Sommet Chine Afrique (2), les mercenaires chinois à l’assaut

Ce 4 septembre s’ouvre à Pékin la neuvième édition du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac). L’Afrique se révèle incontournable dans l’ambitieuse initiative chinoise “la Ceinture et la Route”. La presse africaine note l’empressement des pays africains à participer à cette grand messe où cinquante chefs d’état se sont rendus. Mais le continent africain pris à la gorge par son endettement à l’égard de la Chine appelle à un rééquilibrage des relations avec le géant mondial.

Une certitude, la Chine qui refuse de s’impliquer sur le fonctionnement interne des régimes africains développe une stratégie militaire agressive, commenous l’avons vu dans un précédent papier (voir ci dessous). On assiste à un développement des sociétés privées de sécurité sur l’initiaitive de pékin comme c’est le cas pour Blackwater, le mercenaire américain associé aux Chinois

Une enquête de Michael Pauron

La Chine, qui compte plus de 5000 entreprises et des millions de travailleurs sur le continent, est de plus en plus exposée aux menaces, comme le terrorisme et le banditisme. Depuis une dizaine d’années, ses ressortissants sont d’ailleurs régulièrement pris pour cible. En 2011, l’APL a dû évacuer 35 000 chinois de Libye. En 2015, elle a renouvelé l’opération au Yémen, pour 600 de ses compatriotes. La même année, trois d’entre eux ont été tués lors d’une attaque dans un hôtel, à Bamako.

Plusieurs mineurs ont été enlevés au Nigeria en 2016 et en 2019. Pendant la crise du Covid19, alors que la Chine a été accusée d’être responsable de la pandémie, les relations entre les locaux et les ressortissants chinois se sont tendues, et trois entrepreneurs ont été assassinés à Lusaka, capitale de la Zambie, au cours du week-end des 23 et 24 mai 2020.

Beaucoup d’anciens militaires

Ces évènements ont poussé Pékin à réagir. Non seulement l’APL s’est déployée sur le terrain à plusieurs reprises, mais la sécurité privée est encouragée à se développer. Déjà bien occupé par les Américains, les Israéliens, les Russes et les Sud-africains, ce marché attire des acteurs chinois, qui ont l’avantage d’être jusqu’à douze fois moins chers.

La plupart des dirigeants de ces sociétés sont issus de la sécurité publique, et leurs liens avec l’État chinois ne sont pas très clairs, bien qu’ils soient supposés importants. « En ce qui concerne le recrutement, la pratique d’employer d’anciens militaires par les sociétés chinoises est la norme tout comme elle l’est dans le reste de l’industrie mondiale de la sécurité », précise une étude du Cari sur le sujet publié en mars 2020. Et, comme dans tous les autres domaines, les États-Unis y verraient une menace : « Les principaux acteurs américains craignent que, dans un avenir pas trop lointain, le marché chinois de la sécurité ne fournisse des concurrents mondiaux, comme cela s’est déjà produit dans plusieurs secteurs industriels chinois », poursuit le Cari.

Parmi les sociétés déjà actives, la société HXZA se concentre sur la sécurité maritime, en particulier le long de la côte est-africaine. Toujours selon l’étude du Cari, « les principaux services de HXZA comprennent la sécurité maritime armée, la réponse aux kidnappings, la protection des cadres, la sécurité statique des sites, la formation à la sécurité, l’évaluation des risques et l’intégration des technologies de sécurité. L’expansion de HXZA à l’étranger a été déclenchée par l’exigence de suivre le processus d’internationalisation de ses clients chinois, en particulier les entreprises publiques dans les secteurs de l’extraction de pétrole et de gaz. »

L’irruption de Blackwater

Un autre acteur s’est fait particulièrement remarqué. Considéré comme l’un des principaux  mercenaires américains, Erik Prince, le fondateur de Blackwater, a créé à Hong Kong Frontier Services Group (FSG), en partenariat avec le conglomérat financier chinois CITIC group. Doté d’un bureau à Pékin, FSG est arrivé en 2014 au Soudan du Sud, où l’entreprise soutient le secteur extractif chinois. En 2018, le périmètre d’activité de FSG s’est élargi avec le projet de construction de centres de formation à destination des entreprises chinoises de sécurité privée. L’étude du Cari estime que,« FSG devrait tirer parti de l’expansion économique de la Chine en Afrique et de leurs besoins de sécurité. »

Les activités de coopération entre la Chine et FSG en Afrique iraient de la sécurité en Somalie, à la gestion d’évacuations sanitaires par les airs à partir du Kenya, en passant par le soutien aux opérations minières chinoises en RD Congo et en Guinée. Mais les experts alertent sur les risques du développement de cette nouvelle activité chinoise, qui pourrait conduire certaines sociétés privées paramilitaires à nourrir des conflits et développer le trafic illégal d’armes.  « Les entreprises de sécurité privée sont une réponse à certaines menaces, mais si elles ne sont pas encadrées, elles peuvent attirer d’autres acteurs qui risquent de déclencher des conflits supplémentaires et inattendus », prévient l’étude du Cari.