Mondafrique https://mondafrique.com/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Tue, 22 Jul 2025 10:11:11 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Mondafrique https://mondafrique.com/ 32 32 Des massacres incessants de civils peuls au Mali https://mondafrique.com/a-la-une/de-nombreux-massacre-de-civils-peuls-au-mali/ https://mondafrique.com/a-la-une/de-nombreux-massacre-de-civils-peuls-au-mali/#respond Tue, 22 Jul 2025 08:20:38 +0000 https://mondafrique.com/?p=136852 L’Union africaine devrait faire pression pour que des enquêtes et des poursuites soient lancées contre l’armée malienne et son allié russe Les forces armées maliennes et leur allié, le groupe Wagner soutenu par la Russie, ont perpétré des dizaines d’exécutions sommaires et de disparitions forcées d’hommes de l’ethnie peule depuis janvier 2025. Les soldats maliens et les combattants […]

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L’Union africaine devrait faire pression pour que des enquêtes et des poursuites soient lancées contre l’armée malienne et son allié russe

  • Les forces armées maliennes et leur allié, le groupe Wagner soutenu par la Russie, ont perpétré des dizaines d’exécutions sommaires et de disparitions forcées d’hommes de l’ethnie peule depuis janvier 2025.
  • Les soldats maliens et les combattants du groupe Wagner ont accusé la communauté peule de collaborer avec des groupes armés islamistes qui se battent pour prendre le contrôle de certaines parties du pays.
  • L’Union africaine devrait accroitre ses efforts au Mali pour aider à protéger les civils des abus commis par toutes les parties belligérantes, y compris en soutenant les enquêtes et en faisant pression pour l’ouverture de poursuites équitables.
  • Les groupes armés islamistes, qui sont impliqués dans de nombreux abus graves, ont longtemps concentré leurs efforts de recrutement au sein de la communauté peule. Les gouvernements maliens successifs ont fait l’amalgame entre la communauté peule et les combattants islamistes, mettant les Peuls dans une situation dangereuse.

(Nairobi, le 22 juillet 2025) – Les forces armées maliennes et leur allié, le groupe Wagner soutenu par la Russie, ont perpétré des dizaines d’exécutions sommaires et de disparitions forcées d’hommes de l’ethnie peule depuis janvier 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

L’armée malienne et le groupe Wagner, qui mènent des opérations conjointes contre des groupes armés islamistes depuis plus de trois ans, semblent avoir exécuté au moins 12 hommes peuls et fait disparaître de force au moins 81 autres depuis janvier, dans le cadre d’opérations de contre-insurrection conduites dans plusieurs régions du pays contre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou Jama’at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM) lié à Al-Qaïda. Des témoins ont indiqué que des soldats maliens et des combattants du groupe Wagner ont commis des abus contre des personnes appartenant à l’ethnie peule, qu’ils accusent de collaborer avec le GSIM.

« La junte militaire malienne est en fin de compte responsable des exécutions sommaires et des disparitions forcées perpétrées par l’armée et par des combattants du groupe Wagner allié à l’armée », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « La junte devrait mettre fin aux abus, révéler où se trouvent les personnes détenues, mener des enquêtes et traduire les responsables en justice. »

La participation de Wagner depuis 2021

Human Rights Watch a également reçu des informations crédibles, corroborées par les Nations Unies, selon lesquelles l’armée et des combattants de Wagner ont exécuté 65 éleveurs et marchands de bétail peuls du village de Sebabougou, dans la région de Kayes, en avril après les avoir rassemblés et conduits vers un camp de l’armée.

Le 30 mars, l’armée malienne et des combattants de Wagner sont entrés dans le village de Belidanédji, dans la région de Ségou, et ont exécuté sommairement au moins six civils peuls qui s’enfuyaient ou se cachaient, d’après les récits de témoins. « Ils ont tiré dans dans la poitrine de mon ami devant moi », a raconté un homme de 47 ans. « Lorsque les soldats sont partis, nous avons récupéré cinq corps et évacué un homme blessé, mais il est décédé plus tard à l’hôpital. »

Human Rights Watch documente des abus généralisés commis par l’armée malienne et le groupe Wagner lors d’opérations de contre-insurrection à travers le pays depuis 2021. Le 6 juin, le groupe Wagner a annoncé qu’il se retirait du Mali après avoir « accompli » sa mission. Des sources au sein des services de diplomatie et de sécurité ont déclaré aux médias que les combattants de Wagner seraient remplacés par Africa Corps, un groupe paramilitaire sous le contrôle direct du gouvernement russe qui a été créé après la mort du fondateur du groupe Wagner, Evgueni Prigojine, en 2023.

Le recadrage annoncé de la présence russe au Mali a coïncidé avec une série d’attaques majeures menées par des groupes armés islamistes et des groupes séparatistes touaregs en juin, au cours desquelles des dizaines de soldats maliens et quelques combattants d’Africa Corps ont été tués.

L’UA devrait accroitre ses efforts au Mali afin d’aider à protéger les civils des abus commis par toutes les parties belligérantes, y compris en soutenant les enquêtes sur les abus et en faisant pression pour l’ouverture de poursuites équitables. Cela est d’autant plus urgent que le Mali s’est retiré du bloc régional de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en janvier, ce qui prive les victimes d’abus de la possibilité de recours devant la cour régionale ouest-africaine. Une mission de maintien de la paix des Nations Unies a quitté le Mali en 2023 à la demande de la junte militaire malienne, ce qui a accru les préoccupations concernant la protection des civils et la surveillance des abus.

La révolte des peuls au centre du Mali

22 Peuls probablement assassinés par l’armée malienne

Ces massacres de peuls au Mali dont personne ne parle plus

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Le grand déplacement de Jean Pascal Zadi tourné au Maroc ! https://mondafrique.com/loisirs-culture/le-grand-deplacement-de-jean-pascal-zadi-tourne-au-maroc/ https://mondafrique.com/loisirs-culture/le-grand-deplacement-de-jean-pascal-zadi-tourne-au-maroc/#respond Tue, 22 Jul 2025 08:12:02 +0000 https://mondafrique.com/?p=136847 Dans le Grand déplacement qui met en scène un futur proche où le monde est ravagé par une crise climatique irréversible, une coalition panafricaine lance une mission spatiale pour explorer l’exoplanète Nardal. Un film de Jean-Pascal Zadi (France/Belgique) – Sortie : 25 juin 2025 – Durée : 1h23 – Langues : français, dioula, anglais À […]

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Dans le Grand déplacement qui met en scène un futur proche où le monde est ravagé par une crise climatique irréversible, une coalition panafricaine lance une mission spatiale pour explorer l’exoplanète Nardal.

Un film de Jean-Pascal Zadi (France/Belgique) – Sortie : 25 juin 2025 – Durée : 1h23 – Langues : français, dioula, anglais

À bord du vaisseau, un équipage issu de toute l’Afrique et de sa diaspora doit apprendre à cohabiter, tout en affrontant les dérives idéologiques, identitaires et politiques que reflète cette aventure inédite. Jean-Pascal Zadi incarne un membre central de l’équipe, aux côtés de Reda Kateb, Fadily Camara et Lous and the Yakuza.

Contexte de création

Avec ce film, Jean-Pascal Zadi change radicalement de registre après Tout simplement noir. Produit par Gaumont, tourné entre la France, la Côte d’Ivoire et le Maroc, Le Grand Déplacement explore un territoire rarement abordé par le cinéma français : l’afro-futurisme. Le projet mêle satire sociale et science-fiction politique, rendant hommage à des figures comme Paulette Nardal, à qui le nom de la planète fait référence.

Accueil critique

Le film a divisé la presse. Allociné affiche une note moyenne de 2/5, pointant des ruptures de ton et un humour parfois inégal. Télérama parle d’un « concept fort qui ne trouve jamais son rythme », tandis que Mondociné salue « une tentative visuellement inspirée malgré ses maladresses ». Le public, lui, loue l’ambition esthétique du film et la volonté de faire exister un imaginaire africain dans l’espace cinématographique français.

Où le voir

Actuellement à l’affiche dans plusieurs grandes salles en France, notamment Le Louxor (Paris), MK2 Quai de Loire, et Pathé Bellecour (Lyon). Réservation possible en ligne.

 

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Le massacre des Druzes annonce une dislocation possible de la Syrie https://mondafrique.com/libre-opinion/le-massacre-des-druzez-annonce-une-dislocation-de-la-syrie/ https://mondafrique.com/libre-opinion/le-massacre-des-druzez-annonce-une-dislocation-de-la-syrie/#respond Tue, 22 Jul 2025 07:49:46 +0000 https://mondafrique.com/?p=136842 Depuis le 13 juillet, les druzes, une minorité du Moyen-Orient, sont victimes d’exactions en Syrie. Face à ces massacres, Ahmed al-Charaa est-il complice, indifférent ou seulement dépassé ? Une chronique de Renaud Girard dans « Le Figaro », avec l’autorisation de l’auteur La tragédie qui frappe la communauté druze de Syrie depuis le 13 juillet 2025 – des centaines de druzes massacrés […]

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Depuis le 13 juillet, les druzes, une minorité du Moyen-Orient, sont victimes d’exactions en Syrie. Face à ces massacres, Ahmed al-Charaa est-il complice, indifférent ou seulement dépassé ?

Une chronique de Renaud Girard dans « Le Figaro », avec l’autorisation de l’auteur

La tragédie qui frappe la communauté druze de Syrie depuis le 13 juillet 2025 – des centaines de druzes massacrés par des bandes de djihadistes sunnites plus ou moins incontrôlées – constitue un sombre présage supplémentaire d’une possible dislocation confessionnelle de la Syrie.uLes druzes sont des Arabes qui professent une religion abrahamique ésotérique, proche du chiisme ismaélien. Pour les islamistes sunnites, les druzes sont des hérétiques qui méritent la mort. Minorité installée au Proche-Orient depuis des millénaires, la communauté druze est forte de 600.000 âmes en Syrie, 350.000 au Liban, 130.000 en Israël. Pour ménager leur survie, les druzes ont eu pour règle politique de toujours se montrer loyaux au pays où ils résident. En Israël, ils font leur service militaire depuis 1957. L’armée et la police israéliennes comptent aujourd’hui de nombreux officiers supérieurs druzes. Ils se marient entre eux, sans tenir compte des frontières.

Le djebel Druze est voisin du plateau syrien du Golan, annexé par Israël après sa victoire militaire de 1967 contre le régime baasiste de Damas. De nombreux civils druzes ont franchi la frontière pour se mettre sous la protection de l’armée israélienne. Pour des raisons de politique intérieure et de proximité géographique, l’État hébreu ne laissera jamais les islamistes sunnites commettre un génocide des druzes. Dans une forme d’avertissement, Tsahal a bombardé le ministère de la Défense syrien à Damas le 16 juillet 2025. Il est probable que, sans le reconnaître ouvertement, les autorités israéliennes actuelles songent à se constituer un nouveau glacis de sécurité dans le djebel Druze.

Frappée par les extrémistes sunnites

En revanche, lorsque la communauté alaouite (autre branche secrète dérivée du chiisme) fut, en mars 2025, dans la région de Lattaquié (nord-ouest de la Syrie), l’objet de massacres, de type génocidaire, perpétrés par des djihadistes sunnites, aucune des deux grandes puissances levantines géographiquement proches, à savoir la Turquie et Israël, n’a levé le petit doigt. La communauté chrétienne de Syrie, antérieure de cinq siècles à l’arrivée de l’islam, a également été frappée par les extrémistes sunnites. On se souvient de l’attentat contre l’église Saint-Élie de Damas, qui avait fait 25 morts, le 23 juin 2025.

Ce magnifique pays, à la population si hospitalière, risque de sombrer dans la spirale de la décomposition et de la guerre de tous contre tous

Renaud Girard

Face à ces massacres visant les minorités religieuses de Syrie, quelle est l’attitude de son nouveau président, qui a pris Damas le 9 décembre 2024, avec l’aide du régime turc d’Erdogan, idéologiquement proche des Frères musulmans ? Ahmed al-Charaa est-il complice, indifférent ou seulement dépassé ? Espérons que la troisième option est la bonne, dans la mesure où cet ancien militant d’al-Qaida, qui a su adopter le costume cravate et un discours nationaliste rassembleur, a été adoubé par les présidents Trump et Macron. On espère, mais on n’est pas sûr.

