Afrique de l’Ouest (1er volet), le terrorisme n’épargne plus personne

L'attentat qui a eu lieu au Burkina Faso démontre que l'ensemble de la sous région est désormais menacée par l'activité djihadiste, jusqu'à présent cantonnée à une partie du Mali et du Niger.

 

Un attentat meurtrier contre un restaurant de Ouguadougou aui a couté la vie à dix huit personnes dont un français a eu lieu au Burkina cet été

L’attentat qui a eu lieu à Ouaguadougou et qui aurait pour responsable un commando venu du Mali montre que désormais les frontières sont poreuses entre les Etats d’Afrique de l’Ouest. Les infiltrations entre le Burkina et le son voisin malien sont désormais très régulières.  Signe de la grande fragilité de la sous-région, seul le Sénégal n’est pas classé « Etat fragile » sur les huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Du moins selon les critères des organisations de coopération telles que la Banque mondiale (BM), la Banque africaine de développement (BAD) et l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE).

Des Etats faillis, des frontières peu surveillées

En clair, le Burkina Faso, le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger et le Togo ne sont pas en mesure d’assumer entièrement leurs fonctions régaliennes (surveillance des frontières et la protection des personnes et des biens).

Les voix commencent à s’élever au sein de la société civile nigériane pour demander au président Buhari, hospitalisé à Londres depuis trois mois, de « rentrer ou démissionner ». Les manifestants n’ont aucune information sur son véritable état de santé.

Sans parler de la situation au Nigeria confronté aux incertitudes politiques liées à la santé du président Muhamadu Buhari et aux exactions de Boko Haram. Et pour ne pas évoquer les risques de violence en Guinée, notamment, en raison des velléités du président Alpha Condé de briguer un troisième mandat, on peut affirmer que l’Afrique de l’Ouest est entrée dans une phase d’instabilité inédite.

Le Mali au bord du chaos

C’est de toute évidence au Mali que la situation est la plus grave. Après le nord que Bamako ne contrôle plus depuis janvier 2012, c’est le centre du pays qui est passé sous la menace du Front de libération du Macina (FLM), mouvement djihadiste fondé par Amadou Koufa.

Principal adversaire de l’intervention française au Nord Mali en 2013, le malien Iyad Ag Ghali qui entretient depuis toujours des relations troubles aves le pouvoir algérien étend aujourd’hui son influence jusqu’au centre du Mali grâce aux alliances nouées notamment avec une partie de la communauté peule

Ce notable la communauté peule, s’est récemment rapproché de son mentor Iyad Ag Ghali, le fondateur d’Ansare Dine, avec qui il a réussi à rallier d’autres figures du terrorisme au Sahel pour créer le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Cette nouvelle alliance a déjà revendiqué des attaques terroristes au Centre du Mali. On lui prête l’ambition de vouloir asseoir son leadership dans le Sahel et de combler le vide laissé par Mokhtar Belmokhtar. La jonction entre les mouvements djihadistes du Nord et ceux du Centre conforte les inquiétudes sur le risque d’effondrement de l’Etat malien.

Le Niger fragilisé

Au Niger voisin, la situation sécuritaire est tout aussi préoccupante. Sur le flanc sud-est du pays, Boko Haram effectue un retour en force avec des actions spectaculaires comme l’enlèvement le 2 juillet dernier dernier de 39 personnes dont 33 femmes et 6 enfants à Ngalewa, à l’est du Niger.

Il faut même craindre une vraie montée en puissance de Boko Haram dans le bassin du Lac Tchad (Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad) du fait du relâchement de l’armée nigériane fragilisée par l’évacuation sanitaire du président Buhari à Londres. Sur les flancs ouest et nord-ouest aussi, le Niger subit une forte pression sécuritaire avec des incursions régulières des groupes terroristes venus du nord Mali. En mars dernier, Niamey a dû décréter l’état d’urgence dans les régions de Tahoua et de Tillabéri, frontière avec le Mali. La région de Diffa est, quant à elle, sous état d’urgence depuis février 2015.

Plus personne à l’abri

Sur l’échelle de la menace, le Burkina Faso a désormais rejoint le Mali et le Niger. Mais, avec la création du GSIM, les groupes terroristes entendent étendre leur emprise plus au sud de la sous-région. En frappant en mars 2016 la station balnéaire de Grand Bassam, près d’Abidjan en Côte d’Ivoire, ils ont clairement exprimé cette volonté « d’étendre le califat ». Ils pourraient dans cette ambition être aidés par la faiblesse des Etats concernés.

En effet, en dépit des efforts budgétaires énormes consentis (par exemple, les dépenses de sécurité représentent 15% du PIB du Niger), aucun pays de la sous-région ne peut à lui seul actuellement résister au rouleau compresseur des groupes terroristes. L’apport des forces extérieures, Barkhane et MINUSMA, n’a pas permis de renverser la donne. Avec quelque 3000 hommes, la force française, qui a pris le relais de l’opération Serval, peine à neutraliser la menace terroriste sur une superficie de trois millions de km2, de la Mauritanie au Tchad en passant par le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Des financements tardifs

Dans ce contexte-là, la création de la force du G5-Sahel forte d’environ 5000 hommes peut apporter une valeur ajoutée aux efforts des pays sahéliens pour lutter contre le terrorisme. Toutefois, il existe encore de nombreux obstacles à franchir avant le déploiement effectif de cette force. Sur les quelque 400 millions d’euros de budget nécessaire au financement de la force, seul le quart (environ 100 millions) est disponible. Une table-ronde des bailleurs de fonds est prévue à la mi-septembre à Berlin puis une réunion du Conseil de sécurité au niveau ministérielle est annoncée pour octobre 2017.

Ce calendrier laisse entrevoir le déploiement de la force au mieux au premier trimestre 2018. Mais même si cet obstacle était franchi, il restera la question centrale de l’efficacité de la force qui pourrait bien n’être qu’ une simple juxtaposition des contingents nationaux.

Mondafrique publie une série de papiers sur l’état de l’Afrique de l’Ouest signée par notre chroniqueur Francis Sahel