourquoi  s’est-il lancé dans un plaidoyer pour vanter toutes les richesses que son pays aurait à offrir à la grande Amérique ? Face à un Trump désinvolte, les dirigeants africains ont semblé prisonniers d’un jeu de rôles, incapables de renverser la dynamique et d’imposer un minimum de dignité diplomatique.

L’arrogance de l’inculture

Donald Trump a bien tort de sembler ravi de cette séquence. Son inculture et son impréparation ont éclaté au grand jour. Incapable de se concentrer plus de trente secondes sur les échanges, il a expédié la discussion en demandant à chaque président africain de simplement dire qui il était et de quel pays il venait, signe flagrant de son manque de préparation et d’intérêt pour ses interlocuteurs.

Sa question au président du Libéria – « Où avez-vous appris l’anglais ? » – a sidéré l’assistance, révélant une ignorance profonde de l’histoire africaine : le Libéria, fondé par les Américains pour y reloger les esclaves affranchis, a bien évidemment l’anglais pour langue officielle. Ce type de bévue laisse des traces indélébiles.

Personne ne sort gagnant de cette rencontre. Une image, parfois, vaut mille regrets.

Le premier sommet « Afrique » de Donald Trump

 

 

 

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L’Algérie entre officiellement dans l’ASEAN https://mondafrique.com/international/lalgerie-entre-officiellement-dans-lasean/ https://mondafrique.com/international/lalgerie-entre-officiellement-dans-lasean/#respond Thu, 10 Jul 2025 13:41:33 +0000 https://mondafrique.com/?p=136668  C’est désormais officiel. Le 9 juillet 2025,lors de la 58ᵉ réunion ministérielle de l’ASEAN tenue en Malaisie, l’Algérie a signé son adhésion au Traité d’amitié et de coopération (TAC), devenant ainsi partenaire de dialogue sectoriel de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. Une première pour un pays d’Afrique du Nord, et une percée diplomatique […]

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 C’est désormais officiel. Le 9 juillet 2025,lors de la 58ᵉ réunion ministérielle de l’ASEAN tenue en Malaisie, l’Algérie a signé son adhésion au Traité d’amitié et de coopération (TAC), devenant ainsi partenaire de dialogue sectoriel de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. Une première pour un pays d’Afrique du Nord, et une percée diplomatique majeure pour Alger. Une étape stratégique pour Alger

Lyazid BENHAMI

L’annonce, confirmée par le ministère algérien des Affaires étrangères, marque une nouvelle orientation dans la politique étrangère du pays. En intégrant l’ASEAN, bloc régional incontournable pesant plus de 3 600 milliards de dollars de PIB, l’Algérie cherche à diversifier ses alliances et à renforcer sa présence sur la scène internationale hors de son environnement euro-méditerranéen traditionnel.

Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, présent à Kuala Lumpur pour la signature, a salué « une avancée structurante pour l’avenir économique et diplomatique de l’Algérie, tournée vers l’Asie, l’Afrique et les pays émergents. »

Pourquoi l’ASEAN s’intéresse à l’Algérie ?

Du côté asiatique, l’intérêt est clair : l’Algérie offre un accès stratégique aux marchés africains, une stabilité politique relative dans la région, et des ressources naturelles abondantes. Elle est également membre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), un atout de poids pour les économies asiatiques en quête de nouveaux débouchés.

Plusieurs pays de l’ASEAN, comme l’Indonésie, le Vietnam ou la Malaisie, voient déjà en l’Algérie un partenaire énergétique fiable, mais aussi un futur hub logistique entre les continents africain, européen et asiatique.

Le rôle clé d’Ahmed Attaf

À la manœuvre depuis des mois, Ahmed Attaf, chef de la diplomatie algérienne, a multiplié les déplacements et rencontres pour faire avancer ce dossier. Âgé de 71 ans, Attaf est un diplomate chevronné, passé par les ambassades d’Inde, de Yougoslavie et du Royaume-Uni, et ancien ministre des Affaires étrangères entre 1996 et 1999. Il a été rappelé au gouvernement en 2023 par le président Abdelmadjid Tebboune pour relancer la diplomatie algérienne sur la scène internationale.

