« Panama papers » : le « Monsieur fric » de Bouteflika mis en cause

Eclaboussé par le scandale des « Panama papers », le ministre de l’industrie Abdeslam Bouchouareb, intermédiaire clé du clan présidentiel auprès des milieux d’affaires européens peut compter sur la défense de ses amis français. 

Un homme. Un nom. Un scandale. Abdeslam Bouchouareb, le ministre algérien de l’Industrie et des Mines, est au cœur d’une véritable tempête médiatico-politique. Les révélations du scandale «Panama Papers» ont porté un véritable coup à l’image déjà très sulfureuse de ce ministre très proche des milieux «affairistes» les plus controversés en Algérie.

Une société offshore basée à Panama, un compte bancaire dans une banque à Genève. Un autre au Luxembourg. Un patrimoine financier géré de manière occulte par un cabinet luxembourgeois. Un conseiller français condamné pour escroquerie. Les griefs retenus contre Bouchouareb le discréditent très durement.

Pas de chance, ce scandale intervient au moment où le ministre mène une véritable bataille politique dans l’espoir de détrôner Abdelmalek Sellal à la tête du gouvernement algérien.

Les « Panama papers » déstabilisent Bouchouareb. Ses adversaires se frottent les mains. Mais ses alliés sont encore nombreux et les réseaux d’affaires «Françalgériens » se mobilisent d’ores et déjà pour sauver ce soldat encore incontournable sur l’échiquier politique. Mais pourquoi ?

L’homme de main du clan Bouteflika

D’abord, Abdeslam Bouchouareb est encore très utile au clan Bouteflika qui lui assigne de nombreuses tâches. Une anecdote est particulièrement éclairante : lors de la campagne électorale pour le 4e mandat d’Abdelaziz Bouteflika en avril 2014, Abdesslam Bouchouareb dirige la très stratégique cellule de communication comme lors de l’élection de 2009. Une grève soudaine éclate à la télévision Wiam TV, un outil de propagande créé spécialement à l’occasion de la campagne et à laquelle tous les bailleurs de fonds, proche du président ont accordé de  généreux chèques.

Les techniciens de cette télévision protestent contre le non-paiement de leurs salaires promis par la cellule de communication du candidat Bouteflika. Son frère, Saïd Bouteflika débarque au siège de la chaîne à Hydra. En colère, il monte brusquement jusqu’au bureau de Bouchouareb et le tance sévèrement : «Je veux que tu règles ce problème maintenant et sans le moindre bruit» !

Bouchouareb s’exécute. Le problème est réglé et un dérapage qui aurait pu enrayer la machine de propagande des Bouteflika est évité. Critiqué, quelques fois insulté, Bouchouareb est toujours applaudi pour son efficacité. Il s’est imposé comme l’homme des sales besognes au service du clan présidentiel.

Autre anecdote. Au printemps 2015, une délégation du Forum des Chefs d’entreprises (FCE), le puissant patronat algérien dirigé par Ali Haddad, est en visite en Italie. Ali Haddad et son lieutenant se rassemblent autour d’une table qui accueille de nombreux acteurs économiques italiens. Bouchouareb jouera le rôle d’intermédiaire privilégié entre Ali Haddad et plusieurs hommes d’affaires italiens. Le ministre murmure à l’oreille d’Ali Haddad ce que les italiens veulent lui proposer. En matière d’affaires et de business, Bouchouareb a toujours été l’homme de main du clan présidentiel et de ses bailleurs de fonds.

L’ami des milieux d’affaires français

Enfin, son réseau de connaissances en France a contribué à renforcer sa légitimité en Algérie. Sa réussite économique – il a notamment constitué une véritable fortune à travers le développement d’un prospère entreprise d’agroalimentaire – consolide sa rôle de « Monsieur fric » du clan.

Sur les dossiers Peugeot, il a joué un rôle crucial pour convaincre le constructeur français de miser sur l’Algérie. Avec Alstom qui monte des autorails et des rames de tramways en Algérie, il est aussi l’un des plus influents négociateurs. Une influence qui a laissé des traces indélébiles lors de la préparation de La Loi de Finances de 2016 où plusieurs de ses idées et propositions ont été transformées en un article de lois. Au moindre souci, Lafarge, BNP ou Total font appel à lui.

Proche d’Ahmed Gaid Salah et de plusieurs hauts gradés de l’armée originaires de l’est du pays, tout comme lui et son frère qui fut un ancien haut gradé de l’armée algérienne et attaché militaire en France, il est la passerelle qui relie les Bouteflika à l’establishment militaire.

Longtemps exilé en France où il réside encore et possède de nombreux biens immobiliers, notamment à Paris, il est le meilleur conseiller de ces caciques du régime qui veulent convertir leur fortune en actifs financiers en France. C’est pour toutes ces raisons que dans les salons des grands hôtels algérois fréquentés par les membres de la chambre de commerce algéro-française, des clubs d’affaires et cercles de business algéro-français, Abdeslam Bouchouareb trouve de nombreux défenseurs.

Ces alliés s’activent pour le défendre. Et c’est, d’ailleurs, l’un de ses proches qui prend l’initiative de demander à la société Luxembourgeoise CEC d’adresser un communiqué à l’APS, l’agence de presse officielle algérienne, pour le dédouaner de toutes manœuvres illicites. Et même si son pire ennemi, le Premier ministre Abdelmalek Sellal tente de saisir cette opportunité pour le dégommer, au Palais d’El-Mouradia, on calme ses ardeurs. Les Bouteflika ont toujours besoin de leur homme de main. Il faudra que la tempête soit beaucoup plus violente que ça pour que Bouchouareb soit lâché.