A peine annoncé, le nouveau Gouvernement d’Union Nationale de la Libye, constitué sous les hospices des Nations Unies, divise déjà. Aux premières heures de ce 19 janvier, les noms égrainés par le Premier ministre Fayez Sarraj, ne font semble-t-il pas l’unanimité. A Tripoli, le gouvernement et le Parlement soutenus par la coalition islamiste de Fajr Libya (Aube de la Libye) n’en veut pas. Par principe. Trop interventionniste à son goût. A l’Est, la Chambre des Représentant, le parlement libyen élu et reconnu par la communauté internationale qui siège à Tobrouk, est réticente. Pire, les hommes forts de la Libye clament leur désaccord ou se tiennent en retrait.
Exit Zintan et Haftar
Le général Haftar, commandant en chef des armées et éventuel appui pour une intervention internationale anti-Daech a claqué la porte, estimant que le gouvernement ne donne pas des garanties suffisantes pour assurer la pérennité de l’Armée nationale libyenne. D’ailleurs, Ali Al Gathrani, son représentant au sein du Conseil de la Présidence issu des accords de Skhirat en décembre et qui avait la charge de former un gouvernement, a refusé de signer en bas de la liste ministérielle. La nomination de l’un de ses protégés, le colonel Mahdi al Barghathi au poste de ministre de la Défense, n’a visiblement pas suffi à calmer les esprits. Quant à Abdelhakim Belhadj, l’ancien émir du Groupe islamique combattant de Libye (GICL), dont les milices tiennent la ville de Tripoli, son seul atout dans ce gouvernement n’est que le ministre d’État Mohammad Ali Zeid. Pas suffisant pour relayer les ambitions de l’islamiste en chef du pays, qui a préféré prolonger son séjour en Turquie.
La tribu des Zintan a été quant à elle, purement et simplement oubliée dans cette redistribution du pouvoir. Peu nombreuse, mais militairement puissante, elle tient dans l’Ouest l’une des seules enclaves anti-islamistes et détient toujours Seif al Islam, l’héritier de feu Muammar Kadhafi. Le représentant zintani, Omar al Aswad, est le second membre du Conseil de la présidence à avoir refusé de signer la constitution du gouvernement Sarraj.
Un gouvernement de désunion
Seule la puissante cité-état de la ville portuaire de Misrata peut compter sur une représentation relativement satisfaisante, grâce à l’influence que semble exercer Ahmed Meitig, éphémère Premier ministre début 2014 et surtout neveu de Abdelrahman Swehli, le troisième homme fort de la Libye.
Quant aux Libyens, après avoir vécu les dissensions entre l’Est et l’Ouest, entre les islamistes et les libéraux, les voici retranchés dans les camps adverses des pro et anti Sarraj. Le Gouvernement d’Union sème visiblement la mésentente. Les uns comptant sur l’appui promis par la communauté internationale pour mettre fin au chaos et à l’avancée de Daech. Les autres voyant dans ce nouveau pouvoir une sorte de protectorat qui les priverait de leur souveraineté. Pour eux, la solution onusienne ne peut fonctionner sans un véritable accord national et ne ferait que creuser les différents à l’image de l’amère expérience irakienne. D’ailleurs, dans les couloirs des Parlements de Tobrouk et de Tripoli, le cabinet Sarraj est d’ores et déjà qualifié de gouvernement « Maliki 2 », en référence à la solution imposée à Bagdad à l’issue des longues négociations et crises qui ont suivi la chute de Saddam Hussein.
Un pari risqué pour l’ONU
Martin Kobler, le très volontaire envoyé de l’ONU pour la Libye parviendra-t-il à aplanir les oppositions ? Rien n’est moins sûr. Il lui faudra persuader les milices de Tripoli de laisser le nouveau pouvoir s’installer dans la capitale. Exhorter les différentes fractions armées de s’unir dans la lutte contre Daech, en soutien à une future intervention de la coalition internationale. Calmer les velléités des seigneurs de guerre. Concilier les exigences des puissantes tribus. Convaincre la Chambre des représentants de voter le gouvernement d’Union et enfin, songer à faire avancer la rédaction de la Constitution tant attendue.
Pour l’heure, l’agenda, même à marche forcée, risque bien de se cantonner à une improbable feuille de dé-route. Déjà, la voie principale qui mène à l’aéroport de Mitiga, près de la capitale est bloquée par des hommes armés et la municipalité de Al Baida, où siégeait jusqu’à présent l’exécutif libyen a demandé aux représentants des institutions de quitter la ville. Preuve qu’entre la volonté internationale et la réalité libyenne, demeure, un désert d’incompréhensions.
Constitution du Gouvernement d’Union Nationale
Premier ministre :
Fayez Sarraj
Vice-Premiers ministres :
Ahmed Meitig
Abdesalam Saad Kajman
Fatih Al Majberi
Ali Al Gathrani
Moussa Al Khouni
Abdesalam Saad Kajman
Ministres d’état :
Mohammed Amari Zeid
Omar Al Aswad
Awad Hamza Al Madi
ministre de la Défense : Mahdi Ibrahim Al Barghati
ministre de la Justice : Abdesalam Mohammed Ghwedi
ministre de l’Intérieur : El Araf Salah El Hoja
ministre des Affaires sociales : Ahmed Khalifa Breidan
ministre de la Gestion de l’eau : Ussma Mohammed Abdelati
ministre des Affaires étrangères : Marwan Busrewil
ministre du Trésor : Taher Mohammed Sarkaz
ministre de la Santé : Hamad Sliman Busgaya
ministre de l’Education : Heir Milad Abubakar
ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : Mahmud Jumaa El Hojeli
ministre de l’Economie : Abdulmatlub Ahmed Abu Farwa
ministre du Plan : Haled Moftah Abdelkader
ministre de la Coopération internationale : Mahmud Fajar El Mahjub
ministre des Télécommunications Atef Melud Al Bahri
ministre du Transport : Hachem Abdallah Abu Shkriwat
ministre de l’Industrie : Faraj Tahar Senoussi
ministre du Pétrole : Khalifa Arajab Abdel Saddek
ministre de l’Electricité : Usama Saad Hamed
ministre de l’Agriculture : Abdel Muhammad Sultan
ministre de l’Education et de la formation professionnelles : Moktar Abdallah Jueili
ministre du Travail : Chadi Mansour Al Chaadi
ministre de l’Administration territoriale : Badad Ghanassou Massoud