Selon le magazine « Challenge » diffusé à Paris, une vingtaine d’anciens ambassadeurs français ont choisi de se reconvertir dans le conseil aux entreprises… Au risque de perdre leur âme. Un article de Rabie Lahbibi
Classiquement, les diplomates français, qui quittent le Quai d’Orsay, se reconvertissent dans des grands groupes français . Ainsi, Marion Pradas, ex-ambassadrice de Slovénie, a quitté son poste pour devenir vice-présidente de Thales. George Serre, lui, est rentré de Côte d’Ivoire pour rejoindre le géant du transport maritime CMA-CGM. Bruno Delay, ambassadeur à Madid et à Brasilia, enfin a choisi de travailler avec l’une des plus grandes entreprises françaises d’intelligence économique, l’ “ADIT” qui fut créée par le gouvernement de Michel Roccard..
Mais cette pratique, qui permet à l’industrie française de profiter de l’expertise des anciens hauts fonctionnaires est loin désormais d’être la norme. On trouve désormais d’anciens ambassadeurs qui choisissent de travailler pour des intérêts américains. David Herrera et Jean-David Levitte, respectivement ex-ambassadeurs à Londres et ex -ambassadeurs aux États-Unis, ont vendu leur expertise outre Atlantique. Le premier a été embauché par la firme “Blackstone”, le deuxième par le cabinet “Rock creek”. Autant de reconversions, selon la déclaration d’un diplomate à « Challenge », “font grincer les dents au Quai d’Orsay”.
Des réseaux étatiques détournés
Plus grave, beaucoup d’ambassadeurs, une fois quitté le Quai d’Orsay, continuent à travailler dans la sphère géographique où ils ont sévi comme représentants de l’Etat . En clair, ils utilisent leur carnet d’adresse obtenu comme fonctionnaires pour des ontérèts privés.
Dans d’autres administrations, comme à Bercy, on a créé des comités anti-pantouflages pour empêcher les hauts fonctionnaires de rejoindre des groupes qu’ils ont contrôlés. Apparemment le Quai d’Orsay ne prend pas de telles précautions. Ainsi Jean de Gliniasty, ex-ambassadeurs à Moscou, s’emploie, à travers sa société de conseil “CAC 40”, de créer des liens entre les entreprises françaises et l’entourage de Vladimir Poutine. Jean-Marc Simon, lui, a monté sa PME,”Eurafrique Stratégies”, juste après son départ d’Abidjan. Idem pour Bertrand Besancenot, ex-ambassadeur en Arabie Saoudite et au Qatar où il a laissé le souvenir d’un diplomate très conciliant, avec les monarchies pétrolières, crée sa société de conseil pour utiliser le réseau qu’il a construit dans le Golfe.
Trois millions de chiffre d’affaires
Le passage au privé rapporte gros pour les ancien ambassadeurs. Ainsi Bruno Delay réalise un chiffre d’affaires de trois millions d’euros. Toujours selon « Challenge », Jean de Gliniasty obtient 106 000 euros de commandes. Jean- Marc Simon et sa société de conseil “ Eurafrique stratégies” réalisent un budget de 572 000 euros. Quant à l’ex-ambassadeur aux Emirats Arabes Unis, Alain Azouaze, il réalise un chiffre d’affaires de 1.73 millions d’euros
« La diplomatie économique » préconisée par Laurent Fabius quand il était ministre des Affaires Etrangères sous Hollande, a permis apparemment à de nombreux diplomates de prendre gout au business….pour eux mêmes.