Peter Thomson, diplomate fidjien, président en exercice de l’Assemblée générale de l’ONU, avait décidé de rendre visite à la Centrafrique, pays qu’il estime particulièrement. Lors de ses rencontres à New York avec le président Touadera, il avait été décidé de programmer cette visite dans la semaine du 8 au 13 mai 2017. Sa visite a donc été effective le 10 mai… mais sans le Président centrafricain en visite officielle en Israël pour une petite semaine.
Certains pourraient s’étonner de constater que le Président Touadera, qui se rend assez régulièrement à New York pour rencontrer des responsables de l »Onu, soit curieusement absent de Bangui lorsque le Président de l’Assemblée générale de l’ONU et sa délégation viennent en visite officielle.
Etrange agenda
La visite du Président Touadera en Israël, la première d’un chef de l’État centrafricain, devait donc être d’une plus grande importance et avoir un caractère urgent, d’autant que le nouvel ambassadeur d’Israël en Centrafrique venait, quatre jours auparavant, de lui remettre ses Lettres de créances.
Outre cette question d’agenda, révélatrice de la gouvernance actuelle, le Président de l’Assemblée générale de l’ONU aura probablement vécu, à Bangui, le pire moment de son mandat.
Peter Thomson est arrivé au lendemain de la tragédie subie par la Minusca, la. Force onusienne en Centrafrique. Dès son arrivée à Bangui, il s’est incliné devant les corps de quatre Casques bleus et il a essayé de réconforter les dix autres militaires gravement blessés, lors de l’horrible embuscade tendue à un convoi de la Minusca près de la ville de Bangassou. La réaction du gouvernement centrafricain était encore attendue. En revanche, le cardinal Dieudonné Nzapalainga, originaire de Bangassou, s’est immédiatement rendu dans la région pour apaiser la population et raisonner les antibalaka
Dans cette région de l’extrême est du pays, l’État a progressivement disparu même si quelques fonctionnaires essaient de survivre plutôt que de pouvoir administrer, n’ayant0 aucun moyen pour travailler. De même, les quelques dizaines de militaires centrafricains, totalement oubliés, ont dû manifester à Bangassou pour qu’enfin ils puissent être relevés après deux ans de galère.
Totale insécurité
Dans cette région orientale, devenue un Far East, l’insécurité est totale. Les populations essaient de se protèger avec les religieux et se constituent en groupement d’auto-défense. Les rebelles de l’UPC, en majorité peule chassés de Bambari, sillonnent ce territoire propice à l’élevage et riche en or. Ils pratiquent les razzias se heurtant parfois aux résidus de la LRA de Joseph Kony qui s’y sont durablement établis, en terrorisant la population. Les milices villageoises se radicalisent et prennent parfois les devants en volant le bétail et tuant leur propriétaires. Comment revenir à la paix dans ces conditions avec un Gouvernement qui ne pensent qu’ appuis financiers préalables ? Comment peut-on encore croire à un DDRR dans ces conditions avec quasiment les mêmes autorités que lors du précédent DDR ayant fini en fiasco financier, politique et militaire ?
La disparition progressive de l’État avec une présidence de plus en plus isolée, le récent retrait des conseillers militaires américains, ayant échoué dans la neutralisation de Joseph Kony, le retrait mimétique des Forces ougandaises, signifiant la fin de l’appui de l »Union africaine, la radicalisation des groupes d’auto-défense, moins structurés que ceux de l’ouest, les situations dramatiques dans les régions voisines du Bahr el-Ghazal ( Soudan du sud), de l’Ituri et de Béni ( RDC) devraient désormais pouvoir être mieux pris en compte par l »ONU. La visite de Peter Thompson n’ aura pas été inutile.