Sur la Syrie, nous n’avons aujourd’hui qu’une certitude. Il faut que, très rapidement, soit rétablie l’autorité de l’État central sur l’ensemble du territoire. Faute de quoi, ce magnifique pays, à la population si hospitalière, risque de sombrer dans la spirale de la décomposition et de la guerre de tous contre tous.

Quand le chrétien syrien Michel Aflaq inventa en 1940 le Baas, parti de la renaissance arabe, il était parfaitement conscient que les sociétés du Levant avait besoin d’un nationalisme fédérateur pour échapper à la fragmentation. Quand vous êtes une minorité ethnique ou religieuse dans un pays, quel qu’il soit, vous avez besoin de la protection d’un État fort. Feu le régime baasiste dictatorial syrien avait beaucoup de défauts, mais il avait au moins une qualité, celle de protéger les minorités et de garantir la liberté de culte.

L’exil ou la constitution d’un bastion

S’il n’y a pas chez vous d’État fort, que vous êtes une minorité et que vos enfants sont menacés par des bandes de barbus fanatisés, il ne vous reste plus que deux solutions : l’exil ou la constitution d’un bastion. C’est un dilemme qui fait passer aujourd’hui des nuits blanches aux élites kurdes, alaouites, druzes et chrétiennes de Syrie.

Le bastion kurde et le bastion druze auraient sans doute le moyen de tenir dans la distance. Le premier pourrait être aidé par ses frères kurdes de Turquie et d’Irak. Le second pourrait être protégé par Israël. En revanche, ne bénéficiant d’aucun allié (les Russes ayant quitté leurs anciennes bases militaires de Tartous et de Hmeimim), le bastion alaouite autour de Lattaquié ne résisterait probablement pas très longtemps au fanatisme sunnite. Quant aux chrétiens de Syrie, ils sont peu nombreux et beaucoup trop dispersés pour songer même à l’idée d’un bastion, à l’image du bastion maronite de la montagne libanaise.

Depuis 2011, l’analyse française du drame syrien a été marquée par un mélange d’ignorance historique, de manichéisme politique et de « wishful thinking » diplomatique

Renaud Girard

Lorsque, en 2014-2015, la révolution issue du « printemps arabe », semblait être en mesure de balayer le régime de Bachar al-Assad, et qu’il était évident que, dans l’opposition, les Frères musulmans avaient évincé les démocrates sincères, j’avais évoqué, dans cette chronique, les risques d’un génocide des alaouites, d’un exil forcé des chrétiens syriens vers le Liban, d’une destruction des églises, dans une ville qui avait pourtant vécu, jadis, la conversion de saint Paul. J’espérais évidemment me tromper. Je brandissais ce risque pour le conjurer. Je prie encore pour que les faits ne me donnent pas raison.

Il reste que, depuis 2011, l’analyse française du drame syrien a été marquée par un mélange d’ignorance historique, de manichéisme politique et de « wishful thinking » diplomatique. Nous, Français, nous avons toutes les raisons du monde pour détester la dictature. Mais, dans notre appréhension de l’Orient, nous ne devrions jamais oublier qu’il y a pire que la dictature politique. Il y a l’anarchie. Et il y a pire encore que l’anarchie : il y a la guerre civile.

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Les Druzes de la région de Souedïa font de la résistance https://mondafrique.com/international/les-druzes-de-la-region-de-souedia-font-de-la-resistance/ https://mondafrique.com/international/les-druzes-de-la-region-de-souedia-font-de-la-resistance/#respond Tue, 22 Jul 2025 07:45:46 +0000 https://mondafrique.com/?p=136840 Les récents affrontements dans le sud syrien ravivent les tensions entre les communautés druze et bédouine, sur fond de retrait des forces gouvernementales et d’intervention d’acteurs extérieurs, rappelle l’excellent site « The Conversation » qui ous autorise à reprendre ses textes. Entretien avec le politiste Thomas Pierret, auteur, entre autres publications, de « Baas et Islam en […]

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Les récents affrontements dans le sud syrien ravivent les tensions entre les communautés druze et bédouine, sur fond de retrait des forces gouvernementales et d’intervention d’acteurs extérieurs, rappelle l’excellent site « The Conversation » qui ous autorise à reprendre ses textes. Entretien avec le politiste Thomas Pierret, auteur, entre autres publications, de « Baas et Islam en Syrie. La dynastie Assad face aux oulémas » (Presses universitaires de France, 2011).


Pourriez-vous revenir brièvement sur l’histoire de la communauté druze en Syrie ?

Thomas Pierret : La principale zone de peuplement des Druzes en Syrie est la région de Soueïda, même si on en trouve aussi sur le plateau du Golan, dans la région frontalière avec le Liban (il s’agit du pays avec la communauté druze la plus importante), ainsi qu’un village druze isolé dans la région d’Idlib.

À cela, il faut ajouter les effets des migrations plus récentes, qui ont conduit à la constitution de quartiers druzes à Damas, principalement Jaramana, ainsi que dans la localité d’Ashrafiyyet Sahnaya, au sud de la capitale.

Quelles sont aujourd’hui les relations qu’entretient la communauté druze avec le gouvernement de Damas ?

T. P. : Au moment où le régime d’Assad tombe, les relations entre les Druzes et le nouveau gouvernement ne sont pas vouées à être conflictuelles. Contrairement à une idée reçue, les Druzes ne constituent pas historiquement une minorité religieuse particulièrement favorable au régime des Assad.

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Dans les années 1960, des purges ont eu lieu au sein de l’armée syrienne qui ont notamment visé une bonne partie des officiers druzes. Cette purge a profité essentiellement à des officiers issus de la communauté alaouite, dont Hafez Al-Assad.

Ainsi, la communauté druze n’a pas été étroitement associée au pouvoir. Les hauts gradés d’origine druze, comme le général Issam Zahreddine, tué sur le front contre l’État islamique en 2017, étaient peu nombreux. Avant 2011, la communauté comptait également de nombreux opposants, généralement marqués à gauche.

Par ailleurs, l’État syrien sous les Assad, très centralisé, ne tolère pas l’expression d’identités communautaires ou régionales distinctes. Il est par exemple interdit aux Druzes d’afficher le drapeau aux cinq couleurs qui leur sert de symbole.

 
Des manifestants brandissent le drapeau druze à Soueïda, en Syrie, le vendredi 1ᵉʳ septembre 2023, lors d’une manifestation contre le régime de Bachar Al-Assad. Fahed saad kiwan/Shutterstock

Durant la guerre commencée en 2011 a émergé à Soueïda une posture politique que l’on pourrait qualifier de « troisième voie » ou de neutralité. Cela s’est traduit par la formation de groupes armés, le principal appelé les « Hommes de la dignité », est encore actif aujourd’hui. Ces groupes ont refusé à la fois de soutenir la rébellion et de rejoindre les forces paramilitaires du régime d’Assad, qui n’a réussi à embrigader qu’une petite partie des combattants de la région. L’objectif des partisans de cette troisième voie était de défendre la communauté druze et sa région, notamment contre les attaques de l’État islamique, sans pour autant soutenir les opérations de contre-insurrection menées par le régime.

Soulignons que le fondateur des Hommes de la dignité, Wahid al-Balous, a été assassiné en 2015, sans doute par des éléments du régime, ce qui illustre la complexité des relations entre les Druzes et l’ancien pouvoir.


À lire aussi : La Syrie en transition… mais quelle transition ?


Et que sait-on des différentes factions druzes impliquées dans le conflit ?

T. P. : Pour bien comprendre la situation actuelle, il faut revenir un peu en arrière. Une date clé est 2018, lorsque, avec l’aide de la Russie, le régime d’Assad reprend le contrôle du sud de la Syrie, à l’exception de la région de Soueïda. Cette dernière conserve un statut de quasi-autonomie, car ses groupes d’autodéfense ne sont pas désarmés, en partie à cause de l’opposition tacite d’Israël à une offensive du pouvoir central dans cette région.

Cette période voit également évoluer la stratégie du cheikh al-’aql Hikmet al-Hijri, l’un des trois principaux chefs religieux des Druzes de Syrie. Plutôt aligné sur le régime d’Assad à l’origine, il a soutenu le mouvement de contestation civile qui a émergé à Soueïda en 2023, évolution qui peut être interprétée comme un moyen pour al-Hijri de renforcer son influence politique. Il s’est également attribué le titre inédit de raïs rūḥī, c’est-à-dire « chef spirituel », manière de se démarquer des deux autres cheikh al-’aql, Hamoud al-Hinawi et Youssef Jarbu’.

Al-Hijri est également en concurrence avec le courant des Hommes de la dignité, dont le leadership se divise, après l’assassinat de son fondateur, entre son fils Laith al-Balous et d’autres figures comme Yahya al-Hajjar. Ce courant compense sa moindre légitimité religieuse par une dynamique de mobilisation milicienne et une posture plus indépendante vis-à-vis du pouvoir central, du moins jusqu’au tournant contestataire d’al-Hijri en 2023.

En 2024, lors de l’effondrement du régime d’Assad, ces groupes se positionnent différemment : al-Hijri défend l’autonomie régionale avec une position ferme contre Damas, rejetant les formes limitées de décentralisation proposées par le nouveau régime. En revanche, d’autres groupes, comme celui de Laith al-Balous ou Ahrar al-Jabal, adoptent une posture plus conciliatrice, cherchant à se rapprocher du pouvoir central. Le nouveau gouvernement, pour sa part, mise sur ces factions plus loyales afin de constituer une force de sécurité locale druze, distincte des combattants proches d’al-Hijri.

Vous évoquiez Israël : quelles sont les relations entre les factions druzes en Syrie et ce pays ?

T. P. : Avant décembre 2024, elles restent très limitées. Depuis des décennies, nouer des liens avec Israël constitue un tabou absolu en Syrie, et toute personne qui s’y risquerait serait immédiatement sanctionnée pour haute trahison. Les acteurs druzes évitent donc cette voie, d’autant plus qu’après 2011, certains villages druzes, notamment sur le plateau du Golan, fournissent des paramilitaires au régime [et au Hezbollah].

Le seul lien notable réside dans une sorte de « ligne rouge » tacite : Israël ne tolérerait pas que les rebelles ou le régime s’en prennent aux populations druzes. Cela explique qu’en 2023, malgré un mouvement de contestation, le régime syrien n’a pas tenté de reprendre Soueïda par la force ni de désarmer les groupes armés druzes.

Pourquoi Israël a-t-il tracé cette « ligne rouge » concernant les populations druzes en Syrie ?

T. P. : La raison principale, avant 2024, tient au fait qu’il existe une communauté druze en Israël, où elle constitue une minorité relativement privilégiée par rapport au reste des Palestiniens d’Israël. Je parle ici des Druzes citoyens israéliens, pas des Druzes vivant dans le Golan syrien occupé. Cette communauté druze est plutôt loyale à l’État israélien, avec des membres servant dans l’armée, y compris dans des régiments d’élite.

Cette position privilégiée leur confère une certaine influence, et lorsque les Druzes d’Israël expriment des inquiétudes concernant leurs coreligionnaires en Syrie, le gouvernement israélien se sent obligé de répondre à ces préoccupations.

Après 2024, cette dynamique a aussi servi d’argument à Israël pour empêcher le nouveau pouvoir syrien de déployer ses forces dans le sud du pays. L’objectif affiché d’Israël est clairement que le sud de la Syrie soit démilitarisé, du moins en dehors de ses propres forces déployées dans la région du Golan.

Par ailleurs, Israël mène également une stratégie d’influence plus douce, en invitant des religieux druzes syriens à effectuer un pèlerinage dans la région de Nazareth sur le tombeau du prophète Chouaïb, particulièrement important pour la foi druze. Un projet d’invitation de travailleurs druzes syriens dans les exploitations agricoles du Golan a aussi été envisagé par le gouvernement israélien, mais a été abandonné pour des raisons sécuritaires liées au contrôle des entrées sur le territoire. Enfin, des financements humanitaires ont été octroyés aux Druzes syriens via des ONG servant d’intermédiaires.

Il est important de souligner que très peu de groupes druzes se sont officiellement affichés comme pro-israéliens. Par exemple, une manifestation à Soueïda, il y a quelques mois, a vu l’apparition d’un drapeau israélien, mais celui-ci a rapidement été arraché par d’autres participants, témoignant du rejet majoritaire de cette posture.

