Mondafrique https://mondafrique.com/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Mon, 21 Apr 2025 07:05:23 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Mondafrique https://mondafrique.com/ 32 32 L’influenceur algérien Amir DZ victime d’un enlèvement https://mondafrique.com/confidentiels/le-lanceur-dalerte-algerien-zmir-dz-victime-dun-enlevement-rate/ https://mondafrique.com/confidentiels/le-lanceur-dalerte-algerien-zmir-dz-victime-dun-enlevement-rate/#respond Mon, 21 Apr 2025 06:36:29 +0000 https://mondafrique.com/?p=132172 Au coeur de la rise diplomatique franco-algérienne, la tentative d’enlèvement du lanceur d’alerte Amir DZ ravive les tensions. Voici notre portrait de l’itinéraire de cet influenceur controversé   Chérif Moktar Amir Boukhors, plus connu sous le pseudonyme Amir DZ, est une figure controversée de la scène politico-médiatique algérienne. Autoproclamé lanceur d’alerte et opposant au régime, […]

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Au coeur de la rise diplomatique franco-algérienne, la tentative d’enlèvement du lanceur d’alerte Amir DZ ravive les tensions. Voici notre portrait de l’itinéraire de cet influenceur controversé
 
Chérif Moktar

Amir Boukhors, plus connu sous le pseudonyme Amir DZ, est une figure controversée de la scène politico-médiatique algérienne. Autoproclamé lanceur d’alerte et opposant au régime, il a longtemps alimenté les réseaux sociaux avec des révélations explosives sur des responsables civils et militaires algériens. Son enlèvement en région parisienne en 2024 a provoqué une crise diplomatique majeure entre Paris et Alger.

Origines et ascension numérique

Âgé de 41 ans, originaire de la région de Tiaret, à l’ouest de l’Algérie, Amir Boukhors a quitté clandestinement le pays il y a plusieurs années. Après un passage par l’Allemagne, il s’est installé en France en 2016.

Il s’est rapidement fait connaître en diffusant sur Facebook et YouTube des vidéos dans lesquelles il divulguait des informations sensibles sur les fortunes et les réseaux occultes de hauts responsables algériens, en Algérie comme à l’étranger.

Après le déclenchement du Hirak en février 2019, ces publications lui valent une importante popularité. Sa page Facebook atteint près d’un million d’abonnés, devenant un canal d’information alternatif pour de nombreux Algériens.

Cependant, il est établi que ses informations provenaient non pas d’enquêtes personnelles, mais de fuites orchestrées par des factions rivales au sein du pouvoir algérien. Amir DZ aurait ainsi servi d’outil dans une guerre d’influence interne pour le contrôle de l’État, relayant des documents compromettants dans le cadre de règlements de comptes entre clans du régime.

Accusations croisées et controverses

Tout en étant présenté par certains comme une voix dissidente, Amir DZ est accusé par des militants du Hirak, des membres de la diaspora et plusieurs anciens soutiens d’avoir utilisé sa notoriété pour faire chanter des hommes d’affaires et des responsables, en leur réclamant de l’argent contre la non-publication d’informations compromettantes.

Il est également soupçonné d’avoir détourné des fonds destinés aux familles de détenus d’opinion, et de financer un train de vie luxueux en France avec l’argent collecté auprès de sympathisants abusés. Plusieurs témoignages l’accusent d’avoir facilité, volontairement l’arrestation en Algérie de militants ayant tenté de dénoncer ses pratiques.

Condamnations en Algérie

Les autorités algériennes ont émis plusieurs mandats d’arrêt internationaux contre Amir Boukhors. Il a été condamné par contumace à de lourdes peines de prison par le tribunal criminel de Dar El Beida pour des accusations multiples dont notamment « atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité de l’État », « Réception de fonds de l’étranger à des fins subversives », « Diffamation, chantage et atteinte à la vie privée ».

Le 21 septembre 2022, la Cour d’appel de Paris a rejeté toutes les demandes d’extradition formulées par l’Algérie, estimant que les accusations portées contre Amir Boukhors n’étaient pas étayées par des preuves suffisantes et qu’il risquait une persécution politique en cas de renvoi dans son pays.

Le 2 octobre 2023, l’OFPRA lui accorde officiellement le statut de réfugié politique, ce qui constitue un désaveu pour le régime algérien.

L’enlèvement en France 

Fin avril 2024, Amir Boukhors est enlevé en région parisienne par des individus se faisant passer pour des policiers. Il est contraint d’avaler des somnifères puis séquestré pendant 27 heures dans un conteneur à Pontault-Combault, en Seine-et-Marne.

Selon son témoignage, l’un des ravisseurs aurait affirmé qu’un responsable algérien souhaitait lui parler, mais aucun émissaire ne se serait finalement présenté. Il a été relâché sous surveillance.

En avril 2025, trois hommes, dont un employé du consulat d’Algérie à Paris, sont mis en examen. Le parquet national antiterroriste (PNAT) ouvre une information judiciaire pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le septième jour, en relation avec une entreprise terroriste ».

Crise diplomatique aggravée Paris/Alger

La mise en examen d’un agent consulaire algérien provoque la colère d’Alger. Dans un geste de représailles, le gouvernement algérien expulse 12 agents de l’ambassade française à Alger. La France réplique en expulsant 12 agents algériens et le rappel de son ambassadeur à Alger pour consultations.

L’affaire Amir DZ s’inscrit dans un contexte déjà tendu entre Alger et Paris, marqué par une série d’épisodes ayant sérieusement dégradé les liens bilatéraux — notamment la reconnaissance française du plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, ainsi que des divergences persistantes sur les questions migratoires, mémorielles et sécuritaires.

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Tunisie, Bernard Henri Lévy condamné à 33 ans de prison dans un procès stalinien https://mondafrique.com/a-la-une/tunisie-bernard-henri-levy-sur-le-banc-des-accuses-dun-proces-stalinien/ Mon, 21 Apr 2025 05:20:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=108183 Dans l’affaire dite du  « complot contre la sécurité de l’État » très largement médiatisée à Tunis, de graves chefs d’inculpation ont été fabriqués contre les principaux opposants du président autocrate Kais Saïed, mais aussi, à la surprise générale et avec des arguments rocambolesques,  contre l’écrivain français Bernard Henri Lévy La chambre criminelle spécialisée dans […]

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Dans l’affaire dite du  « complot contre la sécurité de l’État » très largement médiatisée à Tunis, de graves chefs d’inculpation ont été fabriqués contre les principaux opposants du président autocrate Kais Saïed, mais aussi, à la surprise générale et avec des arguments rocambolesques,  contre l’écrivain français Bernard Henri Lévy

La chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme en Tunisie a prononcé, samedi, des peines allant de 4 à 66 ans de prison à l’encontre de 40 personnes accusées dans le cadre de l’affaire dite de « complot contre la sûreté de l’État ».Parmi les condamnés figure le philosophe français Bernard-Henri Lévy, poursuivi par contumace et condamné à 33 ans de prison. Sa présence dans le dossier a suscité la surprise, les autorités tunisiennes n’ayant à ce stade communiqué que des accusations grotesques et dérisoires à son encontre

Le « sioniste » de service

La présence de Bernard Henry Levy dans cette affaire

Cerise sur le gâteau, la présence du philosophe français dans cette affaire semble là uniquement pour relever la saveur complotiste de cette cuisine. Or, dans un premier organigramme visualisant les liens entre les différents les protagonistes du « complot », figurait à sa place une autre personnalité juive, Pierre Besnainou, président du congrès juif européen, membre du centre Pérès pour la paix et décoré par Jacques Chirac. Un « gros poisson » qu’il valait mieux remplacer dans le réquisitoire final par Bernard Henry Levy, une personnalité plus médiatique  dans le rôle du sioniste nécessaire à toute théorie du complot aux relents antisémites qui se respecte.

Entre temps, le juge d’instruction Samir Zouabi qui a établi ce rapport infame dont Mondafrique a eu des extraits, a quitté le pays pour une travail dans le secteur privé au Qatar. Il est actuellement lui aussi recherché pour « complot contre la sûreté de l’État ».

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Notre site Mondafrique s’était procuré voici quelques mois le compte rendu de l’instruction tel qu’il a été transmis au tribunal criminel de première instance du pôle anti-terroriste de Tunis, quantre vingt pages d’élucubrations policières vite torchées. À la page 78 de ces affirmations grossières et dénuées de tout commencement de preuves, l’acte d’accusation indique: « Nous décidons et nous déclarons qu’il y a assez de preuve pour que ces personnes soient soupçonnées » de crimes particulièrement graves, dont le premier est la participation à la constitution d’une entreprise terroriste en vue de déstabiliser la sécurité interne et externe de la Tunisie.

Le 40e accusé cité est Bernard Henri Levy, dont le nom figure, en français et légèrement déformé, sous l’appellation de « Bernard Henri LIVY »..

Une liste suit où figurent les quarante noms des personnalités poursuivies. Qu’elles soient emprisonnées depuis 14 mois (Khayam Turki, Jahwar Ben Mbraek, Issam Chebbi) ou qu’elle représente le noyau dur de l’opposition historique, encore en liberté mais la plupart en exil, dont Neji Chebbi et Kamel Jendoubi qui ont joué un rôle clé dans le processus démocratique du printemps arabe des années 2011-2019. La 40e personne citée est Bernard Henri Levy, dont le nom figure, en français et légèrement déformé, sous l’appellation de « Bernard Henri LIVY »..

