Les attentats de ce mardi 22 mars contre l’aéroport et le métro de Bruxelles montrent l’enracinement des sinistres réseaux de Salah Abdeslam notamment dans la banlieue de Molenbeek
Sur tous les médias, l’arrestation de Salah Abdeslam, le samedi 19 mars, a été saluée comme une divine surprise. Et on ne peut pas en effet bouder son plaisir à voir ainsi le cerveau des attentats sanglants de novembre 2015 appréhendé par la police. Mais comment a-t-il pu bénéficier de tels soutiens, depuis quatre mois, à Molenbeek dans la banlieue bruxelloise?
Voici la question inquiétante que l’on se pose après cette arrestation spectaculaire, qui est suivie, ce mardi 22 mars, par des attentats à l’aéroport de Bruxelles, réponse sanglante des djihadistes au coup qui leur a été porté.
Que Salah Abdeslam soit traduit, demain, devant la justice française est un formidable réconfort. Un procès public est en effet un exorcisme salutaire qui permet d’honorer la mémoire des victimes et qui autorise les juges d’instruction à interroger le dernier témoin vivant des attentats. Le petit délinquant qu’était Salah Abdeslam a été activé à Bruxelles par le commando de l’Etat islamique venu de Syrie, neuf hommes, dont son frère. Eux sont morts, lui a abandonné sa ceinture d’explosifs et sa voiture dans le 18ème arrondissement de Paris.
A ce titre, il connait les secrets de fabrication de l’équipée sanglante. Son arrestation est donc une excellente nouvelle. Jusqu’à un certain point et sous réserve qu’il parle.
Grands messes
Avec le terrorisme, nous n’échappons pas, sur les ondes et les télévisions, aux grand messes médiatiques. Les grands clercs – juges, avocats, politiques ou experts – ressassent en boucle les mêmes poncifs sur la qualité de la coopération franco-belge et sur l’excellence des services des deux pays, naturellement les plus performants du monde.
Mais l’essentiel n’est pas là. Seul le spécialiste du djihadisme qu’est Gilles Kepel a tiré, dès le samedi 19 mars dans la soirée, la sonnette d’alarme sur Europe 1. La bonne nouvelle, peut-on résumer, c’est en effet l’arrestation d’Abdeslam. La mauvaise, c’est qu’il ait été pris à Molenbeek, la commune où il tenait un bistrot voici quelques années, et cela après quatre longs mois de traque impuissante.
Molenbeek, base arrière
En clair, les réseaux du banditisme belge ordinaire qui, grâce à lui, ont assuré la logistique des attentats en novembre 2015 fonctionnent toujours parfaitement. Les amis d’Abdeslam qu’il a croisés dans le trafic de la drogue et des armes n’ont toujours pas été inquiétés, toujours prêts à donner un coup de main à leurs cousins djihadistes. Ces réseaux lui ont assuré une solide base arrière pendant quatre mois, sans que le moindre policier ni le moindre barbouze ne paraisse capable de les infiltrer.
Son arrestation n’est due qu’au hasard. Les forces policières belges et françaises ont visité, sans renseignement aucun, un des appartements qui a servi de cache à l’équipée terroriste. Or Salah Abdeslam y avait toujours ses habitudes, ce que la police ne savait pas. Coup de bol, des traces ADN avaient été laissées sur un verre, la traque a pu s’organiser qui n’est pas le résultat d’un travail policier en amont. Seul un coup de fil d’une connaissance d’Abdeslam, qui balance le terroriste, permettra le coup de filet final
Il n’empêche, Molenbeek n’a pas livré, pour autant, ses secrets, à mi chemin entre la délinquance et le salafisme. Les réseaux d’Abdeslam auraient pu le protéger encore longtemps et protégeront, demain, d’autres terroristes. Fragilisées par l’absence d’Etat, handicapées par le millefeuille politique, les forces sécuritaires belges n’ont pas de prise sur cette citadelle avancée de l’Etat Islamique, au croisement du djihadisme et du banditisme.
En ce sens, Mokenbeek et ses mystères continuent à signer l’échec de l’Europe dans sa lutte contre l’Etat Islamique.