L’annonce de la visite surprise du président français Emmanuel Macron au Mali le 20 décembre pour rencontrer son homologue Assimi Goïta et les troupes françaises stationnées à Gao témoigne de la navigation à vue de la diplomatie française au Mali
Entre complaisance assumée envers le régime de l’ancien président IBK, brutalité envers la transition militaire actuelle et enlisement de Barkhane, la France peine à afficher des résultats au Mali.
Militaires à la manœuvre
La décision de Macron de se rendre au Mali est peut-être un coup de tête mais pas totalement une surprise. Depuis cinq années, les seuls les militaires peuvent bénéficier de son écoute quand ils lui parlent du dossier malien. Entre les armées et le Quai d’Orsay, le président français a toujours tranché en faveur des premiers. Résultat des courses, sa politique de Macron au Mali est jalonnée de tâtonnements, de coups de menton et même de revirements spectaculaires. Un coup, la France soutient totalement l’accord d’Alger; un coup, elle soutient l’intégrité territoriale du Mali et une autre fois, elle soutient les irrédentistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) dont la revendication principale est l’autonomie des régions nord du Mali.
Outre les hésitations, Macron a maintenu, après le départ de François Hollande de l’Elysée, la politique de complaisance de la France envers l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita (IBK). En effet, en dépit de la mauvaise gouvernance notoire et de sa gestion catastrophique du dossier sécuritaire, l’ancien président malien a continué à bénéficier du soutien aveugle de la France jusqu’à son renversement en août dernier par l’armée. A la surprise générale de nombreux observateurs de la vie politique malienne, et contre l’avis de certains diplomates, Paris est allé jusqu’à soutenir la réélection d’IBK en 2018.
Maladresses diplomatiques
Les cinq années de la diplomatie de Macron au Mali n’ont, à vrai dire, été que la suite de la toute première maladresse qu’il a commise en mai 2017 lors de sa toute première visite officielle sur le territoire malien. Au lieu de se rendre à Bamako avant de continuer à Gao pour rencontrer les soldats français de l’opération Barkhane, Macron avait directement effectué le trajet Paris-Gao, obligeant son homologue malien à aller l’attendre sur place. A l’époque, le geste avait pu froisser de nombreux Maliens qui y ont vu une velléité d’arrogance coloniale en soulignant l’écart d’âge entre le président français et son homologue malien. Ce n’est pas un mince argument sur un continent où l’âge précède la fonction.
Plus récemment, Macron a multiplié les maladresses en montant en première ligne contre la junte militaire malienne alors que la France pouvait exprimer des positions fermes en s’abritant derrière l’Union africaine et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)). La guérilla permanente menée par la France contre le Mali dans le dossier sur la volonté affichée des autorités de la transition de contracter les services de la société russe de sécurité Wagner a achevé de révolter une bonne partie des élites maliennes, voire continentales sur un agenda caché de Macron de mettre le Mali sous tutelle. D’autres ont vu dans les propos de Macron contre le Premier ministre malien Choguel Maïga soit une maladresse, soit un « mépris colonial ».
Un pari risqué
La France n’a guère eu une posture de désescalade en encourageant l’Union européenne à prendre la semaine dernière des sanctions contre le groupe russe Wagner. Dans ce contexte de crispations encore très fortes entre le Mali et la France, le déplacement de Macron à Bamako le 20 décembre est un pari risqué. Si nul ne sait quelle sera la réaction populaire lorsque Macron foulera le sol malien, en revanche on est sûrs d’ores et déjà que les autorités de la transition ont l’intention de lui réaffirmer leur intention de poursuivre leur partenariat militaire avec la Russie qui a déjà fourni des équipements et dépêché des instructeurs au Mali.
On sait aussi que Macron ne pourra pas prendre lundi prochain à Bamako les bains de foules qu’il affectionne tant. Pourtant, sur cette même terre malienne, François Hollande prédécesseur de Macron, avait été accueilli en 2013 en libérateur. « Merci Papa Hollande », disait une des banderoles déployées pour l’arrivée en février 2013 de François Hollande à Tombouctou.