La liste des chefs d’accusation est actée par la signature des juges, notamment le premier assistant du procureur de la République, daté du 12 avril 2024, trois jours avant la clôture du dossier.

Le Président tunisien, obsessionnel du complot

Un procès politique

Les éléments de preuve présentés comme les plus tangibles tournent autour de rencontres qui ont eu lieu entre certains des accusés et des diplomates occidentaux, cités nommément dans le rapport d’instruction, parmi lesquels Marcus Cornaro ambassadeur de l’UE à Tunis et André Parent, ancien ambassadeur de France à Tunis. Pour preuve de son obsession à couper son pays de sa réputation traditionnelle d’ouverture vers l’étranger et notamment la France, le Président tunisien convoquait l’ensemble des ambassadeurs pour les mettre en garde contre toute ingérence dans la vie publique tunisienne. Ce qui n’a provoqué, à l’exception des Américains (1), aucune réaction des chancelleries occidentales qui avaient pourtant toujours souhaité, durant ces dernières années, accompagné la transition démocratique tunisienne.

Le Président de la République tunisien intervient régulièrement dans ce dossier dit « du complot », et encore récemment, par des déclarations publiques. Après avoir estimé que « celui qui les acquitterait était leur complice dans le crime », le voici qui martelait, lors du Conseil national de sécurité du 15 avril dernier, le jour même de la cloture du dossier,que «les procédures judiciaires (dans cette affaire) sont intègres ».

Le président de la République tunisien est revenu, jeudi 18 avril 2024 lrs de la cérémonie de célébration du 68e anniversaire des forces de sécurité intérieure, sur la nécessité d’assurer la sécurité dans le pays. « C’est un signe d’appartenance à la patrie. Cependant, nous ne pouvons rien attendre de ceux qui prétendent aimer la patrie alors qu’ils sont déjà démasqués, même s’ils tentent de manoeuvrer et de se cacher… La liberté ne signifie pas l’anarchie et l’atteinte aux institutions de l’État, encore moins la diffamation, les insultes et la propagation des rumeurs … Ceux qui aspirent à un retour en arrière n’ont qu’à vivre dans leurs illusions », a-t-il déclaré.

Des attaques antisémites 

Les extraits de l’acte d’accusation qui concernent Bernard Henri Lévy sont particulièrement indignes. L’argumentation est  manifestement délirante et clairement antisémite. Autant de dérapages grossiers qui traduisent bien la dégradation totale des valeurs politiques dans la Tunisie de KaIs Saied qui se positionne en victime d’un complot hypothétique et en défenseur de la souveraineté perdue de la Tunisie. 

« Bernard-Henri Lévy possède des investissements en Tunisie sous des noms empruntés auprès de certains juifs tunisiens, et il est lié à l’authenticité subversive et aux mouvements sécessionnistes berbères. En Algérie, il a des liens avec les groupes armés islamiques. Il fait partie des agences masquées israéliennes, comme le Mossad, le Shin Bet et les Qayyun (ceux qui mènent des opérations d’assassinat en dehors d’Israël) ».

« BHL tente depuis 2013 jusqu’il y a environ un an de s’implanter en Tunisie, en Algérie et en Libye. afin de servir l’entité sioniste et les pays qui lui sont alliés en exploitant les résultats du Printemps arabe. Il a également des liens avec certaines personnalités et institutions médiatiques, comme Sky News et BFM. Bernard Henry Levy conspire contre l’État tunisien, en perturbant la production de phosphate ».

« Le but est de nuire à l’économie tunisienne en vue de sa soumission à la normalisation avec l’entité sioniste. De plus, la personne soupçonnée, Bernard Henry Levy, a adopté l’idéologie maçonnique et est lié à certains des accusés dans cette affaire qui ont participé à certaines soirées des clubs en Tunisie, le Rotary Club et le Lions Club, intensément actifs au Moyen-Orient pour diffuser cette idéologie maçonnique qui cherche à contrôler l’économie, les politiques et les armes. »

BHL, la bête noire

Lors d’une visite au gouvernorât de Nabeul, en novembre 2023, le président de la République, Kaïs Saïed avait lui même estimé que la révolution avait échoué, attribuant cette défaillance à ce qu’il perçoit comme une collusion entre les médias qu’il a désignés comme coupables. Selon lui, les médias auraient été sollicités pour établir des alliances avec le sionisme mondial.

Durant son entretien avec la gouverneure de Nabeul, Sabeh Malek, le président tunisien, en confondant plusieurs personnalités,  a également parlé des travaux de l’assemblée constituante, précisément l’étape de l’écriture de la constitution et les visites du philosophe controversé Bernard-Henry Lévy.« On a oublié les visites de Bernard-Henri Lévy à l’Assemblée nationale constituante… Il a écrit quelques dispositions… ». Ce qui est absolument faux, BHL ne se rendant alors en Tunisie que pour rencontrer des contacts libyens.

BHL en compagnie de diverses personnalités libyennes sur une terrasse d’hôtel à Gammarth

Les medias tunisiens les plus crédibles avait alors retracé l’historique des visites de Bernard-Henry Lévy en Tunisie. La seule visite au territoire tunisien date du 31 octobre 2014, quelque mois après l’adoption de la constitution le 26 janvier 2014. Cette visite avait fait polémique en Tunisie où Bernard-Henry Lévy a été accueilli par des manifestants dés son arrivée à l’aéroport de Carthage.

Interviewé par la chaine France 24, BHL avait affirmé à ce moment-là que sa visite en Tunisie vise à poursuivre le processus de réconciliation nationale en Libye. Une image a fait le tour de la toile durant cette visite le montrant en compagnie de diverses personnalités libyennes sur une terrasse d’hôtel à Gammarth. Sur la photo, on voit Fadil Lamine, président du Conseil de dialogue national libyen, Gilles Hertzog, un proche du philosophe français, et Nouri Cheriou, une éminente figure des Amazighs libyens.

Une telle rencontre, voici dix ans avec des amis libyens, vaut à BHL de risquer une condamnation à mort. Voici le genre d’absurdité qui caractérise désormais la gouvernance du Président Kaïs Saïed.

(1) Pour l’année 2025, la diplomatie américaine a décidé de ne pas rétablir son aide au développement octroyée jusqu’en 2023 – 11,3 millions de dollars –  à la Tunisie. Dans leur proposition de budget au Congrès pour l’année 2025, publiée début mars, les équipes d’Antony Blinken ont laissé, comme en 2024, la case de la Tunisie vide dans le tableau Development Assistance.

Le capitalisme autoritaire inefficace du président Xaïs Saied

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Les postures théatrales de Trump face à l’Iran https://mondafrique.com/libre-opinion/les-postures-theatrales-de-trump-face-a-liran-ne-menent-a-rien/ https://mondafrique.com/libre-opinion/les-postures-theatrales-de-trump-face-a-liran-ne-menent-a-rien/#respond Sun, 20 Apr 2025 18:50:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=132143 Les États-Unis doivent abandonner la logique d’endiguement au profit d’un engagement stratégique avec l’Iran Une chronique de Magali Rawan Une guerre contre l’Iran serait un échec stratégique pour les États-Unis. Elle n’éliminerait pas les capacités nucléaires de Téhéran, ni ne renverserait le régime. Elle ne ferait que renforcer la détermination de l’Iran, déstabiliser la région […]

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Les États-Unis doivent abandonner la logique d’endiguement au profit d’un engagement stratégique avec l’Iran

Une chronique de Magali Rawan

Une guerre contre l’Iran serait un échec stratégique pour les États-Unis. Elle n’éliminerait pas les capacités nucléaires de Téhéran, ni ne renverserait le régime. Elle ne ferait que renforcer la détermination de l’Iran, déstabiliser la région et entraîner des répercussions mondiales. Une confrontation militaire irait également à l’encontre de la doctrine fondamentale de Donald Trump : mettre fin aux guerres sans fin et éviter tout engagement militaire direct — une doctrine encore influente dans les cercles républicains de la politique étrangère actuelle.

Pourtant, alors que Washington semble dériver une fois de plus vers une posture de confrontation, une ouverture diplomatique étroite mais bien réelle a discrètement émergé — une ouverture qui exige une gestion prudente, et non des postures théâtrales.

Deux pays sous pression

Cette fenêtre d’opportunité ne repose pas sur la confiance, mais sur une urgence partagée. Les deux gouvernements sont sous pression : les États-Unis, confrontés à la guerre en Ukraine, à une inflation persistante, à des tensions commerciales et à une polarisation politique croissante ; l’Iran, miné par un effondrement économique, un isolement régional et une transition du leadership déjà amorcée, sinon officiellement déclarée — aggravée par un défi démographique : une jeunesse plus laïque, aux aspirations différentes. L’incitation à dialoguer — discrètement, sans fanfare — n’a jamais été aussi forte.

