L’homme d’affaires français et ex gendarme Olivier Bazin, qui fut un habitué des réseaux africains les moins recommandables, s’est reconverti dans le commerce d’équipements militaires entre le Congo et la Chine. Ce est considéré à Paris comme un manque de loyauté à l’égard des intérêts français en Afrique et comme une atteinte à l’image de la France.
En se faisant passer pour proche des Autorités françaises – une proximité contestée lors d’un échange entre Emmanuel Macron et le président congolais Félix Tshisekedi en mars 2023(1), Olivier Bazin, cet ex gendarme surnommé « colonel Mario », dirige en RDC une bande de mercenaires. Cette fine équipe est à l’oeuvre à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu (est), en proie à des violences depuis plus de vingt ans et dont une partie du territoire est occupée par la rébellion tutsi du Mouvement du 23 Mars (M23) soutenu par le Rwanda.
Le gouvernement congolais a démenti la présence du groupe russe Wagner agissant aux côtés des militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), tout en admettant, au début de 2023, la présence d’experts techniques étrangers pour assurer la mise en oeuvre des avions et des hélicoptères de combat.« Lorsque nous avons des avions Sukhoi, il y a un personnel technique qui doit les entretenir. Et si nous ne disposons pas de la main d’œuvre, qu’est-ce que nous faisons? Lorsque la République a besoin de former ses militaires, on a besoin d’instructeurs et que nous avons des compétences notamment des anciens de la Légion française. Est-ce qu’on va se priver de recourir aux moyens qui vont nous permettre d’assurer la formation de nos militaires », a affirmé devant la presse M. Muyaya, ministre de la Communication et des Médias (2).
D’abord sollicité pour assurer la maintenance d’une partie de la flotte aérienne congolaise, Olivier Bazin a convaincu le Ministre congolais de la Défense d’alors et décroche, en juillet 2022, un gros contrat qui comprend une mission de conseil auprès de l’état-major, à Goma. Le dispositif, annonce-t-on, ira en s’agrandissant !
L’incontournable colonel Mario
Le site d’information « Africa Intelligence », généralement bien informé, a révélé l’existence d’une société, du nom d’Agemira, assure la maintenance des aéronefs de l’armée congolaise. Agemira est enregistrée à Sofia, la capitale bulgare, mais opère à travers son entité locale, Agemira RDC. A sa tête, se trouve l’incontournable Olivier Bazin, alias « colonel Mario ». « De Goma où elle opère jusqu’à présent, l’entreprise se prépare à déplacer ses équipes sur l’aéroport de Kavumu. En lien permanent avec les hauts responsables des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), elle est associée à la réception des drones chinois et à la logistique de ce futur centre de commandement des opérations à l’Est » ».
En mai dernier, Olivier Bazin a signé avec le ministre congolais de la Défense, Gilbert Kabanda Rukemba, un contrat de remise en état et de maintenance des aéronefs de la Force aérienne congolaise (FAC), dont les deux avions d’attaque au sol Sukhoi Su-25, acquis en Ukraine au début des années 2010 sous la présidence de Joseph Kabila, et de deux hélicoptères d’attaque Mil Mi-24 de fabrication soviétique.
Il a réussi à se faire nommer « Monsieur Drones » auprès des Autorités congolaises, arguant de ses qualités de « formateur/instructeur » dans ce domaine. À ce titre, il a surtout acheté du matériel chinois. Cet intermédiaire travaille notamment avec le constructeur chinois de drones NORINCO.
Les fantômes de la Françafrique
Notre intermédiaire dont le parcours rocambolesque l’a mené aussi bien au Gabon qu’eu Congo Brazzaville ou dans le sillage des cercles de jeux parisiens n’est pas un inconnu des réseaux dits de la Françafrique.
L’ONG Public Eye, raconte une minutieuse enquête du journal « le Monde » (4), a exploré le système corruptif mis en place à Brazzaville par le géant suisse Gunvor pour exporter le brut du Congo. Au coeur de ces magouilles, se trouv aitDenis-Christel Sassou-Nguesso, fils affairiste du président congolais, député du fief familial d’Oyo, directeur général adjoint de la société pétrolière nationale (SNPC), administrateur général de l’unique raffinerie du pays et suspecté par les justices française, portugaise et américaine de détournements de fonds publics. « Un des intermédiaires recruté par Gunvor, constate « le Monde », n’est autre que le Français Olivier Bazin, alias « Colonel Mario », vieux loup de la Françafrique cité par le passé dans une affaire de grand banditisme corse et condamné pour blanchiment d’or ».
En décembre 2007 en effet, on trouve la trace Olivier Bazin cité dans le procès du cercle de jeux parisien « Concorde » où les prévenus sont accusés de cette affaire de blanchiment présumé. A ses côtés, se trouvent des barons du milieu corso-marseillais ainsi que le banquier suisse François Rouge ou encore… l’ineffable Paul Barril, « le gendarme de l’2lysée » qui fut au coeur de l’affaire des Irlandais de Vincennes.
A l’audience, Olivier Bazin affirme travailler dans le BTP. Mais devant les juges, le même reconnaissait « avoir été un agent de renseignement non officiel au Darfour pour le compte du Quai d’Orsay », ou encore d’avoir aussi tenu un casino – « 30 m2 pas plus » – à N’Djamena.
Sans parler de la négociation, en 2002, de lingots d’or pour le compte d’Ali Bongo qui n’était pas encore devenu le Président du Gabon.
Un sacré palmarès qui a séduit les fabricants de drones chinois.
(1) Jeune Afrique.02/05/2024
(2) La Libre Belgique, avril 2023
(3) Africa Intellligence, 23 février 2023
(4) Joan Tilouine, « Le Monde », 12 septembre 2017