Lors d’une réunion qui s’est tenue, le mercredi 14 septembre, au siège de l’Etat Major et en l’absence du président Tebboune, officiellement ministre de la Défense, l’ambassadrice américaine à Alger, Elisabeth Moore Aubin, a fait pression sur les autorités militaires en faveur de relations apaisées avec le Maroc et en faveur de liens moins étroits avec la Russie.
Contrairement à certaines idées préconçues, les relations entre l’Algérie, longtemps fer de lance des non alignés et alliée fidèle de la Russie, a entretenu de nombreuses passerelles de dialogue avec les Américains. La rencontre qui a eu lieu au siège de l’État Major , le 14 septembre, entre l’ambassadrice américaine; Elisabeth Moore Aubin, et les hauts gradés algériens, en l’absence du président algérien, est certes une première dans l’histoire diplomatique entre les deux pays. Mais de tels échanges s’inscrivent dans une longue histoire faite de brouilles et de rapprochements entre Alger et Washington
Ainsi depuis l’Indépendance en 1962, les élus du Parti Républicain furent les interlocuteurs attentifs des détenteurs du pouvoir en Algérie. Les conservateurs américains ont toujours été sensibles aux perspectives ouvertes par la richesse de l’Algérie en pétrole et en gaz. En échange, les dirigeants algériens se sont toujours engagés à ne céder aucune base militaire à l’Union Soviétique. Le représentant du FLN à New York, Abdelkader Chanderli, avait convaincu les responsables de l’administration Kennedy de la neutralité du futur état algérien.
Après la guerre israélo arabe des six jours en 1967, l’Algérie à rompu ses relations diplomatiques avec les USA en solidarité avec l’Egypte. Mais la brouille fut de courte durée. L’administration Clinton détourna le regard en 1992 lors de l’interruption du processus électoral. La Rand Corporation, un think tank pro républicain, a toujours milité en faveur d’un rapprochement avec le pouvoir militaire algérien désireux de se refaire une virginité après la brutale répression des années noires. Le général Medien, dit « Toufik », le tout puissant chef des services secrets pendant un quart de siècle (1990-2015), a toujours entretenu de très bonnes relations avec les Américains
Le Soft power américain
Les raisons qui ont poussé la représentante diplomatique américaine à Alger à demander une entrevue avec le chef des armées sont multiples. En voici les principales:
1) La crise énergétique avec l’Espagne et la rupture des relations avec le Maroc ont été fort mal perçues par la Maison Blanche qui souhaite le retour au statu quo. Le projet d’approvisionnement en gaz liquéfié américain à l’Espagne ne peut se concrétiser que dans plusieurs années. L’ambassade américaine à Alger a joué les bons offices et la situation commence à se débloquer.
2) Le sommet Arabe prévu en novembre à Alger devrait être l’occasion, selon Washington, d’un rapprochement entre le Maroc et l’Algérie. Reste que les bons offices de la Mauritanie et de certaines monarchies du Golfe n’ont pas eu les résultats escomptés. L’annonce d’une probable présence du Roi Mohammed VI au sommet, encouragée par la Présidence algérienne qui a dépêché un émissaire en la personne du ministre algérien de la justice, suscite pour l’instant l’hostilité du général Chengriha violemment anti marocain..
3) Le haut commandement de l’OTAN ambitionne le maintien de l’AfricCom, le commandement américain pour l’Afrique, créé en 2007, qui vise à endiguer l’implantation Russe et Chinoise sur le continent Africain. Les récentes manœuvres navales algéro-américaines en Méditerranée s’inscrivent dans ce cadre. Mais la présence militaire des mercenaires de la société Wagner sur les théâtres opérationnels en Libye, au Mali, en Centrafrique inquiète les Américains. L’ambassadrice Elisabeth Moore Aubin a exprimé de vive voix au chef d’état-major de l’armée algérienne l’inquiétude des autorités de son pays concernant les manœuvres de grandes ampleurs programmées avant la fin de l’année en Algérie avec l’armée Russe.
4) Les Etats unies souhaitent remettre sur pied la coopération avec l’armée algérienne au Sahel, en relançant un projet mis en sommeil concernant « Niger Air base 201» près d’Agadez. Les chefs de l’AfricCom, déclarent qu’ils souhaitent explorer de nombreux lieux de manœuvres. »Nous sommes en train de le faire car le Congrès nous a demandé de déplacer une grande partie des exercices vers d’autres lieux du continent », a déclaré le général Townsend. Le département d’Etat à la défense demande, à ce titre, au congrès d’augmenter le budget 2023.
Le chaud et le froid
Mais la réaction négative du sénateur de Floride, Marco Rubio, un pro Trump très réactionnaire, complique la donne. Cet élu a saisi le 14 septembre, Antony Blinken, le secrétaire d’État aux affaires étrangères pour exiger l’application de la loi CAATSA votée en 2017 qui pénalise tout État s’approvisionnant en armement Russe, NOTAMMENT les autorités algériennes.
La stratégie de défense des américains est d’instaurer un équilibre des forces en Afrique du nord. L’acquisition d’avions de chasse russes Sukhoi-35 par l’Algérie lui octroie une supériorité aérienne sur son voisin marocain. Ce déséquilibre des forces inquiète Washington. Cette crainte est vertement exprimée dans une lettre de vingt sept membres du congrès. « La relation croissante de l’Algérie avec la Russie constitue une menace pour toutes les nations du monde », a déclaré la sénatrice McClain qui rappelle ainsi le montant du budget algérien alloué à la défense (7 milliards de dollars). « Ces actions devraient envoyer un signal clair au Département d’État que des sanctions contre le gouvernement algérien devraient être mises en œuvre », souligne encore la sénatrice
Les 27 membres du congrès, républicains comme démocrates, évoquent les liens dans le renseignement et la coopération militaire entre l’ANP et l’armée Russe. Elle hisse l’armée algérienne « la troisième plus grande destinataire d’armes russes dans le monde ». Le commerce d’armes entre l’Algérie et la Russie est classé par les congres men comme « transaction majeure ».
Dans de telle crise, le langage de la menace n’a jamais obtenu de résultats escomptés. L’offensive des membres du congrès répond à une exigence de politique intérieure américaine plus qu’à des considérations géostratégiques. Le 8 novembre prochain se tiendront les élections de mi-mandat qui sont traditionnellement défavorable au parti du Président en exercice. Les démocrates ne disposent actuellement que d’une majorité de huit sièges à la chambre des représentants.
« Les États unis n’ont pas réellement une politique étrangère mais ils ont une politique intérieure » disait Henry Kissinger.