Pour combattre la barbarie de l’Etat Islamique, il ne faut pas sous estimer cet adversaire qui a déclenché un Jihad mondial dont la France est une des cibles privilégiées
On présente trop souvent l’Etat islamique comme un ramassis d’aventuriers, généralement jeunes, venus du monde entier, au nom d’un islam dévoyé, pour en découdre avec les mécréants occidentaux, et, une kalach à la main, vite se transformer en chiens de guerre, comme on les voit évoluer sur les théâtres africains. C’est gens là servent en fait de chair à canon, de kamikazes à une véritable armée de l’ombre, bien organisée et aguerrie par dix années de combats contre l’envahisseur américain en Irak, autour d’un noyau dur de sunnites, anciens membres de l’armée de Saddam Hussein.
Cette guerre asymétrique, ils l’ont gagnée provoquant le retrait américain. Elle se poursuit aujourd’hui par les bombardements intensifs d’une coalition internationale à laquelle participe la France. En fait, une nouvelle intervention des Etats-Unis, cette fois uniquement aérienne, qui effectuent 90% des missions. Les anciens partisans de Saddam Hussein, qui ont su s’adapter aux frappes, restent maîtres du sol et ont enregistré des succès retentissants, comme la prise de Mossoul. Qui leur ont permis, face à la brillante armée formée par les instructeurs US, de mettre la main sur 3.000 4×4 Hummer américains, 60.000 armes individuelles, 50 chars lourds et 150 blindés légers, selon un bilan de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Excusez de peu !
Ces gens là savent se battre, sont armés et disposent d’un vivier de combattants qui ne tarit pas, leurs pertes étant largement compensée par l’arrivée de nouveaux djihadistes étrangers. Ils manifestent une véritable intelligence tactique pour atteindre leur objectif politique, l’imposition d’un califat aux contours encore indéterminés. Ils savent se fondre dans la population, se déguiser grâce aux uniformes volés à l’armée irakienne, stocker leurs armes dans des hôpitaux et des mosquées.
De plus, ils manient internet avec une dextérité qui fait l’admiration du général Gomart, patron de la direction du Renseignement Militaire français « L’emploi qu’ils font des moyens de communication est soumis à des règles strictes de sécurité pour éviter d’être interceptés, expliquait-il récemment (1) Ils peuvent ainsi communiquer sur Internet sans être détectés. » « Avec un réel professionnalisme », ils diffusent des vidéos qui sont « un modèle de communication maîtrisée pour exploiter les failles de nos sociétés connectées, influencer nos opinions publiques et rallier de nouveaux combattants. »
La menace des armes chimiques
L’Etat Islamique cherche aussi à développer un arsenal d’armes de destruction massive, chimiques ou bactériologiques. On .le suspecte d’avoir mené en Irak des attaques avec des gaz chlorés (dichlore ou Bertholite), qui, au contact des voies respiratoires, se transforment en acide chlorydique. Et d’avoir utilisé du gaz sarin, lors de la défense de Kobané, dans le nord de la Syrie. En janvier dernier, une frappe américaine a visé un dénommé « Abou Malik », expert en armes chimiques ayant travaillé pour Saddam Hussein. En outre, parmi ses dizaines de milliers de recrues, Daesh peut pêcher des individus qui ont l’expertise technique nécessaire pour fabriquer des armes chimiques.
L’EI contrôle désormais un tiers de l’Irak et un tiers de la Syrie, et règne sur une population de 10 et 12 millions de personnes sur 250.000 kilomètres carrés, la même taille que la Grande-Bretagne. Ses forces combattantes sont estimées à une centaine de millier d’hommes, plus de 200000 affirment les Kurdes. Sur le même shéma irakien, c’est-à-dire sur les décombres d’une dictature renversée ou combattue par les occidentaux, l’Etat Islamique a étendu son influence à la Syrie voisine
Sans même évoquer les deux cent kilomètres de côtes libyennes conquises, les frontières de la Tunisie gangrenées et les adeptes partout dans le monde.
Des ralliements qui se multiplient
La liste des ralliements est impressionnante et s’allonge chaque jour. En voici le résumé non exhaustif :
– Dans un message diffusé le 21 juin, « l’Émirat du Caucase » russe a fait allégeance à l’EI : « Nous annonçons notre obéissance au calife Abou Bakr al-Baghdadi (le chef de l’Etat Islamique) et nous témoignons de ce que tous les combattants du Caucase, de la wilaya de Tchétchénie, de Daguestan, d’Ingouchie et de Kabardino-Balkarie sont unis dans cette décision et que nous n’avons pas de désaccords «
– En Asie, dans l’état indien du Cachemire, on a vu apparaître récemment des drapeaux de Daesh et quelques chefs de guerre afghans ou pakistanais ont déjà rallié Daesh qui a d’ores et déjà gagné la bataille d’internet, rayant de la carte Al-Qaïda et sa communication désuète. Les Talibans ont fait savoir à leurs rivaux islamistes qu’ils n’étaient pas les bienvenus. Pour l’instant, le recrutement de l’EI dans cette région, où les liens tribaux restent très forts, est marginal. Il a donc choisi de ne pas attaquer frontalement mais de s’en prendre aux « apostats chiites » Le 13 mai dernier, des hommes armés, circulant à moto, ont ouvert le feu sur un autobus transportant une soixantaine d’ismaélites (un courant du chiisme) à Karachi, au Pakistan. Après avoir tué le chauffeur, le commando est monté à bord du véhicule puis a tiré sur les passagers, tuant 43 personnes.
