Le jeudi 23 avril 2015, plus d’un millier de morts et de naufragés plus tard, les grands de l’Europe se réunissent à Bruxelles pour endiguer ces tragiques flux migratoires. Comment remplacer les gardes cotes d’hier qui avaient pour nom Kadhafi, Moubarak, Ben Ali ?
Ce jeudi à Bruxelles, plusieurs pistes sont à l’étude, des décisions seront prises : plus de moyens financiers et militaires. Le renseignement n’est pas en reste, car il faut détecter, ensuite neutraliser les passeurs, ces terribles criminels. « Opérations Triton » ou « Mare Nostrum », le but n’est plus de surveiller les côtes européennes, mais de sauver des vies. Ce qui nécessite une coordination internationale, au-delà de l’Union Européenne, pour inclure la rive sud de la méditerranée.
D’efficaces gardes-côtes
Le projet de Nicolas Sarkozy, l’UPM, afficha des ambitions louables : la dépollution de la Méditerranée, les autoroutes maritimes et terrestres, la protection civile pour répondre aux catastrophes naturelles, une université euro-méditerranéenne, l’énergie solaire et une initiative méditerranéenne de développement des affaires. Aucune référence ni à la démocratie ni aux droits de l’homme. Et pour cause l’UPM Nicolas Sarkozy s’adossait d’efficaces gardes-côtes : Ben Ali, Muammar Kadhafi, Hosni Moubarak et Bachar Al-Assad. Tous reçus en grandes pompes à Paris.
Frontières maritimes européennes surveillées, lois protectrices, côtes sud rendues étanches par des dictateurs hors pairs. L’ancien Premier ministre italien Berlusconi à même payé 5 milliards de dollars, avec un baisemain d’allégeance, à Kadhafi au titre des dédommagements de la colonisation italienne, mais en réalité pour que le Colonel dresse un « firewall » empêchant tout migrant de quitter l’Afrique. Voilà le pari gagnant-gagnant de l’UPM porté à bouts de bras par Sarkozy.
3000 dollars le départ
Maintenant que ces dictateurs sont évincés, l’Europe découvre que la mer n’est pas étanche. Avec 1800 kilomètres de côte, la Libye est le point faible, la source du drame des migrants. Sans Etat, sans armée ni police nationale, la Libye chaotique est incapable de lutter contre les passeurs et trafiquants des migrants dont ceratins étaient qualifiés hier de grands rebelles démocratiques glorifiés notamment par Bernard-Henri Lévy. En effet, certaines de ces milices libyennes se convertissent à ce trafic pour se financer. Plusieurs bateaux de clandestins sont même partis de Tripoli, à quelques kilomètres de l’ancien quartier général des redoutables moukhabarates du sinistre Guide.
Le prix du passage est même bradé tant que la demande est forte. Pour indication les passeurs turcs taxent au minimum 3000 USD le malheureux candidat à l’émigration alors que les Libyens fixent le minima à 1000 USD seulement. Des passeurs libyens poussent le cynisme à avertir par téléphone les autorités maritimes italiennes, une fois que l’embarcation sommaire se situe dans les eaux internationales.
Une guerre de cent ans
La guerre aux passeurs sera déclarée, mais avec quels moyens ? Des frappes aériennes? Tant qu’il n’existe pas de dispositif militaire au sol et sur les côtes libyennes, l’ancienne Jamahiriya restera une passoire. Les militaires de l’OTAN prompts à « neutraliser » Kadhafi seront-ils prêts à se déployer sur le terrain pour une longue période ? La restauration éventuelle d’un Etat libyen fort nécessiterait de nombreuses années, les raids contre les passeurs ne mettront pas fin à ce trafic; le nombre de morts en haute mer ou au large des côtes italiennes baissera peut-être mais les tarifs des passages augmenteront.
Un « business-model » du trafic humain reste presque imparable tant les bénéfices seront assurés.