Gabon, Noureddin Bongo en conflit avec les réseaux d’affaires de son père

Nommé par le président gabonais, Ali Bongo, au poste de Coordinateur Général des affaires présidentielles, Noureddin Bongo s’octroie des pouvoirs particulièrement étendus via une mystérieuse « Task Force » basée à la Présidence, mais sans aucune existence légale. Ce qui remet en cause les relations d’affaires de son propre père Ali Bongo

La rédaction de Mondafrique

Le 5 Décembre 2019, Noureddin Bongo est nommé par décret présidentiel « Coordinateur des affaires présidentielles ». Si la fonction existait déjà du temps de son grand-père Omar Bongo et avait été occupée par l’ancien grand argentier du Gabon, Jean Pierre Lemboumba Lépandou, l’innovation réside dans les nouvelles prérogatives qu’elle donne au fils d’Ali Bongo, le Président en titre, mais désormais très diminué et malade.

Selon le texte, « le Coordinateur Général des Affaires Présidentielles assiste le Président de la République dans la conduite de toutes les affaires de l’Etat et veille à la stricte application de ses décisions ». Disons que le fils d’Ali Bongo s’octroie un pouvoir d’intervention dans les domaines les plus variés, des Universités à l’énergie et au pétrole.  Et il agit au nom d’une mystérieuse « Task Force » qui, semble-t-il, ne possède aucune existence dans le droit gabonais et travaille en relation avec la société Shanah Investments, basée à Londres et à Dubaï, et dont Noureddine Bongo est le fondateur. 

 Le fait du Prince 

En clair, Noureddin Bongo a établi un gouvernement parallèle qui se substitue aux autorités légales sans ménagement sous couvert de cette « Task force ».  Composée des très jeunes collaborateurs de Noureddin, ces « Task forces » possèdent un périmètre d’intervention à géométrie variable, avec le souci de se créer ses propres réseaux affairistes.

Ainsi, Noureddin Bongo a par le biais de la « Task Force pour le règlement de la dette intérieure du Gabon » a effacé d’un coup 457 millions d’euros que l’Etat devait aux entreprises notamment étrangères. Ce qui jette un sérieux trouble chez les fournisseurs habituels du Gabon, notamment en France, au Maroc ou en Israel. Ces fonds, prétendent les amis du nouveau maitre de Libreville, ne correspondent pas au règlement de travaux effectifs. Pire, ils pourraient servir à verser des commissions occultes.

De nombreuses plaintes à l’étranger

La société israélienne Téléménia présente au Gabon depuis 2009 grâce à l’appui de « Falcon Eye » (FEI), le cabinet de conseil préféré d’Ali Bongo et à ce titre détenteur de nombreux secrets du sérail gabonais,  s’était engagée dans des projets énergétiques, notamment, la construction de deux centrales électriques à gaz à hauteur de 52,5 mégawatt dans les villes de Port-gentil et de Libreville. Mais faute du versement de la contre-partie financière par un État mauvais payeur, l’entreprise a été obligée de geler ces deux chantiers. Du coup, Télémania s’est révélé incapable de payer ses fournisseurs, dont le cabinet « Falcon Eye ». Lequel a décidé de porter plainte en mandatant une armada de grands avocats internationaux.

Or la surprise, la voici. C’est la Task Force de Noureddin Bongo qui pousse désormais Télémania vers la sortie. Dans un courrier à en tète de la Présidence que Mondafrique s’est procuré, l’anonyme chef de mission de cette mystérieuse cellule présidentielle négocie les conditions du départ de cette société, non sans l’accuser à mots couverts de corruption (voir notre document ci dessous).

Un détail intéressant, les proches de Noureddin demandent à leurs interlocuteurs de ne plus se rendre aux réunions communes avec les représentants de Falcon Eye, la société proche d’Ali Bongo.!  

Tuer le père !

Ce n’est pas tout. Une autre Task force, baptisée« Stratégie gazière », a été chargée par le fils d’Ali Bongo de s’intéresser aux ressources naturelles du Gabon avec là encore la volonté de redistribuer les appels d’offre et de bousculer les interlocuteurs habituels du pays. « L’objectif du fils d’Ali Bongo est clairement de fabriquer ses propres réseaux d’intermédiaires, explique-t-on au Quai d’Orsay, et d’assécher  financièrement ses principaux adversaires au sein du pouvoir gabonais, notamment Frédéric Bongo, l’ex chef des services de renseignement de la garde présidentielle, qui est très protégé par la France où il possède plusieurs appartements ».  

Le fils d’Ali Bongo prépare ainsi son accession au pouvoir en rassemblant la manne finacière qui lui permettra, demain, d’arroser généreusement ses partisans. La dernière « task force » qu’il a créée en février dernier a comme objectif « accélération de la transformation du pays d’ici à la présidentielle de 2023 ». Si Noureddin Bongo se rend souvent « sur le terrain » visiter des centrales d’électricité ou le chantier de l’université de Libreville dont les travaux durent depuis dix ans, il assiste aussi son père dans ses activités présidentielles plus politiques. On le voit presque toujours aux côtés du chef de l’exécutif gabonais lors des audiences.… 

Alors qu’Ali Bongo  est, selon Forbes, à la tête d’une fortune d’un milliard de Dollars, Noureddin Bongo souhaite bénéficier d’une partie du pactole pour se créer sa propre clientèle d’obligés. Si cela ne montre pas une claire volonté de se dégager de la tutelle paternelle- les analystes parleraient de la résolution du complexe d’Oedipe-, cela y ressemble  fort ! 

Noureddin Bongo Valentin, le régent du Gabon (« Les fils de » 3/6)