Mais le simple facteur temps ne suffit pas à expliquer ce moment. Un changement structurel plus profond est à l’œuvre en Iran. Bien que non totalement inédit, des gestes significatifs et audacieux — certains émanant directement des Gardiens de la Révolution (IRGC), avec le consentement du Guide suprême — ont été transmis discrètement à l’administration Biden bien avant le 7 octobre. Ces signaux reposent sur trois constats clés :

  1. Le coût écrasant de près de cinq décennies d’isolement, de sanctions et de marginalisation économique mondiale ;

2. Le basculement géopolitique vers l’Est, avec la rivalité sino-américaine accélérant un réalignement global qui risque de laisser l’Iran relégué au rang de partenaire subalterne de la Chine ou de la Russie s’il ne se repositionne pas ;

3 Les revers de l’Iran sur plusieurs fronts — en Syrie, au Liban et à Gaza — après le 7 octobre, qui ont affaibli sa posture dissuasive et érodé son levier régional.

Le spectre de l’effondrement

Il existe également un calcul interne. La succession du Guide suprême étant déjà en préparation, plusieurs acteurs clés du système iranien perçoivent une réorientation diplomatique non pas comme une capitulation, mais comme une assurance contre l’effondrement. Une nouvelle génération de technocrates et d’élites militaires — incluant une jeunesse plus sécularisée et des bureaucrates réformistes — est moins motivée par l’idéologie anti-occidentale que par le pragmatisme économique. L’IRGC, de plus en plus intégré au tissu économique iranien, comprend les risques d’un statut de paria permanent. C’est une évolution, pas une révolution.

Pour les États-Unis, cette réévaluation iranienne ne doit pas être un motif de triomphalisme — c’est une opportunité. Mais toute tentative de l’exploiter par l’humiliation ou la contrainte se retournera contre ses auteurs. Une leçon tirée des précédents pourparlers est claire : le ton n’est pas un détail. Dans la psyché politique iranienne, l’humiliation publique est une ligne rouge. Une simple provocation ou une déclaration mal placée peut faire dérailler les discussions. 

Les limites de l’impévisibilité

C’est pourquoi la « théorie du fou » — longtemps favorisée par Trump et ses proches, selon laquelle l’imprévisibilité projetterait la force — a atteint ses limites. Si elle a pu ramener l’Iran à la table des négociations à plusieurs reprises, elle n’est plus adaptée aujourd’hui. Le système iranien est fondé sur la résistance, la fierté nationale et la mémoire historique. Mal lire cette dynamique a déjà conduit à l’échec — et le refera.

Mais au-delà du ton, c’est le cadre stratégique lui-même qui doit évoluer. Pendant des décennies, la politique américaine a suivi une logique d’endiguement : freiner l’influence iranienne, geler son programme nucléaire, et utiliser les sanctions comme levier de pression. Ce cadre a durci la posture de Téhéran et réduit la diplomatie à un exercice défensif — une réponse à la menace, plutôt qu’un levier d’opportunité.

Vers une plus grande fléxibilité

Un accord avec l’Iran, même modeste, ne devrait plus être présenté comme une concession mais comme un investissement stratégique — un levier vers un ordre régional plus stable, un frein à l’escalade, et un moyen de protéger les intérêts américains dans un monde multipolaire. Cette logique s’aligne d’ailleurs sur la nouvelle stratégie américaine de déni, théorisée par des stratèges comme Elbridge Colby, qui vise à empêcher la Chine ou la Russie de capter des partenaires régionaux clés. Si les États-Unis peuvent neutraliser — ou mieux, réengager — l’Iran, ils priveront leurs rivaux d’un atout géopolitique essentiel.

Les avantages ne sont pas théoriques. L’Iran a déjà formulé des propositions concrètes, comme le transfert de ses stocks d’uranium enrichi sous supervision russe, sur son propre territoire ou à l’étranger. Ce ne sont pas des capitulations, mais des signes de flexibilité stratégique dans un cadre de dignité nationale. En retour, Téhéran attend des mesures tangibles : levée des sanctions sur le pétrole et les transactions financières, déblocage des avoirs gelés, reconnaissance du droit à l’enrichissement civil — autant de mesures cohérentes avec l’esprit du JCPOA.

La portée d’un accord dépasserait le seul dossier nucléaire. Une voie diplomatique parallèle pourrait discrètement aborder :

Le devenir des milices comme le Hezbollah et les Houthis ;

La stabilisation de l’Irak et de la Syrie ;

L’intégration économique progressive de l’Iran aux marchés régionaux et mondiaux.

La sécurité maritime, la lutte contre les stupéfiants et les partenariats énergétiques deviendraient également plus faisables dans un climat de désescalade. La normalisation n’a pas besoin d’être proclamée — elle doit être construite, dossier par dossier, fonction par fonction.

Ironiquement, les conditions structurelles de cette diplomatie sont plus favorables qu’il n’y paraît. L’équipe américaine de négociation est réduite — non par choix, mais à cause des blocages bureaucratiques et des retards de confirmation au Sénat. À Oman, les négociations se mènent avec discrétion et efficacité. L’Iran a adopté la même logique, en envoyant une équipe restreinte et habilitée, capable de contourner les résistances internes.

Des bruits de botte

Le principal obstacle n’est pas technique — c’est le bruit politique. À Washington, des think tanks belliqueux, des médias partisans et les dynamiques électorales chercheront à torpiller le processus. À Téhéran, les courants conservateurs religieux et les factions du Corps des Gardiens s’apprêtent à qualifier tout compromis de trahison. Cette voie ne survivra que si les deux parties renoncent à jouer pour leurs bases internes. Elle doit rester discrète, modeste, et rapide.

Car le temps n’est pas neutre. Chaque retard renforce les saboteurs. Israël et certains États du Golfe posent déjà les fondations pour discréditer ou faire échouer tout dialogue qu’ils jugent trop indulgent. Plus le processus tarde à produire des résultats, plus il devient vulnérable à des manœuvres coordonnées — par la presse, les parlements ou les canaux parallèles. Le but est clair : faire échouer la diplomatie pour forcer la confrontation.

Pour maintenir le cap diplomatique, les États-Unis devraient prendre six mesures immédiates :

Modérer la rhétorique publique. Cesser de négocier par la menace.

Limiter le cercle et protéger la confidentialité. Pas de fuites. Pas de briefings.

Construire la confiance de façon progressive. Éviter les sommets spectaculaires et les exigences maximalistes.

Anticiper les critiques internes. Préparer une défense disciplinée et cohérente de l’engagement.

Coordonner discrètement avec les alliés. Déjouer les sabotages par la transparence, non par la surprise.

Recadrer la diplomatie comme un gain stratégique. Non pas un geste d’apaisement, mais un acte de réalisme éclairé.

Ce n’est pas un moment pour les effets de manche. C’est un moment pour le réalisme sans défaitisme. L’engagement avec l’Iran ne transformera pas le Moyen-Orient du jour au lendemain. Mais il peut désamorcer la prochaine crise, retarder le prochain conflit, et ouvrir un espace pour des solutions durables.

L’alternative n’est pas le statu quo. C’est l’escalade. Et si cette opportunité est manquée, la confrontation qui s’ensuivra sera plus rapide, plus brutale — et bien plus coûteuse.

Donald Trump et l’Iran : confrontation ouverte ou accord surprise ?

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Donald Trump n’a ni amis, ni ennemis, mais des intérèts https://mondafrique.com/a-la-une/la-diplomatie-de-donald-trump-na-ni-amis-ni-ennemis/ https://mondafrique.com/a-la-une/la-diplomatie-de-donald-trump-na-ni-amis-ni-ennemis/#respond Sun, 20 Apr 2025 18:45:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=127494 Le Conseil de Sécurité Nationale (NSC) des États-Unis a historiquement fonctionné selon deux principaux modèles de sécurité nationale. Donald Trump est en train d’en inventer un troisième, nettement plus éruptif et en tout cas pragmatique qui laisse les principaux acteurs des relations internationales en état de choc La vision que Donald Trump affiche sur le […]

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Le Conseil de Sécurité Nationale (NSC) des États-Unis a historiquement fonctionné selon deux principaux modèles de sécurité nationale. Donald Trump est en train d’en inventer un troisième, nettement plus éruptif et en tout cas pragmatique qui laisse les principaux acteurs des relations internationales en état de choc

Le Premier ministre est un allié privilégié de Donald Trump qui met toute son énergie à l’aider dans la phase délicate de la libération des otages israéliens. Pour combien de temps le Président américain tiendra sur cette ligne alors que les monarchies pétrolières s’opposent à l’exil forcé de dizaines de milliers de Palestiniens? On l’ignore totalement

La vision que Donald Trump affiche sur le fonctionnement souhaitable des relations internationales met l’accent sur une diplomatie transactionnelle et des négociations rapides axées sur des résultats immédiats, au détriment des processus bureaucratiques inter-agences et des engagements multilatéraux à long terme. Cela reflète une évolution plus large de la diplomatie mondiale, où les grandes puissances comme la Chine, la Russie et l’Inde adoptent déjà des stratégies pragmatiques fondées sur leurs intérêts nationaux. Autant dire que l’approche du Président américain est aux antipodes des deux modèles qui ont présidé, ces trente dernières années, aux orientations du Conseil National de Sécurité (CNS).

Le modèle Scowcroft, du nom de Brent Scowcroft, met l’accent sur un processus décisionnel structuré, où le conseiller à la sécurité nationale joue un rôle de coordinateur neutre. Cette approche favorise la collaboration inter-agences, permettant aux départements d’État, de la Défense et à la CIA de contribuer à l’élaboration des politiques. Toutefois, cela peut ralentir la prise de décision, car la recherche de consensus prend souvent le pas sur l’action rapide.