Cela dit, certains acteurs politiques, notamment Hikmet al-Hijri, semblent adopter une posture politique qui s’explique mieux si l’on prend en compte le facteur israélien. Al-Hijri mène une politique intransigeante, différente de celle des autres cheikh al-’aql, qui se montrent plus enclins au compromis avec Damas. D’ailleurs, lors des récents incidents, ce sont ces derniers qui signent les cessez-le-feu, tandis qu’Al-Hijri les critique ouvertement.

Comment expliquer les affrontements récents entre Bédouins et Druzes à Soueïda ?

T. P. : Ce conflit est ancien, il remonte à plusieurs décennies. En 2000, un épisode particulièrement sanglant avait fait plusieurs des centaines de morts. Il ne s’agit pas d’un conflit religieux à l’origine, mais d’un différend lié au contrôle et à l’usage des terres. La région étant aride, les terres cultivables et les pâturages sont rares et donc très disputés.

La guerre en Syrie, de 2011 à 2024, a envenimé la situation : l’effondrement de l’État et la prolifération des armes ont donné plus de moyens aux deux parties pour régler leurs différends par la violence. Par ailleurs, des acteurs extérieurs comme l’État islamique ont soutenu les tribus bédouines sunnites, tandis que le régime d’Assad a appuyé certains groupes druzes. Après 2018, le pouvoir de Damas s’est à son tour retrouvé du côté des Bédouins, afin d’affaiblir l’autonomie de fait des Druzes de Soueïda, et parce qu’en reprenant la région, il a coopté d’anciens groupes rebelles sunnites, eux-mêmes liés aux tribus bédouines. Ce conflit a aussi une dimension criminelle, avec des éléments des deux côtés impliqués dans des activités illicites comme le trafic de drogue ou les enlèvements pour rançon.

Comment ces tensions communautaires s’inscrivent-elles dans le contexte politique syrien actuel ?

T. P. : Depuis décembre 2024, les tribus bédouines sunnites en appellent à la solidarité du gouvernement syrien, qui lui-même affiche une identité musulmane sunnite affirmée. Au début des derniers incidents, elles ont réclamé le soutien du gouvernement en accusant à demi-mot ce dernier de négliger leur sort.

De son côté, le régime a aussi un intérêt à soutenir les tribus bédouines pour faire obstacle au courant autonomiste druze dans la province. Cela lui est d’autant plus nécessaire que, depuis les massacres d’alaouites sur la côte en mars et les incidents armés survenus en mai entre sunnites et Druzes à Jaramana et Ashrafiyyet Sehnaya, les factions druzes les plus disposées au dialogue avec Damas se sont graduellement rapprochées de la ligne dure d’al-Hijri. Cette tendance s’est accélérée durant la récente escalade des violences (plus de 1 100 morts depuis le début des affrontements, le 13 juillet) : face aux exactions commises contre les civils de Soueïda par les forces progouvernementales, les groupes armés druzes ont uni leurs forces pour défendre la communauté.


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Pourquoi en arrive-t-on à cette escalade ?

T. P. : Le gouvernement a vu dans les affrontements communautaires locaux une occasion d’imposer son autorité en déployant ses forces dans la province, officiellement pour séparer les belligérants mais, dans les faits, pour désarmer les groupes druzes autonomistes. Al-Charaa pensait bénéficier d’un contexte international favorable, à savoir un soutien tacite des États-Unis qui le protégerait des représailles israéliennes. On l’a vu, cela s’est révélé être une erreur de jugement majeure.

En face, Al-Hijri, peut-être mieux informé des intentions israéliennes, a refusé de reculer, à la suite de quoi la situation s’est embrasée.

Quelle place peut-on envisager aujourd’hui pour la justice dans le règlement du conflit ?

T. P. : À court terme, l’enjeu prioritaire ne paraît pas être la justice, mais avant tout le retour au calme et la cessation des affrontements. Des tensions persistantes risquent en effet de raviver des violences, non seulement à Soueïda mais aussi autour des autres localités druzes du pays.

Certes, la justice reste importante si l’on souhaite discipliner les troupes et prévenir les exactions futures. Cependant, juger et condamner des membres des forces gouvernementales dans le contexte actuel pourrait déstabiliser davantage le régime, en fragilisant un pouvoir déjà contesté, et en risquant d’alimenter des velléités de coup d’État militaire de la part d’éléments plus radicaux.

Par ailleurs, un processus judiciaire serait d’autant plus déstabilisateur qu’il devrait aussi concerner les combattants druzes qui se sont rendus coupables d’exactions ces derniers jours. On comprend donc aisément pourquoi la justice n’est prioritaire pour aucun des protagonistes.


Propos recueillis par Coralie Dreumont et Sabri Messadi.

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Le tourisme en Côte d’Ivoire (2/4): Abidjan, la magnifique vitrine https://mondafrique.com/a-la-une/notre-serie-abidjan-metamorphoses-dune-ville/ https://mondafrique.com/a-la-une/notre-serie-abidjan-metamorphoses-dune-ville/#respond Mon, 21 Jul 2025 06:48:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=130145 Sur un ton à la fois provocateur et détaché, Venance Konan, journaliste et écrivain, lauréat du Grand prix littéraire d’Afrique noire 2012, revient dans cette nouvelle chronique sur les métamorphose d’Abidjan, cette ville qui est la sienne et qui est en train de devenir une des grandes capitales africaines où affluent chaque années des touristes […]

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Sur un ton à la fois provocateur et détaché, Venance Konan, journaliste et écrivain, lauréat du Grand prix littéraire d’Afrique noire 2012, revient dans cette nouvelle chronique sur les métamorphose d’Abidjan, cette ville qui est la sienne et qui est en train de devenir une des grandes capitales africaines où affluent chaque années des touristes de plus en plus nombreux

Nous étions en 1987 et je commençais ma carrière de journaliste dans un journal qui venait de naître et qui s’appelait « Ivoir’soir ». Une année plus tôt Kéké Kassiry avait sorti sa chanson « Abidjan », qui faisait danser tout Abidjan, toute la Côte d’Ivoire, et toute l’Afrique sur les rythmes du « gnama gnama », ou la danse des loubards.

« Abidjan é

Oh oh, Abidjan hé !

Y a des sapés

A Abidjan é

Y a des branchés

A Abidjan é

Y a des griffés

A Abidjan é

Y a la vie à Abidjan

Y a la joie à Abidjan y a la fête à Abidjan é »

Oui, à cette époque c’était tous les soirs la fête à Abidjan, la ville la plus branchée et la plus bouillonnante d’Afrique francophone et même au-delà. Abidjan était en pleine croissance. De nouveaux quartiers sortaient de terre à grande vitesse. Adjin, Angré, Attoban, partout, il y avait des promotions immobilières pour toutes les bourses.

« Le Plateau », le Manhattam africain

Le quartier du Plateau, en plein cœur de la ville, avec ses gratte-ciels, cultivait nonchalamment son côté Manhattan d’Afrique. Au temps colonial c’était le quartier des Européens. Les Africains eux, habitaient Treichville, de l’autre côté de la lagune, et Adjamé, dans le prolongement du Plateau. Plus tard, Cocody, à l’est du Plateau devint le quartier des « en haut d’en haut », c’est-à-dire la nouvelle bourgeoisie ivoirienne. Et puis il y eut les cités dortoirs de Yopougon (qui faisait un peu penser à Soweto en Afrique du sud), d’Abobo, de Port-Bouet, d’Attécoubé…

Côté ambiance, Abidjan s’amusait. Il y avait des maquis, des clubs de jazz, des boîtes de nuit, des dancings partout, des concerts tous les week-ends, et de galeries d’art dans les quartiers chics. Abidjan dansait sur la musique de Kéké Kassiry. Et aussi, sur le Zouk venu des Antilles, sur le Soukouss de ce pays qui s’appelait encore le Zaïre, sur le reggae d’Alpha Blondy. Les clubs de jazz, c’était du côté de Marcory et de Cocody, et les dancings, dans les gros quartiers populaires tels que Yopougon ou Abobo. A Treichville, c’était plutôt les boites de nuit, dont le Griffet, celle du célèbre animateur télé Roger Fulgence Kassy qui décédera en 1989. Abidjan était toujours en fête, Abidjan était une fête. Les artistes peintres avaient inventé le Vohou Vohou, ou l’art de faire de la peinture avec tout et n’importe quoi. Tous les artistes africains qui voulaient se faire un nom passaient nécessairement par Abidjan. Même le grand Kassav ne se fit connaître en Afrique qu’après s’être produit à Abidjan.

Le départ du « Vieux »

Le président Houphouet Boigny, dit le Vieux »

Abidjan ne le savait pas encore, mais elle vivait ses derniers jours de joie et de tranquillité avant très longtemps. En 1990, la crise qui couvait éclata. Les jeunes voulaient tout : le départ du « Vieux », le Président Félix Houphouët-Boigny, au pouvoir depuis trente ans, la démocratie, de bonnes conditions d’études, du travail, tout. Chaque jour c’étaient des manifestations, des grèves, des bus incendiés, des bombes lacrymogènes, des arrestations, parfois des morts. Le cœur n’était plus à la fête. Non, il n’y avait plus de joie à Abidjan. Mais les étudiants trouvèrent l’inspiration pour inventer un nouveau genre musical, le Zouglou, qui chantait leurs misères et celles de leur société.

Le « Vieux » meurt en 1993. Henri Konan Bédié, son dauphin, lui succède. La situation politico-sociale ne s’améliore pas. Le pays se divise de plus en plus. Chacun se replie sur lui, sur sa région, sur son ethnie, et les soirs, l’on sort de moins en moins de son quartier. Les galeries se ferment les unes après les autres. Les clubs de jazz et les dancings aussi. Ça ne sent pas bon.

L’hôtes Ivoire depuis la baie d’Abidjan

En 1999, à la veille de passer au nouveau millénaire, survient l’impensable dans ce pays connu pour sa stabilité dans cette Afrique si instable : un coup d’Etat. Suivi par une transition militaire violente. Et des élections tout aussi violentes dix mois plus tard. Et deux ans plus tard, arrive une rébellion armée qui coupe le pays en deux.

Le pays s’enfonce dans le chaos. Un chaos qui durera huit longues années. Il y a un nord occupé par la rébellion, et un sud dit « loyaliste ». Les populations venues à Abidjan des zones occupées par la rébellion s’installent où elles peuvent, n’importe où, créent des bidonvilles qui poussent comme des champignons. L’hôtel Ivoire, l’hôtel de luxe par excellence où toute personne qui se respecte doit avoir passé au moins une nuit, est occupée par les « jeunes patriotes », soutiens indéfectibles du régime d’Abidjan. Il sera plus tard le théâtre de meurtriers affrontements entre ces « jeunes patriotes » et l’armée française.

Au rythme du « Coupé Décalé »

« Rue Princesse », une histoire de la nuit

Et curieusement, c’est à cette époque que les Ivoiriens inventent une musique qui envahira toute l’Afrique. Le « Coupé Décalé ». On l’écoute et la danse dans les super-maquis et les bars climatisés. Yopougon est le temple du Coupé Décalé. On s’encanaille aussi dans les bars de la Zone 4, un sous-quartier de Marcory. Les filles s’y exhibent complètement nues. Progressivement, c’est toute la ville qui se pervertit.

A Yopougon il y a la fameuse « rue princesse », bordée de dizaines de maquis les uns plus bruyants que les autres. Là-bas aussi la chair de jeune fille se monnaye pour pas grand’chose, une bouteille de bière, ou juste de quoi manger, et se consomme sur un parking, ou parfois dans la rue, sans souci de discrétion. Tout juste à côté, dans une rue adjacente, c’est la chair de très jeunes enfants, parfois de douze ans qui se monnaie. Abidjan devient glauque. Et triste.

En 2011, le pouvoir est renversé après des élections aux résultats très contestés et une guerre éclair. En avril, lorsque les combats cessèrent, il y avait des cadavres et des monceaux d’ordures dans toutes les rues. Il fallut nettoyer, curer, nettoyer, curer. Puis réparer, reconstruire, construire. Et Abidjan se mit à changer. Quelques semaines après la fin des hostilités, personne n’aurait pu dire que la ville fut l’objet de violents et meurtriers combats.

