Fanirisoa Ernaivo, figure de la diaspora malgache en France, qui a été officiellement mandatée par les nouveaux dirigeants d’Antananarivo pour suivre l’enquête visant l’homme d’affaires « Mamy » Ravatomanga à l’ile Maurice, pourrair être nommée ministre de la Justce.
Daniel Sainte-Roche
Cette désignation constitue sans conteste, une consécration pour cette femme politique à fort caractère, qui est devenue depuis quelques années le cauchemar du régime corrompu d’Andry Rajoelina. Très populaire au niveau de ses concitoyens aussi bien a l’étranger qu’à Madagascar, Fanirisoa commence à attirer l’attention des observateurs en dehors de la grande ile. Mais qui est donc cette désormais fameuse personnalité ?
Née en 1979 à Antananarivo de parents issus de l’intelligentsia betsileo – le père était professeur de maths-physiques, et la mère médecin- Fanirisoa fut orpheline dès son jeune âge. Admise à l’Ecole nationale de la magistrature et des greffes (ENMG), elle embrassa logiquement la carrière de magistrat, en devenant substitut du procureur puis magistrate inspecteur au sein du Ministère de la justice et enfin juge de première instance à Antananarivo.
Avide de savoir, elle suivit par la suite des formations au Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS) à Antananarivo ainsi qu’à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) à Paris.
Candidate à la Présidentielle
Voulant contribuer à l’édification d’une société juste et solidaire, et respectueuse des droits fondamentaux, Fanirisoa est entrée dans le militantisme syndical en devenant la première femme à diriger le Syndicat de la Magistrature de Madagascar (SMM) en décembre 2016. Tout au long de sa mandature, elle s’est distinguée par son attachement a la lutte pour l’indépendance de la justice malgache. Reconnue par ses pairs, Fanirisoa se retrouva ensuite à la tête de la Solidarité Syndicale de Madagascar (SSM), importante organisation qui regroupe en son sein tous les syndicats issus du secteur public et du secteur privé.
De fil en aiguille, Fanirisoa ERNAIVO intégra le monde politique en se portant candidat aux présidentielles de 2018, sous l’étiquette de l’association ZAMA et le parti travailliste malagasy (PATRAMA). Cadette des candidats, elle n’a pu alors franchir le premier tour de ces élections.
Mais ses actions ne se limitèrent pas aux mouvements syndicaux et politiques. Elle a également œuvré dans l’humanitaire en créant en 2019 l’Association pour le Droit et Développement de Madagascar (ADM) en faveur des déshérités.
La conjonction des évènements post électoraux de 2018 fut assurément une période charnière pour Fanirisoa Ernaivo, car cela lui a permis de mettre en œuvre sa vision politique . Apres la suspicion de fraudes massives qui ont entaché les élections présidentielles, Fanirisoa Ernaivo est montée au créneau pour réclamer la confrontation des résultats électoraux au niveau de la CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante).
Une énergie hors du commun
D’une efficacité redoutable grâce à sa technicité, Fanirisoa a commencé à inquiéter le régime d’Andry Rajoelina aux abois, qui ouvrit alors les véritables hostilités à l’encontre de la jeune et fougueuse politicienne. Aux détours d’un dérapage verbal proféré au cours d’un discours a Mahamasina, Fanirisoa fut traduite en justice pour « appel au lynchage public des membres des forces de l’ordre ». Tel un couperet, la condamnation est tombée, assortie d’une révocation de la magistrature en 2019.
Les mandats d’arrêt se sont alors succédés, restés cependant inopérants grâce à la solidarité des magistrats et officiers de police judiciaire qui refusaient de mettre à exécution des sanctions politiques déguisées. Devant ces refus, le régime Rajoelina changea le fusil d’épaule et proposa alors à Fanirisoa des postes ministériels. Refus ferme de l’intéressée, qui se voyait alors poussée vers le chemin de l’exil.
Un mal pour un bien car son séjour en France lui a conféré une grande liberté d’expression. Le premier jalon de son exil politique en France fut la création de la RMDM Diaspora, qui regroupe les opposants au régime de Rajoelina à l’extérieur de Madagascar. Menacé dans son existence, le régime de Rajoelina multiplia les pressions auprès des autorités françaises, qui ont mené en 2022 à l’interpellation par la police Dijonnaise de Fanirisoa et de son compagnon de lutte Marco. Traduite en justice en France, et ayant fait l’objet d’une demande d’extradition, Fanirisoa a cependant gagné son procès face à l’Etat malgache, aussi bien en première instance qu’en appel.
L’ancien gouvernement a tout fait pour abattre cet adversaire insaisissable, dont les messages ont un réel impact sur la population malgache. Tous les coups sont permis pour ternir l’image de Fanirisoa : diabolisation, diffamation… Mais ces manœuvres se sont soldées par un échec face à l’opiniâtreté d’une femme grandement déterminée à réaliser son idéal politique.
Des demandes d’extradition

Parmi ses principaux faits d’arme, qui ont fait vaciller le régime, on peut citer les révélations sur l’acquisition de la nationalité française par Rajoelina (voir sa photo ci dessus) et sa famille. Ces révélations ont suscité de grands débats juridiques et ont posé des problèmes éthiques que le gouvernement n’a pu esquiver. Ce qui a amené l’Etat malgache à envoyer en septembre 2025 une note verbale demandant aux autorités françaises d’extrader une fois de plus Fanirisoa et consort…Quelques semaines après cette missive, le régime Rajoelina est tombé, après les revendications déterminées et pacifiques de la population malgache.
Et il faut oser le dire : Fanirisoa a eu une contribution majeure dans cette œuvre, malgré les critiques qu’on peut lui adresser. On lui reproche notamment d’être « une poule qui chante », le chant étant dans l’imaginaire populaire l’apanage du coq…On lui reproche également d’être « trop fanatique ». Mais ses admirateurs font remarquer que déjà à son époque, Eva Peron disait qu’on ne peut rien accomplir sans fanatisme.
La main tendue aux lanceurs d’alerte
Grace a son courage et à un système de réseautage efficace, Fanirisoa a su tisser des liens étroits parmi les lanceurs d’alerte au niveau de l’Administration malagasy et au sein de la société civile. La divulgation des informations sur les mauvaises gouvernances ainsi glanées ont permis de conscientiser et de mobiliser la population.
Les informations amassées par Fanirisoa auprès de son réseau permettront aussi sur le plan régional et international de tracer les transactions présumées illicites. Les Mauriciens l’ont bien compris en octroyant à l’ancienne magistrate malgache un statut inédit e exceptionnel, comme le révèle le journal l’Express : celui de « Watching Brief », c’est à-dire d’observatrice autorisée au sein de la procédure concernant les auditions de Mamy Ravatomanga.
Pour parachever le travail, des voix s’élèvent pour que Fanirisoa soit nommée ministre de las justice et garde des sceaux…La balle est désormais dans le champ du nouveau gouvernement à Antananarivo…
Les sociétés offshore du milliardaire Mamy Ravatomonga