Son retour aux affaires coïncide avec un activisme diplomatique remarqué : rapprochement avec l’Afrique, renforcement des liens avec la Chine, et maintenant ce tournant asiatique avec l’ASEAN.

Un partenariat prometteur mais exigeant

Ce partenariat ne signifie pas une adhésion pleine à l’organisation, mais il ouvre la porte à une coopération accrue dans des secteurs variés : énergie, agriculture, éducation, innovation, lutte contre les pandémies, sécurité maritime, etc.

Reste à savoir si l’Algérie saura transformer cette opportunité en partenariat durable. Des réformes internes restent nécessaires, notamment pour améliorer l’environnement des affaires et rassurer les investisseurs asiatiques.

Un pont entre l’Afrique et l’Asie

Avec cette entrée dans l’ASEAN, l’Algérie ambitionne clairement de devenir un pont stratégique entre l’Afrique, l’Asie et la Méditerranée. Une posture qui pourrait redéfinir son rôle diplomatique dans un monde multipolaire en pleine recomposition.

Comme l’a résumé un expert en relations internationales basé à Jakarta : « L’Algérie regarde vers l’Est, et l’ASEAN s’ouvre vers le Sud. Il y avait une fenêtre d’opportunité, ils l’ont saisie. »

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Le flou du Hezbollah face aux exigences américaines https://mondafrique.com/international/le-flou-du-hezbollah-face-aux-exigences-americaines/ https://mondafrique.com/international/le-flou-du-hezbollah-face-aux-exigences-americaines/#respond Wed, 09 Jul 2025 06:38:07 +0000 https://mondafrique.com/?p=136655 Selon des sources libanaises, la réponse au message de l’émissaire américain pour la Syrie, Thomas Barrack, concernant la remise des armes du Hezbollah, devrait s’inscrire dans la politique du «bâton et de la carotte» évoquée par ce dernier dans un entretien accordé récemment au New York Times. Bassam Abou Zeid, du site Ici Beyrouth, partenaire de […]

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Selon des sources libanaises, la réponse au message de l’émissaire américain pour la Syrie, Thomas Barrack, concernant la remise des armes du Hezbollah, devrait s’inscrire dans la politique du «bâton et de la carotte» évoquée par ce dernier dans un entretien accordé récemment au New York Times.

Bassam Abou Zeid, du site Ici Beyrouth, partenaire de Mondafrique

Ces sources précisent que la position officielle du Liban n’est toujours pas arrêtée, le Hezbollah n’ayant pas encore communiqué ses observations sur le projet de réponse. Les détails de cette réponse devraient être remis à Thomas Barrack lundi, lorsqu’il entamera ses entretiens avec le président de la République, le général Joseph Aoun. M. Barrack devrait ensuite rencontrer le président du Parlement, Nabih Berry, principal interlocuteur politique du Hezbollah, ainsi que le Premier ministre Nawaf Salam.

Selon des sources proches du dossier, on espère que le document libanais pourra être finalisé rapidement, après intégration des remarques du Hezbollah. Pour l’heure, ce dernier semble adopter une posture ambiguë: soit en différant volontairement sa réponse jusqu’à l’arrivée de M. Barrack, soit en restant silencieux, soit encore en demandant un délai supplémentaire, dans l’espoir d’obtenir une formulation finale acceptable pour l’émissaire américain.

Toutefois, ces sources restent préoccupées par la fermeté de la position israélienne et le risque d’un refus catégorique, d’autant que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou sera à Washington lundi prochain pour un entretien avec le président Donald Trump, au cours duquel le dossier libanais sera abordé.

Plusieurs scénarios

La réaction américaine pourrait varier, de l’acceptation du texte en l’état à la demande d’amendements ou rejet pur et simple. En cas d’approbation, le document pourra être soumis au Conseil des ministres; à l’inverse, toute demande de modification reporterait son examen au niveau gouvernemental.

Un rejet total, avertissent certains observateurs, pourrait refléter une stratégie israélienne délibérée visant à accroître la pression militaire sur le Hezbollah, pour l’amener à une reddition complète. À cet égard, ils redoutent que la visite de Barrack à Beyrouth, conjuguée à celle de Netanyahou à Washington, ne soit suivie d’une escalade des frappes israéliennes.