Le modèle Kissinger/Brzezinski, en revanche, est axé sur la stratégie. Des conseillers tels que Henry Kissinger sous Nixon et Zbigniew Brzezinski sous Carter ont adopté une approche interventionniste, façonnant directement la politique étrangère et exerçant un contrôle étroit sur l’apport des agences. Si ce modèle a permis de rationaliser la prise de décisions, il a parfois entraîné des tensions avec d’autres départements, accusés d’être mis à l’écart.

Le modèle Trump : une diplomatie transactionnelle 

Le second mandat de Trump pourrait donner la priorité à une diplomatie directe et non conventionnelle, plutôt qu’au consensus multilatéral. Bien que certains aspects du modèle Kissinger, comme le contrôle centralisé, restent présents et pourraient même se renforcer, la stratégie de Trump vise à bypasser l’inertie bureaucratique pour obtenir des résultats rapides. Cela a été évident lors de son premier mandat, avec des réalisations comme les Accords d’Abraham et son engagement direct avec Kim Jong-un en Corée du Nord. Trump a souvent contourné les institutions traditionnelles au profit d’accords bilatéraux.

Dans cette optique, Trump considère les accords multilatéraux – tels que l’Accord de Paris sur le climat et l’Accord nucléaire iranien – comme des contraintes limitant la flexibilité des États-Unis. Il préfère plutôt des accords spécifiques et évolutifs, ajustables en fonction des circonstances – « pas d’amis permanents, pas d’ennemis permanents ». Ses détracteurs craignent que cette approche ne sape la confiance des alliés à long terme, mais ses partisans soutiennent qu’elle permet aux États-Unis de s’adapter rapidement à une carte géopolitique en mutation

Loyauté et efficacité.

Dans sa conception très calquée sur le monde des affaires tel qu’il a connu, Donald Trump mettra un accent particulier sur des émissaires spéciaux qui rendraient compte directement soit au Président, soit à son cercle restreint au sein du NSC. Ces émissaires joueraient un rôle clé dans son appareil diplomatique, court-circuitant les lenteurs bureaucratiques pour garantir une exécution rapide et sans entrave de ses directives.

Pour concrétiser cette vision, Trump pourrait établir une Cellule de Commandement Stratégique et de Contrôle au sein du NSC – une sorte de « Département de l’Efficacité Gouvernementale » (DOGE) hypothétique. Cette entité fournirait des renseignements exploitables et des conseils politiques en temps réel, sans les lenteurs qui entravent habituellement la prise de décisions en politique étrangère. En privilégiant la loyauté et l’efficacité, Trump cherche à instaurer une structure de sécurité nationale réactive, plus alignée sur son style « supprimer les intermédiaires ».

Cette approche rappelle la tentative infructueuse de l’ancien Secrétaire à la Défense Caspar Weinberger, qui voulait transformer l’armée américaine d’une force lourde et rigide en une force légère, rapide et agile, mais qui s’est heurté à la résistance des élites militaires et bureaucratiques.

Réforme Institutionnelle et Résistances

L’expérience de Trump lors de son premier mandat a renforcé sa méfiance à l’égard de la bureaucratie fédérale. Il s’est régulièrement heurté aux fonctionnaires de carrière sur des dossiers comme la politique en Ukraine et le retrait des troupes américaines. Pour Trump, la bureaucratie n’est pas un facilitateur, mais un obstacle à la prise de décisions rapides et stratégiques. Sa réponse a été de consolider son autorité au sein de la Maison-Blanche, en confiant à des conseillers de confiance, comme Robert O’Brien, la mission de faire appliquer ses directives.

Cette méthode présente des avantages clairs. Accélérer la prise de décisions permet d’être plus réactif, notamment dans des situations exigeant une action immédiate. Trump a utilisé cette approche transactionnelle pour forcer ses alliés à accroître leurs dépenses de défense, et pour mettre la pression sur Panama (passage gratuit des navires américains), la Colombie (rapatriement des réfugiés) et le Mexique (répression du trafic de drogue).

Cependant, cette stratégie impose un équilibre délicat entre centralisation du pouvoir et coordination institutionnelle. Un conseiller NSC sous Trump devra arbitrer entre les différents départements et agences pour assurer une cohérence politique tout en préservant la fluidité de l’exécution. Henry Kissinger, par exemple, avait réussi à maintenir un contrôle fort tout en exploitant habilement la bureaucratie.

Des ruptures radicales

Le modèle de Trump pour un second mandat marque une rupture nette avec les cadres traditionnels de Scowcroft et Kissinger. En privilégiant une diplomatie transactionnelle, un contrôle centralisé et des décisions rapides, Trump veut moderniser la politique étrangère américaine pour répondre aux défis d’un monde plus fluide et fondé sur les intérêts.

Cette stratégie rencontrera une forte opposition des élites bureaucratiques et des partisans du multilatéralisme. Cependant, face à une compétition géopolitique accrue, l’agilité et la réactivité deviennent des atouts décisifs. Si Trump parvient à imposer son modèle, il pourrait établir une nouvelle doctrine de la diplomatie américaine, basée sur la force, la flexibilité et le pragmatisme stratégique.

La question demeure : Trump, en « inondant la zone », pourra-t-il réformer et rationaliser la bureaucratie fédérale, tout en imposant un nouveau paradigme de la sécurité nationale en seulement quatre ans ? Le défi est immense, mais s’il y parvient, ce Président clivant pourrait redéfinir la place des États-Unis dans le monde pour les décennies à venir. Pour le meilleur ou pour le pire, telle est la question à laquelle personne ne peut répondre vraiment aujourd’hui.

La nouvelle diplomatie souverainiste de Donald Trump entre en fonction

 

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Abu Dhabi, les sœurs Labèque envoutent leur public https://mondafrique.com/loisirs-culture/au-festival-dabu-dhabi-les-soeurs-labeque-envoutent-lassistance/ https://mondafrique.com/loisirs-culture/au-festival-dabu-dhabi-les-soeurs-labeque-envoutent-lassistance/#respond Sun, 20 Apr 2025 18:27:48 +0000 https://mondafrique.com/?p=132152 Le 16 avril 2025, dans le cadre de la 22e édition du Festival d’Abu Dhabi, les sœurs Labèque ont offert un récital de piano à quatre mains au Red Theater de NYU Abu Dhabi. Devant un public attentif et ému, elles ont déroulé un programme construit comme une narration en triptyque, où se mêlent l’imaginaire […]

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Le 16 avril 2025, dans le cadre de la 22e édition du Festival d’Abu Dhabi, les sœurs Labèque ont offert un récital de piano à quatre mains au Red Theater de NYU Abu Dhabi. Devant un public attentif et ému, elles ont déroulé un programme construit comme une narration en triptyque, où se mêlent l’imaginaire des contes, la mémoire du cinéma et la puissance de l’écriture musicale.

Belinda Ibrahim d’Ici Beyrouth, site partenaire

Pour la 22e édition du Festival d’Abu Dhabi, au Red Theater de NYU Abu Dhabi, Katia et Marielle Labèque ont envoûté l’audience. Leur récital a tissé un dialogue saisissant entre Glass et Cocteau, avec Ravel comme pont musical. En ouverture, La belle et la bête de Glass déploie ses motifs hypnotiques sur deux pianos, suivie par Ma mère l’oye de Ravel dans sa version originale à quatre mains, parenthèse enchantée au cœur du programme. Après l’entracte, Les enfants terribles de Glass a refermé cette boucle sonore, fusionnant parfaitement ces univers artistiques en une expérience quasi cinématographique.

Dès les premières mesures de La belle et la bête, l’alchimie Labèque opère. Deux corps, quatre mains, une seule respiration. L’univers minimaliste de Glass, fait de motifs cristallins et de répétitions subtiles, épouse la ligne narrative du conte filmé. On entend le miroir, on ressent le jardin, on voit presque le pavillon et la métamorphose finale. Les pianistes offrent au public une sorte de cinéma sans écran, où la musique fait surgir les images mentales.

Avec Ma mère l’oye, elles font basculer la salle dans un autre rêve, plus délicat, plus enfantin. Du Petit poucet aux Entretiens de la belle et de la bête, chaque mouvement est peint avec une grâce limpide. Rien d’appuyé, rien de démonstratif. Ravel est ici joué dans toute sa poésie, avec cette pudeur qui sied à l’enfance et à la mémoire. Après l’entracte, Les enfants terribles s’ouvre sur une tension sourde. Ce dernier volet de la trilogie de Philip Glass inspirée de Cocteau met en musique la fusion destructrice entre Paul et Lise, deux adolescents enfermés dans leurs fantasmes. Les sœurs Labèque incarnent à travers leurs instruments la frontière trouble entre rêve et réalité. Le jeu devient théâtre, le théâtre devient vertige. Les thèmes s’emmêlent. Le monde se déforme comme un souvenir d’enfance mal refermé.

