À la persistance des crises déjà existantes (Sahel, est de la RDC, Corne de l’Afrique, Bassin du Lac Tchad), pourraient s’ajouter en 2022 de nouveaux conflits (Algérie/Maroc, Ethiopie et ses voisins) qui fragiliseraient la paix et la stabilité en Afrique.
C’est sans doute un mauvais présage : l’année 2022 commence en Afrique par un bras de fer inédit entre la junte militaire malienne et la communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En décidant de sanctions les plus lourdes (fermeture des frontières terrestres et aériennes, gel des avoirs à la Banque centrale) lors de son sommet extraordinaire de dimanche dernier à Accra, la CEDEAO pensait avoir trouvé le moyen de faire fléchir les militaires putschistes maliens qui veulent rester 4 années supplémentaires au pouvoir. Visiblement le calcul est raté, Assimi Gôita et ses camarades ayant choisi de répondre à la CEDEAO du berger à la bergère.
L’aggravation des foyers de tension
Au Sahel, l’épreuve de force entre la junte malienne et la CEDEAO vient écarter toute perspective d’amélioration de la situation régionale. L’année 2021 avait déjà été la pire pour le Sahel avec des milliers de victimes militaires et civils. Jamais, depuis le début de la crise en 2012, les pays sahéliens n’ont enregistré autant de victimes civiles, particulièrement dans la zone dite des trois frontières commune au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Jamais autant qu’en 2021, le Burkina Faso, par exemple, n’a paru autant à la peine dans sa riposte antiterroriste. Hélas à ce jour, rien n’indique que la situation sera meilleure en 2022. Tout porte à croire qu’elle pourrait même continuer à se dégrader tout le long des 12 mois à venir. Outre la persistance d’attaques terroristes, de nombreux experts redoutent que les groupes djihadistes avancent en 2022 dans leur agenda d’exporter leurs actions du Sahel vers les pays du Golfe de Guinée.
A la fin de l’année 2021, une nouvelle attaque terroriste avait coûté la vie à deux militaires béninois alors que le Togo repoussait, de son côté, en novembre dernier une action des groupes djihadistes menée sur son sol à partir de sa frontière commune avec le Burkina Faso.
Dans la Corne de l’Afrique aussi, l’année 2022 ne devrait pas apporter le moindre répit. Aux opérations terroristes persistantes du groupe somalien Al-Shababs est venu se greffer un conflit politique entre le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed et le Premier ministre Mohamed Hussein Roble.
Les perspectives au seuil de cette nouvelle année ne semblent guère plus prometteuses dans l’est de la république démocratique du Congo (RDC) où la MINUSCO et l’Etat congolais semblent impuissants face aux attaques meurtrières des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) contre les populations civiles. En dépit d’une reprise en main de la situation tentée à travers une opération militaire lancée fin novembre 2021 par les armées ougandaise et congolaise, la descente aux enfers devait se poursuivre pour les populations de l’est de la RDC.
De nouveaux conflits
Autant que la persistance voire l’aggravation des crises déjà existantes, les risques de nouveaux conflits sur le continent inquiètent la plupart des observateurs des enjeux politiques et sécuritaires en Afrique. Au Maghreb, les tensions entre l’Algérie et le Maroc, qui avaient culminé avec la fermeture de l’espace aérien algérien aux avions marocains et la rupture des relations diplomatiques, font redouter le basculement vers l’escalade militaire. Signe que cette perspective n’est plus à écarter, le Maroc a acquis récemment auprès de la Chine un système de défense anti-aérien pour répondre à celui acheté à la Russie par l’Algérie.
En 2021 déjà, on était passé à deux doigts de la confrontation armée lorsque l’Algérie avait accusé le Maroc d’avoir tué deux chauffeurs algériens avec un tir de drone et promis « une réponse appropriée ».
Un autre foyer de tensions diplomatiques menace de dégénérer en cette année 2022 : le bras de fer entre l’Ethiopie et ses voisins (Egypte, Soudan) autour du remplissage du « barrage de la renaissance » avec les eaux du Nil. Toutes les négociations pour trouver une issue négociée au désaccord entre l’Ethiopie et ses voisins ont jusqu’ici échoué alors que l’Ethiopie prévoit de procéder cette année à la deuxième phase de remplissage de son barrage. Nul ne peut prévoir le cas échéant la réaction de l’Egypte, qui a toujours assuré qu’elle se réservait le droit de recourir à tous les moyens, y compris militaires, pour faire valoir ses droits sur les eaux du Nil.
Deux transitions incertaines
Ce tableau inquiétant pour la paix et la stabilité en Afrique en 2022 ne saurait être complet sans prendre en compte les transitions politiques incertaines au Mali et en Guinée. Après avoir procédé en mai 2021 à un coup d’Etat dans le coup d’Etat, en écartant les autorités civiles de la transition, le colonel Assimi Göita souhaite rester 4 années supplémentaires au pouvoir. Ce que refuse une bonne partie de la classe politique malienne, la CEDEAO et les partenaires extérieurs du Mali. S’y ajoute, pour compliquer le contexte malien, la brouille diplomatique entre le Mali et la France sur la présence ou non sur le sol malien de la société privée russe de sécurité Wagner. En ce début d’année 2022, tout pronostic sur l’évolution de la transition au Mali serait hasardeux.
En Guinée voisine du Mali, la transition est tout aussi incertaine. Plus de 4 mois après leur arrivée à la tête du pays, les militaires putschistes guinéens n’ont toujours pas dévoilé de calendrier de transition. Le temps passe et leur chef le colonel Mamadi Doumbouya prend progressivement goût au pouvoir, suscitant l’inquiétude des partis politiques, de la CEDEAO et des partenaires du Mali. Comme au Mali, le colonel Doumbouya et ses camarades se cachent derrière « la volonté populaire » pour justifier l’absence de tout calendrier de la transition.
A cette incertitude sur le chronogramme de la période transitoire est venue s’ajouter la gouvernance à vue marquée ces dernières semaines par des mesures prises sur un coup de tête : baptême de l’aéroport de Conakry du nom de Sékou Touré, autorisation de sortie du territoire accordée à l’ancien président Alpha Condé, limogeage de la ministre de la justice Kandia Camara.
Mis ensemble la persistance d’anciennes crises, les risques d’irruption de nouveaux conflits et les transitions politiques incertaines annoncent une année 2022 difficile en Afrique.