- Mondafrique https://mondafrique.com/economie/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Tue, 16 Dec 2025 15:09:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/economie/ 32 32 La liquidation du groupe Brandt, un naufrage entre Paris et Alger https://mondafrique.com/economie/la-liquidation-du-groupe-brandtbrandt-un-naufrage-entre-paris-et-alger/ https://mondafrique.com/economie/la-liquidation-du-groupe-brandtbrandt-un-naufrage-entre-paris-et-alger/#respond Fri, 12 Dec 2025 08:25:55 +0000 https://mondafrique.com/?p=144113 La liquidation judiciaire de Brandt, prononcée le 11 décembre 2025, met un terme à une aventure industrielle commencée avec enthousiasme en 2014 grâce aux liens tissés entre Issad Rebrab, le milliardaire labyle historiquement proche des services alagériens et Emmanuel Macron, alors ministre de l’Industrie de François Hollande et achevée dans les tensions politiques et l’épuisement […]

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La liquidation judiciaire de Brandt, prononcée le 11 décembre 2025, met un terme à une aventure industrielle commencée avec enthousiasme en 2014 grâce aux liens tissés entre Issad Rebrab, le milliardaire labyle historiquement proche des services alagériens et Emmanuel Macron, alors ministre de l’Industrie de François Hollande et achevée dans les tensions politiques et l’épuisement financier. Ce naufrage raconte autant l’histoire d’un modèle économique défaillant que celle d’une relation franco-algérienne minée par la méfiance et les calculs de pouvoir.

Lorsque Cevital reprend FagorBrandt le 15 avril 2014, la France y voit la preuve qu’un investisseur étranger peut contribuer à préserver l’industrie nationale, tandis que l’Algérie glorifie l’ascension d’un champion privé capable d’acquérir un industriel européen. Derrière ces discours, les fragilités de l’électroménager français sont déjà présentes, tout comme les limites d’un partenariat économique entre deux États dont la relation reste marquée par des tensions récurrentes.

L’argent afflue, les pertes aussi

Cevital investit massivement durant la décennie suivante. Le groupe débourse environ cinquante millions d’euros pour la reprise, puis près de cinquante millions supplémentaires pour relancer les usines françaises, avant de consacrer plus de deux cent cinquante millions à la construction du complexe de Sétif en Algérie.

Malgré ces efforts, Brandt ne parvient jamais à retrouver un modèle viable. Le bilan arrêté au 31 décembre 2023, le dernier publié par le groupe Brandt, affiche une situation nette négative et une trésorerie insuffisante face à des dettes dépassant les deux cents millions d’euros. L’entreprise survit grâce aux avances intragroupe, signe d’une dépendance croissante et d’une absence de redressement structurel.

Une entreprise défaillante pendant de dix ans 

Pourquoi Cevital est parti dans cette galère industrielle, Cette question s’impose comme l’une des zones d’ombre les plus dérangeantes du dossier. Les montants investis par Cevital dépassent largement ce que justifiait la performance réelle de Brandt. Pourquoi maintenir sous perfusion une filiale déficitaire pendant plus d’une décennie ? Pourquoi prolonger une stratégie qui ne fonctionne pas, sans jamais en expliquer le sens ?

Les explications officielles évoquent le prestige international, le soutien à un projet transméditerranéen ou la volonté d’alimenter l’usine de Sétif en volumes européens. Mais ces arguments ne suffisent pas à éclairer un engagement financier aussi disproportionné.

Dans les milieux économiques, un autre questionnement émerge, plus direct et plus sensible. Brandt a-t-elle servi à autre chose qu’à produire des réfrigérateurs et des machines à laver ? Une filiale structurellement déficitaire peut-elle devenir un outil pratique pour faire circuler des flux intragroupe qui ne pourraient transiter par les circuits algériens ?

Certains observateurs évoquent, sous forme d’hypothèse, l’idée d’un possible usage de Brandt comme mécanique de recyclage financier. Aucun élément factuel ne permet de confirmer un dispositif de blanchiment ou de manipulation comptable. Mais l’absence d’explication claire de Cevital, l’ampleur du soutien accordé malgré l’échec industriel et l’opacité des flux financiers intragroupe alimentent un doute légitime. Une telle incohérence constitue un signal d’alarme qui appelle des réponses. Elles n’ont jamais été fournies.

L’effondrement final en 2024 et 2025

Le recul du marché européen en 2024 accélère la chute. Les ventes baissent, les banques se retirent et Cevital, engagé dans une recomposition interne, cesse de financer la filiale française avec la même intensité. Le 1ᵉʳ octobre 2025, Brandt est placé en redressement judiciaire. Le 11 décembre, faute de repreneur crédible, le tribunal prononce la liquidation. Environ sept cents salariés perdent leur emploi.

Les projets de reprise en coopérative échouent malgré leur sérieux, car aucune banque n’accepte de soutenir une entreprise que Cevital lui-même ne défend plus.

Le pouvoir algérien et la nouvelle ligne de Cevital

La faillite de Brandt s’inscrit dans un contexte politique algérien profondément transformé. Depuis l’accession d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir, l’État exige des grands groupes économiques une loyauté sans ambiguïté. Issad Rebrab, fondateur de Cevital, devient progressivement une figure trop indépendante.

À partir de 2022, son fils Malik Rebrab prend en main la direction opérationnelle du groupe. Il écarte son père et son frère Omar des centres de décision et renforce ses liens avec l’entourage du président Tebboune. Cette consolidation interne s’accompagne d’un recentrage sur les activités jugées stratégiques pour l’Algérie. Brandt France, structure déficitaire et politiquement inutile, est abandonnée dans ce virage.

À l’image des relations franco-algériennes

Les années 2023-2025 voient les relations entre Paris et Alger traverser une zone de turbulences : désaccords sur les visas, divergences au Sahel, tensions mémorielles et concurrence d’influence en Afrique. Aucun climat de confiance n’encourage la consolidation d’un projet industriel franco-algérien.

La France laisse Brandt s’effondrer sans intervention significative. L’Algérie n’a aucune raison politique de soutenir une filiale étrangère en perte chronique. La faillite devient alors le reflet d’une relation bilatérale qui peine à dépasser les crispations diplomatiques.

Les bassins industriels de Vendôme et d’Orléans paient le prix fort. Les suppressions d’emplois frappent des territoires déjà fragilisés, tandis que les sous-traitants locaux s’effondrent. Les élus dénoncent une désindustrialisation devenue systémique et l’incapacité de la France à protéger les chaînes de production encore présentes sur son sol.

Quand l’économie s’efface devant la politique

La disparition de Brandt résulte d’une combinaison étroite de fragilités industrielles et de calculs politiques. La recomposition du pouvoir au sein de Cevital, les priorités du régime algérien et la méfiance persistante entre Paris et Alger ont créé un environnement où la survie d’une filiale française déficitaire n’avait plus aucune justification stratégique.

Brandt s’éteint en France tandis que son usine de Sétif poursuit son activité, confirmant le basculement d’un projet présenté comme transnational vers une logique strictement nationale. L’histoire retiendra qu’au-delà des bilans comptables, c’est le politique, en France comme en Algérie, qui a façonné le destin de cette entreprise.

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Le dollar ignoré par les flux financiers africains https://mondafrique.com/a-la-une/le-dollar-ignore-par-les-flux-financiers-africains/ https://mondafrique.com/a-la-une/le-dollar-ignore-par-les-flux-financiers-africains/#respond Mon, 08 Dec 2025 07:26:04 +0000 https://mondafrique.com/?p=143900 L’adhésion d’Afreximbank et de Standard Bank au système international CIPS (Cross‑Border Interbank Payment System) marque une étape importante pour l’intégration financière africaine. Elle illustre une volonté claire : fluidifier les échanges, réduire les coûts de transaction et diversifier les canaux de paiement au-delà des systèmes de compensation traditionnels centrés sur le dollar américain.   La […]

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L’adhésion d’Afreximbank et de Standard Bank au système international CIPS (Cross‑Border Interbank Payment System) marque une étape importante pour l’intégration financière africaine. Elle illustre une volonté claire : fluidifier les échanges, réduire les coûts de transaction et diversifier les canaux de paiement au-delà des systèmes de compensation traditionnels centrés sur le dollar américain.
 