– Le même scénario s’est produit jeudi au Koweit où une mosquée chiite a été attaquée. Dans les émirats, comme au Yémen, Daesh pousse ses pions. L’Arabie Saoudite, fief du salafisme, est pour l’instant épargnée. Bien qu’elle s’en défende, elle a aidé, avec le Qatar, Daesh à s’implanter en Libye, et plus généralement en Afrique, grâce au financement d’écoles coraniques ou d’aides directes.
– Au Nigéria, les hordes de Boko Haram, qui ont prospéré grâce aux armes prises à l’armée locale et à celles venant de Libye, sont inféodées à l’EI. Mais leur lien avec l’islam radical est si ténu qu’on doit plutôt les ranger dans la catégorie des « chiens de guerre », tels qu’ils ont prospéré au Libéria, dans l’Ouest ivoirien, au Congo, etc…
Que peut faire la France ?
Face à l’hydre de l’Etat Islamique, la France est en première ligne en raison de ses engagements récents et de sa situation géographique. On sait les terribles conséquences que provoque aujourd’hui la folle aventure libyenne du tandem Sarkozy-Cameron. Le pays, désormais livré à l’anarchie, à tous les trafics dont ceux d’armes, est un terreau idéal pour l’EI qui veut y implanter une annexe de son califat. Hollande, le successeur de Sarkozy n’a pas vu le danger venir. Sa priorité aurait dû être d’assurer le service « après bombardements » de son prédécesseur. Il avait pourtant conservé auprès de lui Benoît Puga, le chef d’état major particulier de l’Elysée, qui avait accompagné Sarkozy dans l’aventure libyenne. Mais il a choisi d’affronter l’EI en Irak en envoyant une douzaine de Rafale et de Mirage. Que va faire la France dans un tel guêpier que les Américains ont créé en 2003 par leur intervention militaire à laquelle la France de Chirac avait justement refusé de s’associer ? De la même façon, Hollande, qui avait pourtant sous les yeux le désastre irakien, s’est lancé dans une politique totalement aventureuse en Syrie, en soutenant des rebelles, prétendument modérés, au régime d’Assad qui, en réalité, ont fait le lit de Daesh. La guerre contre le terrorisme ne peut pas être perdue, proclame aujourd’hui Manuel Valls. Il oublie que toutes les guerres asymétriques récentes, menées au Vietnam, en Afghanistan ou en Irak, se sont toutes teminées par des désastres. Au lieu de faire des ronds dans l’air irakien en y larguant quelques bombes laser, la France ne devrait-elle pas se replier sur ses frontières méditerranéennes ?
Comment combattre l’Etat Islamique ?
La guerre en Irak est nécessaire pour réduire la puissance militaire de Daesh, et c’est aux Américains, uniques responsables du désastre, de s’en charger. Mais leur intérêt pour la région diminue depuis qu’ils sont devenus récemment premier producteur mondial d’or noir, dépassant l’Arabie Saoudite grâce à leur pétrole de schiste. Pour la France, la priorité doit être de rechercher une hypothétique solution politique avec toutes les forces en présence : l’Etat Islamique, ou ce qui en restera, les Kurdes, les Chiites irakiens, le syrien Assad et ses partisans, mais aussi les Turcs, les Iraniens les libanais du Hezbollah, les Israéliens, qui tous ont des intérêts opposés. La Turquie, qui ne veut pas voir un état kurde à ses frontières, continue d’aider Daesh. Israël aussi semble préférer un Etat Islamique à ses portes plutôt qu’une solution militaire où l’Iran serait partie prenante. Dans cette pétaudière, on ne voit donc aucune issue. Raison de plus pour laisser les acteurs locaux déblayer le terrain et selon la formule consacrée, que le meilleur gagne !
Les Frères Musulmans, voici l’ennemi
La France devrait plutôt consacrer son action militaire et sa diplomatie à l’inextricacle chaos libyen. Et demander aux Anglais, qui ferment leurs frontières aux migrants et se désintéressent complètement de la question, de faire leur partie du travail. En Libye, mais aussi au Nigeria où ils n’ont pas levé le petit doigt contre Boko Haram, laissant la France actionner des forces africaines locales, tchadiennes notamment. Le Nigeria est pourtant une ancienne colonie anglaise et ce sont les compagnies pétrolières anglophones qui principalement y prospèrent de manière totalement sauvage.
Mais, on ne viendra jamais à bout de la barbarie de Daesh sans engager une lutte sans merci contre l’Islam salafiste. Cet islam des cavernes qui bénéficie de tant de complaisances en France. Celui propagé par l’Arabie Saoudite à qui on vent des Rafale, par le Qatar à qui on fait des courbettes. Celui des Frères Musulmans. Il revient aussi aujourd’hui aux Musulmans de France et du monde entier de dire que cet islam, reposant sur des croyances moyenâgeuses, n’est pas le leur.
(1) Lire les informations publiées le 6 juin dernier par le site opex360