Annoncée depuis longtemps la réduction des effectifs militaires français en Afrique est désormais actée. Pendant qu’en Côte d’Ivoire, le 43ème BIMA s’apprête à baisser pavillon, les Etats-Unis, eux, se préparent à ouvrir une base dans le nord du pays. A seize mois de l’élection présidentielle, la nouvelle ne devrait laisser personne indifférent à Abidjan. Paris toujours en panne de stratégie
En ces temps de dissolution et d’élections législatives en France, la fin du 43ème BIMA et donc des Forces françaises de Côte d’Ivoire (FFCI) est passée en dessous des radars. Depuis 2022, Emmanuel Macron avait promis de revoir la stratégie militaire de la France en Afrique. Il aura fallu plus de deux ans pour que les têtes pensantes de l’Elysée comme des Armées accouchent d’une nouvelle feuille de route.
Copiant le modèle des Américains avec l’Africom, Paris vient de se doter d’un Commandement pour l’Afrique (CPA), dans le 15ème arrondissement de Paris. Ce nouveau dispositif technocratique sera chargé de coordonner les contingents sur le continent. Il sera placé sous la tutelle du Centre de Planification et de Conduite des Opérations, qui dispose, lui aussi, d’une cellule Afrique ! Bref une nouvelle usine à gaz qui peine à masquer le manque de stratégie et de vision. En ces temps de rejet de la politique française, le seul objectif consistait à garder une botte sur le sol africain en restant le moins visible possible. C’est désormais chose faite, les forces françaises sur le continent sont réduites à la portion congrue : 3000 hommes dispatchés entre l’Afrique de l’Ouest et Centrale avec un fort contingent à Djibouti. La Côte d’Ivoire est la plus touchée par cette réorganisation, des 950 FFCI il ne restera plus qu’une petite centaine de militaires renommés les « Eléments français » !
Vases communicants
Pendant que les Français se font tout petits, les Etats-Unis continuent de voir grand. Chassés du Niger par les nouvelles autorités issues du coup d’Etat de juillet 2023, les Américains se cherchaient un pays d’accueil. Selon une source militaire d’Afrique de l’Ouest, ils l’ont trouvé en Côte d’Ivoire.
Une base doit voir le jour à Odienné, une ville du nord-est du pays près des frontières malienne et guinéenne. Un emplacement idéal puisque leurs drones reaper nouvelle version qui possèdent une autonomie de 30 heures de vol sur 2500 km leur offrent un large rayon d’action. Ils pourront ainsi surveiller à la fois une partie du très stratégique et convoité golfe de Guinée, de Nouakchott à Lomé, et les pays du Sahel avec une vue imprenable sur Bamako et Ouagadougou.
En toute opacité
L’installation de cette base en Côte d’Ivoire n’est pas vraiment une surprise, depuis leur départ forcé du Niger plusieurs officiels américains ont fait le voyage dans la capitale ivoirienne. Après le secrétaire d’Etat Anthony Blinken en janvier, le patron d’Africom, le général Langley s’est rendu à Abidjan pour s’entretenir avec Alassane Ouattara en avril dernier. Cependant, ces tractations n’ont fait l’objet d’aucune communication officielle, petits et grands arrangements ont eu lieu en coulisses à l’insu des Ivoiriens.
Sur les bords de la lagune Ebrié, la campagne pour l’élection présidentielle de 2025 a déjà commencé, le sujet d’une nouvelle présence militaire étrangère dans le pays devrait à coup sûr enflammer les débats. Avec l’installation de cette base, le Président ivoirien, fin tacticien, s’assure le soutien de Washington pour un quatrième mandat à la tête du pays. Il pourra ainsi se passer de la bénédiction française, d’une part Emmanuel Macron y étant réticent, d’autre part en raison de l’instabilité politique en France et de l’affaiblissement de son président, Paris n’est plus une valeur sûre, il n’y a donc que des avantages à cette nouvelle configuration. En revanche, si, compte tenu de l’histoire, le départ des militaires français devrait réjouir de nombreux Ivoiriens, il n’est pas certain que leur remplacement par des Américains ait beaucoup de laudateurs.