Une vitalité solaire

Mais ce qui rend leur concert inoubliable, au-delà de la performance musicale, c’est l’énergie lumineuse qu’elles dégagent. Katia et Marielle Labèque dansent avec leurs touches, elles vivent chaque mesure, elles insufflent à la scène une vitalité rare. Durant le concert, les règles de la salle sont scrupuleusement respectées. Aucune photo, aucun mouvement superflu, une atmosphère de recueillement presque sacré. Mais à l’issue du récital, le cocktail offert permet un renversement de ton, une ouverture joyeuse et spontanée. Là, les sœurs Labèque se révèlent proches, curieuses, généreuses. On apprend que l’une d’elles adore les chats – terrain d’entente inattendu pour bien des convives – et que les conversations bifurquent avec naturel vers le Liban, d’où nous venons – pour couvrir en particulier ce concert –, la musique, les hasards de la vie. En quelques échanges, le sérieux s’efface, l’humain reprend le dessus, et la musique se prolonge dans les voix, les sourires, les complicités nouvelles.

Un art de la suspension

En ouvrant et refermant la soirée par deux œuvres de Philip Glass inspirées de Jean Cocteau, les sœurs Labèque placent leur récital sous le signe du double et du miroir. À travers La belle et la bête et Les enfants terribles, elles explorent deux manières d’aimer: la beauté transformatrice et l’obsession ravageuse. Entre les deux, Ma mère l’oye agit comme une parenthèse enchantée, une respiration d’enfance. Le choix des œuvres porte également une réflexion discrète, mais puissante, sur le temps; temps du conte, temps suspendu de l’enfance, temps cyclique du souvenir. En cela, le concert rappelle – moins par filiation que par résonance – le film Prodigieuses, qui met en scène deux sœurs pianistes traversant les épreuves main dans la main, portées par une même passion. Comme dans le film, chez Katia et Marielle Labèque, la musique devient un langage intime, une force de lien et de résistance. On y retrouve cette complicité presque organique, ce dialogue sans mots entre deux artistes qui ne forment qu’un souffle. Et, comme dans Prodigieuses, le temps semble suspendu, transfiguré, tendu vers un présent d’intensité et d’absolu.

Ce qui reste après un concert des Labèque, ce n’est pas seulement la mémoire d’un son. C’est une forme de joie tenace. Le Festival d’Abu Dhabi, en leur offrant cette scène, a aussi offert à son public un miroir précieux: celui d’une beauté qui ne se donne pas en spectacle, mais en confidence. Katia et Marielle Labèque, par leur complicité, leur exigence, leur feu tranquille, ont prolongé le silence. Et dans ce silence, il y avait comme un vœu. Que la musique continue. Et que, peut-être, dans un futur proche, elles rejouent sur d’autres rives qu’elles aiment, celles du Liban, pays de miel, d’encens… et d’espérance

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L’écriture d’Aimé Césaire belle comme l’oxygène naissante https://mondafrique.com/international/leloge-daime-cesaire/ https://mondafrique.com/international/leloge-daime-cesaire/#respond Sun, 20 Apr 2025 18:18:03 +0000 https://mondafrique.com/?p=132145 Paris. Jeudi, 17 avril 2025. La Rhumerie. Boulevard Saint-Germain. Hommage à Aimé Césaire, organisé par la poétesse Suzanne Dracius et l’éditeur Jean-Benoît Desnel, avec la participation des comédiens Amadou Gaye et Greg Germain. Une chronique de Mustapha Saha La part d’Aimé Césaire est toujours prégnante. Il prend en charge, dès ses premiers écrits, la part […]

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Paris. Jeudi, 17 avril 2025. La Rhumerie. Boulevard Saint-Germain. Hommage à Aimé Césaire, organisé par la poétesse Suzanne Dracius et l’éditeur Jean-Benoît Desnel, avec la participation des comédiens Amadou Gaye et Greg Germain.

Une chronique de Mustapha Saha

La part d’Aimé Césaire est toujours prégnante. Il prend en charge, dès ses premiers écrits, la part refoulée des noirs caraïbéens à l’époque des luttes anticoloniales, au moment où la conscience aigüe de l’esclavagisme suscite des traumatismes mortifères. L’écriture est taillée dans la pierre, éruptive, volcanique, irrévocable. Le rythme est percussif, impulsif, collusif.  Se transgresse les conventions du langage. S’ouvre la sémantique sur l’imprévisible, l’imprédictible, l’insoupçonnable.

« L’écriture césairienne se savoure en poésie belle comme l’oxygène naissant 

André Breton

Suzanne Dracius lit un extrait du poème d’Aimé Césaire Le Verbe maronner. À René Depestre, poète Haïtien. Le texte d’origine, intitulé Réponse à René Depestre. Éléments d’un art poétique, est  publié dans la revue Présence Africaine dans le numéro d’avril-juillet 1955, dont Aimé Césaire est cofondateur.

« Fous-t-en Depestre fous-t-en laisse dire Aragon

Quittez Aragon bouler

La faiblesse de Depestre, dirais-je l’erreur, est d’avoir une vue a priori du problème 

Mais où est Depestre ?

Quel est cet éblouissement, quelle est cette contemplation extatique devant l’héritage prosodique français ? »

Paroles agissantes.

Les échauffourées rhétoriques galvanisent les luttes anticoloniales. Maronner, c’est pratiquer la spécificité nègre dans tous les domaines. Cette singularité passe par la poésie, qui installe l’intellectuel au cœur du monde et de lui-même. L’engagement politique n’altère pas la réflexion philosophique, l’invention littéraire, la subversion poétique. Le contraire d’un militantisme suiveur. Louis Aragon, particulièrement, attire les foudres d’Aimé Césaire. L’auteur de La Diane française, éditions Pierre Seghers, 1944, qualifie l’alexandrin de grand tracteur, de terrible maître du tambour. Il préconise le retour au sonnet. Il amalgame le mouvement révolutionnaire avec la Pléiade. Cf. Journal d’une poésie nationale, 1954. Aimé Césaire refuse l’instrumentalisation de la poésie à quelque fin que ce soit. Il récuse « le champ culturel structuré par la dégradation symbolique ». Il s’investit dans la décolonisation des formes et des contenus, la désaliénation de l’intellect, du percept, de l’affect. Il conseille à René Depestre un voyage « sans rimes, toute une saison, loin des mares ». Il l’exhorte à la rébellion prosodique, à la révolte contre les diktats de l’actualité parisienne. « Crois-m’en comme jadis bats-nous le bon tam-tam » (Aimé Césaire). La négritude est incessamment clamée comme indémontable matrice. « Ma négritude n’est pas une taie d’eau morte ruée contre la clameur du jour » (Cahier d’un retour au pays natal). Rejet des enrôlements, des enrégimentements, des encadrements. Impératif préalable, se dégager, de la bourbe, de la fange, de la bouillasse. Reprendre, en toute chose, l’initiative. Ainsi, Aimé Césaire s’institue comme le sémaphore de la métissité, de la créolité, de l’hybridité, de la forêt natale, du chant profond du jamais refermé.

 

Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, Aimé Césaire est célèbre. Son Discours sur le colonialisme, éditions Réclame, 1950, est un tournant historique, dans la lutte des damnés de la terre et dans la littérature. L’impérialisme occidental se dénonce comme mécanique de déculturation. L’argumentaire est marxiste. Le style est explosif. Le combat est intrinsèquement culturel. Dès 1945, le poète est maire de Fort-de-France,  jusqu’en 2001, et député de la Martinique, jusqu’en 1993. Il est membre du parti communiste dont il démissionne en 1956. Lettre à Maurice Thorez : « Ce n’est ni le marxisme, ni le communisme que je renie. Je dis qu’il n’y a pas de variante africaine, ou malgache, ou antillaise du communisme, parce que le communisme français trouve plus commode de nous imposer la sienne. L’anticolonialisme même des communistes français porte les stigmates de ce colonialisme qu’il combat ».

En Mai 68, j’applique, avec Omar Blondin Diop, ce même constat au gauchisme. Nous sommes alors, tous les deux, les exceptions africaines qui confirment la règle. « Tiraillé entre son appartenance au parti communiste et ses amitiés surréalistes, entre la liberté de création et le caporalisme partidaire, entre les cultures nègres et les assimilations européennes, Aimé Césaire n’a jamais réussi à concilier ses aspirations fondamentales » (David Alliot, Le Communisme est à l’ordre du jour. Aimé Césaire et le PCF, de l’engagement à la rupture, 1935 – 1956, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2013). Le poète détracte l’assimilationnisme des communistes, leur chauvinisme, leur suprémacisme.

Les Mots Nus

Je dis mon poème Les Mots nus, dédié à Aimé Césaire, lutinerie post-mortem en alexandrins.

« Que peuvent les mots nus quand sonnent les clairons

Quand s’éclipse la lune au rythme des alarmes

Quand s’endeuillent les clowns et les joyeux lurons

Quand s’abreuve l’amour aux collecteurs de larmes

Que peuvent les mots nus quand s’embrasent les tours

Quand voltigent les corps comme fétus de paille

Quand s’invite la bourse au festin des vautours

Quand s’unit la canaille aux funestes ripailles

Que peuvent les mots nus quand rodent les vampires

Quand traînent dans la boue les âmes sans ressort

Quand s’écroule d’un coup l’invulnérable empire

Quand s’arment les enfants pour conjurer le sort

Que peuvent les mots nus quand s’extirpent les lombes

Quand germe la guerre dans les mares d’or noir

Quand tombe au petit jour la dernière colombe

Quand spéculent sur l’art les affreux tamanoirs

Que peuvent les mots nus quand meurent les sirènes

Quand flambent les cités pour un bout d’oriflamme

Quand s’écrit la gloire dans le sang des arènes

Quand s’enfuient les serpents des ziggourats en flammes

Que peuvent les mots nus quand pleuvent les missiles

Quand s’ébattent les chiens dans les maisons sans porte

Quand crache la terre ses ténébreux fossiles

Que peuvent les mots nus que vent de sable emporte

(Mustapha Saha, Le Calligraphe des sables, éditions Orion, 2021).

