L’évolution à la baisse du taux de change du dinar tunisien mérite d’être analysée de près, en faisant abstraction des on-dit, le sport national après le football.Commençons par définir les termes,monnaie ou devise. La monnaie correspond à une unité de mesure monétaire utilisée dans son pays. Elle représente aussi l’ensemble des possibilités et des moyens de paiement dans une nation donnée. les Tunisiens parleront de la monnaie nationale dinar tunisien dont l’abréviation internationale est DTN.
La devise correspond à une unité de mesure monétaire utilisée par un pays étranger. Dans le cas des Français, des Anglais ou des Américains, ils évoqueront la devise tunisienne et évoqueront respectivement la monnaie euro (EUR), livre sterling (GBP) et dollar us (USD) pour converser sur leurs unités nationales de mesure monétaire.Le taux de change correspond à une valeur précise d’une monnaie nationale en fonction d’une monnaie étrangère, que l’on nomme parfois monnaie de référence.
Le taux de change peut également se définir comme la quantité de devises étrangères qu’on peut acheter avec une monnaie nationale donnée. On parle aussi de taux de conversion ou d’une parité de change.
Pour mieux visualiser la situation du taux de change, on utilise des coefficients dits multiplicateurs. Voici des exemples aléatoires :
- 1 dinar tunisien (1 DTN) = 0,57 euro (EUR) ou – ce qui est équivalent – 1 euro = 1,754 dinar tunisien à la date du 23 juillet 2007 ;
- 1 dinar tunisien = 0,71 dollar us (USD) ou – ce qui est une expression équivalente – 1 dollar us = 1,408 dinar tunisien à la date du 27 mars 2009.
Qui détermine le taux de change ?
Le taux de change peut être un coefficient fixe et constant : il est alors déterminé par la Banque Centrale émettrice de la monnaie nationale – c’est-à-dire l’institution monétaire de l’Etat qui imprime et gère, entre autres missions, les pièces et les monnaies. Ce cas de fixation unilatérale du taux de change devient un instrument rare depuis l’ouverture des frontières et de la mondialisation.
Dans le cas de la Tunisie, c’est la Banque Centrale Tunisienne (acronyme BCT) qui détient ce pouvoir d’émettre la monnaie nationale et de fixer, en partie et potentiellement, la valeur ou la parité du dinar tunisien par rapport aux autres devises étrangères de référence, principalement le dollar us et l’euro.
Pour cela, elle tient compte du niveau des réserves de change dans ses coffres-forts en devises étrangères – le montant de ses liquidités en euro, dollar et autres devises internationales – et de la fixation de sa stratégie monétaire et économique.
En France, c’est la Banque Centrale Européenne (acronyme BCE) en coopération avec la Banque de France et aux Etats-Unis d’Amérique, c’est la réserve fédérale (acronyme FED) qui se sont attribuées, en partie seulement, ces fonctions d’émission de monnaies et de fixation de la valeur de leur monnaie nationale par rapport à d’autres devises de référence.
Théoriquement et pratiquement, les banques centrales nationales peuvent alors intervenir sur les marchés pour dévaluer – c’est-à-dire faire baisser – ou réévaluer la monnaie nationale par rapport à des devises étrangères en fonction de ses intérêts nationaux, en utilisant différentes techniques directes ou indirectes :
- imprimerie en masse de monnaies pour créer de l’abondance et de l’inflation ;
- une destruction en masse de monnaies pour créer de la rareté et une baisse de l’inflation etc.
Les principaux arguments d’intervention d’une banque centrale pour fixer le taux de change tournent autour de :
- l’évitement de la spéculation ;
- un pilotage d’une politique monétaire (contrôle du taux de l’inflation) ;
- un pilotage d’une politique économique en privilégiant l’importation ou l’exportation des biens et des services.
Il a été remarqué que si le taux de change fixé par une autorité monétaire ne correspond pas à la réalité de la valeur réelle de la monnaie alors un marché parallèle se développe – la contrebande de devises sur le marché noir ou shadow market -.
Dans les faits, le taux de change se fixe, quotidiennement, par la conjonction de ces deux événements :
- l’interventionnisme de la Banque Centrale nationale ;
- le marché international des changes, c’est-à-dire la loi de l’offre et de la demande des devises – principalement sur le Forex, le plus grand marché mondial d’échanges de devises. Les investisseurs achètent et vendent des devises en fonction de paramètres aussi nombreux que la spéculation, l’évolution de la conjoncture économique des pays, des variations des taux d’inflation, des taux d’intérêt, des taux de croissance économique, des dettes publiques, des perspectives, du sentiment de marché etc. Les investisseurs sont appelés cambistes, traders ou spéculateurs et ont pour principal objectif de gagner naturellement un maximum d’argent en un minimum de temps, en contradiction parfois avec les intérêts des Etats concernés.
