Le stop over, initialement non programmé, du président Macron à Riyad, dans la soirée du 9 novembre 2017, montre à quel point la crise au Proche-Orient a atteint un seuil critique.
L’avenir du Liban est tout simplement en jeu. L’entretien du président Macron avec le prince héritier Mohammed Ben Salman a confirmé les alertes faites, lors des récentes visites officielles à Paris, du président Michel Aoun et du premier ministre Saad Hariri.
Question de survie
La défaite de Daesch en Syrie et en Irak est aussi la victoire de l’Iran et du chiisme sur le wahabbisme. L’Arabie Saoudite et sa coalition sunnite est désormais menacée par l’Arc chiite qui va de l’Iran au Hezbollah libanais en passant par l’Irak, les Houthis du Yémen, la Syrie de Bachar et une partie du Hamas palestinien. Le missile balistique venant du Yémen, intercepté près de Riyad, a été catalogué comme un acte de guerre. Une réplique de la coalition menée par l’Arabie saoudite était donc inévitable. Après le conflit avec le Qatar, suspecté d’être trop accommodant avec l’Iran, la destabilisation du Liban est désormais à l’ordre du jour de l’Arabie Saoudite et de ses alliés, notamment les Émirats Arabes Unis, le Bahrein et le Koweït.
Le rappel à Riyad du sunnite Saad Hariri, qui a la double nationalité saoudienne et libanaise, et sa démission du poste de Premier ministre, constitue la première initiative saoudienne. Elle a été suivie par les injonctions de l’Arabie Saoudite et de ses alliés de fuir le Liban pour leurs ressortissants et leurs capitaux.
Le scénario mené envers le Qatar est repris afin de punir le Hezbollah et le régime libanais, jugés trop favorable à Bachar et à l’Iran. Le Liban n’est pas le Qatar. L’importation du conflit sunnite/ chiite au Liban est un danger majeur, pas seulement pour le Proche-Orient. Le Secrétaire général de l’Onu et le Secrétaire d’Etat américain l’ont bien compris, en lançant des appels à la retenue. Va-t-on laisser l’Arabie Saoudite et ses alliés ranimer les violents antagonismes libanais ?
En état d’alerte maximum
La situation au Liban ne saurait laisser les français indifférent. Le président français, Emmanuel Macron, a immédiatement envoyé à Riyad son conseiller diplomatique adjoint et ancien collègue à l’ENA, spécialiste du Proche -Orient, Aurélien Lechevalier. Le Quai d’Orsay avec à la manoeuvre le ministre Jean-Yves Le Drian, fin connaisseur des monarchies du Golfe, et son directeur de cabinet, Emmanuel Bonne, ancien ambassadeur au Liban, ont mobilisé tous leurs réseaux. Sur place, à Beyrouth, l’ambassadeur Bruno Foucher est en contact permanent avec le président Aoun. Cet ancien ambassadeur de France à Téhéran, est probablement l’un des meilleurs spécialistes du conflit entre les sunnites et les chiites.
Le prince héritier, Mohammed Ben Salman est un peu le Macron saoudien. Âgé de 32 ans, il n’était pas dans la ligne directe de succession de son vieux père. La désignation de ce prince impétueux, audacieux, réformateur a constitué une surprise. Depuis qu’il est devenu l’homme fort du régime, il ne cesse de surprendre pour réformer la société saoudienne. Le statut de la femme, les purges dans les cercles conservateurs, la lutte contre la corruption, les réorientations de l’économie, la tolérance zéro envers les djihadistes et l’Iran, son aspect belliqueux envers les ennemis de son pays caractérisent sa gouvernance.
Comme le Prince ne semble douter de rien, on peut craindre le pire.