Vladimir Poutine avance ses pions au Soudan

Après le coup d’Etat du général soudanais Abdel Fattah al-Burhane, la coopération se renforce entre Moscou et Khartoum.
 
 
Le 25 octobre 2021 dernier, le général soudanais Abdel Fattah al-Burhane a dissous les autorités du gouvernement de transition, arrêté le Premier ministre du pays, Abdalla Hamdok, ainsi que plusieurs autres membres du gouvernement et décrété l’état d’urgence. Alors que des manifestations éclataient à Khartoum et que les capitales occidentales condamnaient le coup d’État, le Ministre des affaires Etrangères de Russie refusant de qualifier cet évènement comme un coup d’Etat a martelé que « toute ingérence dans les affaires intérieures de ce pays doit cesser. » 
 
Alors que le retrait du Soudan de la liste des États soutenant le terrorisme, l’aide massive américaine, le rééchelonnement de sa dette et la réintégration du système des institutions de Bretton Woods avaient permis d’accélérer la coopération militaire entre les autorités de transitions et les chancelleries occidentales, ce changement de cap de Khartoum rebat aujourd’hui totalement les cartes. 
 
Dans quelle mesure ce coup d’Etat favorise-t-il aujourd’hui les intérêts de la Russie au Soudan ? On peut s’en inquiéter
 

Une base militaire russe au Soudan?.

 
Rappelons qu’en mai 2019, à peine un mois après la chute d’Omar el-Béchir, la Russie avait signé deux accords militaires avec le Soudan, notamment dans le domaine naval. En novembre 2020, Moscou avait obtenu concession sur Port Soudan, la porte d’entrée stratégique vers la Mer rouge, et delà, vers le canal de Suez.
 
Plus largement, la Russie ambitionne d’établir une base militaire dans la région, une façon de reprendre pied dans la corne de l’Afrique (perdue depuis la fermeture en 1977 de la base soviétique en Somalie).  Le gouvernement militaire soudanais se trouvant aujourd’hui sous la pression des sanctions des États-Unis semble avoir trouvé de nouveaux points d’appui avec la Russie et la Chine. La base militaire russe est présentée comme un facteur qui empêchera une hypothétique intervention extérieure au Soudan et permettra au régime militaire de rester au pouvoir. 
 
 

La résurgence du groupe Wagner 

 
En outre, la détérioration des relations entre Khartoum et Washington sur fond de coup d’État militaire pourrait ouvrir des perspectives supplémentaires aux acteurs non étatiques russes de travailler au Soudan. L’apparition au Soudan des élément du groupe privé russe connu sous le nom de Groupe Wagner remonte à la période précédant la révolution soudanaise. Fin juillet 2018, des informations faisaient état d’un groupe de 500 éléments du Groupe Wagner opérant dans un camp situé à environ 15 kilomètres au sud d’Um Dafuq, près de la frontière avec la République centrafricaine (RCA). Il est rapporté que les combattants des PMC russes ont passé cinq mois dans la région pour y entraîner non seulement des troupes soudanaises, mais aussi des combattants de la RCA voisine. Les autorités américaines ont par ailleurs établi que la société russe M Invest qui est détenue ou contrôlée par Prigozhin servait de couverture aux forces du Groupe Wagner opérant au Soudan et était responsable de l’élaboration de plans et des campagnes de désinformations visant à réprimer les manifestants qui soudanais œuvrant pour des réformes démocratiques. 
 

Le développement  de la coopération avec la Russie.

 
Le commandant en chef des forces armées de la République, Abdel Fattah al-Burhan, a indiqué dans d’un entretien accordé à l’agence de presse russe RIA Novosti le 1 novembre 2021 que la construction du centre logistique de marine russe à Port Soudan se déroulerait dans le cadre des accords signés soulignant « une coopération de longue date et continue entre Khartoum et Moscou, y compris dans le domaine militaire. ». Al-Burhan a par ailleurs indiqué que le Soudan cherchait à élargir la coopération avec la Fédération de Russie dans le domaine économique évoquant des investissements dans l’industrie minière, l’énergie et l’agriculture. Dans cette logique, la société russe Rosgeologia a signé en septembre 2021 un contrat de recherche de gisements d’or au Soudan. Comme un symbole de son regard porté à l’Est Abdel Fattah al-Burhan a déclaré à RIA Novosti que « Moscou est toujours sincère et regarde tout avec les yeux ouverts, tandis que d’autres ne voient qu’un verre à moitié plein ».