Le taux de change : instrument d’une stratégie économique
Il faut bien noter que le taux de change, comme l’est le taux d’intérêt – qui est le prix de l’argent on le rappelle – est un outil stratégique pour piloter une politique économique efficace en tenant compte des facteurs intérieurs et extérieurs. Sa force ou sa faiblesse supposée ne reflète pas obligatoirement une force ou une faiblesse de l’économie nationale mais peut être intégrée dans une stratégie délibérée pour avantager, par exemple, les exportations ou, à contrario, pour décourager les importations.
La Chine a utilisé, par exemple, durant de nombreuses décennies, une faiblesse délibérée de la devise yuan – appelée aussi renminbi – par rapport à la devise de référence le dollar us pour mieux exporter ses produits et services au monde entier, autrement dit, pour avantager ses échanges économiques.
Pourtant, jamais l’économie chinoise n’avait connu, sur la même période de dévaluation de sa monnaie nationale, un taux de croissance aussi fort.
La note de recherche en Science économique, rédigée conjointement par Priya Malhotra de l’Université de Delhi et par Nishi Malhotra de l’Université Bansthali Vidyapith le 7 septembre 2015, donne un aperçu des impacts de la dévaluation de la devise chinoise, le yuan, sur l’économie indienne incluant les conséquences sur les données macroéconomiques de la balance des paiements et des autres indicateurs techniques (influence sur la devise roupie indienne, le taux de croissance, les taux directeurs etc.).
La Banque Centrale Chinoise, dite Banque populaire de Chine (acronyme de BPC) fixe le taux de change du yuan même si de légères ouvertures sur les marchés internationaux de change commencent à se concrétiser. Bien d’autres nations ou alliances réalisent quotidiennement des interventions, plus ou moins intenses sur les taux de change (zone euro, Tunisie, Algérie, Maroc, USA etc.) pour servir naturellement les intérêts de leurs économies respectives.
En langage familier, et dans l’inconscient populaire, le taux de change est symbolique de la puissance de la monnaie nationale et représente la force du pays, à un instant donné, sur le plan monétaire en comparaison aux autres pays, ce qui est, en partie, un raisonnement faux comme l’exemple de la Chine le montre bien.
Si le taux de change baisse en défaveur de la monnaie nationale par rapport à une devise étrangère, il est assez courant d’entendre, même si cette assertion est assez grossière et fausse, une phrase de ce type : « mon pays est devenu moins fort économiquement, en mauvaise santé financière, que l’autre pays étranger car notre monnaie nationale a baissé par rapport à la leur ».
Dans le cas de la Tunisie, une faiblesse supposée de la monnaie dinar tunisien peut avantager les exportations notamment des produits agricoles – de l’huile d’olive, des dattes, des oranges etc.-, du phosphate ou des produits industriels dans le secteur automobile.
Inversement, une dévaluation de la monnaie impacte négativement le coût des importations – tout produit importé en devise étrangère devient plus cher – et c’est donc un jeu d’équilibre ou un jeu de déséquilibre subtile et technique, au choix, qu’il faudra actionner selon la situation réelle du marché intérieur et extérieur et pour éviter un déficit trop profond de la balance des paiements.
En bref, une baisse ou une hausse de la monnaie nationale par rapport à une devise étrangère – on parle aussi d’appréciation ou de dépréciation de la monnaie – n’est pas synonyme obligatoirement d’une détérioration ou d’une amélioration d’une économie nationale (à moins que la dévaluation soit totalement subie, ce qui représente un cas rare).
Les facteurs endogènes et exogènes – c’est-à-dire intérieurs et extérieurs – sont si nombreux et complexes qu’il semble difficile de se fixer sur un unique paramètre supposé en défaillance pour expliquer le phénomène économique qu’est une baisse ou une hausse d’une monnaie.
- L’évolution de la devise euro par rapport au dinar tunisien. La monnaie tunisienne baisse sur le graphique sur la longue période 2002-2016 par rapport à l’euro.
L’hypothèse du double facteur inflationniste et d’incertitudes
Depuis les années 2000, après la création de la monnaie unique euro, la valeur du dinar tunisien semble connaître une baisse en termes de parité.
