Emmanuel Macron a perdu le vote des diasporas africaines

À un an d’une présidentielle, le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, a déjà perdu les voix des diasporas africaines. Et ce n’est assurément pas le voyage à Kigali au Rwanda qui inversera la tendance dans la mesure où son hôte, Paul Kagamé, est très impopulaire parmi de nombreuses diasporas africaines en raison de ses prises de position contestées.

S’agissant des immigrations africaines dans l’Hexagone, Emmanuel Macron a déclaré au magasine Zadig :  « Il faut dire à ces hommes et à ces femmes : vous qui êtes là par les cruautés de l’histoire, par la volonté de vos grands-parents, de vos parents ou par la vôtre propre, vous êtes une chance pour notre pays »(1).

Il va s’en dire que cette petite phrase issue de cet entretien fleuve a pour vocation de brosser dans le sens du poil les diasporas africaines en vue de 2022. La France, question de principe là encore, interdit toute statistique ethnique, il est donc impossible de connaître le poids électoral des Français d’origine africaine à la fois globalement et par pays d’origine. Cependant, ces quelques pourcents sont précieux car ils peuvent faire la différence au premier comme au deuxième tour.

La photo qui tue…

Les plus nombreux à avoir déserté le navire macronien sont les citoyens de la République Démocratique du Congo, c’est la diaspora la plus importante, plus de dix millions sont installés un peu partout dans le monde principalement en Belgique, aux Etats Unis, au Canada et en France. Dès 2018, ils se sont offusqués du rapprochement entre la France et le Rwanda lors de l’élection d’une anglophone, proche de Kagamé, Louise Mushikiwabo à la tête de la francophonie.

Le divorce s’est encore accru avec le rapport Duclert, un rapport sur le génocide rwandais commandé par l’Elysée qui, tout au long de ses 1200 pages, ne fait jamais mention du rôle de Kigali dans les massacres survenus à l’époque en RDC. Le voyage d’Emmanuel Macron dans la capitale rwandaise fait donc l’effet d’une piqure de rappel pour les Congolais. Et ce d’autant que cette visite d’Etat survient au plus mauvais moment après les propos de Paul Kagamé sur RFI et France 24 niant que des crimes de guerre avaient été commis en RDC par les armées rwandaises, burundaises et ougandaises dans les années 90 et 2000.

Le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, qui a soigné des milliers de femmes meurtries dans leurs corps, est une figure unanimement reconnue au Congo Brazzaville. a

C’est peu de dire que cette interview dans laquelle, le président rwandais s’en est pris également au prix Nobel de la paix, le docteur Denis Mukwege a indigné la diaspora de la République Démocratique du Congo (RDC), et a remué le couteau dans les plaies.

 

James Kaberebe, le sulfureux ancien ministre de la Défense du Rwanda

Enfin, l’image du président français accueilli sur le tarmac de Kigali par James Kaberebe, chef d’état-major de la République démocratique de RDC entre 1996 et 1998, puis ministre de la Défense du gouvernement rwandais de 2010 à 2018. Ce sulfureux militaire, entre autres faits de guerre, a  été accusé par les Nations Unies d’avoir supporté les rebelles du M23, ce mouvement rebelle du Nord-Kivu en RDC. Ce qui aura fini de désespérer la diaspora de RDC. Par conséquent, pour elle, Macron c’est non…

Au fil du quinquennat…

Et les Congolais ne sont pas la seule diaspora en cause. Samedi 22 mai, des associations panafricaines se sont données rendez-vous place de la République à Paris. Le mot d’ordre est simple : « Faire barrage à Macron en 2022 ». Tout au long de des quatre années de son mandat, celui qui voulait révolutionner les relations entre la France et l’Afrique a perdu la confiance des peuples du Continent. Les derniers en date sont évidemment les Tchadiens après qu’Emmanuel Macron ait pris acte du changement anticonstitutionnel à Ndjamena et ait montré sa proximité avec Mahamat Déby, fils et successeur du Maréchal éponyme.

Avant eux, il y a eu les Congolais de Brazzaville pour le silence de Paris concernant l’emprisonnement de l’opposant Jean-Marie Michel Mokoko qui croupi en prison depuis plus de cinq ans et pour le même silence concernant l’ersatz de la énième élection de Sassou Nguesso à la tête du pays. Quant aux Ivoiriens, ils n’ont cessé de dénoncer le soutien apporté par la France à Alassane Ouattara pour un troisième mandat anticonstitutionnel. Les Togolais, eux, s’épuisent à lutter contre la même famille qui tient les rênes du pays depuis 1967, ce qui ne semble pas émouvoir Emmanuel Macron puisque c’est sous son quinquennat que Faure Gnassingbé a été une nouvelle fois réélu, lors d’une élection qui n’en avait que le nom. On pourrait également citer, les Maliens, les Nigériens, les Gabonais, les Béninois, qui s’insurgent de l’ingérence, du mutisme, du soutien, du deux poids deux mesures, c’est selon.

Les diasporas, cache sexe de Franck Paris

Le plus paradoxal de l’affaire est qu’Emmanuel Macron, sur les conseils de son conseiller Franck Paris n’a cessé d’encenser ces diasporas : « Elles ont un rôle essentiel. Elles connaissent les codes, les accès. Elles sont nos meilleurs ambassadeurs pour dire comment la France, l’Europe et l’Afrique peuvent mieux travailler ensemble ». 

Mais de quelles diasporas parlent-il ? Pas de celles qui tous les samedis manifestent sur le parvis des droits de l’homme au Trocadéro pour dénoncer les autocrates et qui ont gardé des liens forts avec leur pays d’origine.  Pour elles, la politique africaine d’Emmanuel Macron apparaît de plus en plus irrationnelle, illisible et injuste.

(1)Au passage, Mondafrique tient à rappeler un principe fondamental : les propos du chef de l’Etat doivent être accessibles à tous les citoyens français. Il est donc inadmissible que cet entretien accordé à une entreprise privée, ne soit pas publié dans son intégralité sur le site de l’Elysée, comme il est d’usage. En la matière, le locataire du château innove, il est le premier Président de la République qui oblige ses concitoyens à payer pour connaître sa pensée. Ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté, cela avait déjà été le cas lors de l’interview accordée à Jeune Afrique en novembre 2020.