Abidjan renait de ses cendres

Quelque quinze ans après, Abidjan est aujourd’hui méconnaissable. Ont surgi de partout de nouvelles routes, de nouveaux échangeurs, trois nouveaux ponts, là où en 50 ans on ne put en construire que deux, de nouveaux quartiers, de nouveaux gratte-ciels…Abidjan vit à nouveau. Abidjan respire mieux. La forêt du Banco, la plus grande forêt primaire d’Afrique située en pleine ville est clôturée pour la protéger contre les prédateurs. L’ancienne décharge d’Akouédo est transformée en jardin.

Abidjan attire à nouveau. On y organise de grands évènements. Les avions qui y vont sont toujours pleins. Les hôtels aussi. Abidjan fait à nouveau la fête. De nouveaux endroits pour se divertir se sont ouverts partout, les artistes ont retrouvé leur créativité et les galeries se multiplient.  Les jeunes filles qui s’exhibaient toutes nues dans des bars en Zone 4 et ailleurs ont été priées d’aller s’habiller.

Une capitale du football

Le stade Félix Houphouët-Boigny dans le quartier du Plateau, à Abidjan (photo d’illustration). © AFP/Sia Kambou

On a aussi construit de nouveaux stades et en 2024, la Côte d’Ivoire s’est offert le luxe d’organiser une Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football, qualifiée de meilleure jamais organisée dans l’histoire de cette coupe, et elle l’a gagnée. C’est le retour de la Côte d’Ivoire qui gagne. Et ça se fête.

Après la fête, il faut penser au cadre de vie et à la sécurité des Abidjanais. Alors on a cassé les bidonvilles qui avaient poussé un peu partout dans l’anarchie, dans des zones à risque. Des dents ont grincé, mais c’était le prix à payer.

Le pays doit avancer. Et il doit avancer avec Abidjan, sa vitrine.

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Batailles coloniales (4/5), la chute du Royaume Kongo en 1665  https://mondafrique.com/a-la-une/grandes-batailles-3-la-chute-du-royaume-kongo/ https://mondafrique.com/a-la-une/grandes-batailles-3-la-chute-du-royaume-kongo/#respond Mon, 21 Jul 2025 05:34:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=52901 Le 29 octobre 1665 lors de la bataille d’Ambuila, les charges furieuses des guerriers africains viennent se briser contre le carré formé par les Portugais. C’est la disparition du Royaume Kongo, cinq lettres magiques qui claquent, résonnent, comme un immense coup de tambour venu des profondeurs de l’Afrique.   Un récit d’Eric Laffite    En 1482, […]

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Le 29 octobre 1665 lors de la bataille d’Ambuila, les charges furieuses des guerriers africains viennent se briser contre le carré formé par les Portugais. C’est la disparition du Royaume Kongo, cinq lettres magiques qui claquent, résonnent, comme un immense coup de tambour venu des profondeurs de l’Afrique.  
Un récit d’Eric Laffite 
 
La carte du Royaume du Kongo. La capitale figure sur un affluent du Congo, la Lunda.

En 1482, dix ans avant que Christophe Colomb ne découvre l’Amérique, le navigateur portugais Diego Cao au service du roi Jean II est aussi à la recherche d’une route maritime pour rallier les Indes, mais en descendant les côtes de l’Afrique.Passées celles du Gabon, il est pris dans les forts courants d’une « soupe jaunâtre, ocre et rouille »*, charriant une masse de déchets végétaux et de troncs d’arbres. A l’évidence un estuaire, avec cette particularité, qu’immense, il s’étale sur 17 kilomètres de large. L’explorateur fait jeter l’ancre sur la rive sud de ce qui s’avérera être l’un des plus grands fleuves du continent africain : brièvement baptisé « Rio Podoroso « fleuve puissant », il est finalement appelé Zaïre, déformation du nom que lui donnent les autochtones « Nzadi », soit « grande rivière ». 

C’est le fleuve Congo d’aujourd’hui. 

Diego Cao fait poser un « Padreo », bloc de pierre de 500 kilos surmonté d’une croix et amené de Lisbonne  afin d’attester que le lieu est désormais sous l’autorité de Jean II du Portugal.

Des hommes blancs « sortis de l’eau »

Jamais un Européen n’était descendu aussi bas en Afrique vers le sud et Diego Cao et ses marins sont incontestablement les premiers à entrer en contact avec les représentants du Royaume du Congo. Un hale de mystère enveloppe ce royaume dont la capitale « Mbanza Kongo », se trouve loin de l’océan et  difficilement accessible. Très vite pourtant, le contact est noué entre les Kongos et ces hommes blancs « sortis de l’eau », parlant une langue qu’on ne comprenait pas ». Des ambassadeurs (qui sont aussi des otages…) sont échangés. 

Il faut s’imaginer l’aventure humaine : des membres de l’aristocratie Kongo embarquent alors à bord d’un galion pour rallier Lisbonne, tandis que les « volontaires » portugais désignés par Diego Cao s’enfoncent pour de longs mois, sinon au cœur des ténèbres, dans les profondeurs d’une Afrique centrale alors totalement inconnue, et avec pour destination la capitale du Kongo. On restera longtemps sans nouvelles d’eux… 

Les sources écrites manquent pour dater précisément la naissance d’un Royaume parfois qualifié d’Empire au regard de son étendue.Une certitude, en cette fin du XVe, il est à son apogée et c’est alors la structure politique sociale la plus puissante d’Afrique centrale. Elle couvre un immense territoire qui, du Nord au Sud, s’étend du sud du Gabon au nord de l’Angola et d’Ouest en Est, de l’Atlantique à Kinshasa. Cet Etat, car s’en est un, dispose d’une administration, il collecte l’impôt, de sa monnaie, le nzimbu(sous forme de coquillage), de son aristocratie, d’une capitale.

Diego Cao et ses marins sont incontestablement les premiers à entrer en contact avec les représentants du Royaume du Congo

Erasmus universitaire kongo-portugais 

L’Etat Kongo est formé d’une demi-douzaine de provinces, et on estime que la monarchie règne sur 500 000 à 1 million de sujets.  Un Etat suffisamment solide en tout cas pour ne pas être emporté ou balayé par l’arrivée des Portugais et du premier coup d’arquebuse. Longtemps, les Portugais vont se contenter de disposer d’un comptoir à Luanda (actuelle capitale de l’Angola) sur l’Atlantique, mais sans pénétrer à l’intérieur du pays où ils n’exercent aucune autorité, et dont l’accès reste soumis au bon vouloir des Kongos. De fait, les relations sont plus que cordiales et mutuellement intéressées entre Portugais et Kongos. On commerce de l’ivoire, des métaux, des vivres. Et bientôt des esclaves. 

Très vite, l’aristocratie Kongo se convertit au catholicisme. Conversion sincère ? Opportunisme ? Il est clair que la classe dominante Kongo trouve bien des avantages à commercer, à s’instruire, s’armer auprès des Portugais : « On se fait baptiser en masse , non pas parce qu’on a renoncé à la sorcellerie, mais au contraire parce qu’on y croit dur comme fer. Le crucifix, considéré comme le plus puissant fétiche pour chasser les mauvais esprits, devient très apprécié », remarque David Van Reybrouck.*Côté portugais, on se félicite de commercer avec cet allié solide dont la souveraineté permet d’écarter d’éventuels concurrents européens. 

Dès 1491, le Mani (roi) Nzinga Nkuwuse se convertit, prend le nom de « Don Juan » 1eret signe un traité d’alliance avec Lisbonne. Il est imité par la famille royale, les proches du pouvoir. Le christianisme devient religion d’Etat, la capitale Mbanza Kongo est rebaptisée São Salvador. Se met aussi en place une sorte d’Erasmus universitaire entre le Kongo et le Portugal tout à fait extraordinaire.

Don Juan 1er, premier souverain du Kongo à se convertir en 1491 au catholicisme. Son fils Henrique sera nommé Évêque.

Des relations avec le Vatican 

Le fils du Roi, dont « Henrique » (11 ans), ainsi qu’une partie de l’élite Kongo part ainsi étudier à Lisbonne. On y apprend le latin (!) les sciences, la théologie, etc. A tel enseigne qu’Henrique rentre au pays en qualité d’évêque, le premier homme noir à occuper cette charge. Des relations diplomatiques d’Etat à Etat s’établissent entre le Vatican et le Royaume, et une correspondance écrite s’installe entre le pape et le Mani Kongo. Celle-ci permet parfois d’arbitrer certains conflits inévitables avec « l’allié » portugais. 

En 1606, au terme d’un périple mouvementé de quatre années vers Rome, Nsaku, « marquis de Vunda » , devenu prêtre sous le nom de Dom Antonio Manuel, présente ses lettres de créance au pape Paul V. Il est le premier ambassadeur africain de l’histoire accrédité auprès du Saint-Siège.Une chose ne passe pas. La monogamie imposée par l’Eglise. 

Celle-ci remet en cause le système d’alliance sur lequel repose l’autorité du Mani Kongo vis-à-vis de ses vassaux, lesquels sont désormais « prince » « duc » ou « baron ». Malgré cela, entre 1491 et 1620, le Kongo et le Portugal entretiennent des relations relativement cordiales. A l’occasion, les Kongos profitent de cette alliance pour étriller sévèrement leurs voisins. En 1568, le Kongo est envahi par les Yaka, une peuplade guerrière venue du sud. La capitale est prise, mise à sac, finalement reprise en 1571 mais avec le renfort d’un fort contingent de conquistadors… 

Cette « entraide » est alors réciproque. Les guerriers Kongos permettent aux Portugais d’étendre leur comptoir de Luanda, port qui devient la capitale d’une colonie qui, au fil des ans, monte en puissance. 

Avec la découverte du Brésil, sa colonisation, Lisbonne a besoin de main d’œuvre. La traite négrière qui se met en place, source de profit et de luttes continuelles déstabilise profondément la région. 4 millions d’esclaves (!) auraient été ainsi « exportés » de la région de 1500 à 1850. Les « razzias » se multiplient. Au détriment des ennemis des Kongos, dans un premier temps… 

Mais l’emprise portugaise s’affirme au fil des ans, des décades. 

 L’appel aux armes d’Antonio 1er,  

Les Kongos trouvent une respiration avec l’arrivée en 1602 des Hollandais (protestants et donc des hérétiques) venus commercer sur les rives du Congo. Puissance maritime et commerciale, la Hollande constitue un précieux contrepoids aux ambitions et à l’appétit grandissants des Portugais. Les monarques Kongo jouent de cette rivalité pour maintenir leur souveraineté. En 1641, les Hollandais occupent Luanda après en avoir chassé les Portugais. 

Un sursis de courte durée. La fin de la guerre de Trente ans (1649) signe le retour en force des Portugais à Luanda. Ils imposent alors toute une série d’exigences nouvelles : aucun européen ne doit désormais entrer au Kongo sans passer par Luanda. La « liberté » totale du commerce est imposée, soit l’interdiction pour le Kongo de prélever des taxes sur le commerce portugais. Les conquistadors s’emparent de l’île de Luanda d’où l’Etat Kongo tire sa monnaie, le Zimbu. 

Lisbonne soutient enfin toutes les velléités d’indépendance des vassaux ou des rivaux du royaume Kongo.   C’est désormais une véritable guerre froide qui régit les relations entre les deux Etats. C’est sous le règne de Mvita ya Nkanga alias « Antonio 1er »(1661-1665) que se joue l’acte ultime de ce long travail de sape. 

En 1665, les Portugais réactivent une vieille exigence, celle de l’accès aux mines de cuivre de MBembe, et alors perçues comme un possible eldorado. Réponse sèche d’Antonio 1er : « ces mines n’existent pas et que même si elles existaient, il ne les devrait à personne». 

Tandis que les Portugais mobilisent leur armée, Antonio 1er lance, le 13 juin 1665, un vibrant appel aux armes à : « Toute personne, qu’elle soit noble ou artisan, riche ou pauvre, toute personne capable de porter une arme, venant de tous les villages et bourgs…[sera] obligée de se présenter dans les dix jours qui suivent auprès de[ses] commandants, gouverneurs, princes, comtes, marquis,etc. […] et de partir défendre nos terres, biens, enfants et femmes, vie et liberté que les Portugais veulent s’accaparer et assujettir ».

Les guerriers d’Antonio 1er sont majoritairement armés d’arcs, de javelots et d’épées

 Le dernier combat

La confrontation a lieu le 29 octobre 1665 à Ambuila, à mi-chemin de São Salvador et de Luanda. Des deux côtés, on a fortement mobilisé : 500 soldats portugais et 7000 supplétifs autochtones du côté de Luanda. « 100 000 hommes » côté Kongo. Chiffre peu réaliste mais qui vient  tend à illustrer l’exceptionnelle mobilisation des Kongos. 

