Ni les prix proposés par le gouvernement, ni les quantités mises sur le marché ne satisfont les producteurs de cacao en Côte d’Ivoire. Sur fond d’un manque de transparence de cette filière en pleine ébullition
Correspondance, Bati Abouè
Le 3 avril dernier, le gouvernement qui avait pris acte de la détermination des producteurs ivoiriens à faire grève si le prix bord-champ du kilogramme de cacao restait à 1.000 FCFA, avait consenti une revalorisation de 50%. Ainsi, pour la première fois, le kilogramme de cacao allait être acheté à 1.500 FCFA/kg sur l’ensemble du territoire du pays. Sauf que tout cela tombait dans un contexte où les prix du marché international flambaient, d’une part, et que, d’autre part, le producteur camerounais touchait, lui, 5.200 FCFA le kilogramme. En conséquence, le planteur ivoirien fut forcé par les événements à protester contre cette modeste augmentation et à réclamer un prix minimum de 2.500 FCFA le kilogramme. Autrement, « on n’ira même pas cueillir le cacao au champ », répondirent sèchement les syndicats majoritaires.
En réponse, le Conseil café-cacao qui administre la filière a produit un communiqué pour mettre en garde les acheteurs contre toute surenchère. Ceux-ci, qu’ils soient nationaux ou étrangers, sont ainsi tenus de payer au prix minimum garanti qui est fixé à 1.500 FCFA le kilogramme. Rien de plus. Sauf qu’en raison de la faiblesse des marges, c’est d’ordinaire sur la quantité de cacao achetée que les acheteurs réalisent leurs gains. Malheureusement, le gouvernement qui n’avait pu fournir que 2 millions de tonnes sur les 2,4 annoncés pour la campagne principale s’attend également, là aussi, à une diminution des quantités de cacao pour cette campagne intermédiaire. Cela, à cause des conditions climatiques qui font qu’à cette période, les cabosses sont beaucoup plus petites avec des conséquences sur les fèves.
Les acheteurs mécontents
Ainsi, selon des sources internes, le Conseil café-cacao s’attend à une production de 300 à 400.000 tonnes de cacao. Malheureusement, les acheteurs sont, eux aussi, réticents. Car d’habitude, Cargill par exemple achetait, à lui seul, 300.000 tonnes de cacao durant la campagne principale. C’est en effet grâce à cette masse de cacao achetée que ses marges qui sont seulement de 80 FCFA le kilogramme peuvent rester attractives. Or, non seulement la quantité de cacao mise en vente diminue, et à un prix majoré. En conséquence, les acheteurs ne se bousculent pas et beaucoup préfèrent attendre la campagne principale qui s’ouvrira début octobre.
Les producteurs, eux, subissent la double peine. Ceux d’entre eux qui avaient applaudi lesdites augmentations encore plus puisque les acheteurs se font rares et ne laissent pas le choix à ceux qui ont besoin d’argent de vendre en deçà du prix garanti.
L’opacité de la filière
Une telle conjoncture ne fait qu’en rajouter aux problèmes de la filière, et principalement à son manque de transparence. En effet, cela fait déjà plusieurs mois que l’ancien Premier ministre de Gbagbo, Affi N’guessan, qui est également député d’une région où l’on produit beaucoup le cacao, avait envoyé un courrier au président de l’Assemblée nationale pour le pousser à demander un audit de la filière en raison de son importance pour l’économie du pays. Mais il n’a reçu aucune réponse. Et le gouvernement ne semble pas moins bien s’en porter.