La rédaction de Mondafrique 
 
Jusqu’à présent, les règlements interbancaires transfrontaliers demeuraient lents et coûteux, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises. Ces dernières subissaient des délais de traitement longs, des frais élevés et des écarts de change défavorables.
L’intégration au CIPS offre une alternative plus directe : les paiements s’effectuent plus rapidement, avec moins d’intermédiaires bancaires et une meilleure visibilité sur les coûts finaux. Ce gain d’efficacité opérationnelle se traduit par une amélioration de la trésorerie et une réduction du risque de change.
 
Diversification des cadres monétaires
 
La dépendance structurelle aux règlements en dollar américain a longtemps limité la flexibilité des banques africaines. En rejoignant une infrastructure internationale multidevise, les établissements financiers peuvent désormais ajuster leurs transactions à la réalité des flux commerciaux, notamment lorsque d’autres devises deviennent plus pertinentes pour certains secteurs ou partenaires.
Cette diversification contribue à stabiliser les coûts d’importation et renforce la résilience des économies africaines face aux chocs monétaires externes. Elle ouvre également la voie à une réallocation plus équilibrée des devises dans les portefeuilles institutionnels.
 
Impact sur la compétitivité et la dynamique bancaire
 
Pour les entreprises africaines, disposer de plusieurs canaux de règlement constitue un avantage stratégique. Les opérations deviennent plus prévisibles, la gestion du risque financier gagne en efficacité et les marges commerciales se sécurisent.
Les banques, de leur côté, y voient l’opportunité d’élargir leur offre de services, d’attirer une clientèle transnationale et de renforcer leur rôle dans l’intermédiation régionale. En réduisant les coûts d’entrée au commerce international, elles participent à la consolidation d’un espace économique africain plus intégré et mieux connecté aux marchés mondiaux.
 
Une dynamique régionale en construction
 
L’adoption du CIPS s’inscrit dans une trajectoire plus vaste de modernisation financière. Elle converge avec plusieurs initiatives panafricaines de paiement et de compensation destinées à harmoniser les cadres réglementaires et techniques des systèmes bancaires nationaux.
À terme, cette transformation pourrait permettre au continent de renforcer son autonomie financière, d’optimiser les circuits intra‑africains et de mieux capter la valeur créée par l’essor du commerce régional. Le véritable enjeu n’est pas seulement technique : il est structurel, car il concerne la capacité des institutions africaines à s’insérer durablement dans une architecture monétaire plus diversifiée et plus fluide.

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Le marché noir de la devise en Algérie en 2025 https://mondafrique.com/a-la-une/le-marche-noir-de-la-devise-en-algerie-en-2025/ Tue, 25 Nov 2025 14:02:54 +0000 https://mondafrique.com/?p=143260 En Algérie, l’accès aux monnaies étrangères comme l’euro ou le dollar est strictement encadré par l’État. Les banques ne fournissent que de faibles quantités de devises à des taux administrés très éloignés du prix réel. Cette rareté a fait émerger depuis des décennies un marché parallèle, visible et toléré, où les devises s’échangent à des […]

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En Algérie, l’accès aux monnaies étrangères comme l’euro ou le dollar est strictement encadré par l’État. Les banques ne fournissent que de faibles quantités de devises à des taux administrés très éloignés du prix réel. Cette rareté a fait émerger depuis des décennies un marché parallèle, visible et toléré, où les devises s’échangent à des taux nettement plus élevés.

Ce marché est devenu la principale source de devises pour les particuliers et une part importante des opérateurs économiques, au point d’influencer directement les prix, les comportements d’achat et l’équilibre global de l’économie.

Square Port Said : la vraie référence

À l’automne 2025, l’euro s’échange autour de 280 dinars au marché noir (283,5 dinars le 24 novembre 2025), contre près de 150 dinars au taux officiel. L’écart dépasse 80 %. La presse économique décrit une hausse continue depuis un an et une prime parmi les plus élevées de la région. Les taux du marché informel, notamment à Alger, sont devenus la référence réelle des importateurs, des voyageurs, des étudiants et des familles de malades. Le système bancaire, incapable d’alimenter suffisamment le marché officiel, laisse ainsi le marché noir dicter la valeur du dinar dans la vie quotidienne.

La montée du dollar et de l’euro ne reflète pas un choc ponctuel mais un blocage profond. L’allocation touristique annoncée comme revalorisée tarde à être appliquée, maintenant les voyageurs dans la dépendance du marché informel. Le taux officiel du dinar reste très éloigné de sa valeur de marché, ce qui permet à divers acteurs d’arbitrer entre les deux segments.

Les dernières recommandations du FMI insistent sur ce point : le Fonds appelle à rapprocher progressivement les deux taux de change, à accroître l’offre légale de devises pour les particuliers et à réduire une prime informelle jugée « excessive » et source de rentes, de distorsions et de fuite de capitaux.

Défiance bancaire et domination de l’informel

La confiance envers les banques demeure faible. La lourdeur administrative, l’absence de produits attractifs en devises et la crainte de la traçabilité découragent les ménages comme les commerçants. Les transferts familiaux évitent largement les circuits officiels, tandis que le commerce informel alimenté par les restrictions à l’importation s’approvisionne en devises sur le marché noir, consolidant son rôle central.

Les réseaux de change informels réalisent des marges élevées, mais ils ne sont que la surface visible d’un système beaucoup plus large. Les véritables absorbeurs de devises appartiennent à plusieurs secteurs d’importation : téléphonie et électronique, textile et chaussures, électroménager, pièces détachées automobiles, véhicules importés en conteneurs, produits pharmaceutiques non remboursés, ainsi que le commerce de détail lié au « cabas ». Ces filières, fortement dépendantes des fournisseurs étrangers, achètent leurs devises quasiment exclusivement sur le marché noir. Elles fixent ensuite leurs prix en Algérie directement selon le taux informel, pérennisant la demande et renforçant la prime sur la devise.

À ces importateurs s’ajoutent des opérateurs disposant d’un accès privilégié au taux officiel. Plusieurs analyses de presse et rapports d’institutions internationales décrivent ce mécanisme : un accès subventionné à la devise permet à certains acteurs de financer des opérations à un coût artificiellement bas, générant des rentes importantes grâce à la revente, à la surfacturation ou à des opérations d’arbitrage. Le FMI souligne que ce dédoublement du taux de change alimente la corruption et encourage le blanchiment.

La diaspora constitue un autre pilier de l’approvisionnement en devises. Une grande partie des flux transite par des circuits informels organisés. L’un des systèmes les plus répandus fonctionne via des officines en Europe, taxiphones, épiceries, restaurants, agences de voyages, où un membre de la diaspora dépose des euros, quelques heures plus tard, sa famille reçoit en Algérie l’équivalent en dinars au taux du marché noir. Le transfert s’effectue dans l’autre sens de la même manière : un commerçant algérien remet des dinars à un intermédiaire local et l’argent en euros est versé à un proche résidant en Europe. Le tout sans transporter physiquement de devises et en contournant totalement les banques. Des canaux encore plus opaques sont mentionnés par la presse internationale, comme l’utilisation de valises diplomatiques ou de circuits protégés facilitant le transfert discret de devises et alimentant indirectement le marché parallèle.

Ce système à plusieurs étages, cambistes, importateurs, détenteurs de privilèges, diaspora, forme une économie parallèle complète, qui s’autoalimente et se stabilise car elle répond à des besoins réels et offre des marges très élevées.

Des effets lourds sur les prix et la stabilité

La majorité des biens importés — électronique, médicaments, pièces détachées, électroménager ou véhicules — sont désormais évalués sur la base du taux parallèle, aggravant l’inflation. Le salaire minimum, équivalant à moins de 75 euros sur le marché noir, illustre la chute du pouvoir d’achat.