Antonio 1er jouit d’une incontestable supériorité numérique, mais son armée est bien moins dotée en armes à feu. Ses guerriers sont majoritairement armés d’arcs, de javelots et d’épées. En face, les conquistadores ont des mousquets et surtout deux canons. Ils bénéficient d’une organisation militaire éprouvée. De fait, les charges furieuses des guerriers Kongo viennent se briser contre le carré formé par les Portugais. 

La lutte est acharnée. Le combat va durer entre six et huit heures au cours desquelles, par vagues successives, les Kongos se jettent inlassablement à l’assaut du carré portugais. Lequel ne cède pas. 

Au soir de cette bataille, c’est une catastrophe absolue pour les Kongos qui laissent 5000 cadavres sur le terrain. Le roi Antonio 1eren fait partie, il est décapité. Avec lui, deux de ses fils et plus de 500 nobles de la Cour passent de vie à trépas. C’est tout l’Etat congolais qui est décapité de sa caste dirigeante. Il ne s’en remettra pas. Après être parvenu à maintenir sa souveraineté deux siècles durant face aux colonisateurs, le royaume du Kongo s’enfonce alors dans l’anarchie et la guerre civile. On s’y dispute un pouvoir qui n’existe plus.

Demeure le nom « Kongo », qui aura été, depuis, adopté depuis par deux Etats. 

* Les citations sont extraites du remarquable livre de David Van Reybrouck, « Congo. Une Histoire », Flammarion 2014 et disponible en poche.
 
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Ce que l’Imam Khomeiny a confié à Michel Santi https://mondafrique.com/moyen-orient/ce-que-limam-khomeyni-a-confie-a-michel-santi/ https://mondafrique.com/moyen-orient/ce-que-limam-khomeyni-a-confie-a-michel-santi/#respond Mon, 21 Jul 2025 04:30:29 +0000 https://mondafrique.com/?p=136303 Une jeunesse levantine de Michel Santi, économiste, est un récit qui met en scène la voix troublante et lucide d’un témoin direct des derniers jours du Shah et de l’ascension fulgurante de Khomeiny un homme dépeint ici dans toute sa complexité : mystique raffiné, révolutionnaire implacable, stratège géopolitique et manipulateur du sacré. Une jeunesse levantine est […]

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Une jeunesse levantine de Michel Santi, économiste, est un récit qui met en scène la voix troublante et lucide d’un témoin direct des derniers jours du Shah et de l’ascension fulgurante de Khomeiny un homme dépeint ici dans toute sa complexité : mystique raffiné, révolutionnaire implacable, stratège géopolitique et manipulateur du sacré.

Une jeunesse levantine est plus qu’un témoignage : c’est une méditation vertigineuse sur la violence sacrée, le renversement des alliances, et la tragédie du XXe siècle moyen-oriental.

Un livre, littéraire, documenté, au croisement du roman politique, du journal intime et de la confession géopolitique. Il interroge avec une acuité rare notre rapport au pouvoir, à la religion, au mensonge et à la mort.

                                        LES CONFIDENCES DE L’IMAM KHOMEINY

Khomeiny était un homme doux. Son regard fut toujours d’une incontestable bienveillance envers moi, presque paternel, jamais intimidant. Son visage marqué de traits réguliers, harmonieux, presque féminins. Je ressentais une personne raffinée, élégante, le contraire de l’obscurantisme. D’ailleurs, il sentait bon comme s’il s’était parfumé. C’est un mystique que j’avais devant moi, un théologien qui exhalait la puissance intellectuelle.                                                            

«La ligne de conduite ayant dirigé ma vie, Michel, est qu’il faut se mettre en quête de la connaissance et de la perfection depuis le berceau jusqu’à la tombe.» Puis, sans transition : «Ma relation particulière avec Dieu est, pour moi, aussi puissante qu’une énigme. Je l’ai héritée des vieux poètes persans, et je la garde surtout pour moi-même. Je suis un introverti. Mon dialogue est principalement avec Dieu d’abord, puis avec moi-même. Le fait est que, cher jeune Michel, je suis un intuitif.»

Poursuivant sa tirade, toujours d’une voix très mesurée, mais dont la détermination semblait inébranlable :

«Mais je ne suis pas Gandhi car, moi, je suis pour la violence d’État. Le régime que je m’apprête à fonder n’existe encore nulle part ailleurs au monde : il est destiné à surprendre le monde et à choquer les Arabes. L’Iran deviendra le géant diplomatique du désordre mondial. Nous allons récuser l’une après l’autre toutes les normes internationales» – Une jeunesse levantine, chapitre 37, Un homme raffiné.

Mysticisme et politique

(…) De retour au pays, il se préparait à endosser toutes les fonctions : juriste, politicien, homme de religion. Sa version personnelle du mysticisme n’était en rien – pour lui – contradictoire avec les exécutions sommaires et en masse qui seront perpétrées sous son autorité, accomplies pour le «bien commun». Chez Khomeiny, l’usage de la force et de la violence était légitimé par cet objectif grandiose et ultime. Sa répartie, brutale mais sincère, «je n’ai signé avec personne un contrat de fraternité» était, à cet égard, explicite. Cet homme débonnaire – qui le fut en tout cas vis-à-vis de moi cette après-midi – a tout planifié. Mon intuition me murmurait que j’avais face à moi un révolutionnaire fier de son intégrité, à la Saint-Just.

«La cause palestinienne – qui est séculière – est devenue l’opium du peuple musulman, qui juge tout à travers son miroir déformant ».

Et de confier à Michel Santi:

« Les despotes arabes instrumentalisent à cœur joie ce dossier palestinien qualifié de «cause». Sous le prétexte de combattre Israël, ils asservissent leurs propres peuples et consolident leur tyrannie. Ce combat n’est pas le mien et, du reste, les Palestiniens eux-mêmes défendent bien mal leur cause pourtant légitime. De plus, leur activisme nuit aux chiites du sud du Liban qui se font en réaction bombarder par Israël. Je vais devoir peser pour désarmer les Palestiniens du sud du Liban, et ôter à Israël ce prétexte de nuire à nos frères chiites établis dans cette région qui sont très pauvres. Sur ce plan, la cause palestinienne va même à l’encontre des intérêts de nos frères du Liban. Je refuse, et je pèserai de tout mon poids de retour en Iran, afin que nous n’ayons pas à payer le prix d’un combat qui n’est pas le nôtre. Sur ce point, mais juste sur celui-ci, je rejoins le Shah. Cela n’implique strictement en aucun cas que nous soutenons la politique israélienne, qui ne vaut pas mieux que celle de l’Afrique du Sud et de son apartheid. Toutefois, j’aurai bien assez à faire lorsque je rentrerai pour m’empêtrer dans une cause palestinienne, et en faveur de sunnites qui, le moment venu, seront les premiers à nous jeter la pierre, à nous chiites. Je pense que nous pouvons tous reconnaître que la cause palestinienne n’a absolument rien de central en Islam 

Je ne suis pas de ceux qui estiment que sa Révolution lui a été confisquée et ce pour une simple et unique raison, car la Révolution, c’est Khomeiny. Pour autant, il sera rapidement tiraillé entre de très forts courants contraires. Dès le début, en 1979, il aura à se battre contre des groupes de pression bien organisés, partisans d’une extrême rigueur idéologique, qu’il ne parviendra du reste pas à gérer efficacement. Si Khomeiny était intransigeant à l’encontre des ennemis de l’Islam, il avait en revanche la plus grande peine à arbitrer entre les divers courants ultra-conservateurs de son pays, dont un certain nombre étaient des amis et des disciples. Il n’intervenait qu’en dernier recours, vacillait très souvent.

La France dans la Révolution Islamique

«Ce maudit Shah m’a contraint de vivre dans une nation musulmane en pleine occidentalisation, dans une Turquie devenue séculière malgré elle, dont même l’écriture en arabe était bannie. J’ai dû ensuite me réfugier en Iraq, mais ce chien de Saddam m’en a chassé à la demande du Shah. Ce faisant, ils ont commis une grave erreur qui les perdra à très court terme, car la liberté dont je vais disposer ici en France sera sans commune mesure avec celle que j’avais en Iraq… où je n’en avais strictement aucune ! Mon exil en France sera leur coup de grâce. Ici, en France, je vais créer un deuxième espace de pouvoir car ma révolution sera d’abord médiatique.» – Une jeunesse levantine, chapitre 37, Un homme raffiné.

«L’ambassadeur américain et un émissaire de ton Président Giscard se sont succédés pour me rendre visite, affirmant tous deux que leurs gouvernements respectifs ne souhaitaient pas entraver mon action, d’autant que la maladie du Shah était parvenue à un stade terminal. J’ai même des sources fiables qui m’ont informé au tout début de ce mois qu’un monsieur Bonnet, très haut placé dans les services d’espionnage français, a certifié que Carter et que Giscard avaient décidé, lors d’une réunion commune à la Guadeloupe au début de cette année, de ne plus soutenir Pahlevi, et même de faciliter sa chute et son départ du pays.» Khomeiny affirmait que, ignorant ce qui se tramait dans son dos et même dans son environnement immédiat, le Shah était définitivement en bout de course, les fuites étant générales, voire orchestrées, sur son état de santé critique. Son médecin, le Français Georges Flandrin, se serait rendu plus de trente fois à Téhéran les derniers mois. «Tu vois, reprit l’Imam sur un ton moqueur, vos dirigeants occidentaux au plus haut niveau se sont rapprochés de moi et, ce faisant, ils ont allègrement trahi le Shah avec qui ils entretenaient des relations spéciales depuis des décennies ! Pourquoi, crois-tu, qu’il s’est enfui comme un chien ? Tout simplement car Giscard et Carter sont tombés d’accord sur ce qu’il perde dès que possible le pouvoir. Ses anciens amis l’ont lâché, me dit Khomeiny sans sourire mais la mine grave, et les yeux en ébullition. Ton président a envoyé en Iran son ministre de l’Intérieur, un certain Poniatowski en fin d’année dernière. Je sais que ce monsieur est rentré voir votre président pour lui dire que tout est foutu pour le Shah.

C’est suite à ce voyage de votre ministre, et à cette conférence en Guadeloupe, que le Shah s’est senti abandonné pour de bon. Un de ses autres médecins, aussi un Français, le Professeur Bernard, a même confié il y a quelques jours à Giscard qu’il n’en avait plus que pour quelques semaines. Tu imagines comme tout ça a déstabilisé les Occidentaux, qui avaient édifié l’ensemble de leurs relations politiques et économiques sur l’organisme d’un homme dont ils ont appris que ses jours étaient comptés ? Certes, ils ont décidé que ce ne serait ni moi ni le Shah, mais, ce faisant, ils m’ont laissé un espace dans lequel je me suis le plus facilement du monde engouffré…Figure-toi que j’ai même eu droit à une visite éclair d’un personnage étrange venu seul chez moi à Neauphle, qui s’est présenté comme le chef des services français de contre-espionnage. Alexandre de Marenches, dont nous avons vérifié le nom par la suite. Il m’a formellement confirmé que Carter faisait preuve de la plus grande détermination à bouter le Shah hors d’Iran. Le Président américain a dépêché – aussi au début de cette année – un des généraux de l’armée américaine, un certain Huyser, avec comme instruction formelle et claire à l’armée de mon pays de ne surtout pas intervenir s’ils envisageaient par hasard – ce que je ne crois pas – de soutenir l’empereur déchu. Pour moi, ce n’est pas un hasard, et le cours de l’Histoire – comme mon retour aujourd’hui au pays – n’aurait pas été si favorable sans Carter le faible et le velléitaire. La leçon que j’en tire ? En bien, qu’il est plus payant d’être l’ennemi des États-Unis que leur ami ! Vois comme ils ont traité le Shah, resté jusqu’aux dernières heures sans savoir si les Américains le soutiendraient ou pas.»

La caution des intellectuels français

«Je suis également largement soutenu par vos intellectuels en France, qui ont vu dans le Shah la figure diabolique et mesquine de l’impérialisme à honnir. Sartre et Beauvoir soutiennent sans vaciller ma cause, mais le plus déterminé a été Foucault qui est comme moi partisan du désordre – dont je serai un grand artisan. Suite à ses voyages en Iran l’été dernier, son article dans votre journal de référence m’a transformé en symbole. La caution des intellectuels français, le sais-tu Michel, a été une étape décisive dans la fabrication de mon mythe. À Paris, nous avons refusé des centaines d’interviews. Si tu savais le nombre de journalistes qui ont pleuré parce que nous ne pouvions pas leur en accorder ! L’engouement que je suscite est mystique, mais ni vos responsables politiques ni les journalistes ne savent ce qu’est un Ayatollah, ni ce que ce qu’est le chiisme !»

