La Chine désinvestit en Afrique pour investir d’avantage au Moyen-Orient, et tout particulièrement dans le Golfe.
La visite groupée à Pékin, milieu janvier, des ministres des affaires étrangères d’Arabie Saoudite, du Koweit, d’Oman, de Bahrein, ainsi que du secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (GCC) , Nayef al-Hajraf, illustre clairement l’accent mis par les stratèges pékinois sur leurs relations avec les pays de la région. Sans compter que les ministres des affaires étrangères turcs et iraniens étaient eux aussi de la partie.
Cette visite s’aligne parfaitement dans la stratégie de Pékin, qui, depuis plusieurs années déjà, se rapproche du Moyen-Orient, région qui pèse pour près de la moitié des importations pétrolières chinoises.
L’importance que revêt aux yeux des Chinois le Moyen-Orient – et singulièrement les pays du Golfe- n’est pas nouvelle : cela fait vingt ans que Pékin a ces derniers dans le collimateur de sa stratégie d’investissement global. Quant au Moyen-Orient, il lorgne de plus en plus sur la Chine pour assurer la poursuite de son développement économique. Mais tout en continuant de compter sur les Etats-Unis et d’autres puissances occidentales pour garantir sa sécurité et sa défense.
Ballet diplomatique
Le ballet diplomatique inédit de janvier s’inscrit dans ce cadre. Et dans le contexte d’une baisse de l’attraction représenté par l’Afrique. À la fin de l’année 2021, l’annonce par la Chine d’une baisse des prêts accordés aux pays africains – passés de 60 à 40 milliards de dollars-, a fait hausser le sourcil des experts. La question du redéploiement du budget consacré par Pékin au financement d’infrastructures prévues par l’ambitieux projet des « Nouvelles route de la soie » du président Xi Jinping, s’est alors posée. Réponse : le Moyen-Orient.
Les visées chinoises se concentrent tout particulièrement sur les pays du Golfe – Emirats arabes unis (EAU), Qatar et Bahrein. Entre 2005 et 2016, toutes ces nations ont tenu avec la Chine pas moins de neuf réunions destinées à négocier un accord de libre échange entre le GCC et Pékin. Mais les rivalités internes et les crises diplomatiques et politiques entre le Qatar, d’un côté, l’Arabie saoudite, les Emirats et Bahrein, de l’autre, ont gelé l’avancée du projet. La récente amélioration de la situation entre les rivaux du Golfe va permettre de relancer les négociations. Comme l’a dit à ses invités arabes le ministre chinois des relations extérieures Wang Yi : « La conclusion rapide d’un accord sur le traité de libre échange Chine-GCC » est une « priorité ».
La volonté chinoise de rehausser son niveau d’investissement dans cette région n’a rien de surprenant : au vu de l’importance du Moyen-Orient en termes d’échanges et de ressources énergétiques, le Golfe occupe naturellement une place de choix sur le trajet des Nouvelles routes de la soie : entre 2014 et 2017, le montant des prêts chinois au Moyen-Orient est passé de 300 millions de dollars à près de 9 milliards.
La Chine, premier partenaire du Golfe
L’Afrique reste certes un pays continent d’importance pour la Chine. Mais la baisse de la croissance chinoise ces dernières années et l’impact global de la Covid 19 ont sensiblement marginalisé l’importance du continent noir aux yeux du pouvoir chinois. « Le Moyen orient est moins susceptible de ralentissement économique que l’Afrique », remarquait récemment la chercheuse Yun Sun, spécialiste de la politique étrangère chinoise, dans un article publié sur le site Asia Times ; « Ceci s’explique par le fait que la demande de la Chine en énergie produite au Moyen-Orient est relativement stable et pourrait même augmenter d’ici 2030, quand le niveau d’émission d’énergies fossiles atteindra son pic ». Par ailleurs, la demande pour les produits chinois au Moyen-Orient devrait continuer à grandir tandis que la situation économique des pays du Golfe est à l’évidence bien meilleure que celle de nombre de pays d’Afrique.
La Chine, qui importe 70 % de son pétrole du Moyen-Orient, est devenue en 2020 le premier partenaire économique des pays du CGC, ravissant la première place jusque-là occupée par l’Union Européenne. A court terme, il n’y a donc pas de raison pour que décroisse l’irrésistible montée en puissance économique de l’Empire du milieu dans cette région du monde.