Les amis de Poutine serrent les rangs

L’Iran, le Qatar, la Chine, l’Arabie saoudite… ont exprimé leur soutien à Vladimir Poutine face au soulèvement wagnérien. Mais le malaise est là.

Le président russe Vladimir V. Poutine avant un discours mardi, sur une photo publiée par les médias d'État.
Le président russe Vladimir V. Poutine avant un discours mardi, sur une photo publiée par les médias d’État.

Les dirigeants de l’Iran, du Qatar et d’autres pays amis ont exprimé leur soutien à Vladimir Poutine au cours de l’épreuve militaire qu’il a traversé. La  liste de pays qui ont soutenu la guerre contre l’Ukraine est demeurée étonnamment solide. Ébranlés par une insurrection armée dans un État doté d’armes nucléaires, les amis et partenaires commerciaux de la Russie ont néanmoins serré les rangs. Ils n’ont pas conclu que leur pari initial de soutien à Vladimir Poutine était une erreur.

La Chine, le plus important soutien de M. Poutine, considère la Russie comme un élément clé de sa stratégie d’affaiblissement de l’hégémonie mondiale des États-Unis. Le ministère chinois des Affaires étrangères a réaffirmé lundi son soutien à la Russie, la qualifiant de « voisin ami et partenaire stratégique global de coordination pour la nouvelle ère ».

« Le pire scénario de Xi est un Poutine faible qui perd la guerre et finit par être évincé », a affirmé Evan S. Medeiros, professeur d’études asiatiques à l’Université de Georgetown au New York Times. « Une Russie faible prive la Chine d’un allié dans sa concurrence avec les États-Unis et, peut-être pire, laisse Xi isolé à l’échelle mondiale et sous la pression des démocraties. »

Mais soucieuse de ne pas apparaître isolée sur la scène internationale, la Chine multiplie les gestes qui la font apparaître comme un monsieur-bons-offices de concurrent des Etats Unis.

C’est ainsi que la Chine a organisé une conversation téléphonique entre M. Xi et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, et a proposé des principes généraux pour un processus de paix.

Le même mélange de soutien public et de doute privé caractérise l’attitude de l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe. Tous ont continué de considérer la Russie de Poutine comme une source de sécurité dans une région instable marquée par le retrait des États-Unis.

Le soutien de M. Poutine au Syrien Bashar al-Assad a été comparé – positivement – au lâchage du président égyptien Hosni Moubarak par Barack Obama.

Les dirigeants du Golfe – Qatar, Émirats arabes unis, Arabie saoudite – ne se sont donc pas fait prier pour appeler Vladimir Poutine et lui réaffirmer leur soutien. Mohamed Ben Salmane a évoqué les « mesures prises par la Russie pour défendre l’ordre constitutionnel ».

Le soutien des pays du Golfe est d’autant plus méritoire que la Russie brade aujourd’hui son pétrole alors que l’Arabie Saoudite se bagarre pour soutenir le prix.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a exprimé son soutien a M. Poutine alors que les troupes de Wagner marchaient toujours sur Moscou. Il est vrai que lui-même a eu à faire avec une tentative de coup d’État en 2016 qui l’a conduit à procéder à de vastes purges de dissidents.

Pour l’Iran, lié à la Russie par le pétrole, les ventes d’arme, la solidarité est un acte obligatoire. Le président iranien, Ebrahim Raisi, a offert « son plein soutien » à M. Poutine. L’Iran a aussi que son chef de la police, Brig. Le général Ahmadreza Radan se rendrait à Moscou pour étendre la coopération en matière de sécurité, y compris la lutte contre le crime organisé.

Pour des pays, comme Israël, les gestes de solidarité doivent être soigneusement mesurés. Il ne faut pas déplaire à l’allié américain qui soutient l’Ukraine, mais il faut ménager les intérêts de l’aviation israélienne qui frappe régulièrement les forces iraniennes et celles du Hezbollah en Syrie… sans susciter de réaction des forces russes stationnées en Syrie. 

Martin Indyk, ancien ambassadeur américain en Israël, s’est fait un plaisir de révéler que le week-end de la rébellion de Wagner, M. Netanyahu – tablant sans doute sur un renversement de Vladimir Poutine – envisageait une visite officielle dans la capitale ukrainienne, Kiev.

Pour certains pays, comme l’Inde, le recalibrage des relations avec la Russie a des conséquences économiques majeures. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Inde, qui reste neutre dans le conflit, est devenue l’ un des plus gros acheteurs de pétrole russe, bénéficiant d’un plafonnement des prix imposé aux exportations de pétrole russe par les États-Unis et leurs alliés.

Lors de sa récente visite d’État à Washington, le Premier ministre indien Narendra Modi n’a nullement indiqué qu’il prévoyait d’abandonner cette politique. Et Joe Biden, président des Etats Unis, désireux de se rapprocher de l’Inde dans sa rivalité géopolitique avec la Chine, n’a pas trop exercé de pressions sur M. Modi concernant l’Ukraine.

Pour certains pays, la question immédiate n’est pas seulement de savoir si la Russie sera moins fiable, mais aussi quel avenir aura le groupe Wagner dans le monde, compte tenu de l’exil de son patron, M. Prigozhin, en Biélorussie voisine.

 

Au Mali, par exemple, ces mercenaires sont devenus essentiels au maintien du gouvernement au pouvoir. Les responsables maliens n’ont pas commenté la crise en Russie.

La dépendance du Mali vis-à-vis de la Russie est devenue évidente en février lorsqu’il était l’un des sept seuls pays – dont la Biélorussie et la Corée du Nord – à avoir voté contre une résolution des Nations Unies exigeant le retrait des troupes russes d’Ukraine.

Le paradoxe russe est que les mercenaires de Wagner aident la Russie de Valdimir Poutine à projeter son influence dans le monde. Sans Wagner, la Russie apparaîtra bien diminuée.