Puis, me regardant fixement, mais avec un certain attendrissement :

«Ils ont cru naïvement que je ne suis qu’un chef spirituel. Les films et les photos de moi assis adossé au pommier dans le minuscule jardin de Neauphle m’ont transformé en berger du monde. Mon heure est venue, Michel, poursuit-il, regardant par intermittence à travers le hublot. La CIA me soutient : ma Révolution islamique est officiellement adoubée par l’Empire américain. Te rends-tu compte de ce retournement phénoménal de situation ? J’en suis moi-même éberlué qu’ils aient opté pour moi et pour le bouleversement que j’annonce, au lieu d’avoir favorisé le successeur du Shah, son fils, quitte à mettre en place une Régence provisoire du fait de son âge.»Une jeunesse levantine, chapitre 40, Un passager clandestin

Réquisitoire contre l’universalisme à la française

«Depuis que je suis en France, j’ai pris le temps d’étudier et d’approfondir votre civilisation, qui m’a toujours intrigué. Vous, les Français, prétendez que votre Révolution est universelle, mais c’est la nôtre, en Iran, qui le sera. J’ai découvert que ce que vous qualifiez avec arrogance d’universalisme n’est, en vérité, qu’une forme de fétichisme. Il est hégémonique, n’est rien d’autre qu’un colonialisme brutal, encore plus violent que l’esclavage physique, car il ne détruit pas les corps mais annihile les esprits et les consciences. Votre universalisme à la française métastase le mépris. Il constitue un crime contre l’Humanité, un totalitarisme idéologique, qui périra, à l’image du fascisme, et bientôt du communisme. Cet universalisme brime des pans entiers de populations, d’ethnies, de religions que vous considérez comme inférieures. Avec la laïcité et la libre expression, vous érigez l’universalisme en divinité moderne pour humilier ceux qui ne pensent pas comme vous. Votre indifférence au sacré est devenue maladive, votre civilisation se meurt – et c’est très bien ainsi ! »u 

« Persuadé de sa toute-puissance, l’homme occidental a renié le sacré, rompant ainsi avec lui-même, exigeant des autres peuples qu’ils fassent de même. Vous avez réduit la transcendance à l’état d’hypothèse. En répudiant le sacré, vous avez cru avoir acquis la maîtrise de votre salut, vous vous êtes convaincus d’avoir résolu le problème de votre finitude. Cet abandon de la sacralité n’est que la preuve éclatante de l’arrogance de l’homme blanc, persuadé de ne devoir son Salut qu’à lui-même. En éliminant la transcendance, vous ne faites que révéler votre aveuglement, votre déni du tragique. Vous pensez naïvement, dans votre orgueil, avoir enfin votre destin en main. Vous croyez tout savoir, tout pouvoir. Or, c’est précisément dans ces instants que les grandes catastrophes surgissent.» 

Les Saoud, l’ennemi public

«Je te le dis les yeux dans les yeux, Michel, je considère les Saoudiens comme les plus grands terroristes de l’humanité. Si les États-Unis sont diaboliques, les Saoudiens sont le Grand Satan, et l’avenir nous montrera de quoi ils sont capables. Ces wahhabites sont la lie de l’humanité, et nous leur règlerons leur compte avec le nucléaire. Ma position est limpide car la route de Jérusalem passe par Bagdad, par Damas, par le sud du Liban, mais aussi par l’Arabie ! Ce qui veut dire que ma priorité sera de donner de bonnes leçons aux Arabes avant de m’occuper d’Israël. Ce sont tous des extrêmes centristes, et je me ferai un plaisir de donner à ces hypocrites des leçons pour leur montrer en quoi consiste l’extrémisme pur que je professe, et que je compte établir. Sous mon règne, nous nous doterons de l’arme atomique dans un but précis : terroriser les Saoudiens qui nous méprisent, nous les chiites, et qui ont sali au fil des millénaires tous nos lieux saints. Grâce à l’atome, nous tiendrons en respect cet empire du mal. Le nucléaire sera littéralement une arme divine à notre disposition qui servira d’abord et avant tout à mater les Saoud et leurs suppôts. – Une jeunesse levantine, chapitre 36, En tête à tête.

«Il semble inéluctable que du sang sera versé. Je sais que tu es très jeune, mais je veux néanmoins te dire que mon retour va signifier la mort de beaucoup de gens. Nulle Révolution ne peut avancer sans être implacable. Il y a des cadavres essentiels à chaque Révolution.» 

Une jeunesse levantine, une destinée forgée dans le chaos.

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La Guerre froide en Afrique (4/5), l’OPA soviétique sur la formation des élites https://mondafrique.com/international/guerre-froide-en-afrique-4-6-lopa-sovietique-sur-la-formation-des-elites/ https://mondafrique.com/international/guerre-froide-en-afrique-4-6-lopa-sovietique-sur-la-formation-des-elites/#respond Sun, 20 Jul 2025 22:22:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=54030 Au-delà des conflits armés qui ont ensanglantés le continent pendant trente ans, les Deux Grands ont tout fait pour gagner la bataille des cœurs et des esprits en investissant dans la formations des élites africaines. Une histoire méconnue qui résonne encore aujourd’hui Olivier Toscer  Février 1960 à Moscou. Nikita Khrouchtchev annonce l’ouverture prochaine de l’Université […]

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Au-delà des conflits armés qui ont ensanglantés le continent pendant trente ans, les Deux Grands ont tout fait pour gagner la bataille des cœurs et des esprits en investissant dans la formations des élites africaines. Une histoire méconnue qui résonne encore aujourd’hui

Olivier Toscer

Des étudiants africains à Moscou. » Nous ne serons pas affligés, si vous ne devenez pas communistes », assurait Nikita Khrouchtchev

 Février 1960 à Moscou. Nikita Khrouchtchev annonce l’ouverture prochaine de l’Université de l’Amitié des Peuples. L’établissement est destiné à procurer à des étudiants venus de ce que l’on appelle alors le Tiers-Monde, un enseignement supérieur de haut niveau.L’initiative passe alors plutôt inaperçue, même au sein des services de renseignements occidentaux, en regard d’autres affaires majeures de la guerre froide cette année-là comme le sommet avorté de Paris entre Khrouchtchev et Eisenhower (mai), la crise congolaise (juillet à décembre) ou le départ des conseillers soviétiques de Chine (août).

L’Université de l’Amitié lance pourtant un nouveau mode de lutte d’influence idéologique, une autre guerre froide, non-dite celle-là. Une bataille sans armes nucléaires, ni affrontements militaires mais visant pourtant le même objectif : assurer la suprématie de bloc de l’Est dans ces pays que l’on appelle alors « sous-développés » et particulièrement en Afrique

Le pragmatisme avant l’idéologie

L’URSS étudie avec appétit, depuis plusieurs années, le processus de décolonisation en vue d’étendre son influence.La patrie de Lénine a certes déjà envoyé une poignée de conseillers militaires au Ghana, en Guinée et au Congo notamment. Mais elle prend soin de ne pas déclencher un conflit armé. Elle vient ainsi de décliner les appels du pied du Premier ministre congolais Patrice Lumumba pour s’engager militairement dans la guerre civile en cours dans l’ex-colonie belge.

Dans le Tiers-Monde, Moscou préfère le pragmatisme et l’opportunisme à la rigueur idéologique. « Nous ne serons pas affligés, si vous ne devenez pas communistes, assure même Nikita Khrouchtchev dans une adresse aux étudiants, lors de l’inauguration de l’Université de l’Amitié des Peuples. Mais vous resterez toujours des gens honnêtes, si, en acquérant le savoir, vous consacrez votre vie au service fidèle de votre peuple, et non au sac d’argent, à la pièce d’or ».

L’offensive de charme soviétique est instantanément couronnée de succès : avant même son ouverture, l’établissement reçoit près de 2 000 candidatures pour 500 places disponibles. Il faut dire que l’aide concrète apportée à chaque étudiant sélectionné est appréciable: une allocation mensuelle, un logement en foyer universitaire, et surtout un encadrement pédagogique impressionnant – environ 800 enseignants pour 4 000 étudiants. Les étudiants africains sont traités comme des princes : ils reçoivent de 80 à 150 roubles par mois (contre 50 à 70 pour les boursiers soviétiques, et 100 pour le salaire moyen en Russie).

Dès mars 1961, l’Université prendra le nom de Patrice Lumumba, ex-Premier ministre du Congo assassiné dans la guerre civile qui ravage encore l’ancienne colonie belge. Une récupération qui vise à montrer la solidarité de l’URSS avec les peuples libérés du système colonial, à séduire.

« Combien d’entre vous êtes prêts à passer dix ans de vos vies en Afrique? », lance John Kennedy à un auditoire étudiant peu avant son élection

Naissance du « Peace Corps »

Le 14 octobre 1960, à 2 heures du matin, juste après son premier débat télévisé avec Nixon dans le cadre de l’élection présidentielle, à l’Université de Ann Arbor, John F. Kennedy met au défi les 10 000 étudiants restés pour l’accueillir : « Combien d’entre vous êtes prêts à passer dix ans de vos vies en Afrique, en Amérique latine ou en Asie pour les États-Unis et pour la liberté ? ».

Quelque jours plus tard, le futur président des Etats-Unis théorise la notion de Peace Corps lors d’un discours où il s’en prend à l’administration Eisenhower, incapable, selon lui, de mener la guerre froide avec suffisamment de vigueur. Il faut faire mieux en envoyant des Américains à l’étranger, motivés pour défendre la liberté et « triompher des efforts des missionnaires de M. Khrouchtchev ».

le Peace Corps voit le jour le 1er mars 1961

Enfanté par la guerre froide, le Peace Corps voit le jour le 1er mars 1961. Dès la fin de l’année quelque 400 jeunes coopérants sont déjà en poste notamment au Ghana et au Nigeria où ils donnent des cours d’anglais, de mécanique ou de médecine, triment dans les champs ou aident dans les ministères.

Le nombre de ses volontaires atteindra 15 000 en 1966 dont 40 % en Afrique noire. Les corpsmen  se vivent comme les vigies avancées de la société américaine dans les pays du Sud. Ils sont censés aider les jeunes nations bien sûr mais également combattre l’image de « l’Ugly American », la réputation de yankee prétentieux qui colle à la peau des Américains à ce moment-là dans le monde. « Ils sont exactement le calibre d’hommes et de femmes qui devraient être encouragés à poursuivre leur carrière au sein de l’administration fédérale », écrit, avec enthousiasme le président Lyndon Johnson en mai 1964[1].

Si l’objectif solennel confié par le Congrès américain au Peace Corps est bien de «promouvoir la paix et l’amitié dans le monde », la mention par une brochure de l’Académie des sciences de l’URSS de cette « organisation anticommuniste au service du capital monopolistique » montre que les Soviétiques y voient un concurrent sérieux.

Un étudiant sur quatre pro soviétique

Au début de son offensive de charme, l’URSS semble bien placé pour emporter la bataille des cœurs et des esprits. En 1962, selon une étude du sociologue sénégalais Jean-Pierre N’Diaye, réalisée auprès de la jeunesse estudiantine africaine en France, 25 % d’entre eux admirent l’URSS contre seulement 8 % la France et 3 % les Etats-Unis. Mais la susceptibilité des jeunes Etats africains, jaloux de leur souveraineté dans leur propre pays, ralenti la pénétration du bloc communiste sur le territoire africain.

Exemple à l’Institut Polytechnique de Conakry où dès la première année scolaire, deux professeurs soviétiques sont destitués après le premier semestre sur ordrede l’inspecteur général de l’enseignement Louis Béhanzin, à causede leur mauvaise connaissance du français. « Quand les professeurs américains arrivent, explique-t-il aux autorités soviétiques, ils n’ont pas de difficultés avec la langue française. La différence dans la connaissance du français entre les enseignants soviétiques et américains a une importance politique non seulement pour la Guinée mais aussi pour tous les pays africains »[2]

 Les boursiers africains accueillis à l’université Patrice-Lumumba ne sont pas non plus tous très contents de leur vie à Moscou. En décembre 1963, entre 500 et 700 d’entre eux manifestent même sur la Place Rouge contre le racisme qu’ils subissent en URSS, après qu’un de leur camarades ait été retrouvé mort au bord d’une bretelle d’autoroute. Et certains se plaignent, dès leur retour chez eux, de la qualité des diplômes soviétiques toujours sous-évalués par les autorités locales par rapport à ceux de camarades ayant fait leurs études à Paris ou à Londres.

