Emmanuel Macron célèbre son « ami » al-Sissi au Caire

 La visite d’État du président français en Égypte a permis de mettre en scène l’entente quasi parfaite entre les deux pays. Dans ce pays qui accueille le président français le 8 avril, la désillusion et la peur ont gagné la population, les militaires sont omniprésents et le maréchal Sissi, à la tète de l’État, peine à se refaire une virginité en matière de droits humains

Karim Assad (correspondance)

Trois heures de train séparent Alexandrie du Caire. Dans le wagon 1er classe, climatisé à l’extrême, aucun touriste à bord. La deuxième ville du pays n’attire plus. Peut-être a-t-elle trop déçu. Plus austère, plus pauvre et plus sale, Alexandrie collectionne les mauvais points. « Alexandrie est décevante pour tous les Occidentaux qui s’y rendent », lâche d’un ton résigné un habitant. Alexandrie la cosmopolite ? Peut-être avant. Aujourd’hui, peu d’Alexandrins parlent français ou anglais dans cette ville de 4,5 millions d’habitants composée en majorité de ruraux déracinés.

A la gare de Ramleh, les déchets inondent le sol, l’odeur est pestilentielle et les mouches dansent autour des carcasses de poubelles. Quelques mètres plus loin, les marchands ambulants tentent de brader leurs bibelots, pour la plupart usagés. La sirène de la Méditerranée semble avoir été oubliée par le pouvoir trop concentré sur leur vitrine cairote. « Alexandrie est triste mais aussi plus conservatrice », confie un Égyptien. Même la bibliothèque, fleuron architectural de la ville, n’attire pas les foules.

La nostalgie est partout. Au centre de la place Saad Zaghloul, les prestigieux hôtels attendent le client, presque ennuyés. Certaines bâtisses majestueuses sont à l’abandon et pourrissent au soleil comme de vieilles charognes. Alexandrie n’est plus cette cité flamboyante qui auparavant éclairait l’Égypte.

La corniche est le point de rendez-vous des Alexandrins, notamment lors de la pause déjeuner.

Les soldats de plomb égyptien

Dans ce régime militarisé, les uniformes en treillis tiennent le haut du pavé. Les militaires sont souvent des jeunes adultes maladroits tout juste sortis de l’école. La plupart sont mal armés et disposent de peu de matériel. Des militaires égyptiens sous pression prêts à dégainer à la moindre étincelle. « Une nuit, je marchais sur la plage avec ma copine et des militaires ont commencé à courir vers nous pensant que nous étions des terroristes. C’est fou ! », témoigne un travailleur allemand qui vit au Caire depuis huit ans.

En Égypte, le service militaire est obligatoire. Un devoir qui concerne les jeunes hommes entre 18 et 30 ans pour une durée comprise entre un à trois ans. «  Si t’as de l’argent tu peux rester dans les banlieues cossus du Caire, sinon on t’envoie dans le désert, c’est beaucoup plus dur », témoigne un jeune Cairote issu d’un milieu modeste. « Je viens de redoubler mon année à la fac. Ca m’arrange car une fois mon diplôme d’ingénieur en poche, je devrais commencer mon service militaire », confirme un étudiant qui entame sa sixième année d’étude supérieur.

De leurs côtés, les policiers sont reconnaissables à leur uniforme blanc immaculé. « Je déteste les policiers, quand tu es une fille, ils cherchent toujours à obtenir ton numéro, sinon ils t’embarquent au poste de police », témoigne une étudiante en droit et d’ajouter : « Quand tu es journaliste ici, il y a des indics partout. Tu es surveillée tout le temps. » Une affirmation confirmée par une journaliste française : « Là-bas c’est l’espionnite aiguë », avait-elle prévenu.

De plus, la corruption nourrit les autorités. 50 livres égyptienne – soit 2,5 euros – suffisent à les faire taire lorsqu’ils frappent à la porte pour tapage nocturne. D’ailleurs, ils ne se déplacent que très rarement. La police touristique a, elle, quasi disparu de la circulation.

 

Le quartier copte, situé dans le Vieux Caire, reste le secteur le plus surveillé. À l’entrée de chaque monument, un policier monte la garde, plus ou moins sérieusement. Parfois, des portails de sécurité obsolètes sont postés à l’entrée des lieux de culte. En 2017, quatre attaques terroristes ont été perpétrées en six mois contre la minorité copte qui représente environ 10 % des 90 millions d’Égyptiens. À quelques pas de la célèbre église suspendue, des avis de recherche à l’effigie d’hommes barbus sont placardés sur les portes des églises.

Un policier posté devant un lieu de culte dans le Vieux Caire, le quartier copte, un dimanche matin.