Le ministre de la Défense nationale, Jean-Yves Le Drian, a beau être partisan de la manière forte contre les djihadistes, Laurent Fabius défend une diplomatie pro-américaine et pro-Frères Musulmans
Avec la vente des Rafale à l’Égypte du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, un grand démocrate comme chacun sait, le plus grand flou caractérise désormais la politique étrangère française. Jusqu’à présent, François Hollande était crédité par une majorité de l’opinion publique française d’avoir réussi sur le plan international, notamment grâce à des expéditions militaires au Mali et en Centrafrique sans lendemain sur le terrain, mais habilement médiatisées. Avec la montée des périls en France et dans le monde musulman, le président français est en train de perdre la main.
« Papa Hollande » dépassé
Les « succès » en Afrique ont sans doute grisé un « Papa Hollande » qui connaissait d’avantage, jusqu’à son élection comme président de la République, les arcanes des congrès du Parti Socialiste que les coulisses de l’ONU. Face aux attentats qui se multiplient, plus rien n’est vraiment maitrisé au plus haut sommet de l’État, où un disccours bushien contre le terrorisme tient lieu de politique. La vente des 24 Rafale à l’Égypte est le marqueur fort de cette désagrégation de la politique étrangère française.
Comment peut-on dénoncer, un jour, le régime d’Assad, prôner une intervention militaire, une de plus, puis faire des courbettes, le lendemain, face au dictateur égyptien, qui achète les Rafale ou face au monarque séoudien, qui en finance discrètement le contrat ? Pourquoi tant d’incohérence dans la lutte en faveur des droits humains, qui sont décidément pour le président français à géométrie variable ? Comment flatter l’entourage khadafiste du Maréchal Sissi, dont le cousin du Guide reçu par l’ambassadeur de France au Caire, André Parant, tout en refusant à Paris de recevoir les émissaires du « mouvement vert » qui regroupe les mêmes fidèles de Khadafi ?
« Le Monde », pour avoir éditorialisé sur « la diplomatie illisible de Hollande » sous la plume de Christophe Ayad, est mis au piquet et privé d’invitation au Quai d’Orsay. Dans quel monde vivent les éminences socialistes qui nous gouvernent ? Que masque la fausse bonhommie de François Hollande ?
Au rythme des cargaisons de pétrole
Mais il y a plus grave. Face aux menaces de groupes djihadistes qui essaiment en Europe et au Maghreb, la France n’a plus de ligne diplomatique claire. La cacophonie règne au sein du gouvernement français, qui possède désormais deux lignes diplomatiques, deux méthodes pour lutter contre le djihadisme et le salafisme et deux ministres des Affaires Étrangères : Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian.
Le premier, Laurent Fabius, qui dirige en titre la diplomatie française, reste pro-américain et pro-qatari et fait toujours confiance aux Frères Musulmans, comme aux débuts prometteurs du printemps arabe, pour être, de la Libye à la Tunisie et au Qatar, une force de paix et de compromis. En Libye, le même prÔne, comme d’ailleurs l’ONU, l’Europe et la présidence algérienne, en faveur d’une solution politique. Alors que la guerre fait rage entre les milices islamistes de « Fajr Libya », soutenues par le Qatar et la Turquie, et les hommes du général Hafter, adosssés à l’Egypte, le Quai d’Orsay appelle encore à une solution politique de plus en plus improbable, décalée. Peu importe à notre ami Fabius, puisque des cargaisons illégalles de pétrole continuent à enrichir les milices islamistes de « Fajr Libya » et partant, les amis qataris du ministre français des affaires étrangères et de son copain BHL.
La synthèse impossible
Tout autre est la politique de Jean-Yves Le Drian, et autrement plus cohérente, qui milite en faveur de frappes contre les groupuscules islamistes dans le sud de la Libye. Pour l’armée française en effet, cette zone reste la base arrière des forces djihadistes qui continuent à sévir, aujourd’hui comme hier, dans un Nord Mali. Le ministre de la Défense français aura été le maître d’œuvre, y compris en multipliant les escales à Ryad, pour vendre les 24 Rafale au maréchal Sissi. Il a agi d’abord pour collecter cinq milliards d’euros de contrats, qui vont soulager l’État français, budgétairement étranglé. En effet, sans cette vente inespérée, le gouvernement Valls était obligé contractuellement d’acheter quelques avions de combat au groupe Dassault. Ce qui aurait saigné d’avantage encore le budget militaire de la France.
Mais grâce à cette vente d’avions, Jean-Yves le Drian consolide ses liens, dans sa volonté farouche d’intervention en Libye, avec un allié de poids. En effet, le chef de l’État égyptien est, lui aussi, un artisan de la manière forte contre les islamistes libyens, comme il l’a montré, ces jours-ci, en bombardant, les bases de l’État Islamique en Libye.
Quelle synthèse François Hollande imagine-t-il entre ses deux ministres des Affaires Étrangères ? Et encore sans évoquer son Premier ministre, Manuel Valls, qui a fait de la lutte contre « l’islamo fascisme » son fonds de commerce ? François Hollande qui s’est précipité aux pièces de BHL dont on connait les ardeurs guerrières, devrait demander conseil au vrai faux philosophe.