« Bordélise ta poésie »

J’ai fréquenté Aimé Césaire pendant trente ans, de 1968 jusqu’à quelques mois avant sa mort en 2008. Il abhorrait la métrique classique. Je le taquinais avec mes octosyllabes, mes décasyllabes, mes alexandrins. Il faisait semblant d’être agacé. Un jour, il me dit : « Bordélise un peu ta poésie, elle sera plus vivante. Moi, je n’écris pas dans la mélodie. J’écris dans la discordance, dans la dissonance, dans la dissidence ».

La dernière fois que je vois Aimé Césaire, il a un verre de lunettes cassé. Je lui propose de contacter un opticien. Il me dit : « Pas la peine. Je n’en ai plus besoin ». J’esquisse au crayon son portrait. J’en tire plus tard une peinture sur toile. Cette image s’impose dans mon esprit chaque que je pense à lui.

 

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La Jordanie au bord du précipice: l’administration Trump piégée https://mondafrique.com/moyen-orient/la-jordanie-au-bord-du-precipice-ladministration-trump-piegee/ https://mondafrique.com/moyen-orient/la-jordanie-au-bord-du-precipice-ladministration-trump-piegee/#respond Sun, 20 Apr 2025 17:22:14 +0000 https://mondafrique.com/?p=130709 À la suite des crises régionales qui ne cessent de s’aggraver, la politique américaine sous l’administration Trump réélue risque de précipiter la Jordanie vers l’effondrement—une issue aux conséquences considérables pour la sécurité régionale et les intérêts stratégiques américains. Il ne s’agit pas d’une question d’intention, mais de manque d’attention. Le Moyen-Orient traverse des bouleversements profonds, […]

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À la suite des crises régionales qui ne cessent de s’aggraver, la politique américaine sous l’administration Trump réélue risque de précipiter la Jordanie vers l’effondrement—une issue aux conséquences considérables pour la sécurité régionale et les intérêts stratégiques américains. Il ne s’agit pas d’une question d’intention, mais de manque d’attention. Le Moyen-Orient traverse des bouleversements profonds, et la Jordanie—longtemps un bastion de modération et de stabilité—se retrouve désormais prise dans des courants qui échappent à son contrôle.

La vulnérabilité stratégique de la Jordanie provient non seulement des erreurs politiques américaines, mais aussi de la transformation radicale de la posture régionale d’Israël. En abandonnant son engagement de plusieurs décennies envers la formule « terre contre paix », Israël a adopté une approche plus agressive de « fragmentation et conquête », préférant l’instabilité à l’émergence de voisins arabes cohérents et autonomes. Ce changement, aggravé par la guerre à Gaza et la détérioration du Liban, a considérablement élevé les enjeux existentiels pour Amman.

Le plan proposé par Trump visant à déplacer plus de deux millions de Gazaouis vers les États arabes voisins—et à placer Gaza sous contrôle administratif direct des États-Unis—est non seulement irréalisable ; il ravive en Jordanie les anciennes craintes liées à l’« Option jordanienne », où le royaume deviendrait un État palestinien de substitution. Cette proposition a déclenché un rejet rapide et quasi unanime en Jordanie et chez ses alliés régionaux, notamment l’Égypte, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Diplomatiquement maladroite, elle sape profondément la souveraineté d’un partenaire crucial des États-Unis.

Simultanément, des fissures sont apparues dans les fondations de l’alliance américano-jordanienne. Les premières tentatives de Trump visant à démanteler l’USAID et à geler l’aide étrangère (à l’exception d’Israël et de l’Égypte) constituent une grave menace pour la stabilité jordanienne. Le royaume dépend largement de l’aide américaine pour la santé, l’éducation, la gestion des réfugiés, les infrastructures hydrauliques et d’autres fonctions critiques. Il ne s’agit pas de gestes symboliques, mais de véritables bouées de sauvetage pour une nation déjà sous pression.

La déstabilisation de la Jordanie par l’Iran

À l’extérieur, la Jordanie fait face à des menaces croissantes venant de l’Iran et de ses mandataires. À la suite de revers en Syrie et au Liban, l’Iran a adopté une tactique de déstabilisation par « brûlage contrôlé » visant à isoler les pays frontaliers d’Israël. Les opérations de contrebande d’armes et de drogue à travers les frontières poreuses de la Jordanie, le soutien aux réseaux militants, les accrochages émanant du Liban et les campagnes de cyberattaques et de désinformation de plus en plus sophistiquées ciblent directement les institutions jordaniennes et la monarchie. La menace des Kata’ib Hezbollah d’armer des milliers de Jordaniens démontre clairement que les efforts de déstabilisation iraniens s’étendent désormais au-delà du Liban et de la Syrie.

Cependant, le véritable dilemme géopolitique réside dans la collision structurelle entre la Turquie et Israël en Syrie. Avec le soutien du Qatar, la Turquie avait précédemment porté le projet Sharaa, imaginant un État syrien unifié sous une gouvernance douce des Frères musulmans, économiquement intégré au Liban, à la Jordanie et à l’Irak—une nouvelle zone économique régionale fondée sur des réformes post-autoritaires. Israël, avec un soutien croissant des Émirats arabes unis, voit cette vision avec méfiance, préférant une Syrie fragmentée afin de limiter les menaces potentielles à sa profondeur stratégique et à sa stabilité démographique.

Deux scénarios perdants

Après la chute de Bachar al-Assad en Syrie : les débuts d’une nouvelle ère de fragmentation ?

La Jordanie, malheureusement, est perdante dans les deux scénarios. Si la Turquie et le Qatar réussissent, la monarchie hachémite sera confrontée à des pressions idéologiques internes. À l’inverse, en cas d’échec du projet—un scénario de plus en plus probable—la Jordanie devra absorber les ondes de choc de la fragmentation et de l’instabilité, tout en subissant une pression croissante de la part d’ultranationalistes israéliens souhaitant un remodelage démographique à ses dépens.

La position de l’Arabie saoudite complique davantage la situation. Depuis la guerre de Gaza et la désintégration du Liban, Riyad a pris ses distances par rapport aux Accords d’Abraham et se montre de plus en plus méfiant à l’égard des manœuvres israéliennes. Ce recul affaiblit le réseau de soutien régional de la Jordanie et limite sa capacité à contrer les pressions venant de Tel-Aviv ou de Washington.

Sur le plan interne, les Jordaniens restent unanimement opposés à tout projet impliquant un déplacement des Palestiniens. La récente colère suscitée par la coopération jordanienne dans l’interception de missiles iraniens destinés à Israël témoigne d’un mécontentement public croissant. Sans correction de cap à Washington—caractérisée par la clarté, l’engagement et une empathie stratégique—la Jordanie risque de devenir le prochain nœud défaillant d’un ordre régional en rapide effondrement.

Ce n’est pas un appel à la confrontation mais à un réajustement. L’administration Trump a encore l’opportunité de réaligner sa stratégie. Rétablir l’aide, renforcer la résilience économique et institutionnelle de la Jordanie, et abandonner les dangereuses illusions de relocalisation constituent des premières étapes essentielles. Plus largement, Washington doit se réengager diplomatiquement—non seulement par la dissuasion, mais par une médiation active tenant compte des visions concurrentes pour un Levant d’après-guerre.

La Jordanie n’est pas simplement un allié américain ; elle est un test crucial de la viabilité de la présence et de l’influence américaine au Moyen-Orient. Affaiblir la Jordanie—par négligence ou erreur de calcul—constituerait une perte profonde non seulement pour la Jordanie, mais pour toute vision d’un avenir régional stable et pluraliste.

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Salah Goujil (94 ans), un dinosaure algérien, s’accroche à la Présidence du Sénat https://mondafrique.com/a-la-une/salah-goujil-94-ans-ce-dinosaure-algerien-qui-saccroche-a-la-presidence-du-senat/ https://mondafrique.com/a-la-une/salah-goujil-94-ans-ce-dinosaure-algerien-qui-saccroche-a-la-presidence-du-senat/#respond Sun, 20 Apr 2025 08:00:35 +0000 https://mondafrique.com/?p=132122 Après avoir fêté ses 94 ans en janvier passé, le président du sénat algérien, Salah Goujil, compte se maintenir  à la présidence du conseil de la nation, l’équivalent du Sénat en Algérie, sans respecter la loi fondamentale constitutionnelle. En dépit de l’expiration de son mandat en février dernier, Salah Goujil demande au président de la République […]

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Après avoir fêté ses 94 ans en janvier passé, le président du sénat algérien, Salah Goujil, compte se maintenir  à la présidence du conseil de la nation, l’équivalent du Sénat en Algérie, sans respecter la loi fondamentale constitutionnelle. En dépit de l’expiration de son mandat en février dernier, Salah Goujil demande au président de la République algérienne un renouvellement de son mandat. Histoire de devenir centenaire dans ses fonctions actuelles et d’inscrire ainsi son nom dans le Guinness World record.
À moins d’assurer pendant 90 jours l’intérim du chef de l’état soudain empêché en raison de son état de santé ou après une démission brutale. 