Le 30 août 2006, factuellement il fallait 1,69 dinar tunisien pour acheter 1 euro. Au 14 juillet 2016, il fallait 2,45 dinar tunisien pour s’acheter 1 euro.
Entre les deux dates, une période d’une décennie est passée, la dépréciation du dinar tunisien par rapport à la devise euro s’établit à près de 45 % à la lecture de la courbe d’évolution du taux de conversion et sur le papier.
On peut aussi dire que la devise étrangère euro s’est appréciée de près de 45 % par rapport à la monnaie nationale tunisienne, en l’espace de près de 10 ans, entre le 30 août 2006 et le 14 juillet 2016 à la lecture de la courbe évolutive du taux de change et sur le papier.
Si l’on met en perspective cette baisse visible de la monnaie nationale DTN en tenant compte d’un paramètre prépondérant : le taux d’inflation – autrement dit l’évolution du coût de la vie, l’évolution des prix à la consommation ou, encore plus simplement, la valeur réelle de l’argent dans un pays ou une zone géographique donnée.
Ou plus exactement, si l’on étudie l’évolution du différentiel des taux d’inflation entre les zones euro et dinar tunisien, il est probable qu’on puisse retrouver, au moins, la valeur supposée de la baisse constatée du dinar tunisien par rapport à l’euro.
Si l’on reprend la période 30 août 2006 au 14 juillet 2016, une décennie prise aléatoirement, l’Institut tunisien national de la statistique (acronyme INS) et la Banque Centrale de Tunisie (BCT) annoncent un taux d’inflation compris dans un canal de 3 % à 6 % .
- L’évolution du taux d’inflation en Tunisie de 1962 à 2015. Source fournie par la Banque mondiale et Nizar Fassi du site http://www.
rachatducredit.com.
Sur cette même période, la Banque Centrale Européenne (BCE) et les instituts nationaux de statistiques des pays de la zone euro – dont l’INSEE – annoncent un taux d’inflation compris dans un canal de 0,6 % à 2 % pour la zone euro.
Si l’on réalise un petit calcul d’intérêts composés, approximatifs évidemment, sur cette décennie étudiée, en prenant en compte un différentiel inflationniste de 3,5 % en moyenne entre les deux zones, on trouve 41 % en pourcentage différentiel d’inflation, correspondant, à peu près, à la baisse constatée du taux de change du dinar tunisien par rapport à la devise européenne.
Cette approximation empirique fournit une indication précieuse sur ce qui structure fondamentalement le moteur baissier de la monnaie DTN : le différentiel de taux d’inflation avec les zones monétaires de référence.
Le taux directeur influe aussi sur le taux de change
Il est à souligner que j’ai délibérément neutralisé le différentiel de taux d’intérêt directeur entre les zones euro et zones dinar tunisien sachant que la Banque Centrale Tunisienne a toujours eu une politique des taux directeurs assez rigoureuse – 3,16 % à 4,75 %, en taux moyen mensuel TMM du marché monétaire,- sur la période 2008-2016, et encore plus stricte sur la période 1956-2008 – le taux TMM variait de 5 % à 11,81 % -.
- Relâchement du taux d’intérêt TMM en Tunisie au cours d’une période longue 1990-2016. Source de la Banque Centrale de Tunisie et de Nizar Fassi du site www.rachatducredit.com.
La rigueur en fixation des taux de la BCT, essentiellement sur la période 1956-2008 – a permis de contenir et à minimiser la hausse du taux d’inflation, en comparaison aux indicateurs de la zone euro, tout en servant à accompagner le taux vigoureux de croissance économique du pays sur cette période.
Sur cette note, nous n’insisterons pas sur le différentiel de taux directeur entre les zones euro et dinar tunisien, puisque la Banque Centrale Européenne a également usé et abusé de taux historiquement bas sur une période longue – jusqu’à atteindre des taux négatifs – et d’autre part – cela obligerait une analyse plus approfondie et fine sur la réalité des répercussions des taux d’intérêts sur les crédits distribués par les banques tunisiennes à la clientèle et à étudier le niveau réel des créances douteuses des banques – des données polémiques et difficilement disponibles pour réaliser une bonne évaluation de l’impact réel des taux directeurs sur le système économique tunisien.
Après la période faste 1956-2008, le relâchement des différents agrégats macroéconomiques a accentué la divergence évolutive, sur le plan des indicateurs économiques, entre la Tunisie d’une part et l’Union européenne d’autre part.
