CAN 2017, la fuite en avant financière du Gabon

Après l’avoir co-organisée en 2012 avec la Guinée équatoriale, le Gabon accueillera seul la Coupe d’Afrique des Nations 2017. Mais le pays en a-t-il les moyens ? Pas sûr !

Stade_BongoPour la deuxième fois en cinq ans, le Gabon va accueillir la Coupe d’Afrique des Nations. Ainsi en a décidé ce mois-ci la Confédération africaine de football. Après la co-organisation de 2012 avec la Guinée équatoriale, le pays devra cette fois assumer l’édition 2017 tout seul, comme un grand. Pour le chef de l’Etat, aucun doute n’est permis à ce sujet. « La CAN 2017 est une chance. Cet événement permettra d’intensifier la diversification de l’économie et de booster les secteurs du BTP et des services », réagissait Ali Bongo Ondimba après l’annonce du choix du Gabon. « Quand le bâtiment va, tout va », semble donc penser « ABO ». Mais cette confiance présidentielle est-elle justifiée ? Pas vraiment. Voici pourquoi.

Les dérapages de 2012

Pour que l’organisation d’un événement tel que la Coupe d’Afrique soit profitable, une programmation budgétaire rigoureuse doit être mise en place. Un regard rétrospectif n’incite pas à l’optimisme à ce sujet. Sur son blog (www.mays-mouissi.com), l’économiste Mays Mouissi s’est livré à une analyse détaillée des comptes (et mécomptes) de l’édition 2012. Le résultat est sans appel : la co-organisation de la CAN 2012 a coûté bien plus cher que prévu au contribuable gabonais.

« En 2008 lors du cadrage des dépenses budgétaires de la CAN 2012, le gouvernement gabonais avait estimé à 140 milliards de FCFA (210 millions d’euros) l’enveloppe destinée à couvrir l’ensemble des travaux relatifs à la CAN 2012 sur le territoire de la République gabonaise. En janvier 2012, Louis Claude Moundziéou, porte-parole du comité d’organisation de la CAN (COCAN) affirmait que la compétition avait finalement couté au contribuable 400 milliards de FCFA (600 millions d’euros), près de 3 fois le montant initial », constate le banquier et consultant pour la chaîne Africa 24, qui relève d’autres bizarreries.

« Par ailleurs, l’analyse détaillée des lignes budgétaires gabonaise consacrées à la CAN 2012 laisse apparaitre des dépenses dont les montants sont surprenants ou mieux encore de nombreuses dépenses budgétisées, exécutées mais jamais réalisées sans que ni le gouvernement, ni les organisateurs de la CAN 2012 ne donnent la moindre explication. » Entre la CAF et le Gabon, les mauvais comptes semblent donc faire les bons amis.

Deux stades à construire

L’argument de la relance de l’économie gabonaise par le BTP, utilisé par Ali Bongo, trouve sa justification dans la construction de nouveaux stades et des infrastructures attenantes. En 2012, le pays n’avait organisé qu’une demi-CAN, sur deux stades : le premier à Angondjé, dans le nord de la capitale Libreville, le second à Franceville, chef-lieu de la province du Haut-Ogooué et fief de feu Omar Bongo. Pour le tournoi 2017, deux enceintes nouvelles doivent être construites.  « Le cahier des charges de la CAF est connu, il nous faut quatre stades et quatre sites. Nous avons déjà Libreville et Franceville et nous aurons également Port-Gentil et Oyem (Nord du pays, ndlr) », a annoncé le président de la Fédération gabonaise de football, Pierre-Alain Mounguengui, qui se veut rassurant quant au délai d’achèvement des travaux : « Pour les stades à Oyem et Port-Gentil, le problème ne se posera pas. Nous avons pris des dispositions pour qu’au moment opportun, ces stades soient livrés à temps réel et nous jouerons effectivement sur ces stades-là. »

Si la construction d’un nouveau stade à Port-Gentil était attendue, le choix du site d’Oyem, ville ne disposant à ce jour que d’un petit stade « de campagne », étonne. Les observateurs s’attendaient à ce que le Gabon inscrive le stade Omnisports de Libreville dans son projet. En réfection depuis 2007, cette grande enceinte située en plein centre-ville n’est toujours pas terminée. Rien que sur la période 2007-2012, 107 milliards de FCFA (150 millions d’euros) ont été engloutis dans ces travaux inachevés. Mais il y a pire encore : certains projets budgétés en 2012 (Palais des Sports à Libreville ; stade d’entrainement et hôtel à Bikélé dans la périphérie de la capitale) n’ont jamais vu le jour. Le Gabon préfère donc lancer de nouveaux chantiers plutôt que de terminer ceux qui sont déjà ouverts. Voilà qui évoque irrésistiblement une fuite en avant.  …