La presse économique souligne la perte de recettes fiscales, l’affaiblissement des réserves officielles, le frein à l’investissement étranger et l’enracinement structurel de l’informel. À cela s’ajoutent les risques réputationnels liés à la surveillance internationale des flux suspects, dans un contexte où le pays reste sous observation renforcée en matière de lutte contre le blanchiment.

Des mesures officielles sans effet

Les autorités annoncent régulièrement des réformes : réglementation des bureaux de change, revalorisation de l’allocation touristique, plafonnement des sorties de devises, mesures fiscales anti-informel.

Mais leur mise en œuvre reste limitée. Les bureaux de change n’ouvrent pas, l’allocation revalorisée n’est pas accessible à la majorité des voyageurs, et le taux officiel demeure trop éloigné du taux parallèle pour assécher la rente.

Sans un rapprochement du taux officiel et du taux réel — comme le recommande le FMI — et sans une réforme profonde du système bancaire, ces mesures ne peuvent modifier une réalité enracinée depuis des années.

Un déséquilibre devenu structurel

Le marché noir de la devise n’est plus un dysfonctionnement périphérique, mais l’expression d’un déséquilibre installé au cœur du système économique. Il révèle la rupture entre un cadre monétaire rigide et une économie réelle qui contourne les institutions pour créer ses propres mécanismes.

Tant que le pays maintiendra un taux officiel déconnecté, un accès restreint aux devises et un appareil bancaire incapable d’absorber la demande, le marché parallèle restera la véritable référence.

Ce phénomène dépasse la simple question de change : il traduit l’effritement des capacités de régulation, l’érosion de la confiance collective et la perte progressive de contrôle de l’État sur des flux vitaux. Dans un pays dépendant des importations et exposé aux tensions globales, cette dérive structurelle constitue un risque majeur.

Lorsqu’une monnaie cesse de refléter la réalité, c’est toute l’architecture économique et sociale qui commence à vaciller.

Le marché noir des devises plombe l’économie algérienne

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Les Indo-Pakistanais, un poison pour l’indépendance de Madagascar (volet 2) https://mondafrique.com/economie/les-indo-pakistanais-un-poison-pour-lindependance-du-pats-volet-2/ Sat, 22 Nov 2025 19:07:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=143115 Les indo-Pakistanais, dont les parents ont été de simples auxiliaires au service de la colonisation, sont devenus aujourd’hui des acteurs indispensables de la vie économique et des leviers essentiels au sein de la classe politique malgache. Sur l’image ci dessus, on découvre Ylias Akbaraly, Hassanein Hiridjee et Hasnaine Yavarhoussen, trois hommes d’affaires malgaches d’origine indo-pakistanaise […]

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Les indo-Pakistanais, dont les parents ont été de simples auxiliaires au service de la colonisation, sont devenus aujourd’hui des acteurs indispensables de la vie économique et des leviers essentiels au sein de la classe politique malgache. Sur l’image ci dessus, on découvre Ylias Akbaraly, Hassanein Hiridjee et Hasnaine Yavarhoussen, trois hommes d’affaires malgaches d’origine indo-pakistanaise et qui sont cités parmi les plus grandes fortunes d’Afrique francophone par le très respectable magazine « Forbes ». L’influence de ces oligarques est telle que malgré le changement de régime, la gendarmerie malgache qui avait montré cet automne une brutalité particulière face aux manidestations du camp démocrate, a interpellé ces jours ci un jeune influenceur français Dylan Silva , qu avait mis en cause cette oligarchie indo pakistanaise et qui n’a pù sortir de détention que grâce à la mobilisation massive de ses amis sur place (GenZ, etc.)

Daniel Saine Roche

La puissance économique de la minorité indo-pakistanaise est désormais telle qu’elle peut étaler sans complexe ses influences politiques. Si jusqu’à une certaine époque, la neutralité était de règle au sein de la communauté, tout a changé avec le coup d’Etat sanglant de 2009 lors duquel des personnalités indo-pakistanaises ont agi directement sur la scène politique malgache. Selon la déclaration d’un des principaux auteurs du coup, le Colonel Charles Andrianasoavina (propos recueillis par Philippe Divay et publiés dans le Club de Mediapart en 2012 et 2013), des hommes d’affaires indiens ont apporté un financement substantiel au « double coup d’Etat commandité par Andry Rajoelina ». Ont été ainsi cités des quincaillers en la personne de MM Said et Galib, mais aussi des patrons de grandes entreprises comme Ylias Akbaraly du Groupe SIPROMAD et Amir Rajabali du Groupe Rajabali.

Par ailleurs, la saga de la crise énergétique a Madagascar constitue aussi une illustration de cette influence politique.  Fidèle Razarapiera, Vice-président de l’Assemblée nationale, clame que le problème auquel est confronté aujourd’hui la société nationale d’eau et électricité (Jirama) est dû à la dépendance de cette entreprise aux Groupes Filatex de  Hasnaine Yavarhoussen et à la Jovena de Hassanein Hiridjee.  Selon lui, ces deux entités ont pu mettre en place un réseau occulte permettant de protéger leurs intérêts, capable de dicter les décisions de la JIRAMA, de l’État malgache, et même de son partenaire international, la Banque mondiale.

Hassanein Hiridjee, propriétaire du groupe Axian et Jovena contrôle en effet l’énergie qui alimente la JIRAMA (le gazole, le fioul, le fioul lourd) tandis que Hasnaine Yavarhoussen (Filatex) contrôle la fourniture des groupes photovoltaïque et thermique, ainsi que la production énergétique, rendant l’État totalement dépendant de lui. La dépendance commence dès la phase de production, et s’étend sur les infrastructures logistiques, les stocks de carburant, les systèmes de maintenance. Et ce sont ces mêmes groupes qui bénéficient des marchés de construction, des garanties de paiement, et d’un cadre fiscal peu contraignant. Le contrôle étatique est difficile à mettre en œuvre car celui qui vend du carburant à l’État lui-même incapable de payer, qui construit ses centrales, qui impose ses clauses contractuelles, peut imposer sa propre règle du jeu. Dans cet optique, le vice-président de l’assemblée nationale affirme que Hassanein Hiridjee et Hasnaine Yavarhoussen ont des hommes de main dans l’administration malgache, au sein des Institutions, et dans les différents syndicats. Le nouveau Premier ministre est par exemple l’ancien Président d’une banque appartenant à la famille Hiridjee, et des ministres nouvellement nommés ont été avant leur nomination au gouvernement des cadres dirigeants d’entreprises locales du groupe Filatex de Yavarhoussen ou du Groupe Basan de la famille Barday.   

Un autre fait qui distingue la minorité indo-pakistanaise à Madagascar se trouve dans sa réputation d’ « accapareur » de terrains. Le placement immobilier effectué par cette communauté témoigne de son intelligence dans la pratique des affaires, quand bien même les méthodes utilisées suscitent l’animosité du public.  Ainsi, à Morondava (Sud-Ouest), 90% des maisons appartiennent à des indiens. A Majunga (Ouest), ils seraient en possession de près de 50% des immeubles en dur. A Diégo-Suarez (Nord), une bonne partie des locaux leur appartiendrait. Enfin à Tananarive, il est de notoriété publique que des groupes comme Filatex disposent d’un important patrimoine immobilier (200 000 m2 bâtis) accumulé au fil des ans. Amir Rajabali, président d’un autre groupe familial, est présenté par une certaine presse comme un « richissime industriel accapareur de terrains fonciers », bénéficiant de la « complicité des responsables fonciers dans l’acquisition douteuse et abusive de nombreux terrains ».