Inquiétudes de Jacques Foccart

Le directeur de la CIA se plaint de l’interdiction de placer ses hommes dans le Peace Corps

Côté Etats-Unis, l’influence des Peace Corps américains reste également limitée par la légende urbaine qu’ils seraient des agents de la CIA sous couverture. Même leurs alliés se méfient de « ces volontaires auxquels les Américains donnent une formation très idéologique », comme l’écrit dans ses carnets Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » du Général De Gaulle. « Ils ne font pas autre chose que du renseignement ou de la propagande »[3]. Une chimère en réalité : des notes récemment déclassifiés aux Etats-Unis montrent qu’une règle en vigueur dès le départ disqualifiait automatiquement les candidats qui voulaient s’enrôler dans les Peace Corps, s’ils avaient eu auparavant une carrière dans un service de renseignement. Et même la CIA se plaignait d’une telle interdiction ! « Je pense que cette interdiction porte un terrible désaveu envers les hommes et les femmes honorables qui servent leur nation en travaillant à la CIA »[4], fulminera William Casey, le maitre-espion américain au début des années 80.

De toute façon, au tournant des années 60-70, les Américains embourbés au Vietnam, se désintéressent de plus en plus de la coopération avec l’Afrique, se contentant de livrer des armes et de soutenir politiquement les régimes qui leur sont déjà acquis (Zaïre et Afrique du Sud notamment). Ils ne réagissent même pas quand l’Ethiopie de Hailé Selassié bascule dans la dictature militaire communiste en 1974 et que le Peace Corps doit plier bagage.

A partir du début des années 70, l’URSS va également concentrer ses efforts sur le continent noir dans le seul domaine militaire et déléguer la coopération éducative aux autres pays de l’Est. L’Allemagne de l’Est par exemple devient à partir de 1973, le principal « coopérant » civil du bloc de l’Est en Afrique. Les « chemises bleues », les jeunesses communistes est-allemandes sont envoyés dans les champs et dans les usines notamment au Congo, Angola, Mozambique. Surtout, les Allemands de l’Est excellent dans la formation à la propagande, notamment avec ADN, l’agence de presse nationale chargée de former les journalistes africains issus des pays frères en Afrique.

Au final, le bloc de l’Est a-t-il réellement été capable de produire des élites «rouges», guidées par l’idéologie communiste et soucieuses de mettre en place une administration et une bureaucratie de type socialiste en Afrique ?

Certains anciens élèves du bloc soviétiques ont effectivement accédé au plus haut niveau dans leurs pays alors d’orientation marxiste : José Eduardo dos Santos, président de l’Angola à partir de 1979, a étudié en URSS de 1963 à 1969 ; il était le principal dirigeant des étudiants angolais en URSS et a obtenu à Bakou un diplôme d’ingénieur du pétrole et des télécommunications. Fikre-Selassié Wogderess, Premier ministre éthiopien de 1985 à 1987, a étudié à l’Institut de sciences sociales à Moscou en 1975. Alemu Abebe, ministre de l’Agriculture en Éthiopie a fait des études de médecine vétérinaire à Moscou. Au Mali, plusieurs présidents ont été formés derrière le rideau de fer, parmi lesquels Alpha Oumar Konaré (1971-1975 : Institut d’Histoire, Université de Varsovie, Amadou Toumani Touré (1974-1975 : École supérieure des troupes aéroportées à Riazan en URSS), Dioncounda Traoré (1962-1965 : Faculté de langue russe à Moscou et Faculté de mécanique et mathématiques de l’Université d’État de Moscou).

Dans le domaine culturel, la formation aux différents métiers du ciném(opérateurs, scénaristes, réalisateurs, critiques de cinéma, éclairagistes, etc.), retient également l’attention puisque le cinéma joue un rôle essentiel dans la conquête des coeurs et des esprits. Parmi les cinéastes, le Sénégalais Sembene Ousmane, le Malien Souleymane Cissé, ou encore le Mauritanien Abderrahmane Sissako (Timbuktu), pour n’en citer que quelques-uns, ont fait leurs classes en Union soviétique, pour la plupart à l’Institut du cinéma de Moscou (VGIK). La célèbre «école soviétique du cinéma » a joué et joue encore un rôle majeur dans leur manière de représenter leur société.

Des milliers de cadres 

Mais l’essentiel de l’héritage soviétique en Afrique ce sont surtout des milliers d’ingénieurs, agronomes, médecins, pharmaciens, cadres de l’administration et du secteur privé, techniciens, enseignants d’université ou du secondaire. Ils ont contribués et contribuent encore à la construction des Etats africains.

Dans quelques rares pays, ils ont même été dominants dans l’élite administrative. A la fin des années 80 par exemple, les Ethiopiens formés en URSS représentait 30 % des postes de cadres du ministère des Affaires Etrangères et près de la moitié des cadres des ministères économiques et des entreprises publiques.

Indirectement, l’engagement soviétique dans l’éducation a incité les Etats-Unis et leurs alliés à suivre le mouvement et renforcer leur coopération avec les pays africains. La moitié des coopérants français, les volontaires du service national, ces « soldats sans uniformes » déployés à partir de 1962 en Afrique étaient par exemple des instituteurs.Pour l’historien français Constantin Kaztsakioris, « l’aide soviétique dans l’éducation a été d’une grande importance aussi bien pour le développement des pays africains que pour plusieurs générations de jeunes africains. Ses effets ont été majeurs ».

Aujourd’hui, les Africains retournés dans leur pays travaillent de plus en plus dans des compagnies russes ou comme intermédiaires entre les hommes d’affaires russophones de l’ancienne URSS et les milieux commerciaux et sociaux et l’appareil d’État de leur pays, par exemple dans les grandes compagnies d’extraction de ressources en énergie telles que RusAl en Guinée.

Ils sont un atout dans le grand retour de la Russie en Afrique qui s’est fait jour ces dernières années.

[1] Memorandum à tous les chefs de départements exécutifs et des agences fédérales du 16 mai 1964

[2] Compte rendu d’une conversation avec l’expert principal de l’Unesco en Guinée, le 10 décembre 1962, Archives d’Etat de la Fédération de Russie.

[3] Extrait des mémoires de Jacques Foccart, Journal de l’Elysée, tome IV, Fayard, 2000.

[4] Lettre du directeur de la CIA au directeur du Peace Corps, le 2 novembre 1983

Guerre froide en Afrique (4/5), la CIA en Angola en 1975

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Le formidable patrimoine musical en Afrique de 1300 à 1650 https://mondafrique.com/limage-du-jour/un-colloque-sur-la-diffusion-de-la-musique-en-afrique-avant-1650/ https://mondafrique.com/limage-du-jour/un-colloque-sur-la-diffusion-de-la-musique-en-afrique-avant-1650/#respond Sun, 20 Jul 2025 19:55:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=69817 Les études des musicologues ont longtemps considéré la musique africaine comme une forme d’art rudimentaire ou, au pire, inexistante, sans histoire ni sources. Ce qui ne s’écrit pas ne s’entendait pas.  Or des études ont pu démontrer récemment la richesse d’un patrimoine musical multiforme en Afrique, mais aussi le rôle actif des Africains dans le […]

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Les études des musicologues ont longtemps considéré la musique africaine comme une forme d’art rudimentaire ou, au pire, inexistante, sans histoire ni sources. Ce qui ne s’écrit pas ne s’entendait pas.  Or des études ont pu démontrer récemment la richesse d’un patrimoine musical multiforme en Afrique, mais aussi le rôle actif des Africains dans le développement et le façonnement des pratiques et cultures musicales sur d’autres continents.

L’année dernière, un colloque  était organisé à Tours sur « la musique en Afrique et sa  diffusion dans le monde à l’époque moderne (1300-1650) » avec le concours de Camilla Cavicchi qui enseigne à l’Université de Padouede, Janie Cole, Associate Lecturer à l’Université de Cape Town en Afrique du Sud, et Philippe Vendrix, qui dirige le programme de recherche Ricercar au CNRS. 

Un entretien d’Alexandre Vanautgaerden, historien et historien d’art, avec Camilia Cavicchi

Représentation de tambours africains dans l’ouvrage de Filippo Bonanni, Gabinetto Armonico, Rome, Giorgio Placho, 1723, pl. 78. Milan, Bibliothèque Braidense.

Camilla Cavicchi insiste sur les les rites et coutumes cérémonielles que l’on trouve dans les récits, par exemple, ceux du diplomate et juriste arabe, Hasan ben Mohammed al-Zaiyati. Fait prisonnier par des pirates chrétiens et remis au pape Léon X à Rome en 1517, il se convertit au christianisme et prend le nom de Léon l’Africain. Il opère ensuite comme ambassadeur et médiateur entre les mondes chrétien et arabe.

Dans sa Description de l’Afrique (écrite entre 1523 et 1526), il nous relate une cérémonie funéraire dans l’ancienne ville impériale de Fès au Maroc, où il a vécu: « Lorsque les femmes portent le deuil de leur mari, père, mère ou frère, elles se rassemblent et, après s’être dépouillées de leurs vêtements, elles enfilent de grands sacs. Enlèvent leurs vêtements, se frottent le visage avec, puis font venir à eux ces méchants hommes en habits de femme, qui portent certains tambours carrés : lorsqu’ils en jouent, ils chantent soudain des vers tristes et larmoyants à la louange du mort, et à la fin de chaque vers, les femmes pleurent à haute voix, et se frappent la poitrine et les joues, de sorte qu’une grande quantité de sang s’écoule. Et elles se déchirent les cheveux, tout en pleurant et en criant fort. Cette coutume dure sept jours ; puis ils s’interrompent pendant quarante jours, pendant lesquels lesdits pleurs sont répétés pendant trois autres jours continus. Et tel est l’usage courant du peuple. Les plus honnêtes hommes pleurent sans coup férir ; leurs amis Leurs amis viennent les réconforter, et tous leurs proches parents leur envoient des cadeaux de nourriture, car dans la maison des morts, tant qu’il y a un corps, il n’est pas coutume de cuisiner, et les femmes n’ont pas l’habitude d’accompagner les morts, même s’il s’agit de pères ou de frères. »

Si ce récit à Fès n’est pas sans évoquer l’extraordinaire passage homérique de la complainte pour la mort d’Hector dans l’Iliade (XXIV, 710-723), les ethno-musicologues ou historiens y repèrent d’abord la présence de ces musiciens en tenue féminine et l’utilisation du tambourin carré.

L’observation des oeuvres d’art

Pour tenter de raconter cette histoire globale qui intègre la musique du continent africain, une autre source importante pour Camilla Cavicchi  est l’observation des œuvres d’art. Ce tambourin carré se retrouve, notamment, représenté sur les peintures du plafond en bois réalisées par des artisans arabes vers 1150 après J.-C. dans la chapelle palatine de Palerme (ill. 2). Le batteur y  joue avec d’autres musiciens la musique d’al-janna, le paradis décrit par le Coran.

Musicien avec un tabourin carré sur le plafond en bois peint. Palerme, chapelle palatine, entre 1131-1140. Soutenu par les pouces des deux mains et joué avec les doigts des deux mains en tapotant la membrane sur les bords du cadre, l’instrument représenté dans la chapelle palatine présente des similitudes avec les deff nord-africains habituels, comme sa forme et l’utilisation de décorations cordiformes au henné.

Les Africains n’ont d’ailleurs pas manqué de représenter leurs musiciens et leurs instruments, tel ce très beau joueur de cor de la garde royale de l’Oba du Bénin (ill. 3), datant de la fin du XVIe siècle, conservé non au Bénin mais à Londres au British Museum. Nous reviendrons prochainement sur cette problématique du « déplacement » des œuvres d’art, dans une série d’articles traitant du thème de la restitution. Symboliquement, cette œuvre béninoise a été choisie pour illustrer l’affiche du colloque (ill. 4).

