Le Moyen Orient pourrait bien provoquer l’étonnement au Forum économique mondial qui a lieu cette semaine à Davos, en Suisse, sur le thème de la « Coopération dans un monde fragmenté ». Depuis la signature des Accords d’Abraham entre Israël et un certain nombre de pays musulmans, des avancées diplomatique et économique ont été réalisés.
En décembre 2020, deux mois après la signature des Accords d’Abraham, la société israélienne Watergen, spécialisée dans l’extraction d’eau à partir de l’air, a signé un accord de partenariat avec la multinationale Al Dahra basée à Abu Dhabi. Les dispositifs de production d’eau douce Watergen se sont depuis, multipliés aux Émirats arabes unis. L’accord était remarquable à la fois pour son minutage et les parties impliquées.
Depuis, Watergen a signé une demi-douzaine d’autres accords similaires, y compris un plan pour produire de l’hydrogène au Maroc et un accord soutenu par les États-Unis et financé par les Émirats pour que la Jordanie vende de l’électricité solaire à Israël en échange d’eau douce.
Ces pays devraient se rendre en nombre record à Davos, dont les discussions sont considérées comme un tremplin pour le sommet COP28 de l’année prochaine qui se tiendra à Dubaï. Les Émirats ont également récemment signé un accord unique en son genre pour acquérir des systèmes de défense aérienne fabriqués en Israël. Et un partenariat de coopération universitaire a été signé entre l’Université israélienne de Haïfa et l’Université Zayed des Émirats pour une recherche conjointe sur les questions environnementales.
Le tourisme aurait dû être une conséquence positive des Accords d’Abraham, mais ce sont les Israéliens qui se sont montrés le plus empressés à visiter leurs nouveaux « amis » du Golfe. Au cours des deux dernières années, 500 000 Israéliens ont visité les Émirats, mais l’enthousiasme à visiter Israël a été beaucoup plus mitigé côté pays du Golfe.
Les Pays du Golfe découvrent avec étonnement des décennies de recherche, de technologie environnementales israéliennes qu’ils peuvent s’offrir grâce aux pétrodollars. En 2021, un accord trilatéral « énergie contre eau » a été signé entre Israël, la Jordanie et les Émirats arabes unis. Dans le cadre de ce plan – qui a été réalisé avec l’aide du Département d’État américain – la société d’énergie renouvelable Masdar, soutenue par les Emirats, construira une importante centrale solaire en Jordanie qui produira de l’électricité laquelle sera revendue à Israël.
Dans le même temps, Israël vendra de l’eau douce issue de ses usines de dessalement à la Jordanie, dont la pénurie d’eau est aggravée par le changement climatique et la croissance démographique. Comme aux Émirats, le dessalement est énergivore, mais importer de l’eau dessalée d’Israël est beaucoup moins cher et moins exigeant pour l’environnement pour la Jordanie, un pays plus pauvre qui manque d’installations de dessalement à grande échelle.
Bien que la Jordanie et Israël aient établi des relations diplomatiques en 1994, leurs relations – tout comme celles d’Israël avec l’Égypte depuis les accords de paix de 1979 – se sont détériorées. L’impasse persistante sur la question palestinienne, en particulier a entravé la coopération et les accords bi ou multilatéraux.
Daniel Weiner, vice-président des affaires mondiales à l’Université du Connecticut et fondateur des programmes de collaboration consécutifs aux Accords d’Abraham estime que « les Émirats arabes peuvent jouer un rôle d’intermédiaire clé et rendre moins difficile les projets de coopération entre la Jordanie et Israël ». Toujours dans la dynamique des Accords d’Abraham, un accord important a été signé en novembre dernier, entre la société israélienne de production d’hydrogène H2Pro et Gaia Energy au Maroc. H2Pro prévoit de construire une installation de production d’hydrogène vert alimentée par le vent et la lumière abondante du Maroc. L’hydrogène sera exporté vers l’Europe pour un usage industriel.
H2Pro et le Maroc construiront d’abord une installation d’essai de taille modeste au Maroc, mais augmenteront les capacités de production au fur et à mesure que marché de l’hydrogène vert augmentera en Europe. Une récente enquête McKinsey affirme que la demande mondiale sera multipliée par plus de sept d’ici 2050.
Pour H2Pro et d’autres entreprises israéliennes, les accords peuvent ouvrir des marchés non seulement dans la région, mais aussi en Asie, en Inde, en Chine et au-delà.
Les Accords d’Abraham ont permis à des pays et des entreprises qui étaient ennemis hier, de coopérer et surtout de le faire sans se cacher. Mais les accords ne pourront se multiplier et devenir la norme que si la question palestinienne sort de la conflictualité. Et cela ne dépend pas seulement d’Israël.
Caroline Bright