Une intégration sociale difficile 

Il existe un sentiment de méfiance réciproque entre la communauté indo-pakistanaise et les Malgaches. Le premier et principal motif de suspicion réside dans la domination économique d’une partie importante du groupe, qui compte parmi les principaux hommes d’affaires et investisseurs du pays. On dit que leur richesse et leur réussite suscitent jalousie et convoitise, et que le reproche principal qui leur est adressé, c’est leur « réussite dans les affaires ».  C’est dire que les indo-pakistanais constituent facilement des boucs émissaires qui cristallisent le mécontentement populaire, souvent sur l’instigation de politiciens populistes.

D’un autre côté, les observateurs même les moins avertis notent qu’il ne s’agit aucunement d’une jalousie gratuite, mais d’un ressentiment alimenté au fil des générations par un sentiment d’injustice. Dès le départ, la communauté indo-pakistanaise a été favorisée par les colons et l’administration française, puis par les différents régimes qui se sont succédés à Madagascar. Au sein de la population, il est très fréquent d’entendre que les Indiens sont fourbes, malhonnêtes, intolérants, fermés sur eux-mêmes, méprisants envers les Malgaches, et qu’ils s’enrichissent à leur détriment. Cette dernière assertion part de la simple constatation du fait que les Malgaches figurent parmi les trois populations les plus pauvres de la planète, alors que certains hommes d’affaires indo-pakistanais ayant démarré leurs activités depuis la Grande ile sont devenus parmi les hommes les plus riches d’Afrique francophone. 

Il est vrai que les indopakistanais ne sont pas responsables de la pauvreté des Malgaches. Mais on ne peut pas nier qu’ils ont toujours mis à profit l’existence de dysfonctionnement et de mauvaise gouvernance politique pour s’enrichir encore plus grâce à de multiples subterfuges : corruption étatique, alimentation du circuit des économies informelles pour pouvoir effectuer des évasions fiscales, etc…Il est a noter que plusieurs noms indo-pakistanais très connus ont été cités dans le scandale du « panama papers ».

Quel futur pour la communauté indopakistanaise ?

En définitive, le principal frein à l’intégration sociale de la communauté indo-pakistanaise tient à son attachement au particularisme dans un contexte où même la construction d’un Etat-nation malgache n’est pas en elle-même achevée.  La Constitution garantit pour les citoyens malgaches un traitement égal sans considération de races ni de religions. En théorie, les « Karana » de nationalité malgache ne devraient donc rencontrer aucun problème. Mais il ne faut pas passer sous silence le fait que la politique de l’Etat en matière de minorités consiste à « sauvegarder la substance nationale ». Cette politique a amené l’Etat à porter un coup d’arrêt aux immigrations nouvelles, et à restreindre l’attribution de la nationalité malgache. Cette politique de restriction favorise l’apatridie au sein de la Communauté indo-pakistanaise.

Les plus riches Karana sont de nationalité française, ou au moins ont la double nationalité franco-malgache. A leur égard, la question se pose de savoir si l’atmosphère délétère qui prévaut à Madagascar ne les acculerait pas à terme à partir. Ils suivraient en cela l’exemple de nombreux Indiens qui ont en 1973 et 1975 plié bagages pour des horizons plus propices à leurs affaires comme La Réunion, l’ile Maurice, la France ou le Canada. D’autre part, les riches familles qui ont envoyé leurs enfants étudier en Europe ou ailleurs sont déçus par le fait que de nombreux jeunes ont pour la plupart épousé des étrangers et n’envisagent plus de retourner à Madagascar. Cette situation justifie l’angoisse des parents qui risquent ainsi de finir leurs jours sans héritiers.

D’autres membres de la communauté ont d’ores et déjà adopté une position intermédiaire, avec la psychose du kidnapping qui a envahi les riches hommes d’affaires indo-pakistanais ces dernières années. Ils dirigent leurs entreprises depuis l’extérieur, comme Sameer Rajabali du groupe éponyme (BTP, immobilier, hôtellerie) installé à Maurice ou Mathias Ismaïl et Gauthier Ismaïl du groupe Socota (textile, crevettes, immobilier) qui résident respectivement à Paris et à Maurice. Il en est de même des deux enfants d’Iqbal Rahim, le président fondateur de Galana (produits pétroliers), Rizwan Rahim et sa sœur Naila Shirazee née Rahim, qui vivent, comme leur père, à Dubaï.

On peut aussi s’attendre à des transferts de l’actif de leurs patrimoines à l’étranger. L’internalisation des activités de ces groupes constitue une prémisse a ce mouvement. C’est ainsi que nombre de ces entreprises sont tournées vers l’Europe ou les Etats-Unis pour leurs ventes (cas de la vanille de Trimeta ou les haricots verts de Basan), la recherche de partenaires ou l’importation de biens d’équipements (le groupe Rajabali en France). Certains sont devenus des multinationales qui ont essaimé à l’étranger, tel Axian qui est aujourd’hui présent dans les secteurs des télécoms, de l’énergie, de l’immobilier et des services financiers en Tanzanie, au Togo, au Sénégal, en Zambie. De même pour Filatex qui se positionne sur des pays comme le Ghana, la Guinée et la Cote -d’Ivoire depuis 2020. La société Galana est bien arrimée à Maurice, au Mozambique, en Afrique du Sud, et au Kenya, tandis que Socota de la famille Ismail développent leurs activités immobilières   à Maurice, et la branche « produits de la mer » en France, Ou encore Ylias Akbaraly, avec sa holding Redland, qui est présent dans de nombreux pays dont les États-Unis, la France, en Inde et au Moyen-Orient.

La véritable problématique invoquée par la faiblesse de l’intégration sociale de la communauté indo-pakistanaise se pose donc d’une façon plus cruciale pour les apatrides et les membres dont les conditions sociales sont moyennes, et qui ne peuvent envisager un avenir autre qu’à Madagascar.  Un mouvement à double sens est souhaitable pour parvenir à des relations saines et apaisées : d’une part, l’évolution des mentalités des Malgaches qui doivent désormais appréhender le concept de la « malgachitude » dans une acception plus large, non limitée aux seuls éléments austronésiens et africains qui ont caractérisé jusqu’ici la « substance nationale » malgache.  D’autre part est requis de la part de la minorité indopakistanaise un effort vers une volonté d’assimilation, a l’instar de la minorité d’origine chinoise a qui le Malgache confère sans problème la qualité de « sinoa gasy » (chinois-malgache)

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Alger et Madrid rabibochés, mais en désaccord sur le « Gazoduc Maghreb » https://mondafrique.com/confidentiels/alger-et-madrid-rabiboches-en-desaccord-sur-le-gazoduc-maghreb/ Fri, 21 Nov 2025 09:13:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=142984 Depuis juin 2022, les relations commerciales entre l’Algérie et l’Espagne sont au point mort. L

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La réception de l’ambassadeur espagnol en Algérie, Fernando Morán CalvoSotelo par Kamel Moula, président du conseil du renouveau économique algérien, constitue un élément de taille dans la lecture de la situation des relations algéro-espagnoles. Depuis juin 2022, les relations commerciales entre l’Algérie et l’Espagne sont au point mort. La rencontre entre ces deux hommes peut être considérée comme un indice important d’un retour à la normale dans un proche avenir. Sous réserve d’un accord sur le Gazoduc Maghreb voulu par l’Espagne

Profitant de l’envolée commerciale, Madrid sollicite Alger pour rouvrir le gazoduc Maghreb fermé depuis la fin du contrat en 2021 dans le prolongement de la détérioration des relations avec le Maroc. Le site espagnol « économia » fait état d’un refus catégorique des autorités algériennes au moment où le royaume Alaouites traverse une crise perceptible dans ce secteur. Le gouvernement marocain prépare une augmentation du prix de la bonbonne du gaz de 12 kilos de 50 dirhams à 60 dirhams pour l’année 2025 et envisage d’annoncer une augmentation de 10 dirhams de plus pour le début 2026 portant le prix de la bonbonne à 70 dihrams. Le consommateur marocain voit le prix du gaz s’envoler en dehors de sa bourse.

