Le trafic en dollars des Banques irakiennes vers l’Iran

Les États-Unis bannissent 14 banques irakiennes du marché du dollar/ Autant de sources d’approvisionnement de l’Iran en devise américaine

L’Iran, chassé du marché du dollar par les sanctions américaines, utilise depuis longtemps l’Irak, son voisin, pour pomper les dollars dont il a besoin, ce qui a lieu d’autant plus facilement qu’en Irak toutes les transactions financières se font en cash. De plus, le dollar est devenu la seconde monnaie officielle du pays, après l’invasion américaine de 2003. 

Deux décennies plus tard, l’Irak conserve toujours ses réserves de devises à la Fed de New York, déposant le produit de ses ventes de pétrole sur des comptes officiels.

En deux décennies, le commerce du dollar irakien est devenu une source de sa corruption endémique, alors que les banquiers (1) ont formé des alliances avec les puissantes milices et politiciens irakiens pour garantir l’accès à la monnaie américaine.

Blanchiment au profit de l’Iran

Mercredi 19 juillet, quatorze banques irakiennes ont été bannies du marché des transactions en dollars dans le cadre d’une politique de lutte contre le siphonnage de devises américaines vers l’Iran et la Syrie. Des responsables américains ont affirmé qu’ils avaient découvert que les banques irakiennes se livraient au blanchiment d’argent et à des transactions frauduleuses qui auraient pu bénéficier à l’Iran et à des personnalités iraniennes mises à l’index par Washington.

L’interdiction ne va pas faciliter la vie des Irakiens ordinaires, mais elle a pour but d’envoyer un signal clair à Téhéran : les sanctions contre l’Iran demeurent en vigueur tant qu’un accord n’a pas été conclu sur le nucléaire.

L’Irak ciblé depuis novembre

En novembre de l’année dernière, sur ordre des Etats Unis, le Trésor et la Banque centrale d’Irak ont ​​privé quatre banques irakiennes de l’accès au dollar et ont imposé des contrôles plus stricts sur les virements électroniques.  

Les mesures ont entraîné une chute de 80 % ou plus des transferts quotidiens en dollars via les banques commerciales irakiennes, qui totalisaient parfois plus de 250 millions de dollars par jour.

Le contrôle plus strict des transactions en dollars depuis l’année dernière a aidé la Fed à identifier les 14 banques qui effectuaient des transactions suspectes, ont déclaré les responsables.Les responsables irakiens ont minimisé l’impact de la dernière décision américaine sur l’économie irakienne, citant des statistiques internes qui montraient que les 14 banques combinées ne détenaient que 1,29% du total des actifs bancaires de l’Irak. 

Depuis que le Trésor et la Fed de New York ont ​​commencé à surveiller l’activité du dollar de manière plus agressive l’automne dernier, le nombre de transactions frauduleuses acheminées via le système de change irakien a été réduit, ont déclaré les responsables irakiens, ce qui atténuera l’impact économique de l’interdiction de banques supplémentaires.

Les responsables américains ont pressé l’Irak pendant des années de renforcer ses contrôles bancaires. En 2015, la Réserve fédérale et le département du Trésor ont brièvement interrompu le flux de dollars vers la banque centrale irakienne, craignant que la monnaie ne se retrouve dans les banques iraniennes et ne soit éventuellement acheminée vers des militants de l’État islamique, ont déclaré des responsables à l’époque.

Mais les administrations américaines ont aussi également craint qu’une coupure complète de l’accès de Bagdad aux dollars ne plonge le pays dans la tourmente économique, compromettant d’autres objectifs, comme empêcher la réémergence de l’État islamique et éloigner Bagdad de Téhéran.

Le chaud et le froid

Washington joue le chaud et le froid avec l’Iran. Après que le Trésor américain ait approuvé le paiement par le gouvernement irakien de dettes de gaz et d’électricité dues au gouvernement iranien – 2,5 milliards d’euros, soit environ 2,8 milliards de dollars -, voilà que le robinet aux dollars est définitivement coupé.Cette semaine également, le Pentagone a envoyé un navire de guerre et des chasseurs à réaction dans la région, « en réponse aux menaces iraniennes contre la navigation commerciale dans le golfe Persique ».

(1) Il s’agit de la banque islamique Al Mustashar, de la banque Erbil, de la banque islamique mondiale et de la banque islamique Zain Iraq. Dans une succursale de Bagdad de la banque islamique Al Taif, une autre des banques ciblées, plusieurs clients faisaient néanmoins la queue mercredi soir pour acheter des dollars ou toucher des dollars en provenance de l’étranger.