La crise centrafricaine connaît une évolution marquée par l’aide de la Russie de Poutine, le principal partenaire désormais du régime du président Touadera. La paix, pour autant, est-elle en vue ?
La crise centrafricaine n’a pas totalement disparu des écrans radar des médias internationaux. Le rapprochement des autorités de Bangui avec la Fédération de Russie est spectaculaire, matérialisé par des accords bilatéraux secrets.
Une campagne anti française
On voit arriver en Centrafrique des mercenaires appartenant de la société paramilitaire Wagner. Cette dernière est dirigée par l’oligarque russe Evgueni Prigojine, qui s’est notamment illustré par son rôle dans le Donbass, le Soudan et la Syrie, qui ont fait l’objet de nombreuses interventions médiatiques et de commentaires souvent sans nuances.
Cette nouvelle donne centrafricaine a été plutôt bien accueillie en Centrafrique. Pour accompagner ce retour de la Russie sur les bords de l’Oubangui, plusieurs médias locaux participent activement à une violente campagne hostile à Paris. Laquelle est évidemment orchestrée par des spécialistes russes de la manipulation des médias et par quelques proches du président Touadera qui n’ont jamais caché leur haine de la France et des Français.
Une place à prendre
Ce nouveau contexte a été permis par l’échec, unanimement reconnu, sauf par les hiérarques onusiens, de la MINUSCA, avec ses 12 000 Casques bleus et son budget faramineux, et par l’amateurisme voire l’incompétence de la diplomatie française. Depuis le début de la crise en septembre 2012, quatre ambassadeurs se sont succédés à Bangui. Les trois premiers ont été rapatriés dans des conditions peu habituelles. Leur arrogance n’avait d’égale que leur incapacité à prendre la mesure de la crise. Le nouvel ambassadeur français a pris ses fonctions fin août 2018. Cet ancien militaire n’a jamais été en poste en Afrique subsaharienne et ne peut faire valoir que de courtes expériences de consul général à Marrakech et à Alger. En revanche, l’ambassadeur russe est en fonction depuis le 11 juin 2011 et ses collaborateurs sont des spécialistes de l’Afrique. La France est désormais quasiment hors jeu du théâtre centrafricain. C’était d’ailleurs probablement sa volonté.
Des réunions innombrables
A défaut de réconciliation nationale, les réunions inclusives ou de » haut niveau » se succèdent en donnant toujours un espoir pour une sortie de crise. Les promesses de réconciliation nationale et de négociation pour une paix durable, dûment signées, avec leurs éloges médiatiques subséquentes, ont fait jusqu’ici long feu.
De quoi avoir le tournis, des Accords de Libreville, du 11 janvier 2013, jusqu’à la déclaration d’entente de Khartoum du 28 Août 2018. Entre temps, il y aura eu des pourparlers pour un hypothétique cessez-le feu à Ndjamena, Brazzaville, Nairobi, Luanda, à Rome avec Sant’Egidio, et à Bangui, avec l’entrée au gouvernement et à la présidence de représentants de certains belligérants.
Les Russes, l’ultime tentative
Paradoxalement la Russie a probablement une bonne connaissance des données de la crise en Centrafrique. Le conseiller spécial russe près de Touadera est omniprésent et devrait avoir une vision autrement plus réaliste que ne l’avait les anciens conseillers étrangers peu impliqués. Le tissu des « experts » et autres » instructeurs »russes à l’intérieur du pays permet également de bien connaître les mouvements rebelles.
Quoiqu’en disent les autorités centrafricaines, les initiatives russes viennent concurrencer l’Intiative de paix menée par l’Union africaine dans la Feuille de route. Qui aura désormais le leadership du processus de paix ? Le président Touadera fait il confiance davantage aux Russes ?
Des fondamentaux incontournables
Tout processus de paix ne peut pas échapper à quelques réalités incontournables.
– Les autorités de Bangui sont repliées sur un clan et motivées surtout par des considérations financières.
– Tout dans l’administration est à reconstruire: le principe hiérarchique, les services extérieurs, les contrôles internes et externes.
-Les trois quart du territoire national sont sous la coupe de bandes armées autonomes. Les revendications économiques et politiques des mouvements du nord-est seront difficilement acceptées.
– Les 14 groupes armés identifiés sont traversés par des sous groupes plus ou moins hors de contrôles qui peuvent remettre en cause toute signature d’un accord.
– D’innombrables groupuscules existent sans véritable hiérarchie et motivés par les rapines.
-Les autorités de Bangui, leurs protégés et leurs protecteurs, les heureux bénéficiaires du business de crise, les seigneurs de la guerre installés sur des fiefs rémunérateurs, les experts internationaux aux perdiem élevés, les responsables onusiens et les membres de la Minusca ont-ils vraiment intérêt à voir enfin la paix se concrétiser ?
Le peuple centrafricain devra encore attendre pour retrouver une paix durable. Avec le risque d’une partition du pays qui pourrait devenir inéluctable.