Un point crucial reste à clarifier dans la réponse libanaise: le Hezbollah est-il prêt à remettre ses armes? Si la réponse est affirmative, le gouvernement insistera sur le principe du «donnant-donnant»: aucun désarmement ne se fera sans garanties concrètes.j

 

Beyrouth réclame en effet des engagements tangibles de la part de Washington, allant au-delà de simples promesses écrites. Cela inclut notamment le retrait israélien des territoires encore occupés, l’arrêt des assassinats ciblés et la fin des raids aériens. En revanche, les autorités libanaises continuent d’éviter de qualifier le Hezbollah de milice, comme l’exigent les États-Unis.

Même ambiguïté en ce qui concerne le démantèlement de l’appareil sécuritaire du mouvement pro‑iranien et la cessation de toutes ses activités connexes. De surcroît, de fortes réserves persistent au sujet du démontage de son réseau économique, et tout particulièrement de l’institution financière Al‑Qard al‑Hassan.

 

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Au Moyen Orient, tous vainqueurs, mais sans victoire https://mondafrique.com/international/au-moyen-orient-tous-vainqueurs-mais-sans-victoire/ https://mondafrique.com/international/au-moyen-orient-tous-vainqueurs-mais-sans-victoire/#respond Mon, 07 Jul 2025 13:44:18 +0000 https://mondafrique.com/?p=136582 L’Iran, Israël et les États-Unis ont tous proclamé leur succès — mais les faits, et la prochaine guerre, racontent une autre histoire. « En guerre, la vérité est la première victime. » — Eschyle Richard Sauzon À l’issue de la dernière confrontation entre l’Iran, Israël et les États-Unis, toutes les parties ont déclaré la victoire. […]

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L’Iran, Israël et les États-Unis ont tous proclamé leur succès — mais les faits, et la prochaine guerre, racontent une autre histoire.

« En guerre, la vérité est la première victime. » — Eschyle

Richard Sauzon

À l’issue de la dernière confrontation entre l’Iran, Israël et les États-Unis, toutes les parties ont déclaré la victoire. L’Iran, meurtri mais debout, a proclamé avoir humilié ses ennemis. Israël, fort de décennies de doctrine de dissuasion et de supériorité militaire, a affirmé avoir redéfini les règles de l’engagement. Et Donald Trump, soucieux de cimenter son récit avant les élections de mi-mandat de 2026, a affirmé que la guerre s’était terminée selon ses conditions.

Mais les faits sur le terrain — et les préparatifs déjà en cours pour ce qui s’annonce — dressent un tableau plus sombre. Ce ne fut la victoire de personne. Tout au plus, une répétition générale pour un conflit plus vaste. Et s’il faut tirer une vérité des décombres, c’est celle-ci : personne n’a perdu — sauf la région.

Il s’agissait là d’un cas d’école de revendication mutuelle de victoire — ce que les théoriciens des conflits appellent victoire narrative : lorsque la perception prend le pas sur la performance, et que la communication politique supplante la réalité militaire. Chacun a hissé son drapeau sur les ruines et proclamé sa réussite. Mais sous les slogans se cachent des mythes brisés, des limites révélées, et les fondations de la prochaine escalade.

Iran : un régime qui endure, des défenses affaiblies — et réveillées

L’Iran a payé le prix fort. Son réseau de défense aérienne a été percé. Des sites nucléaires clés ont été endommagés. Plusieurs hauts commandants des Gardiens de la Révolution — dont certains prônaient un apaisement avec Washington — ont été tués. Sa force aérienne demeure insignifiante sur le plan opérationnel.
Et pourtant, Téhéran en est sorti avec quelque chose de plus précieux que ses infrastructures : un nouveau mandat intérieur. Les frappes — censées affaiblir le régime — l’ont au contraire renforcé. Les fractures ethniques, politiques et sociales ont cédé la place à la mobilisation. Comme l’a déclaré Hassan Khomeiny, petit-fils de l’ayatollah Khomeiny et potentiel successeur du Guide suprême : « Les pertes matérielles sont un faible prix à payer pour la cohésion stratégique. »
La doctrine défensive de l’Iran se transforme : elle devient préventive plutôt que réactive. Son programme balistique s’accélère. Son alignement stratégique avec la Chine n’est plus spéculatif ou symbolique : il est réel — et structurel.