Cette différence inflationniste peut également
Le professeur Milton Friedman, prix Nobel en économie en 1976, a développé, dans ses théories monétaires, la prépondérance de la masse monétaire dans un contexte de faible production de richesses – autrement dit un faible taux de croissance -, pour expliquer une inflation forte dans une zone donnée.
Friedman a préconisé une hausse forte des taux directeurs des banques centrales tout en diminuant la masse monétaire disponible sur le marché pour réduire le taux d’inflation tout en essayant de relancer, via des réformes de structure, le taux de croissance économique.
Dans l’article The Case for Flexible Exchange Rates, Friedman faisait le lien entre les taux de change flottants – c’est-à-dire un taux de change qui varie sur le marché et qui n’est pas fixé par la banque centrale – des devises et les taux d’inflation des pays. Il considérait que les autorités des pays devaient laisser la fixation du change aux marchés, sans interventionnisme pour que le marché puisse arbitrer librement entre les devises suivant leurs politiques inflationnistes et autres critères.
L’ancien directeur de la Banque Centrale américaine – FED – de 1979 à 1987, Paul Volcker, a appliqué la théorie de Milton Friedman à l’économie américaine et a réussi à faire passer le taux d’inflation de 13 % à 3,2 % de 1981 à 1983.
Dans un autre registre, le professeur Paul Krugman, prix Nobel d’économie en 2008 pour des travaux sur le commerce international, plus critique sur le libéralisme et la dérégulation que Milton Friedman, a développé la nécessité, en cas de déflation – c’est-à-dire lorsqu’il existe une baisse générale des prix à la consommation dans un pays donné, ce qui n’est évidemment pas le cas de la Tunisie – de relancer la machine à imprimer des billets et les dépenses publiques pour stimuler l’économie.
Pour justifier sa théorie d’utilisation d’une politique accommodante, de non-austérité, et de relance monétaire et inflationniste, il évoque assez régulièrement sur son blog personnel du New York Times l’exemple du Japon et sa légendaire trappe à liquidité – papier en anglais intitulé « Not enough inflation » de Paul Krugman.
La Tunisie n’est pas dans un schéma à la japonaise, assez éloignée des diagnostics et remèdes proposés par Paul Krugman mais plus proche des remèdes inflationnistes de Milton Friedman.
A cela, pour le cas tunisien, il est évident qu’on peut y juxtaposer les éléments de différentiels d’incertitudes économiques, de confiance et d’instabilités entre la zone euro – de même pour la zone dollar us et autres zones de référence – et la zone dinar tunisien pour expliquer le « dérapage » ou le « rattrapage », au choix, de la monnaie tunisienne – la fameuse prime de risque et la défiance entre les zones amplifie le phénomène -.
Par exemple, avec 100 dinar tunisien en 2006, le consommateur tunisien pouvait remplir un panier de courses avec X quantité de choses. 10 années plus tard, avec ces 100 dinar tunisien, le même consommateur tunisien remplira son panier de courses avec Y une quantité bien moindre de choses que X.
Sur la même période, avec 100 euros, le consommateur européen pouvait remplir un panier de courses avec X quantité de choses, le même nombre que le Tunisien, alors que 10 ans plus tard, avec ces 100 euros, le même consommateur européen remplira son panier de courses avec Z une quantité moindre de choses que X mais bien supérieur au Y du consommateur tunisien.
La différence entre Z et Y est expliquée par le double effet du différentiel en taux d’inflation et les incertitudes entre les zones euro et dinar tunisien.
Cet exemple illustre la notion de parité de pouvoir d’achat, qui mesure et compare le pouvoir d’achat de différentes zones géographiques en fonction des niveaux de prix à la consommation (inflation) sans tenir compte du taux de change.
L’évolution de la parité de pouvoir d’achat indique alors une évolution du coût général et réel de la vie dans un pays donné et est un facteur important d’influence du taux de change.
La « glissade » du dinar tunisien est compréhensible et logique et il est à signaler qu’elle ne s’est matérialisée sur le papier et sur les courbes que lentement au cours du temps – même s’il y a eu une accélération périodique notamment après les périodes de changements d’autorités publiques – elle n’est que le reflet d’un effet rattrapage et d’ajustement d’un cumul inflationniste et d’incertitudes qui datent.
Les problèmes cumulés, sans les réformes douloureuses associées à l’évolution naturelle de l’économie et des sociétés, représentent des facteurs à la fois structurels et conjoncturels.
