Dans les années 1970, la gauche affirmait que l’Occident pillait le tiers monde pour son seul profit. Nous voici désormais dans la deuxième phase, celle ou le tiers monde s’appauvrit de lui-même pour satisfaire la demande des consommateurs occidentaux.`
Le gouvernement égyptien a décidé de réduire de manière autoritaire la consommation d’énergie du pays afin d’accroitre ses exportations de gaz. L’objectif est d’essayer de réduire de 15 % la quantité de gaz naturel nécessaire à la production nationale d’électricité et d’expédier ce surplus aux européens, qui achètent au prix fort le gaz naturel liquéfié.
Dès le mois d’août, certains quartiers du Caire, les bâtiments administratifs, les magasins ont dû réduire leur consommation à la tombée du jour. Aujourd’hui, le centre-ville et notamment la fameuse place Tahrir, les centres commerciaux, les stades ne doivent plus être éclairés la nuit. La climatisation est interdite en dessous de 25°
Vendre plus de gaz à l’Europe a pour but d’augmenter les réserves de la banque centrale égyptienne en devises étrangères. La politique économique du président al Sissi inquiète, les investisseurs ne viennent pas et plus de 20 milliards de dollars ont quitté le pays vers d’autres places financières l’an dernier. Par ailleurs, la guerre en Ukraine a provoqué une hausse des prix qui a nui à la capacité de l’Égypte à faire face à ses échéances de dette et à payer ses importations, notamment en produits alimentaires de base.
Trois milliards du FMI
En octobre, l’Égypte a obtenu un prêt de 3 milliards de dollars du Fonds monétaire international et les riches Etats pétroliers du Golfe ont déposé une partie de leurs revenus énergétiques dans les banques égyptiennes. Mais il en faudra beaucoup plus pour rembourser les échéances d’une dette de 377 milliards de dollars qui s’est accrue de 51 milliards de dollars l’an dernier.
Le Premier ministre égyptien Mostafa Madbouly a estimé en août que réduire de 15% la consommation nationale d’électricité générerait des revenus de 450 millions de dollars par mois grâce aux exportations de gaz supplémentaires.
Pourquoi l’Égypte n’accroit-elle pas tout simplement sa production, plutôt que de priver sa population ? Selon les analystes de l’énergie, certains gisements de gaz du pays s’épuisent et la demande intérieure continue de grimper. Sur 70 milliards de mètres cubes de gaz produits en 2021, l’Egypte en consommé environ 61 milliards.L’Égypte a exporté 8,9 milliards de mètres cubes de gaz l’an dernier en direction de pays comme la Turquie, l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh, selon la société de recherche Rystad Energy basée à Oslo. Seuls 15 % environ du total, soit 1,3 milliard de mètres cubes, sont allés en Europe. C’est cette part réservée aux Européens que le gouvernement égyptien entend accroitre.
Une démographie galopante
Si le gouvernement égyptien entend accroitre ses exportations de gaz sur la durée, il lui faudra comprimer de plus en plus la demande intérieure. Ce qui sera d’autant plus difficile que la population égyptienne (107 millions d’habitants) augmente rapidement, et avec elle la consommation d’électricité. Le risque de troubles sociaux va donc aller croissant avec les années.
Les réductions d’énergie surviennent alors que l’Égypte accueille à Sharm El Sheikh, un sommet sur le changement climatique (COP 21), soutenu par les Nations Unies.