Israël : des gains tactiques, des pertes stratégiques

Israël a réussi à entraîner les États-Unis plus profondément dans son affrontement avec l’Iran. Une nouvelle « normalité » s’est imposée. Les lignes rouges ont été déplacées. Mais ces gains se sont accompagnés d’une perte bien plus difficile à récupérer : l’aura d’invulnérabilité.
Pour la première fois, Tel-Aviv et l’intérieur d’Israël ont été frappés de manière répétée. Le Dôme de fer et le système Fronde de David — aussi sophistiqués soient-ils — ont été débordés par la quantité de missiles iraniens rudimentaires et assemblés localement. Le bouclier aérien a craqué. L’illusion d’une protection totale aussi.
La vie civile a sombré dans le chaos après seulement 24 heures de bombardements. La société israélienne, qui se veut prête à toute guerre, s’est révélée vulnérable à la panique et à la saturation. Et malgré les espoirs discrets que les frappes pourraient déstabiliser le régime iranien, c’est l’effet inverse qui s’est produit. Le rêve d’un changement de régime rejoint le cimetière des illusions américano-israéliennes : l’Afghanistan, l’Irak, la Libye — et peut-être bientôt la Syrie.

États-Unis : dérive stratégique, aveuglement tactique

Donald Trump a abordé le conflit avec sa fanfaronnade habituelle — vantant ses armes de pénétration, sa supériorité technologique, et sa posture de dissuasion. Mais ce qu’il a livré fut un coup porté aux intérêts à long terme des États-Unis.
Les frappes n’ont ni paralysé le programme nucléaire iranien, ni changé son calcul stratégique. Trump a plutôt brûlé le dernier pont diplomatique vers Téhéran et enfermé l’Iran dans l’orbite chinoise — avec, en prime, un renforcement des liens militaires avec le Pakistan. Accords énergétiques, transferts de technologie, corridors d’infrastructure : tout se met en place rapidement — au bénéfice de Pékin.
Plus inquiétant encore, ce conflit a révélé les limites du pouvoir américain dans un monde multipolaire. Les évaluations du renseignement ont été ignorées. La retenue militaire a cédé la place à une mise en scène pour usage interne. Comme Steve Bannon aurait averti Trump : «

Cette guerre va déchirer l’Amérique. » L’image d’un Trump opposé aux guerres éternelles est en lambeaux — à quelques mois des élections.
Washington a aussi perdu une chose difficile à mesurer mais cruciale : l’illusion du contrôle stratégique. L’idée que les États-Unis pourraient freiner l’escalade israélienne ou gérer le tempo régional s’est effondrée. C’est Netanyahou qui a fixé le rythme — à Washington comme à Paris — et Trump l’a suivi.

Chine et Russie : les vainqueurs silencieux

« L’Histoire est écrite par les vainqueurs — mais au Moyen-Orient, chacun apporte son propre stylo. »
Les chapitres les plus décisifs de cette guerre ne sont pas rédigés en arabe, en persan ou en hébreu — mais en chinois et en russe.
La Chine a gagné sans tirer un coup de feu. Elle a consolidé son partenariat stratégique avec l’Iran, s’est enfoncée dans les secteurs de la défense et de l’énergie de la région, et s’est imposée comme l’alternative au bloc occidental. L’excès de zèle de Trump a offert à Pékin ce que des années de diplomatie n’avaient pu accomplir : l’alignement total de Téhéran — à prix réduit.
La Russie, quant à elle, a profité de l’instant. Tandis que les systèmes de défense américains étaient redirigés vers Israël, Moscou a intensifié ses frappes de missiles en Ukraine, gagnant du terrain autour de Kyiv. Avec une Amérique distraite et sa crédibilité affaiblie, la Russie a discrètement étendu son influence régionale.

 

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