C’est le même gouvernement Espagnol de Pedro Sanchez, auteur de la crise avec l’Algérie, qui propose ses bonnes offices auprès d’Alger pour rouvrir le Gazoduc Maghreb qui traversait le territoire marocain. L’approvisionnement en gaz du marché Marocain était stable du temps où le gazoduc traversait le territoire. Selon l’accord entre les trois États, une partie du gaz était prélevée par le Maroc pour ses foyers et ses entreprises. Devant la demande de plus en plus accrue du Maroc, l’Espagne a accepté d’inverser le flux du Gazoduc du port espagnol de Tarifa aux ports marocains, ce qui a permit le maintien une certaine stabilité des approvisionnements en énergie.
Le Maroc a réussi à combler le manque à gagner du passage du gazoduc Maghreb par le Gaz Russe qu’il achetait sur le marché international. Or, depuis les sanctions imposait à ce pays, et la demande de consommation des foyers et des entreprises marocaines le gouvernement se retrouve face à une situation inédite. L’auteur de l’article, d’Economia, journal espagnol spécialisé dans le domaine d’économie, mentionne l’opposition d’Alger à la livraison de son gaz via l’autre gazoduc Medgaz ou par voie maritime si ce gaz serait vendu pour le marché marocain. « L’Algérie a averti Madrid qu’elle opposerait son veto à l’entrée de son gaz en Espagne via l’autre gazoduc, Medgaz, ou par bateau si ce gaz était utilisé pour être vendu au Maroc » souligne Carlos Ribagorda, l’auteur de l’article d’économia.
Alger compte exercer une pression maximale sur le royaume alaouite dans sa crise de pénurie de gaz qu’il traverse. L’Espagne reste son principal fournisseur, CORES, l’entité de détention chargée de maintenir les réserves stratégiques de produits pétroliers et de contrôler les stocks de l’industrie pétrolière et gazière en Espagne, confirme la hausse les exportations du gaz vers le Maroc. Celui-ci est devenu le second destinataire du Gaz espagnol après la France.

Le Maroc anticipe les événements en construisant des usines de GNL pour garantir son autonomie d’approvisionnement en achetant du Gaz aux États Unis et en Russie dans le futur. Le Projet du Gazoduc Nigeria approvisionnant l’Europe n’a pas encore trouvé une solution finale de passage. Faut-il qu’il traverse plusieurs États Africains pour finir sur les ports marocains ou le cheminement traversant uniquement le Niger et l’Algérie. La guerre entre le Maroc et l’Algérie fait rage pour l’obtention de se passage dans la géostratégie énergétique au Maghreb.

Le gazoduc Maghreb Europe réouvert explique les retrouvailles Madrid/Rabat

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Tunisie-Libye, une interdépendance économique à l’épreuve du chaos https://mondafrique.com/economie/tunisie-libye-une-interdependance-economique-a-lepreuve-du-chaos/ Fri, 14 Nov 2025 16:55:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=138770 Le président tunisien Kaïs Saïed a réaffirmé, cet été, que seule une solution « libyo-libyenne », sans ingérence étrangère, permettra de sortir la Libye de la crise.

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Le président tunisien Kaïs Saïed a réaffirmé, cet été, que seule une solution « libyo-libyenne », sans ingérence étrangère, permettra de sortir la Libye de la crise. Lors de sa rencontre à Tunis avec Mohamed Younis Al-Manfi, président du Conseil présidentiel libyen, il a insisté sur la souveraineté du peuple libyen et sa capacité à définir son avenir. Kaïs Saïed a également souligné que la stabilité en Libye est indissociable de celle de la Tunisie, appelant à une coopération renforcée entre pays voisins.
 
Reste que les relations économiques tuniso-libyennes reposent sur une interdépendance vitale mais fragile, minée par l’instabilité politique et la prédominance des réseaux informels. Malgré des échanges commerciaux substantiels et un trafic frontalier intense les institutions officielles peinent à encadrer les flux, laissant place à une économie parallèle dominée par quelques acteurs.
 
Le projet de zone logistique, suspendu depuis 2009, symbolise l’échec à concilier intégration économique et souveraineté. Une réforme institutionnelle et une diplomatie économique proactive s’imposent pour transformer cette relation de voisinage en partenariat stratégique stable.
 
 Les relations économiques entre la Tunisie et la Libye dépassent le simple cadre du partenariat commercial bilatéral.Elles forment un écosystème complexe, où se mêlent interdépendance vitale, économie informelle omniprésente et contraintes géopolitiques paralysantes. Alors que la Libye reste plongée dans une crise politique persistante, la Tunisie, en proie à ses propres difficultés économiques, voit dans son voisin oriental à la fois un débouché crucial et une source d’instabilité chronique. Analyser cette dynamique nécessite de convoquer plusieurs grilles de lecture théoriques pour décrypter les paradoxes d’une relation où la logique du gain immédiat côtoie en permanence le spectre du risque systémique.
 
1. Une symbiose économique structurellement vulnérable
 
Le premier niveau de lecture, libéral, révèle une interdépendance économique chiffrée. La Tunisie se positionne comme le huitième fournisseur et le cinquième partenaire commercial de la Libye. Ses exportations, évaluées à près de 260 millions d’euros, sont largement dominées par les produits agricoles – près de 60% de la production maraîchère tunisienne transitant vers le marché libyen. Cette densité d’échanges, théoriquement facteur de pacification et de coopération selon les thèses libérales, se heurte pourtant à une vulnérabilité extrême.
 
 
Le point de passage frontalier de Ras Jdir, artère vitale évaluée à un milliard de dollars de flux annuels, en est le symbole. Véritable poumon économique pour les régions frontalières des deux pays, dont près de 3000 familles tunisiennes dépendent directement, il fonctionne au ralenti depuis des mois. Les flux, qu’ils soient humains – avec une chute de 60 à 80% par rapport au 1,5 million de visiteurs annuels d’avant-pandémie – ou commerciaux, sont otages des soubresauts sécuritaires et des fermetures arbitraires, illustrant la précarité d’une relation sans mécanismes institutionnels de résilience.

Tableau : Institutions tuniso-libyennes communes

Nom de l’institution

Secteur

Site Web

1

North Africa International Bank (NAIB)

Secteur financier/bancaire

http://www.naibbank.com/

2

Banque Tuniso-Libyenne (BTL)

Secteur financier/bancaire

https://btl.tn/en/btl-english/

3

Al UBAF Banking Group (Banque Arabe Internationale)

Secteur financier/bancaire

https://www.alubaf.com.tn/

4

STEG Internationale

Secteur de l’énergie

https://www.steg-is.com/

5

Joint Oil

Secteur de l’énergie

https://joint-oil.com/fr/

 
2. L’hégémonie des réseaux informels : l’échec des institutions officielles
 
Derrière la façade des échanges officiels, atones et inefficaces, prospère une économie parallèle d’une ampleur stupéfiante. Tandis que les quatre institutions financières communes cumulent des « pertes abyssales » et une impuissance structurelle, le volume des transactions informelles est estimé à près de 600 millions d’euros – soit le double des échanges officiels.
 
Pour décrypter cette contradiction, les théories de l’économie de l’information (Stiglitz) et de l’hégémonie (Gramsci) sont éclairantes. L’« échec de marché » est patent : asymétrie d’information, défiance totale envers les institutions officielles et illiquidité chronique ont créé un vacuum comblé par des acteurs non-étatiques. Selon nos sources, une poignée d’individus (autour de « 5 personnes ») contrôle un réseau d’environ 250 changeurs à Ben Guerdane, imposant ainsi son hégémonie sur l’économie transfrontalière. Cette structuration informelle, bien que répondant à un besoin pratique, sape la souveraineté économique tunisienne, d’autant que la Tunisie « n’a aucune présence financière en Libye ». Elle crée une rente de situation pour quelques-uns au détriment d’une formalisation qui bénéficierait à la collectivité.
 
