L’économie tunisienne au bord de la faillite

 

Les données macro économiques

* Déficit commercial structurel et grandissant : Le déficit s’est établi à -8,4 milliards de dinars (MMDT) à fin mai 2025, s’enfonçant dans une « spirale inquiétante ».

 * Dynamique commerciale insoutenable : Les exportations stagnent (+0,3 %) tandis que les importations continuent de progresser (+6,1 %), tirées notamment par les biens d’équipement (+28,2 %) et de consommation (+11,1 %).

 * Dégradation de la structure des importations : Le pays sacrifie les importations qui alimentent l’appareil de production (intrants industriels et biens d’équipement) au profit des biens de consommation, ce qui freine la croissance future. La part des intrants industriels est passée de 71,5 % des importations totales avant 2011 à 63,7 % ces cinq dernières années.

 * Forte dépendance énergétique : Le déficit de la balance énergétique représente 51,8 % du déficit commercial global, constituant une vulnérabilité majeure.

 * Faiblesse de la base exportatrice : La Tunisie n’a « pratiquement rien à exporter » vers les pays avec lesquels son déficit est le plus important (Chine, Algérie, Turquie), au-delà du triptyque historique phosphate-huile d’olive-dattes.

 * Ralentissement de secteurs porteurs : Le secteur des télécommunications enregistre sa plus faible croissance de revenus depuis sept ans, signalant un essoufflement même dans les secteurs modernes.

Les risques Financiers 

 * Notation de crédit souveraine très risquée : La Tunisie est notée Caa1 (stable) par Moody’s et CCC+ par Fitch, indiquant un risque de défaut élevé et un accès difficile aux marchés financiers internationaux.

 * Détérioration de la structure de la dette extérieure : Bien que le ratio dette/PIB ait légèrement baissé, il masque une aggravation de la composition de la dette. La part de l’endettement extérieur à court terme a explosé, représentant 38,5 % du total, au détriment du financement des investissements à long terme.

 * Endettement comme frein à la croissance : La dette, engendrée par le déficit chronique, risque de se transformer en « boulet qui condamne le pays à la décroissance ».

Risques Structurels, Politiques et Géopolitiques

 * Orientation politique jugée inadaptée : Un discours politique isolationniste (« repli sur soi ») gagne du terrain, ce qui est considéré comme une « chimère » pour une petite économie structurellement ouverte et une « fausse route » stratégique.

 * Perte de souveraineté économique : La dépendance croissante envers un nombre restreint de « puissances étrangères aux visées politiques et hégémoniques affichées » (Chine, Algérie, Russie) pour des importations vitales met en péril l’autonomie du pays.

 * Dépendance commerciale asymétrique : La Chine est devenue le premier fournisseur de la Tunisie (13,6 % des importations) mais n’achète presque rien en retour, étant responsable de 56,7 % du déficit total.

 * Sous-utilisation du capital humain : Le pays est très mal classé en matière d’égalité femmes-hommes (123ème sur 148), notamment pour la « participation et les opportunités économiques » (135ème), ce qui représente un frein structurel au développement.

 * Faible attractivité de la capitale : La ville de Tunis est classée parmi les villes les moins sûres du monde (228ème sur 385), ce qui peut constituer un frein aux investissements et au tourisme.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)