 

Joueur de cor de la garde royale de l’Oba du Bénin, fin XVIe siècle environ. Londres, British Museum, n. Af1949,46.156. Photo © The British Museum, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / The Trustees of the British Museum.
Affiche du colloque La musique en Afrique et sa  diffusion dans le monde à l’époque moderne (1300-1650) Centre d’études supérieures de la Renaissance, Tours (France) 27 juin-1er juillet 2022.

Les récits de voyage

Camilla Cavicchi attire ensuite notre attention sur une autre source très étudiée actuellement : la lecture des chroniques et journaux de voyage. Un groupe de recherche à l’Université de Padoue se concentre d’ailleurs sur l’étude de ces récits riches en notation pour cette nouvelle histoire de la musique, depuis Christophe Colomb jusqu’à Darwin.

Ce colloque de Tours va alterner des sessions consacrées à des zones géographiques en Afrique  et à la thématique des influences de l’Afrique en Europe, avec des tables rondes dont l’une sur la décolonisation, ainsi qu’un atelier d’interprétation musicale historique.

On terminera par un regret. S’il est remarquable que les organisateur et organisatrices se soient démenés pour trouver les financements permettant à tous les intervenants de se rencontrer en France, il est regrettable que les problèmes récurrents de visas, ou de vaccin et pour finir l’augmentation des prix des vols en raison de la guerre en Ukraine empêchent la majorité des chercheurs africains d’être présents en France, les obligeant d’intervenir via Zoom, les privant ainsi du fruit des discussions informelles qui, on le sait, font le plus avancer la recherche.

 

RENSEIGNEMENTS PRATIQUES

Ce colloque international réunit 45 intervenants d’Europe, d’Afrique et d’Amérique. L’inscription est gratuite, mais obligatoire.

Le colloque se tiendra en format hybride en présentiel au Centre d’études supérieures de la Renaissance et en distanciel via Zoom. La séance inaugurale sera retransmise en direct sur Youtube.

Tous les renseignements, le programme et le lien de connexion peuvent être consultés à l’adresse suivante : https://cesr-cieh2022.sciencesconf.org/

LE LIEU

 Le Centre d’études supérieures de la Renaissance

59, rue Néricault-Destouches BP 12050 37020 TOURS Cedex 1

LES ORGANISATEURS

Camilla Cavicchi, Università degli Studi di Padova

Janie Cole, University of Cape Town, South African College of Music

Philippe Vendrix, CNRS-CESR, Tours

 

CONTACT

Marie Laure Masquilier : masquilier[at]univ-tours.fr

POUR ALLER PLUS LOIN

 

Roberto Leydi, L’altra musica, Giunti-Ricordi, 1991.

Nathalie Zemon Davies, Léon l’Africain : un voyageur entre deux mondes, 2014.

Camilla Cavicci, « Lamentazioni d’effimenti nella Fez del Cinquecento », 2007 (https://www.academia.edu/2325679/Lamentazioni_deffeminati_nella_Fez_del_Cinquecento).

David RM Irving, “Rethinking Early Modern ‘Western Art Music’: A Global History Manifesto”, IMS Musicological Brainfood, 2009, 3 (1): 6-10. (https://www.icrea.cat/en/Web/ScientificStaff/davidrmirving/selected-publications#researcher-nav).

Janie Cole, project “Re-Centring AfroAsia: Musical and Human Migrations in the Pre-Colonial Period 700-1500 AD” (www.afroasia.uct.ac.za).

Philippe Vendrix, projet Ricercar (https://ricercar.cesr.univ-tours.fr/).

Projet de recherche Traveling Diaries from Cristoforo Colombo to Charles Darwin: Identità musicali di popoli senza note nei racconti di viaggio (https://www.research.unipd.it/handle/11577/3350466?mode=full.973).

 

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Quatre films en salles pour découvrir l’Afrique et le Moyen-Orient https://mondafrique.com/loisirs-culture/quatre-films-en-salles-pour-decouvrir-lafrique-et-le-moyen-orient/ https://mondafrique.com/loisirs-culture/quatre-films-en-salles-pour-decouvrir-lafrique-et-le-moyen-orient/#respond Sun, 20 Jul 2025 08:30:46 +0000 https://mondafrique.com/?p=136822 Cet été, cinq films récents explorant l’Afrique, le Moyen-Orient et les Outre-mer s’invitent en salles françaises. Entre science-fiction, drame intime, thriller social et récit féministe, ces œuvres puissantes témoignent d’un cinéma en prise avec le réel et le monde.  Le Grand Déplacement Jean-Pascal Zadi (France/Belgique) – Sortie : 25 juin 2025 – Durée : 1h23 – Langues : français, […]

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Cet été, cinq films récents explorant l’Afrique, le Moyen-Orient et les Outre-mer s’invitent en salles françaises. Entre science-fiction, drame intime, thriller social et récit féministe, ces œuvres puissantes témoignent d’un cinéma en prise avec le réel et le monde.

 Le Grand Déplacement

Jean-Pascal Zadi (France/Belgique) – Sortie : 25 juin 2025 – Durée : 1h23 – Langues : français, dioula, anglais

Synopsis

Dans un futur proche où le monde est ravagé par une crise climatique irréversible, une coalition panafricaine lance une mission spatiale pour explorer l’exoplanète Nardal. À bord du vaisseau, un équipage issu de toute l’Afrique et de sa diaspora doit apprendre à cohabiter, tout en affrontant les dérives idéologiques, identitaires et politiques que reflète cette aventure inédite. Jean-Pascal Zadi incarne un membre central de l’équipe, aux côtés de Reda Kateb, Fadily Camara et Lous and the Yakuza.

Contexte de création

Avec ce film, Jean-Pascal Zadi change radicalement de registre après Tout simplement noir. Produit par Gaumont, tourné entre la France, la Côte d’Ivoire et le Maroc, Le Grand Déplacement explore un territoire rarement abordé par le cinéma français : l’afro-futurisme. Le projet mêle satire sociale et science-fiction politique, rendant hommage à des figures comme Paulette Nardal, à qui le nom de la planète fait référence.

Accueil critique

Le film a divisé la presse. Allociné affiche une note moyenne de 2/5, pointant des ruptures de ton et un humour parfois inégal. Télérama parle d’un « concept fort qui ne trouve jamais son rythme », tandis que Mondociné salue « une tentative visuellement inspirée malgré ses maladresses ». Le public, lui, loue l’ambition esthétique du film et la volonté de faire exister un imaginaire africain dans l’espace cinématographique français.

Où le voir

Actuellement à l’affiche dans plusieurs grandes salles en France, notamment Le Louxor (Paris), MK2 Quai de Loire, et Pathé Bellecour (Lyon). Réservation possible en ligne.

 

Katanga, la danse des scorpions

Dani Kouyaté (Burkina Faso) – Reprise en salles : juillet 2025 – Durée : 1h53 – Langue : mooré, sous-titrée français

 

Synopsis

Libre adaptation de Macbeth, cette fresque en noir et blanc suit Katanga, chef de guerre mooré, à qui une prophétie promet le trône. Enivré par le pouvoir, il bascule dans une spirale de trahisons, de sacrifices rituels et de violence. Le film mêle récit mythique, critique du pouvoir patriarcal et plongée dans une société africaine contemporaine où les traditions s’entrechoquent avec les ambitions.

Contexte de production

Dani Kouyaté, réalisateur emblématique de Sia, le rêve du python, revient ici à ses sources théâtrales. Tourné au Burkina Faso en six semaines, en mooré, avec des comédiens issus du théâtre populaire, Katanga se distingue par son esthétique épurée et sa narration resserrée. Le noir et blanc n’est pas un simple effet de style : il crée une distance et une puissance visuelle rare dans le cinéma ouest-africain.

Réception critique

Grand gagnant du FESPACO 2025, le film a reçu l’Étalon d’or, le prix du public, et celui de la critique africaine. Télérama salue « une œuvre de maturité, incandescente, cohérente dans sa radicalité esthétique ». Africiné souligne « une maîtrise exceptionnelle du cadre et du rythme ». Katanga est aujourd’hui perçu comme un classique immédiat du cinéma africain contemporain.

Où le voir

Repris dans les cinémas art et essai depuis début juillet, notamment au Forum des Images (Paris), Saint-André des Arts, et Méliès Montreuil.

Aux jours qui viennent

Nathalie Najem (France/Liban) – Sortie : 23 juillet 2025 – Durée : 1h38 – Langues : arabe, français

Synopsis

Soraya, 35 ans, revient vivre chez sa mère dans une ville du Sud-Liban après un deuil. Au rythme des coupures d’électricité, des tensions silencieuses et des souvenirs lancinants, elle tente de redonner un sens à son existence. À travers son quotidien, le film dessine une géographie intime de la douleur, mais aussi de la résilience.

Contexte de création

Premier long métrage de la réalisatrice franco-libanaise Nathalie Najem, formée à la Fémis, Aux jours qui viennent a été tourné à Saïda et Beyrouth dans des conditions matérielles extrêmement difficiles. La lumière naturelle, les cadres fixes et le travail sur le son contribuent à faire du film un objet de cinéma d’une grande sobriété.

Accueil critique

Sélectionné à Un Certain Regard à Cannes 2025, le film a été unanimement salué. Le Monde parle d’un « bijou d’intimisme au bord du gouffre », tandis que Libération loue « la justesse émotionnelle » de Zita Hanrot, qui porte le film sur ses épaules. Une œuvre contemplative, mais jamais figée, qui capte l’âme d’un pays en suspension.

Où le voir

Programmation confirmée dans les cinémas d’auteur : Le Lincoln (Paris), Utopia Avignon, Le Méliès (Grenoble).

 

Aisha ne peut pas s’envoler

Ruwaida El Toubassi (Égypte/Somalie) – Sortie : 14 août 2025 – Durée : 1h45 – Langues : somali, arabe, anglais

 

 

Synopsis

Aisha, 20 ans, domestique dans un quartier populaire du Caire, rêve de devenir pilote d’avion. En secret, elle rejoint un réseau clandestin de femmes formées par d’anciennes pilotes militaires, réfugiées dans l’ombre. Porté par son désir de liberté, Aisha entre en lutte contre l’ordre établi, prête à risquer sa vie pour prendre les commandes.

Contexte de création

Inspirée de faits réels, la réalisatrice Ruwaida El Toubassi, issue du documentaire, signe ici son premier long de fiction. Le film a bénéficié du soutien du Doha Film Institute et d’Arte. Tourné au Caire et dans le désert du Sinaï, il mêle réalisme brut et envolées oniriques, dans une mise en scène parfois proche du conte.

Accueil critique

Sélectionné à la Berlinale 2025, Aisha ne peut pas s’envoler a bouleversé la critique. Variety y voit « un conte féministe d’une grande puissance visuelle ». Jeune Afrique salue « un film politique sans être démonstratif, où chaque plan respire l’émotion et la dignité ». Faduma Ghedi, l’actrice principale, a été immédiatement remarquée.

Où le voir

Avant-premières confirmées à l’Institut du Monde Arabe (Paris), au Gyptis (Marseille), et à l’Utopia Toulouse dès le 14 août.

Zion
Nelson Foix (Guadeloupe/France) – Sortie : 9 avril 2025 – Durée : 1h39 – Langues : français, créole

Synopsis

Chris, jeune homme désabusé, vit de petits trafics dans un quartier populaire de Guadeloupe. Un jour, un bébé est laissé sur le pas de sa porte. Ce choc inattendu l’oblige à se confronter à ses choix, ses failles, et au monde qui l’entoure. Entre survie, tendresse et fuite en avant, Zion est le portrait nerveux d’un homme en devenir.

Contexte de production

Adapté du court-métrage Timoun Aw, Zion est le premier long de Nelson Foix, tourné entièrement en Guadeloupe avec un casting local. Produit avec le soutien de Jamel Debbouze, le film propose une image brute, tendre et sans exotisme des Antilles, entre urgence et humanité.

Accueil critique

Sorti en Guadeloupe en mars, puis en métropole en avril, Zion a reçu un excellent accueil. Le Parisien parle d’« un regard franc et brut sur les Outre-mer », tandis que 20 Minutes salue « un récit vif, à hauteur de rue ». Le Monde décrit un « thriller social sans filtre, porté par une mise en scène nerveuse et des acteurs incroyablement justes ».

Où le voir

Encore à l’affiche dans certains cinémas : MK2 Quai de Loire, Cinéma Utopia, Pathé Nation. Vérification conseillée selon les villes.

 

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