3. Le « trilemme » de Rodrik ou l’impossible conciliation stratégique
 
L’impasse dans laquelle se trouve le projet de zone logistique de Ras Jdir, gelé depuis 2009 malgré un coût modeste estimé à 300 millions de dollars, est symptomatique d’un blocage plus profond. Conçu comme une plateforme intégrée pour dynamiser les échanges avec la Libye et l’Algérie, ce projet incarne le « trilemme de l’économie mondiale » théorisé par Dani Rodrik : la difficile conciliation entre intégration économique profonde, souveraineté nationale et stabilité politique.
 
Sa suspension indique que les bénéfices économiques évidents sont subordonnés aux considérations géopolitiques et sécuritaires. L’instabilité libyenne, les jeux d’influence des puissances régionales et l’absence de volonté politique commune l’emportent sur la rationalité économique. Ceci confirme, dans une lecture néo-marxiste, que la « superstructure » politique détermine in fine le devenir de « l’infrastructure » économique dans cette région.
 
4. Pistes pour une nouvelle gouvernance régionale
 
Dépasser cette impasse nécessite une approche audacieuse et réaliste, articulée autour de trois axes :
 
1. Formaliser l’informel : Il est urgent de réformer les institutions financières communes et de créer des mécanismes officiels de change et de transfert, flexibles et sécurisés, capables d’absorber la demande et de concurrencer les réseaux parallèles. La digitalisation des procédures et un contrôle assoupli mais efficace des flux pourraient être des pistes.
2. Relancer les projets structurants par une approche incrémentale : Plutôt que d’attendre une stabilisation politique totale en Libye, une relance du projet de zone logistique via un partenariat public-privé et une approche par « petits pas » permettrait d’envoyer un signal fort et de créer une dynamique de confiance.
3. Une diplomatie économique offensive et multifacettes : La diplomatie tunisienne doit activer tous les canaux, y compris avec les acteurs infra-étatiques libyens influents, pour sécuriser ses intérêts économiques et négocier une présence financière stable en Libye. Il s’agit de transformer une relation de dépendance subie en un partenariat stratégique négocié.
 
Le partenariat économique tuniso-libyen est une relation duelle : à la fois résiliente par la force des liens humains et des besoins économiques, et fragile face aux aléas politiques. Son avenir ne dépendra pas seulement des équilibres internes libyens, mais aussi de la capacité de la Tunisie à adopter une vision stratégique, à construire des institutions robustes et à négocier son interdépendance. La transition d’une économie de rente frontalière à un partenariat économique structuré est le seul gage de stabilité et de prospérité partagée pour ces deux voisins, dont les destins sont, quoi qu’il advienne, irrémédiablement liés.
 
 
 
 
 

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La COP30 du 6 au 21 novembre 2025 au Brésil https://mondafrique.com/economie/la-cop30-du-6-au-21-novembre-2025-au-bresil/ Mon, 10 Nov 2025 07:38:52 +0000 https://mondafrique.com/?p=142448 La Conférence des Nations Unies sur le climat (COP30) se tiendra à Belém, au Brésil, du 6 au 21 novembre 2025. Elle réunira des dirigeants mondiaux, des scientifiques, des organisations non gouvernementales et la société civile afin de discuter des mesures prioritaires à prendre pour lutter contre le changement climatique. La COP30 se concentrera sur […]

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La Conférence des Nations Unies sur le climat (COP30) se tiendra à Belém, au Brésil, du 6 au 21 novembre 2025. Elle réunira des dirigeants mondiaux, des scientifiques, des organisations non gouvernementales et la société civile afin de discuter des mesures prioritaires à prendre pour lutter contre le changement climatique. La COP30 se concentrera sur les efforts nécessaires pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C, la présentation de nouveaux plans d’action nationaux et sur les progrès réalisés concernant les engagements financiers pris lors de la COP29.

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Voici les extraits d’un article signé par , directrice de recherche CNRS, Aix-Marseille Université (AMU) et publié par le site « The Conversation » qui nous laisse reprendre leurs papiers.

Dix ans après l’accord de Paris, la COP30 sur le climat s’ouvre ce 10 novembre au Brésil dans un contexte climatique et géopolitique tendu. Tandis que la planète bat de nouveaux records de chaleur, les États devront en 2026 relever l’ambition de leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, selon le calendrier décidé en 2015. La Cour internationale de justice de La Haye, qui a livré un avis inédit en juillet dernier, leur a rappelé leurs obligations juridiques en la matière.


C’est un rendez-vous très attendu. Cette année, la 30e Conférence des parties aux traités climatiques (COP) sur le climat se déroulera à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025. Cette édition 2025 s’inscrit dans un contexte particulier. D’une part, la planète a connu en 2024 son année la plus chaude jamais enregistrée et 2025 bat de nouveaux records. D’autre part, cette année marque les dix ans de l’accord de Paris, alors que les engagements actuels des États restent très insuffisants pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Surtout, l’année 2026 correspond au début d’un nouveau cycle de cinq ans, où les États sont appelés à actualiser leurs contributions nationalement déterminées (CDN), c’est-à-dire les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’ils se donnent ainsi que les mesures climatiques nationales pour les mettre en œuvre. En d’autres termes, leur feuille de route climatique. Or, selon le rapport sur l’écart entre les ambitions et les émissions (Emissions Gap Report) qui vient d’être publié en novembre 2025 par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), ces objectifs doivent gagner en ambition de façon « spectaculaire » (le terme utilisé en anglais est quantum leap) afin de limiter le réchauffement à 2 °C, ou idéalement à 1,5 °C.

 

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Une tâche plus ardue que jamais dans le contexte international, marqué par des tensions géopolitiques croissantes. Le retrait des États-Unis de l’accord de Paris va prochainement être effectif. L’Union européenne se divise sur la mise en œuvre du Green Deal et a eu beaucoup de difficultés pour s’accorder sur ses nouveaux objectifs. Partout montent les populismes climatosceptiques. Sans oublier les conflits mondiaux qui fragilisent la coopération multilatérale. Les questions du financement climatique et de la sortie des fossiles, enfin, exacerbent les divisions avant même le début des négociations.

Un avis rendu en juillet 2025 par la Cour internationale de justice de La Haye a d’ailleurs rappelé aux États leurs obligations juridiques vis-à-vis de l’accord de Paris.

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Le blocus des groupes armés maliens sur le carburant affecte le Sénégal https://mondafrique.com/a-la-une/le-blocus-des-groupes-armes-maliens-sur-le-carburant-affecte-le-senegal/ Wed, 29 Oct 2025 07:33:40 +0000 https://mondafrique.com/?p=141692 Le Mali vit une crise du carburant inédite. Une situation qui n’épargne pas le Sénégal. La liaison portuaire Dakar-Bamako est affectée, de même que le transport de marchandises et des personnes. Soit d’énormes conséquences sur l’économie et la migration au Sénégal, car les populations se déplacent la peur au ventre. Au Mali, la situation se […]

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Le Mali vit une crise du carburant inédite. Une situation qui n’épargne pas le Sénégal. La liaison portuaire Dakar-Bamako est affectée, de même que le transport de marchandises et des personnes. Soit d’énormes conséquences sur l’économie et la migration au Sénégal, car les populations se déplacent la peur au ventre.

Un camion malien au Sénégal
Un camion malien au Sénégal

Au Mali, la situation se complique davantage. En dépit de la menace sécuritaire constante, les populations font face depuis quelques temps à une crise du carburant en raison d’un blocus imposé par les jihadistes.

Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda) publie, via la chaîne Al-Fat’h, le film d’une embuscade tendue à un convoi de transport de carburant, sous escorte des Forces armées maliennes (Fama), à l’intérieur de la zone de Souribougou, près de Néguéla, région de Koulikoro, centre du pays. Les combattants précisent la date et la provenance du cortège, venu de Dakar, au Sénégal. L’on y voit les assaillants conduire l’un des camions-citernes, en guise de butin. 

L’ambassade des États-Unis à Bamako exhorte tous ses ressortissants à quitter le territoire, dès que possible, par les vols commerciaux disponibles, en raison de la détérioration de la situation sécuritaire et économique. C’est le second avertissement du genre en moins de 10 jours.

