Trois grands leaders africains, jadis célébrés dans les grandes conférences africaines -Eduardo Dos Santos, Jacob Zuma, Robert Mugabe- ont quitté récemment le pouvoir en facilitant l’accession de leur dauphin. Ils pensaient gagner leur mansuétude. Ils se sont bien trompés…
Les avanies des vieux despotes déchus sont bien connues. Ne parlons pas des chefs d’État qui périssent dans la révolte de leur peuple ou qui prennent précipitamment le chemin de l’exil. Leur bannissement n’est d’ailleurs pas toujours synonyme de retraite dorée. Attachons-nous plutôt à revenir sur trois personnalités africaines à la longévité politique exceptionnelle, héros de l’indépendance de leur pays, qui ont dû quitter le pouvoir, à quelques mois d’intervalle, en essayant de ménager leur sortie et de protéger leur famille et leur clan. Peine perdue.
Les dauphins ne sont guère magnanimes
Dans un lointain passé, en 1982, Ahmadou Ahidjo avait démissionné pour mettre le pied à l’étrier à son dauphin, Paul Biya. On connaît la suite funeste pour le premier président camerounais. Aujourd’hui, dans des contextes très différents, on peut s’interroger sur les relations désormais sans concession, en Angola, de Joao Lourenço avec José Eduardo dos Santos, en Afrique du Sud, de Cyril Ramaphosa avec Jacob Zuma et au Zimbabwe entre Emmerson Mnangagwa et Robert Mugabe. José Eduardo dos Santos, Jacob Zuma et Robert Mugabe n’avaient-ils pas mis leurs espoirs de succession paisible en ces trois compagnons de route, au-dessus de tous soupçons de trahison.
La disgrâce de José Eduardo dos Santos et de sa famille
A la tête de l’État pendant 38 années (1979-2017), José Éduardo dos Santos (76 ans) a d’abord abandonné la présidence de la République, le 26 septembre 2017, à son dauphin Joao Lourenço (64 ans), puis contraint de lui céder les rênes du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) qu’il présidait depuis plus de 40 ans.
Joao Lourenço n’a pas tardé à lancer des opérations judiciaires contre la corruption et le népotisme visant la famille du vieux leader déchu, notamment sa fille Isabel dos Santos, son gendre Sindika Dokolo et son fils José Filomeno dos Santos. Isabel a été évincée de la Sonangol, société nationale des hydrocarbures, et ses sociétés comme Atlantic Ventures, perdent les marchés publics obtenus sous le règne du « Camarade N°1 ». Le frère d’Isabel, José Filomeno est en détention préventive depuis le 24 septembre 2018, pour détournement de fonds de 500 millions de dollars, du Fonds souverain qu’il dirigeait. Les purges ne font que commencer dans le famille dos Santos.
Jacob Zuma en route vers la prison
La chute du Zoulou Jacob Zuma (76 ans).est fracassante. Outre les accusations récurrentes d’agressions sexuelles et une vie matrimoniale tumultueuse, l’ancien.leader de l’African National Congress (ANC) est compromis dans de graves affaires de corruption notamment en ayant participé étroitement à l’enrichissement de la famille Gupta, dont l’empire politico-industriel est tentaculaire, grâce à des marchés publics peu orthodoxes. Il est ainsi acculé à la démission, le 14 février 2018, tout en assurant la promotion de Cyril Ramaphosa (66 ans), qui lui avait déjà ravi la présidence de l’ANC, le 18 décembre 2017. Cyril Ramaphosa, compagnon de route de Nelson Mandela, ne fera aucun cadeau à Jacob Zuma dans sa lutte nationale contre la corruption. Le 20 août 2018, il a installé une commission anti-corruption et « anti captage de l’Etat » avec le redoutable magistrat Ray Zondo qui a déjà en ligne de mire la fratrie Gupta et Jacob Zuma. Un retour à la case prison n’est pas à exclure pour l’ancien détenu de Robben Island où il avait purgé une peine de 10 ans, à côté de Nelson Mandela.
Robert Mugabe trahi par les siens
Président du Zimbabwe durant près de 30 ans, Robert Mugabe (94 ans) fut poussé vers la sortie le 21 novembre 2017 par ses compatriotes, excédés par sa mauvaise gouvernance et les frasques de son épouse, Grâce Mugabe, qui avait nourri des velléités de succession. Le vieux leader croyait compter sur son parti politique, la ZANU-PF, et surtout sur les vétérans de son armée qu’il avait tant choyés. L’ingratitude est le moteur de la disgrâce des despotes. Emmerson Mnangagwa (76 ans), son immuable vice-président donna un « coup de grâce » à son règne sans partage.
Si dans un premier temps, Robert Mugabe pensait bénéficier d’une paisible retraite de père de la Nation, il commence à déchanter. Son épouse est dans les mains de la justice. Ses détournements massifs de fonds publics sont sur la place publique. Les partisans de « Génération 40 » de Grâce Mugabe sont arrêtés ou en fuite. Une commission est chargée d’enquêter notamment sur la disparition d’un impressionnant volume de diamants estimés à 15 milliards de dollars. Miné par la maladie et l’âge, Robert Mugabe est désormais un homme seul, encore autorisé à se rendre à Singapour ou à Dubai, mais son nouveau statut d’opposant à Emerson Mnangagwa pourrait bientôt l’en empêcher.
L’Angolais Joao Lourenço, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et le Zimbabwéen Emmerson Mnangawa ont déjà remplacé le nom de leur illustre prédécesseur. Ils en sont maintenant à dégrader leur image. On peut se demander si les prochaines élections présidentielles en RDC, du 23 decembre 2018, ne pourraient pas offrir un nouveau scénario avec le dauphin désigné par Joseph Kabila, empêché de solliciter un troisième mandat. Emmanuel Ramazani Shadary (57 ans) sera-t-il le successeur putatif de la dynastie Kabila et ensuite le liquidateur ?
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