Comme lors de son premier mandat, le président américain a choisi l’Arabie saoudite pour sa première visite officielle. Au-delà de la signature de juteux contrats, Washington marque son alignement politique avec les pétromonarchies, malgré la méfiance de son allié historique dans la région : Israël.
La tournée que vient d’effectuer Donald Trump au Moyen-Orient illustre un nouveau modus operandi de la politique américaine dans la région. L’Arabie Saoudite, première étape de son voyage, est présentée comme un allié historique des Etats-Unis. Il reste que le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné par des agents saoudiens dans le Consulat d’Arabie saoudite à Istanbul en 2018, avait jeté un sérieux froid dans les relations entre Washington et Ryad durant la présidence Biden.
Sous Trump, changement radical de ton : il n’est plus question pour l’Amérique de « vous faire la leçon sur votre façon de vivre » a -t-il déclaré tout de go aux saoudiens devant une audience aux anges, comme l’a rapporté le New York Times. Ironiquement, ainsi que l’ont remarqué certains observateurs, la façon dont Trump a promis que les Etats-Unis n’entendaient ni juger les autres ni interférer dans la façon dont ils gérent leurs affaires rappelait certains discours anticolonialistes du temps passé… Le NYT relève ainsi que le chef de l’exécutif américain » a effectivement dénoncé des décennies de politique américaine au Moyen-Orient, reprenant à son compte les griefs entendus dans les cafés et les salons arabes, du Maroc à Oman ». Trump a même indirectement fustigé, sans les nommer, les interventions américaines dans la région, notamment les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan, en déclarant que, « au final, les soit disant bâtisseurs de nations ont détruit plus de nations qu’ils en ont bâti ». Une critique que les ennemis de l’ancien président Georges W. Bush et son équipe de « néo conservateurs » va-t-en guerre , au lendemain des attentats du 11 septembre, n’auraient pas renié! Et le président américain a enfoncé le clou : « Les interventionnistes intervenaient dans des sociétés complexes qu’ils ne comprenaient même pas ». Ho Chi Minh ou Ben Bella n’auraient pas mieux dit… « Prenez en mains vos destinées vous -mêmes! », a exhorté Trump.
Et ce n’était pas fini : après avoir rencontré à Riyadh Ahmed Al Shara, le nouvel homme fort de Syrie – un ancien djihadiste proche d’Al Qaïda dont les Etats-Unis avaient mis la tête à prix pour une somme de dix millions de dollars (!)- le président américain a qualifié son « homologue » de Damas de » de garçon charmant qui a derrière lui un passé très dur, un vrai combattant ». Dans la foulée, il annoncé que les Etats-Unis levaient les lourdes sanctions pesant sur la Syrie depuis la guerre civile violemment réprimée par l’ancien dictateur Bachar Al Assad.
Même chose avec l’émir du Qatar, pays où il a poursuivi sa tournée : durant son premier mandat, Trump avait accusé l’émirat de » financer le terrorisme a un très haut niveau » ; mercredi il a décrit l’émir Sheikh Tamim Bin Hamad Al Thani comme un « vieil ami » qu’il a chaudement remercié pour son cadeau de prix : un Boeing 747 d’une valeur de 400 millions de dollars enluminés de dorure pour remplacer son « Air Force one » vieillissant, cadeau qui fait jaser toute la presse aux Etats-Unis…
Capable de changer d’avis d’un jour sur l’autre, Trump semble cependant prendre des décisions qu’il faut analyser comme s’inscrivant dans une stratégie globale de pragmatisme radical : » Je n’ai jamais pensé que l’on peut avoir des ennemis éternels », avait il encore dit la veille de son arrivée à Doha ; « Je suis plus différent que beaucoup de gens ne le croient ».
(1) Kashoggi était exilé aux Etats-Unis et tenait une chronique régulière dans le « Washington Post »)
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