La chambre haute est un levier important dans l’architecture législative. Aucun projet de loi énoncé par le parlement ne peut passer sans son aval. Le tiers de ses membres nommés par la Présidence fait la pluie et le beau temps comme si leur role n’était pas d’amender les projets législatifs mais de bloquer tout initiative contrevenante à la politique du président.

Il n’est pas innocent de constater que le président du sénat fasse une requête au chef de l’État pour un prolongement de son mandat et non pas aux membres de sa chambre. Une situation est ubuesque dans un pays qui regorge d’une jeunesse dynamique, qui a montré son civisme et un niveau de conscience politique lors du Hirak, pour finalement assister avec une passivité déconcertante à un scénario de voir transformer le sénat à un club de Gérontocrate.

Le président du Sénat n’est pas le seul exemple de cete gérontocratie qui accapare le pouvoir. L’ancien Wali de Mostaghanem en 1963, puis ministre de l’intérieur de Bouteflika en 2010, Dahou Ouled Kablia a été lui aussi nommé par le tiers présidentiel en 2022. L’ambition de l’ancien membre du MALG, n’a pas de limite, il est nommé, en octobre 2024, président de la commission chargée de la révision des lois relatives à la commune et à la wilaya (département).

L’homme qui a fait presque tout son parcours au sein des collectivités territoriales vient finaliser en apothéose sa carrière par un dernier coup verrouillage administratif présenté comme une réforme. Avant Goujil et Ouled Kablia, il y avait Mohammed Cherif Messaadia, ancien patron de du parti unique le FLN au temps de Chadli, qui a été rappelé par Bouteflika au conseil de la nation pour y mourir quelque temps après.

Nombreux sont les exemples, mais ce qui se tient comme constante, c’est la culture politique de compter que sur l’entre soi, les anciens du même clan. Cette pratique, illustrée par les hommes du pouvoir, est un frein au renouvellement des élites politiques. Elle génère au sein de la jeunesse, une frustration qui ne trouve d’espoir que de traverser la méditerranée. La migration devient ainsi le seul échappatoire pour vie meilleure.

Les complots des colonels

On dit que le passé est souvent un écho du présent. Le président de l’actuel sénat algérien (conseil de la nation) est un contemporain de la guerre de libération. Son nom est évoqué dans l’affaire dite du « complot des colonels ». Son rôle et son degré d’implication n’a jamais été définie. Il n’en demeure pas moins que le groupe dont il faisait parti a payé le prix fort de l’exécution.

En effet, l’affaire a coulé beaucoup d’encre que les historiens n’ont pas encore cerné les contours d’un « dit complot » qui demeure encore non clarifiée. Le CCE (Comité de coordination et d’exécution dirigé par le trio Krim Belkacem, Bentobal, Boussouf) a chargé un jeune Colonel, dénommé Mohammed Boukharouba alias Houari Boumédienne futur chef de l’État à l’indépendance, de régler la crise survenue à Tunis durant la fin de l’année 1957 après la liquidation de Abbas Laghrour et ses hommes ainsi celle de Abane Ramdane.

Pour faire court, le président du tribunal Le colonel Boumedienne condamna à mort les quatre colonels impliqués dans le pseudo complot. Il s’agit des colonels Laâmouri mohamed, Ahmed Nouaoura, Aouachria, et Moustapha Lakhal qui furent liquidés par un Daf (déserteur de l’armée française) homme de main du colonel Boumedienne. Or, lors de ce procès stalinien, des hommes ont été épargnés, comme Abdellah Belhouchet, Cherif Messadia, et Salah Goujil.

Les trois hommes ont eu un rôle dans le futur État indépendant sous la présidence de Chadli Bendjedid. Abdellah Belhouchet devenu chef d’état major de l’armée, Cherif Messadia patron du parti unique le FLN, et enfin Salah Goujil ministre des transports. On peut faire du passé une gloire comme on peut remonter de ce même passé des cadavres encombrants.

Ce court rappel d’histoire explique bien que le fonctionnement des appareils de l’État et du rôle des hommes, qui en dépit de leur âge avancé, se maintiennent et en maintenant au même titre un système en léthargie. Le refus des réformes structurelles des appareils de l’État, comme l’ajournement du passage du flambeau de la relève à une jeunesse avide de prendre son destin en main, projette le pays dans un futur incertain,

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Kehinde Wiley à Rabat des portraits monumentaux de chefs d’État  https://mondafrique.com/loisirs-culture/kehinde-wiley-a-rabat-des-portraits-monumentaux-de-chefs-detat/ https://mondafrique.com/loisirs-culture/kehinde-wiley-a-rabat-des-portraits-monumentaux-de-chefs-detat/#respond Sun, 20 Apr 2025 07:35:37 +0000 https://mondafrique.com/?p=132110 Cet ’extraordinaire transgresseur des règles du monde de l’art, se saisit de la portraiture classique à l’ancienne et lui donnee une transformation ultra-moderne super cool.

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Jusqu’à fin avril, le Musée Mohammed VI à Rabat accueille « A Maze of Power », une exposition magistrale de Kehinde Wiley. Cet ’extraordinaire transgresseur des règles du monde de l’art, se saisit de la portraiture classique à l’ancienne et lui donnee une transformation ultra-moderne super cool. Nous parlons de portraits énormes, audacieux et percutants comme ceux de chefs d’État africains qui interrogent, détournent et réinventent les codes de la représentation politique.

Au cœur du Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain, à Rabat, les murs semblent vibrer sous le poids d’une présence singulière : celle des chefs d’État africains, figés dans une majesté troublante, regard fixe, port altier, costumes taillés sur mesure, trônant au sein de compositions baroques éclatantes. L’exposition « A Maze of Power » de Kehinde Wiley, en cours jusqu’à la fin avril 2025, offre bien plus qu’un face-à-face avec le pouvoir. Elle met en scène une galerie d’images où se croisent histoire coloniale, iconographie royale européenne et identité africaine contemporaine, dans un ballet visuel aussi somptueux qu’inconfortable.

Kehinde Wiley, artiste américain de renom international, est surtout connu pour avoir réalisé le portrait officiel de Barack Obama en 2018. Mais son œuvre va bien au-delà. Depuis plus de vingt ans, il interroge les formes de représentation du pouvoir, en particulier celles qui ont longtemps exclu les corps noirs des récits dominants. Son geste artistique, profondément politique, consiste à réinvestir les codes visuels de la peinture occidentale — portraits d’apparat, décors floraux, poses théâtrales, drapés opulents — pour y inscrire des figures noires, anonymes ou célèbres, qui revendiquent une place dans l’histoire de l’art et dans l’imaginaire collectif.

Avec « A Maze of Power », Wiley pousse encore plus loin cette entreprise de renversement symbolique. Il y présente une série inédite de portraits de dirigeants africains contemporains, réalisés au terme d’un long travail de recherche, de rencontres et de mises en scène. Chaque chef d’État a été invité à choisir sa posture, son cadre, sa symbolique. Le résultat : des images à la fois grandioses et ambiguës, qui interrogent notre rapport au pouvoir, à la représentation, à la masculinité et à l’autorité. Car si les portraits impressionnent par leur facture et leur éclat, ils dérangent aussi par ce qu’ils révèlent – ou dissimulent.

La transfression du pouvoir

À Rabat, ces toiles monumentales prennent une résonance particulière. Dans une institution dédiée à l’art moderne et contemporain du Maroc, elles viennent perturber le regard, poser des questions sans réponses faciles. Qui décide de ce qu’est un « bon » portrait politique ? Que signifie représenter le pouvoir aujourd’hui, dans un monde saturé d’images mais avide de symboles ? Quelle est la place de l’Afrique dans l’imaginaire global du pouvoir ? Wiley ne propose pas de verdict, mais tend un miroir, déformant parfois, révélateur toujours.

L’exposition frappe également par son ambition esthétique. Chaque toile déborde de détails minutieux, de couleurs vives, de motifs ornementaux inspirés aussi bien de la peinture flamande que de l’art décoratif islamique. Les arrière-plans se détachent parfois du réalisme pour entrer dans une abstraction luxuriante, qui vient encadrer – ou engloutir – les figures représentées. Le contraste entre la solennité des poses et la profusion visuelle crée une tension permanente, un vertige presque baroque, fidèle à l’univers de Wiley.

L’exposition est traversée par une question plus vaste : celle de l’image et de son pouvoir. En redonnant aux chefs d’État africains ou autres, comme le portrait de Napoléon ci dessus,les outils de leur propre représentation, Wiley brouille les pistes. Sont-ils mis en scène ou maîtres de leur image ? Sont-ils sujets ou objets d’un regard critique ? L’artiste joue avec cette ambiguïté, s’en nourrit, l’exacerbe. Et le spectateur, lui, oscille entre fascination et méfiance.

Jusqu’à la fin du mois, « A Maze of Power » offre ainsi aux visiteurs une expérience à la fois esthétique, historique et politique. Une plongée dans un labyrinthe d’images, de symboles et de récits où rien n’est figé, où tout se joue dans l’ambivalence.