La plupart des messages diplomatiques de mise en garde mentionnent, désormais, le risque de pénurie alimentaire ou de malnutrition.

Les cours suspendus à Bamako

Acteur du secteur informel à Bamako, Assane Diagne est d’origine sénégalaise. Il s’est implanté dans cette capitale de l’Afrique de l’Ouest depuis huit ans. Observateur averti, il décrit une situation de plus en plus difficile. « On observe quotidiennement des files de motos et de véhicules, affluer vers les stations services. Souvent des bagarres éclatent, car le produit est rare et courtisé », témoigne Assane Diagne. 

Au plan social, les conséquentes sont déjà présentes.  Les ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ont suspendu les cours sur toute l’étendue du territoire national, du lundi 27 octobre 2025 au dimanche 9 novembre 2025 inclus.

Les cours reprendront le lundi 10 novembre 2025. Cette décision s’explique par des perturbations dans l’approvisionnement en carburant qui affectent les mouvements des acteurs de l’école. Ainsi, afin d’assurer la continuité pédagogique et l’exécution des programmes d’études, les dispositions sont en cours pour le réaménagement des calendriers scolaire et universitaire.

Par ailleurs, tout est entrepris par les autorités pour un retour à l’approvisionnement normal en carburant. 

L’axe Dakar- Bamako affecté

Transporteur assurant la liaison entre les ports de Dakar et de Bamako, Alfouseyni Keita estime que le danger est permanent 

car les véhicules qui devaient transporter ce carburant font tout le temps l’objet d’attaques. Et ce sont des difficultés auxquelles la population fait face en plus de l’insécurité qui prévaut actuellement sur les routes. L’autre difficulté, selon lui, est que les  véhicules sont attaqués et brûlés parfois par les coupeurs de route qui installent une insécurité permanente sur les routes. 

« Vous savez, un véhicule qu’on brûle c’est une fortune qui part en fumée ; nous faisons face à une situation intenable. Le plus dangereux dans cette affaire c’est que ces véhicules contiennent du carburant et là, c’est la catastrophe car des vies humaines peuvent même être perdues dans l’incendie. D’ailleurs, il y a des personnes qui ont perdu la vie dans cette situation-là. Ce sont des pertes incommensurables car on perd en vies humaines, en matériels et en carburant pour le ravitaillement du pays », déplore Alfouseyni, au bout du fil, la tremblotante. 

 

À l’en croire, les vies de ceux qui travaillent dans ce domaine sont menacées. « Le danger est permanent  sur les routes, d’autant plus que nous ne possèdons pas d’armes et que nos vies ne sont pas protégés. Nous sommes exposés. En somme, les difficultés sont nombreuses et variées, si on y ajoute les rackets dont nous faisons l’objet sur les routes. Moi qui vous parle, je travaille dans le secteur privé ; en clair, je travaille pour mon propre compte. Donc, des difficultés il y en a et, nous faisons face tous les jours à cette situation d’insécurité », regrette le transporteur. 

 

Le Sénégal exposé 

 

Parmi les responsables du secteur des transports au Sénégal, Djiby Gaye considère que la situation n’épargne pas le Sénégal notamment les transporteurs. Il considère qu’ils sont sous la menace de kidnapping. « Récemment, plusieurs camionneurs sénégalais ont été arrêtés par des hommes armés au Nord du Mali. Aujourd’hui, nous craignons que la situation se reproduise », estime Djiby Gaye. Pour lui, la consigne actuelle est de rester attentifs, tout en s’approvisionnant dans les stations service de Dakar. 

 

Pour l’économiste Ousmane Bèye, les conséquences seront également économiques. Car d’après son analyse, l’activité des camionneurs sera impactée. Ce qui sera un coup dur pour les ports de Dakar et de Bamako qui accueillent les marchandises. Le secteur des transports sera aussi affecté car aujourd’hui, du côté des populations, ne veulent plus se déplacer  à cause des menaces qui pèsent sur elles. 

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La Tunisie s’éloigne provisoirement de la banqueroute financière https://mondafrique.com/economie/la-tunisie-seloigne-provisoirement-de-la-banqueroute-financiere/ Wed, 24 Sep 2025 04:33:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=139174 Selon les agences de notation, la situation financière de la Tunisie est sortie de la zone de danger où elle se trouvait en 2023. Mais si les solutions adoptées permettent d’acheter du temps, les obstacles structurels demeurent. Par Selim Jaziri Le 12 septembre dernier, l’agence de notation financière Fitch a relevé la note souveraine de […]

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Selon les agences de notation, la situation financière de la Tunisie est sortie de la zone de danger où elle se trouvait en 2023. Mais si les solutions adoptées permettent d’acheter du temps, les obstacles structurels demeurent.

Par Selim Jaziri

Le 12 septembre dernier, l’agence de notation financière Fitch a relevé la note souveraine de la Tunisie, évaluant sa capacité à rembourser sa dette publique à long terme, de CCC+, à B-. En termes plus clairs, les créances détenues sur l’État tunisien de risquées, sont jugées désormais de qualité moyenne, avec néanmoins une perspective négative. En août dernier, l’agence japonaise R&I avait également relevé la note tunisienne de « négative » à « stable ».

Des perpectives bien meilleures qu’en avril 2023, lorsque Kaïs Saïed avait refusé de se soumettre aux conditions du FMI pour obtenir un prêt de 1,9 milliard de dollars. La note Fitch était alors abaissée à CCC-, dernière marche avant l’enfer du défaut de paiement. Josep Borrell, le commissaire européen aux affaires extérieures, s’alarmait d’un pays « au bord du gouffre ». Finalement, ni défaut, ni gouffre, la situation de l’économie tunisienne semble rester à flot et s’éloigner de la tempête. Une évaluation qui contraste avec l’impression de marasme et le pessimisme de la majorité des Tunisiens. Quels indicateurs justifient ce verdict relativement optimiste ?

Des indicateurs bien orientés

La Tunisie a honoré ses dernières échéances sur les marchés financiers. Une fois un prêt de 700 millions de dollars en eurobonds remboursé en juillet 2026, il ne restera plus que des prêts bilatéraux à rembourser.

Les réserves de change de la Banque centrale (même si Fitch anticipe une diminution de 4,7 mois en 2024 à 3,9 mois en 2027) seront suffisantes pour faire face aux prochaines échéances. La balance des comptes courants (le solde des transactions avec l’étranger) s’améliore, grâce à la hausse des recettes touristiques, des revenus d’exportation d’huile d’olive pour la saison 2023-2024 (une tendance néanmoins inversée cette saison en raison de la baisse des cours mondiaux) et des remises des Tunisiens à l’étranger (passées de 4 à 6 % du PIB, entre 2018 et 2024).

Le déficit budgétaire tend à diminuer (de 6,3 % en 2024 à 5,3% en 2025, et une anticipation à 4% en 2027) grâce à la légère diminution de masse salariale de l’État, contenue en dessous de 14 % du PIB, à une baisse probable du montant des subventions (sur les produits de première nécessité et l’énergie) suite à la baisse du cours du pétrole.

Les besoins de financement budgétaire sont également orientés à la baisse (de 18% du PIB en 2024 à 13,5 % en 2027, très au-dessus des 9 % dans la période 2015-2019).

Enfin, le secteur bancaire tunisien devrait accroître sa capacité à financer l’État grâce à l’augmentation des dépôts et à la faiblesse de la demande de crédit.

Le tout sur fond d’une légère amélioration du taux de croissance de l’économie, estimée entre 1,5 et 2% du PIB cette année.

L’argent magique

Mais à quel prix ces améliorations ont-elles été possibles ? Kaïs Saïed continue de vanter les mérites du « compter sur soi », selon le mot d’ordre lancé en 2023. En réalité, estime Hamza Meddeb, chercheur au Carnegie Middle East Center, la Tunisie ne peut pas se passer de financement extérieur. Si elle a refusé le prêt de 1,9 milliard du FMI, elle a dû emprunter depuis 1,7 milliard de dollars auprès de la banque africaine d’import-export « Afrixem Bank », à des conditions moins favorables que celles du FMI. Elle a emprunté également 1,2 milliard à l’Algérie et à l’Arabie saoudite. Si bien qu’en fait le pays continue à s’endetter. Le taux d’endettement de l’État est passé de 79 à 84 % du PIB entre 2021 et 2025.

