« Ces vibrations intérieures » : cinq artistes camerounais à Paris

Jusqu’au 7 juin 2025, la galerie La La Lande (Paris 4ᵉ) accueille l’exposition collective “Ces vibrations intérieures”. Cinq artistes venus du Cameroun proposent une traversée intime et politique de l’identité postcoloniale, entre mémoire, résistance et énergie picturale.

Dans le calme de la rue Quincampoix, au cœur du Marais, la galerie La La Lande vibre d’une intensité singulière. L’exposition “Ces vibrations intérieures”, visible jusqu’au 7 juin 2025, réunit cinq artistes camerounais aux univers puissants : Jean David Nkot, Bekolo Bekolo, Geordan Bouhom, Ernest Dizoumbe Oumarou et Dieudonné Djiela Kamgang. Chacun, avec sa propre grammaire plastique, interroge ce que signifie “vivre dans le sillage du colonial”, dans un monde où les histoires dominantes continuent de faire écran.

Loin d’une exposition homogène ou illustrative, « Ces vibrations intérieures » est une polyphonie visuelle où chaque œuvre agit comme une onde. Les médiums varient, peinture, dessin, installation, techniques mixtes, mais une chose lie ces cinq artistes : l’art comme lieu de secousse, où la couleur, la matière, le corps deviennent outils de questionnement et d’ancrage.

Jean David Nkot : cartographier les corps invisibles

Figure montante de la scène artistique camerounaise, Jean David Nkot travaille sur des portraits de travailleurs, de migrants, de figures marginalisées, qu’il superpose à des cartes géographiques ou à des données socio-économiques. Dans ses toiles exposées ici, le visage est à la fois fragmenté et monumental, pris dans les filets d’une cartographie coloniale et contemporaine.

Ses œuvres sont d’une violence douce, silencieuse mais implacable : elles nous confrontent à la manière dont les corps africains sont localisés, assignés, exploités, tout en les réhumanisant par la précision du trait et la chaleur des textures. Chez Nkot, la peinture devient un espace de justice et de mémoire.

Bekolo Bekolo : entre satire et tragédie

 

Avec une approche plus figurative et symbolique, Bekolo Bekolo construit un théâtre visuel où les personnages sont à la fois grotesques et tragiques. Inspiré par les contes, les rites et les violences politiques, il développe un univers proche de l’absurde, où les masques tombent et les silhouettes prennent feu.

Ses tableaux, chargés de motifs et de signes, évoquent une Afrique qui regarde l’histoire droit dans les yeux, sans jamais perdre sa capacité de subversion et d’ironie. Un humour noir, incisif, qui sert à démasquer l’ordre établi.

Geordan Bouhom : les flux, les peaux, les frontières

 

 

 

Chez Geordan Bouhom, les corps semblent se dissoudre, s’étirer, se heurter à des lignes abstraites. À travers une série d’œuvres sur papier et de toiles de grand format, l’artiste explore les zones de friction entre le dedans et le dehors, entre l’individu et les forces globales — économiques, migratoires, écologiques.

Ses couleurs sourdes, ses gestes fluides et ses formes semi-abstraites évoquent le déplacement, l’exil, mais aussi l’adaptation et la transformation. Il y a du déracinement et du renouveau dans chaque geste.

Ernest Dizoumbe Oumarou : le feu, le charbon, la vie

Artiste de la matière, Ernest Dizoumbe Oumarou peint, gratte, brûle, sculpte ses toiles comme un artisan politique. Inspiré par les récits ouvriers, par la terre, le feu, le charbon, il propose une œuvre brute, presque tellurique, où l’énergie vitale affleure à chaque couche.

Ses œuvres parlent d’économie, d’extraction, de labeur — mais aussi de spiritualité et de résilience. Un art physique, vibrant, charnel, qui donne une présence presque tangible à des vies trop souvent invisibles.

Dieudonné Djiela Kamgang : visions intérieures

Enfin, Dieudonné Djiela Kamgang plonge dans l’imaginaire personnel, les souvenirs d’enfance, les hallucinations visuelles du quotidien. Son travail est moins frontal, plus onirique, mais non moins politique. Il nous invite à écouter nos propres “vibrations intérieures” : les peurs, les désirs, les vertiges.

Son art est fait de couleurs mouvantes, de visages flous, de fragments narratifs. Un travail de réconciliation entre soi et son héritage, entre mémoire familiale et chaos global.

“Ces vibrations intérieures” n’est pas une exposition sur l’Afrique. C’est une exposition avec l’Afrique, depuis l’Afrique, mais aussi dans Paris, dans nos regards, nos héritages communs. Elle parle à tous ceux qui cherchent à comprendre comment l’histoire se loge dans les gestes artistiques, comment elle se transmet à travers les corps et les matières.

Infos pratiques :

Exposition « Ces vibrations intérieures »
Dates : jusqu’au 7 juin 2025
Lieu : Galerie La La Lande, 56 rue Quincampoix, 75004 Paris
Entrée libre
Dans le cadre du parcours Traversées Africaines 2025