Après l’importation, le commerce des grandes-surfaces, l’immobilier ou le BTP, les dirigeants algériens investissent un nouveau créneau pour gagner de l’argent et conforter leurs fortunes.
Crise oblige, les caciques du régime doivent se réadapter à ce nouveau contexte économique où leurs secteurs prisés durant des années accusent un important ralentissement. L’argent ne coule plus à flot dans les secteurs traditionnellement investis par les familles des décideurs politiques. Mais, un dirigeant algérien finit toujours par retomber sur ses pattes puisqu’il se démène pour trouver un nouveau créneau où il peut se recycler. Et la concession agricole dans le sud et les hauts-plateaux du pays est le nouveau business qui séduit les apparatchiks du régime et les milliardaires algériens.
Le général aux 8000 hectares
Ces derniers temps, des milliers d »hectares fertiles ont été accordés à des entreprises d’exploitations appartenant directement ou indirectement à des hauts responsables. Le cas le plus emblématique concerne le général-major Ahmed Boustila, l’ancien commandant de la Gendarmerie algérienne, qui a été mis à la retraite au cours de cette année 2015. Mais, avant son éviction, le général Boustila a bénéficié de la concession de plusieurs milliers d’hectares dans la région d’El Ménéa, située à plus de 200 Km au sud de Ghardaïa. Les proches de ce général-major ont bénéficié de ces vastes terres dans le cadre du programme de l’Etat algérien consacré au développement de l’agriculture saharienne et de la mise en valeur de ces terres longtemps abandonnées et inexploitées.
Plusieurs sources officieuses parlent de l’équivalent de 8000 hectares qui ont été mis à la disposition de ce haut gradé de l’armée algérienne. Grâce à ces hectares, le bénéficiaire peut toucher de juteuses subventions publiques accordées dans le cadre du fonds national pour le développement des investissements agricoles. Ces dirigeants et leurs proches peuvent empocher jusqu’à l’équivalent de 10 mille euros par hectare.
L’Etat prédateur
Certains comme les proches d’Ahmed Bousilla font semblant de les investir réellement, mais d’autres détournent et la terre demeure en jachère. Et lorsqu’ils quittent le pouvoir ou lorsque leur clan tombe en disgrâce, des dirigeants se retrouvent privés brutalement de ces terres comme c’était le cas de Mustapha Benmansour, ancien ministre de l’Intérieur durant les années 90. Ce dernier a perdu ses centaines d’hectares à El Ménéa lorsque l’Etat s’est intéressé de près à la ferme de sa famille qui ne produisait pratiquement rien ! Et pourtant, elle avait bénéficié d’un généreux soutien financier. Le même cas a été observé avec le célèbre général Larbi Belkheir qui fut longtemps le chef de cabinet de l’ex-Président Chadli Bendjedid. Après sa mort en 2010, l’Etat a dérobé aux membres de sa famille sa ferme étendue sur des centaines d’hectares.
Terres de show biz
Mais les dirigeants qui continuent de peser politiquement ne sont guère inquiétés. Du moins jusqu’à maintenant. Par ailleurs, force est de constater que la concession agricole profite même aux stars du Show-biz comme l’ex-célèbre athlète, Hassiba Boulmarka qui avait offert à l’Algérie sa première médaille d’or lors des jeux olympiques de Barcelone en 1992. Reconvertie dans les affaires et la politique, elle a bénéficié de pas moins de 1700 hectares au sud d’Ouargla qu’elle n’entretient aucune relation avec l’agriculture. L’exploitation de ces terres a été soutenue financièrement par l’Etat algérien. Mais, sur place, la plus grande partie de ces terres n’est guère cultivée.
L’homme d’affaires Djilali Mehri, l’une des grosses fortunes en Algérie, aujourd’hui très discret en raison de ses profonds désaccords avec Abdelaziz Bouteflika, jouit aussi de l’exploitation de 15 mille hectares dans la région d’El Hadjira près de Touggourt au sud du pays. L’Etat lui a financé plusieurs installations agricoles en échange de son engagement de fertiliser ces immenses terres. Malheureusement, sur place, seule une infime partie est réellement exploitée. Ancien ministre, général, homme d’affaires ou sportif apprécié et proche des décideurs algériens, la concession est le nouveau business qui fait le bonheur de tout ce beau monde au grand dam des vrais agriculteurs algériens qui patinent dans les sables mouvants de l’administration algérienne quand ils demandent un simple soutien logistique. Le résultat est plus que catastrophique puisque l’Algérie importe presque tout pour nourrir sa population.