Le recours au système bancaire tunisien pour prêter à l’État, en nette hausse (+ 22 % en un an en juillet 2023, + 24 % en juillet 2024 et + 34 % en juillet 2025), a un double effet pervers : il expose le secteur bancaire au risque souverain (même si ce risque diminue) et diminue la capacité des banques à financer l’économie nationale.

Enfin, une bonne partie de l’amélioration de la situation financière de l’État et sa capacité à honorer ses échéances repose en réalité sur le recours à la « planche à billets » : la Banque centrale a en effet été obligée par deux lois de février et décembre 2024 de prêter à l’État 7 milliards de dinars (environ 2 milliards d’euros), à taux zéro. Un artifice potentiellement inflationniste qui ne rassure pas sur la capacité de l’économie tunisienne à renflouer ses réserves de devises et à répondre à ses besoins de financement.

L’austérité sans le FMI

Le « compter sur soi » s’est surtout concrétisé par la capacité de l’État à se serrer la ceinture de lui-même. « Kaïs Saïed a fait de l’austérité sans le FMI », relève également Hamza Meddeb.

« La priorité a été donnée au remboursement des dettes dans l’utilisation de ses réserves de devises au prix de restrictions des importations, explique l’économiste. Les dépenses d’importation d’énergie ont été réduites. Quitte à organiser des pénuries de denrées de première nécessité telles que le sucre, le riz, le café, la farine, etc, et à imposer des coupures d’électricité. Sur le plan énergétique, la Tunisie vit sous perfusion de l’Algérie qui fournit du gaz et parfois cède une partie de sa production électrique, au prix d’une dépendance politique. »

La masse salariale a été contenue grâce à un gel des embauches depuis trois ans et à une limitation à 3,5 % de l’augmentation des salaires de la fonction publique, un taux inférieur à l’inflation (revenue à 5,2 % en août 2025, après avoir dépassé 10 % début 2023). Depuis la réforme des chèques, en février dernier, les Tunisiens sont privés de l’accès au crédit à la consommation. Le taux de prélèvements obligatoires n’a cessé d’augmenter depuis 2011 et dépasse les 33%, soit plus du double de la moyenne des pays africains.

Contrairement aux attentes des opposants de Kaïs Saïed, ces conditions difficiles n’ont pas provoqué de troubles sociaux susceptibles de déstabiliser le régime. Pour le moment, observe Hamza Meddeb « les Tunisiens se sont accommodés ». Si les remises des Tunisiens résidents à l’étranger ont augmenté, c’est précisément le signe des difficultés sociales des familles. Cet apport financier n’est pas consacré à des investissements, il permet de faire face aux dépenses courantes.

Par ailleurs, les détenteurs du capital des banques, qui détiennent également les principales sociétés tunisiennes, trouvent leur compte à cette situation, dans le court terme, grâce aux taux d’intérêt élevés servis aux banques privées qui prêtent à l’État et aux profits qu’ils permettent de réaliser.

Des fragilités structurelles

Cet assemblage financier, budgétaire, social et politique qui permet pour l’instant à Kaïs Saïed de réussir son pari, reste fragile.

La Tunisie est à la merci d’un nouveau choc conjoncturel (une hausse des cours du pétrole ou des produits alimentaires, une récession en Europe) qui dégraderait à nouveau la balance des comptes, relancerait la hausse du déficit budgétaire et de l’inflation qui éreinterait les ménages.

L’État n’a aucune marge de manœuvre : 93 % des dépenses publiques sont consacrées aux salaires, au remboursement de la dette et aux subventions. L’État n’a quasiment plus aucune capacité d’investissement. « Même le mur de l’école de Mezzouna dont l’effondrement avait tué trois collégiens en avril dernier, n’a toujours pas été reconstruit », relève Hamza Meddeb. Les services publics continuent de se dégrader.

« Les entreprises publiques ne sont toujours pas restructurées et leurs dettes, qui n’apparaissent pas dans le décompte de la dette de l’État, représentent 20 à 40 % du PIB selon la Banque mondiale », poursuit-il. « La Tunisie n’entretient plus son appareil productif et affaiblit son capital humain », déplore-t-il encore.

Faute de réformes, « les obstacles structurels à la création d’emplois, à la croissance tirée par le secteur privé et par les investissements étrangers demeurent », observait en août dernier l’économiste Hachemi Alaya. Une absence de perspective propice à l’émigration et à la fuite des cerveaux. Plus de mille médecins quittent la Tunisie chaque année (1600 en 2024, selon Nizar Laadhari, secrétaire général du conseil de l’ordre), pour 800 nouveaux diplômés par promotion.

Le spectre du défaut de paiement c’est éloigné, mais « la Tunisie a fait défaut sur son avenir », conclut Hamza Meddeb.

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Mali, les transporteurs sous pression des jihadistes et des militaires https://mondafrique.com/confidentiels/mali-les-transporteurs-sous-pression-des-jihadistes-et-des-militaires/ Thu, 18 Sep 2025 05:03:26 +0000 https://mondafrique.com/?p=138826 Datée du 15 septembre 2025, une déclaration conjointe de trois corporations de transport au Mali, portant signature de leurs leaders respectifs, apparaissait sur les réseaux sociaux À savoir le Conseil malien des transporteurs routiers (Cmtr), le Syndicat national des transports (Snt) et le Syndicat national des chauffeurs et conducteurs routiers qui qualifient leur mission de […]

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Datée du 15 septembre 2025, une déclaration conjointe de trois corporations de transport au Mali, portant signature de leurs leaders respectifs, apparaissait sur les réseaux sociaux À savoir le Conseil malien des transporteurs routiers (Cmtr), le Syndicat national des transports (Snt) et le Syndicat national des chauffeurs et conducteurs routiers qui qualifient leur mission de suicidaire et dénoncent, « avec gravité, les discours officiels laissant croire qu’aucun blocus n’existe ».

Les transporteurs maliens déplorent « l’incapacité manifeste des autorités la transition, à garantir la sécurité minimale de nos activités ». Plus loin, seuls le Cmtr et le Synacor se réservent « le droit de prendre, dans les jours à venir, toutes les mesures nécessaires, dans l’intérêt des populations et des routiers ». L’allusion corrobore la rumeur selon laquelle, les sociétés victimes de l’embargo ont entrepris de négocier avec le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda), auteur des récents raids, notamment celui du 15 septembre, contre un convoi de camions citernes, sur l’axe Kayes-Bamako.

Peu d’heures après, le Snt se désolidarise de l’initiative, la répute contrefaite et termine son laïus, par une exhortation patriotique : « Vive les forces armées et de défenses (sic) et de sécurité du Mali ».

Le lendemain, 16 septembre, le site Meta de la Primature, affiche une publication qui relate la rencontre, du Premier ministre Abdoulaye Maïga, avec le Groupement malien des professionnels du pétrole. Le chef du gouvernement l’affirme, « le travail continue. Même si nous devons aller chercher notre carburant à pied avec des cuillères, nous allons le faire ».
 
 
Le 14 septembre, jour de l’offensive spectaculaire sur la file de véhicules, en vain sous escorte des Forces armées maliennes (Fama), Abou Houdayfa Albambari, figure émergente du Gsim, réitérait des menaces sévères, à l’endroit des entreprises et individus qui violeraient l’embargo.

Cependant, dans la capitale et d’autres villes, les correspondants de Veille Sahélienne ne constatent pas encore l’effet manifeste des restrictions. Certes, un vent de panique saisit certains ménages, les poussant à faire provision de bidons d’essence et de gas-oil. La spéculation tarifaire autour des hydrocarbures ne saurait tarder.

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