Ces présidents africains qui se font tirer le portrait

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Le cacao célébré à Pâques doit être produit autrement https://mondafrique.com/a-la-une/le-cacao-celebre-a-paques-doit-etre-produit-autrement/ https://mondafrique.com/a-la-une/le-cacao-celebre-a-paques-doit-etre-produit-autrement/#respond Sun, 20 Apr 2025 07:21:52 +0000 https://mondafrique.com/?p=132104 Culture millénaire issue d’Amérique, la culture du cacao s’est déplacée et intensifiée sous la pression des dynamiques coloniales. Des modes de cultures qui doivent aujourd’hui être remis en cause. Christian Cilas Chercheur en biostatistique, correspondant de la filière cacao au Cirad, Cirad Riche et complexe, l’histoire du cacaoyer remonte à environ 3500 av. J.-C. Les Olmèques, l’une […]

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Culture millénaire issue d’Amérique, la culture du cacao s’est déplacée et intensifiée sous la pression des dynamiques coloniales. Des modes de cultures qui doivent aujourd’hui être remis en cause.

Chercheur en biostatistique, correspondant de la filière cacao au Cirad, Cirad


Riche et complexe, l’histoire du cacaoyer remonte à environ 3500 av. J.-C. Les Olmèques, l’une des premières civilisations mésoaméricaines, sont souvent considérés comme les premiers à l’avoir cultivé. Ils utilisaient les fèves pour préparer une boisson amère, qui était fréquemment agrémentée d’épices et de piments. Des recherches encore plus récentes indiquent que le recours aux fèves de cacao existait déjà dans la haute Amazonie (actuellement l’Équateur et le Pérou) aux alentours de 5000 av. J.-C..

 

Les premières plantations organisées, néanmoins, semblent avoir été réalisées dans la région de Soconusco par les Aztèques et les Mayas, parfois avec des systèmes de drainage et d’irrigation.

Le cacao tenait chez les Mayas une place centrale : ils y voyaient un don des dieux et s’en servaient dans des cérémonies religieuses, souvent mélangé avec de l’eau, du miel et des épices pour créer une boisson festive, appelée « xocolatl ». Les fèves de cacao étaient également utilisées comme monnaie, ce qui témoigne de leur valeur économique. Les Aztèques, qui ont succédé aux Mayas, bien que les deux civilisations aient coexisté pendant plusieurs siècles, ont continué cette tradition.

Lorsque les Espagnols ont découvert l’Amérique centrale et le Mexique (1504-1525), le cacao y était donc déjà produit, commercialisé et consommé depuis plusieurs centaines d’années.



 

 

 

 

 

 

L’essor du chocolat en Europe

Mais leur arrivée marque un tournant pour le cacao. Hernán Cortés, après avoir conquis l’Empire aztèque, rapporte les fèves en Espagne. Au début, la boisson est peu appréciée desEuropéens en raison de son goût amer. L’ajout de sucre, de vanille et d’autres épices rend rapidement j

Au fur et à mesure que la demande pour le précieux mets augmente en Europe, les Espagnols commencent à établir des plantations de cacao dans leurs colonies, en particulier dans les Caraïbes et en Amérique du Sud. Cela conduit à une exploitation accrue des populations indigènes et, plus tard, à celle d’esclaves africains pour travailler dans les plantations.

Après le développement des plantations en Amérique du Sud, notamment en Colombie, en Équateur et au Venezuela vers la fin du XVIe et du XVIIe siècle, d’autres sont également établies en Asie du Sud-Est.

À partir du XIXe siècle, dans un contexte de colonisation et d’essor du commerce transatlantique, le cacaoyer est massivement exporté vers d’autres continents : l’Asie et l’Afrique principalement, où le climat tropical était favorable

La Carte présentant les introductions, au cours de l’histoire, de cacaoyers dans le monde.

 

Le cacao, qui revêtait une signification culturelle et religieuse profonde pour les civilisations précolombiennes, devient ainsi un produit de luxe en Europe, marquant le début de sa transformation en chocolat tel que nous le connaissons avec la démocratisation de sa consommation.

Le cacao est aujourd’hui cultivé dans la plupart des pays tropicaux humides. Depuis la moitié du XXe siècle, la première zone de production est l’Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire et le Ghana sont respectivement les premier et deuxième pays producteurs en volume.

De l’Amérique tropicale à l’Afrique et l’Asie

L’Amérique a ainsi été détrônée de sa place de premier continent producteur de cacao, tandis qu’en miroir, l’Afrique a perdu son ascendant sur la production de café, au profit de l’Amérique latine – et principalement du Brésil, aujourd’hui premier pays producteur. Un autre exemple est l’hévéa : cultivé pour la production de caoutchouc naturel, il l’est essentiellement en Asie, alors que cet arbre est originaire de la forêt amazonienne comme le cacaoyer.

Ces grandes cultures se sont donc croisées sous l’impulsion des colonisateurs, et ont prospéré dans ces nouveaux territoires en raison de conditions environnementales parfois plus favorables que les conditions environnementales des zones d’origine.

 
Balais de sorcière, Colombie, 2017. Christian CilasFourni par l’auteur

Si des raisons historiques de colonisation des zones tropicales permettent en partie de comprendre ces changements géographiques, les maladies peuvent aussi expliquer ces modifications, et surtout l’extension des cultures dans les zones allogènes. La culture de l’hévéa est très difficile sur le continent américain en raison de la présence d’un champignon ascomycète : Pseudocercospora ulei, agent pathogène d’une maladie provoquant la mort des arbres ; les hévéas cultivés en dehors du continent américain en sont indemnes.

 
Moniliose, Colombie, 2017. Christian CilasFourni par l’auteur
 
Symptômes de Swollen Shoot, en Côte d’Ivoire, 2016. Christian CilasFourni par l’auteur

En ce qui concerne le cacaoyer, deux maladies graves sont présentes sur le continent américain : la moniliose (due à Moniliophthora roreri) et le balai de sorcière (dû à Moniliophthora perniciosa). L’introduction de la culture du cacaoyer sur de nouveaux continents n’a heureusement pas été accompagnée des pathologies associées dans les zones d’origine.

Cependant, les conditions de culture en plein soleil qui se sont développées dans de nombreux pays semblent avoir favorisé l’émergence de nouvelles pathologies, comme le Swollen Shoot en Afrique de l’Ouest, qui provient d’autres espèces végétales à la suite d’un saut d’hôtes du virus responsable.

Vers des modèles de culture intensifs

Après des modèles extensifs pratiqués par les populations amérindiennes, la culture du cacaoyer s’est progressivement intensifiée avec des densités plus importantes et des cultures en plein soleil, facilitant d’ailleurs de plus fortes épidémies de moniliose ou de balai de sorcière dans les zones d’origine.

Ces cultures intensives ont requis l’utilisation de nombreux intrants, notamment fertilisants et pesticides, qui présentent beaucoup d’inconvénients : ces systèmes de culture ne sont pas durables, avec une sénescence (vieillisement, ndlr) rapide des arbres. Les intrants chimiques constituent des menaces pour l’environnement, les agricultures et les consommateurs, avec en particulier des résidus de pesticides dans les fèves de cacao et dans les sols.

Aujourd’hui, des agro-éco-systèmes commencent à se développer, avec des plantations de cacaoyers conduites sous ombrage, exigeant moins d’intrants, voire pas d’intrants chimiques du tout. Ces systèmes agroforestiers sont plus ou moins performants en fonction des espèces végétales associées, des maladies et ravageurs présents et des conditions édapho-climatiques (interactions du sol et des conditions climatiques dans un environnement donné, ndlr). Leur adaptation à chaque contexte est donc nécessaire, en anticipant également les évolutions climatiques prévues.

Face aux enjeux climatiques, l’urgence de s’adapter

La géographie de la production du cacao a donc été façonnée par les colonisations, les migrations et les conditions environnementales, notamment sanitaires.

Que sera la géographie de la production de demain ? Et quels seront les systèmes de culture majoritaires ?

Le réchauffement climatique entraînera très certainement de profondes modifications des aires de culture. Les transformations des régimes de pluies liées à ce changement climatique provoqueront un déplacement des zones de culture vers de nouvelles zones. Des systèmes plus résilients, capables d’amortir les variations du climat, devront être mis au point.

Les agriculteurs doivent déjà s’adapter à des calendriers agricoles qui ne se répètent plus d’une année à la suivante. Ces changements climatiques, accompagnés de mouvements des biens et des personnes de plus en plus importants, peuvent aussi engendrer une accélération des émergences de maladies et de ravageurs qu’il faudra donc contrôler.

Des systèmes à réinventer

L’histoire de la cacaoculture doit nous inciter à anticiper les risques liés au changement climatique et à la dispersion des bioagresseurs. Par exemple par la sélection préventive de matériel végétal résistant à des maladies encore absentes de certaines régions et moins sensible aux variations climatiques, ou par le développement de systèmes de culture plus résilients.

Il s’agit d’éviter l’ancien modèle des « fronts pionniers », dans lequel les nouvelles plantations cacaoyères étaient établies dans des zones forestières défrichées. Il est impératif de préserver les zones de forêt tropicale qui ont échappé à la déforestation : l’Europe, consciente des répercussions désastreuses de cette dernière, a d’ailleurs mis en place une réglementation contre la déforestation importée qui concerne, entre autres, le cacao.

Préparer l’avenir de la cacaoculture implique également de proposer d’autres systèmes agroforestiers innovants, dotés de matériel végétal adapté à chaque zone de culture.

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