L’augmentation du prix d’achat du cacao à 1500F au lieu de 1000 F initiaux n’a pas apaisé la polémique en Côte d’Ivoire où la situation des 700 mille producteurs locaux qui continuent de tirer le diable par la queue est devenue une vraie question politique.
Correspondance Bati Abouè
En Côte d’Ivoire, la campagne intermédiaire a mis le feu aux poudres au pays du cacao. Une campagne de dénonciation partie des réseaux sociaux, qui ont affiché la belle rémunération des producteurs camerounais qui ont touché jusqu’à 5.000 fcfa, 7,67 euros le kilogramme, a atteint en plein visage le gouvernement ivoirien dont le porte-parole s’est défaussé sur la vente à terme de la fameuse fève.
Avec ses 250.000 tonnes, le Cameroun avait en effet plutôt bien profité des hausses actuelles des cours mondiaux du cacao- 10.000 dollars la tonne- puisqu’elles ont permis à ses planteurs de toucher de beaux bénéfices. Ce qui n’est pas le cas de la Côte d’Ivoire dont le gouvernement se retrouve, à l’approche des élections de 2025, au cœur d’un vrai sujet de société qui préoccupe la paysannerie ivoirienne depuis plusieurs décennies. Alors que le slogan du pays veut que le succès de la Côte d’Ivoire repose sur l’agriculture, la situation des paysans ivoiriens n’a pas beaucoup évolué 64 ans après l’indépendance. Et ce, malgré que la Côte d’Ivoire occupe le rang de premier producteur mondial avec ses 2,4 millions tonnes.
Le cacao fait à lui seul 40% du produit intérieur brut du pays. Quatre millions de personnes vivent en effet du cacao, soit un quart de la population ivoirienne tandis que 700.000 personnes sont officiellement enregistrées comme producteurs de la fameuse fève. Malheureusement, leur situation sociale n’a pas beaucoup changé. Mal payés, sans assurance et soumis aux desiderata des acheteurs, la vie d’un planteur de cacao ne tient qu’à un fil en Côte d’Ivoire et c’est ce que dénonce le PDCI qui n’a pas voulu rester sans réaction face aux déclarations du gouvernement qui fait croire qu’il a consenti d’énormes sacrifices en fixant à 1500F le prix d’achat bord-champ au lieu des 1000 FCFA de la campagne régulière.
Mais non seulement les experts du PDCI doutent des chiffres fournis par les autorités ivoiriennes mais considèrent qu’en l’état, le prix bord-champ payé au paysan ivoirien aurait dû être fixé à 2.326 FCFA. « Le Groupe Parlementaire PDCI-RDA à l’Assemblée nationale laisse le Gouvernement Ivoirien seul juge de ses chiffres sur le résultat des ventes par anticipation de la récolte pour la période d’avril à septembre 2024, qui donneraient un prix CAF moyen de 2.326 FCFA le kilogramme, sur la base duquel il fixe le prix bord-champ à 1 500F /kg pour la campagne intermédiaire ». Le gouvernement ivoirien a d’autant moins de raison de crier trop tôt victoire que le vrai problème de l’agriculture ivoirienne réside à la fois dans « la problématique du système de commercialisation des matières premières agricoles et de la quote-part reversée aux producteurs » et dans « la clé de répartition des revenus du cacao et des autres produits agricoles entre les acteurs des filières respectives (café, cacao, hévéa, palmier à huile, coton anacarde, etc. », a-t-il indiqué.
Le cacao, enjeu de pouvoir
Mais un ancien ministre d’Alassane Ouattara a estimé sur son compte X que le gouvernement ne peut pas raisonnablement mieux rémunérer les producteurs au-delà de ce qui est fait. Car pour lui, « l’argent du cacao sert à électrifier les villages, à donner de l’eau potable aux populations qui ne boivent pas de l’eau minérale, à construire des routes pour acheminer les fèves de cacao vers les usines et les ports de Côte d’Ivoire, à construire des centres de santé pour soigner tous ceux qui se soignent en Côte d’Ivoire. Et s’il faut imaginer que tout l’argent du cacao soit remis aux seuls producteurs, avec quel argent les Députés, les Sénateurs, les DG, les PCA des entreprises publiques, les bourses des étudiants pour ne citer que ceux-là… seront-ils payés ?”.
A moins de deux ans de la prochaine présidentielle, le cacao est pour la première fois devenu un enjeu de pouvoir en Côte d’Ivoire où l’inflation a fortement dégradé le coût de la vie en dépit de l’érection de nombreuses infrastructures routières qui font la fierté du gouvernement.