Voici le quatrième volet de notre série sur « le business du terrorisme » en Afrique. Avec les menaces des groupes extrémistes, les sociétés de conseil privé font des heureux chez les anciens diplomates et ambassadeurs français
Fini le temps ou les ambassadeurs de France en poste en Afrique et les officiers ayant servi sur le continent appréhendent le départ à la retraite avec anxiété. Ils savent, désormais, pour au moins ceux qui le souhaitent, qu’ils peuvent se reconvertir dans le conseil. Et parfois même fournir des avis très recherchés à des sociétés qui souhaitent investir dans les Etats africains qu’ils viennent à peine de quitter.
Retraites dorées
Quelques mois seulement après son départ de son poste d’ambassadeur de France à Abidjan, Jean-Marc Simon, qui a géré la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, a créé en 2012 le cabinet de conseil Eurafrique Stratégies. Avec pour ambition assumée de permettre aux entreprises françaises de faire des affaires en Afrique de l’Ouest, y compris au Mali, au Niger, au Burkina Faso, trois des cinq pays membres du G5 Sahel avec la Mauritanie et le Tchad.
Sur ses traces, Jean-Félix Paganon, Représentant spécial de la France au Sahel de 2012 à 2013, a rejoint en 2017 « Tasiast Mauritanie », une filiale du Groupe Kinross Gold Corps comme conseiller pour la Mauritanie. Ambassadeur de France en Côte d’Ivoire de 2012 à 2017, George Serre devenu VRP de plusieurs entreprises françaises en Afrique, particulièrement en Côte d’Ivoire où il conserve d’étroites relations avec le président Alassane Ouattara.
En théorie, les diplomates doivent observer une période morte de trois années avant de revenir via le privé dans les pays où ils ont représenté la France. Mais, presque personne ne prête attention à cette disposition, au motif que le contexte actuel marqué par la menace terroriste, notamment au Sahel, rend indispensable l’expertise de ces anciens ambassadeurs de France.
Les treillis aussi s’y mettent
Les diplomates du Quai d’Orsay ne sont pas seuls à profiter du bon filon des conseils aux Etats et aux entreprises. D’anciens attachés de défense dans les ambassades de France, d’officiers généraux ayant servi à la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du Quai d’Orsay ou dans les récentes opérations militaires françaises comme Serval, Sangaris ou Barkhane se sont reconvertis dans la formation et le conseil. Ils fournissent, en échange de contrats très juteux, aux Etats leur expertise pour la réforme des services de sécurité (RSS) afin de les préparer à mieux intégrer la menace terroriste. Agissant pour le compte de la société Themiis, Pee de Jong, ancien colonel des troupes de la Marine française et ancien aide de camp des présidents Mitterrand et Chirac, a ainsi assuré des modules de formation aux forces de sécurité mauritaniennes.
Après avoir été patron de la force française Licorne, en Côte d’Ivoire puis directeur de la DCSD au ministère des Affaires étrangères, le général Bruno Clément-Bollée a rejoint en mars 2017 la société Sovereign Global France pour s’occuper des réformes RSS dans les pays africains. Celles-ci bénéficient généralement d’importantes sommes d’argent accordées par l’Union européenne ou la coopération bilatérale qui rêvent d’une montée en puissance des forces de sécurité des pays africains afin qu’elles fassent plus efficacement face à la menace terroriste.
Qu’ils soient fournis par des civils ou des militaires, les conseils aux entreprises incluent souvent des sessions de préparation du personnel aux missions ponctuelles voire à l’installation dans le contexte des pays en proie à la menace terroriste.
Des multinationales présentes dans les pays du Sahel comme Orange, Areva, Total, Eiffage, Air France, Sogea-Satom, Colas ont soit mis en place des directions de la protection du patrimoine et du personnel (DPP), soit recruté d’anciens officiers de l’armée française, de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pour les accompagner. Ainsi le pétrolier Total installé dans les pays menacés par les groupes terroristes (Burkina Faso, Cameroun, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria et Tchad) a confié en 2016 le poste de chef de sa sécurité au général de gendarmerie Denis Favier, ancien patron du Groupement d’intervention de la gendarmerie (GIGN) et ancien directeur général de la gendarmerie nationale française.