Durant toute période de la vie d’une nation, le taux d’inflation est toujours un facteur inquiétant et essentiel même si cet indicateur peut être couvert lors des périodes fastes en termes de taux de croissance économique comme la Tunisie l’a connu après l’indépendance de 1956 et jusqu’à l’année 2006 principalement.
L’Allemagne, pays reconnu pour sa rigueur budgétaire et sa préférence pour une austérité économique, a aussi souffert, d’une hyper-inflation en 1923, dans laquelle la monnaie allemande ne valait plus rien : il fallait une brouette de billets pour s’acheter une baguette de pain.
Cette photographie historique est restée dans l’inconscient des Allemands et a façonné leurs structures décisionnelles plus restrictives et sérieuses actuelles, même si un relâchement a été constaté via une politique monétaire ultra-accommodante de la Banque Centrale Européenne durant la période 2008-2016.
D’autres exemples plus récents, comme l’Argentine – de 1975 à 1991 – le Zimbabwe – de 2004 à 2009 – en Serbie de 1993 à 1994 ou aux Etats-Unis d’Amérique en 1981 illustrent relativement bien l’impact direct du taux d’inflation sur la valeur de la monnaie nationale, surtout lorsque le taux de croissance est moribond.
« Inflation is a dangerous and sometimes fatal disease. » Milton Friedman
En effet, sur cette période de 50 années, la Tunisie a connu un taux moyen annuel de croissance économique de 5 % – selon les données de la Banque mondiale -, ce qui est assez conséquent et difficilement tenable sur le long terme dans la vie d’une nation. Il est plus aisé de passer d’un pays pauvre, sous-développé, à l’entrée de l’indépendance en 1956, au stade de pays en voie de développement que de franchir le cap bien plus difficile de pays en voie de développement à un pays développé.
Conclusion
Tous les pays pauvres ont connu des taux élevés de croissance – des cycles économiques prospères – à la sortie de la Seconde Guerre mondiale puis un tassement est apparu créant des difficultés et des adaptations nécessaires. Les exemples des pays constituant les Bric – Brésil, Russie, Inde et Chine – illustrent bien cette situation classique.
L’économiste indien Jeevan Kumar Khundrakpam, de la Banque Centrale Indienne – Reserve Bank of India – a publié une note de recherche intitulée « How Persistent is Indian Inflationary Process, Has it Changed ?« , publiée auprès de l’Université de Munich en Allemagne, qui étudie le pilotage de la politique monétaire et inflationniste indienne durant la période 1982-2008 qui a dû passer par une réduction de la masse monétaire et d’un resserrement des taux directeurs pour stabiliser la devise, la roupie indienne, et remettre l’économie nationale sur les bons rails de la croissance.
Passer de la misère à la pauvreté est une étape plus facile à franchir, même si cela exige du travail, que de passer de la pauvreté à la richesse, qui exige un travail plus conséquent et une rigueur à toute épreuve.
Au bout de cette longue période faste 1956-2016, la croissance tunisienne a fini naturellement par se tasser mettant en avant et en lumière les problèmes structurels : taux d’inflation élevé, monnaie nationale surévaluée, dette publique en hausse, déficits publics conséquents, balance commerciale en déséquilibre, taux élevé de chômage, appareil productif non performant et à basse valeur ajoutée, marché parallèle et de la délinquance économique omniprésent (+ 50 % du PIB selon le ministère tunisien des finances), confiance générale en baisse etc.
Les agrégats macroéconomiques sont évidemment tributaires et liés intimement au climat général d’un pays mais ils peuvent expliquer, en bonne partie, les phénomènes économiques et monétaires cumulés observés incluant, entre autres indicateurs, la dépréciation relative du dinar tunisien par rapport aux devises de référence internationale.
Un cocktail de facteurs et d’indicateurs économiques semble à travailler, séparément et globalement, pour réaliser un redressement de la trajectoire du modèle de développement tunisien.
Le passage des affirmations théoriques « y a qu’à faire ça » et des « faut qu’on » à la réalité opérationnelle quotidienne est manifestement, un gouffre difficile à enjamber par les différentes parties impliquées par la chose financière et économique – c’est-à-dire les autorités monétaires, économiques et politiques – sinon les solutions rapides et simplistes auraient probablement déjà été appliquées.
Il ne fait pas de doute que cette mutation nécessaire se fera obligatoirement par une période d’épreuves douloureuses, au regard des intérêts contradictoires des agents économiques tunisiens et des ambitions affichées de la Tunisie en termes d’accès au développement.
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