L’Etat d’Israël a annoncé dimanche 12 février qu’il allait légaliser neuf implantations dites sauvages en Cisjordanie. Mardi 14 février, Washington, Berlin, Paris, Rome et Londres se sont déclarés « fermement » opposés à cette décision ainsi qu’au projet de créer de nouveaux logements dans les implantations existantes, ce qui ne fait «qu’accroître les tensions entre Israéliens et Palestiniens».
Mondafrique juge utile de revenir sur quelques données démographiques et historiques qui éclaire ce dossier brulant.
Combien d’israéliens en Cisjordanie ?
Quelque 475 000 Israéliens résident aujourd’hui dans les implantations de Judée-Samarie/Cisjordanie, territoire pris à la Jordanie à la suite de la Guerre des Six Jours en 1967. Ils sont également 230 000 à Jérusalem-Est, territoire conquis également en 1967 et annexé à Israël.
Qui sont les « colons » ?
De nombreux israéliens se sont installés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est parce que les logements proposés étaient moins chers que sur le territoire israélien. Ariel, Maale Adoumim… sont ainsi devenues d’authentiques cités dotées d’écoles et d’entreprises.
De nombreux juifs religieux sont aussi partis s’installer à Beitar Illit, Modiin Illit ou à Hebron (à proximité du caveau des Patriarches, un site sacré pour les juifs et les musulmans) parce qu’ils considèrent que le repeuplement des terres bibliques de Judée et de Samarie est l’accomplissement d’une promesse divine.
Que sont les implantations dites sauvages ?
De taille variable, pouvant aller de quelques tentes à des préfabriqués, ces implantations sauvages sont généralement peuplées de religieux et positionnées au sommet de collines désertiques. Elles ne peuvent survivre que parce qu’elles sont reliées aux réseaux d’eau et d’électricité. Israël a annoncé dimanche 12 février 2023 que neuf de ces implantations allaient être légalisées en réponse à des attentats meurtriers à Jérusalem-Est.
Les anciennes implantations croissent-elles ?
L’Etat d’Israel a annoncé la construction de nouveaux logements dans les grands blocs d’implantations déjà existants. La population croit et les enfants devenus adultes ont besoin de logements.
L’organisation israélienne « La paix maintenant » a fustigé une politique d’« annexion folle » tandis que Washington, Berlin, Paris, Rome et Londres se sont dits « fermement » opposés à cette légalisation. Ils ont dénoncé « les actions unilatérales qui ne font qu’accroître les tensions entre Israéliens et Palestiniens et qui nuisent aux efforts visant à parvenir à la solution négociée des deux États ».
Comment les Palestiniens voient-ils-les « colonies » ?
Les Palestiniens considèrent les implantations israéliennes comme des « colonies » et un crime de guerre. Ils réclament le retour aux frontières de 1967 et le démantèlement de toutes les « colonies ». Le droit international – c’est-à-dire la somme des résolutions (non contraignantes) votées par l’Assemblée générale de l’ONU affirme que la présence d’Israéliens en Cisjordanie est illégale et un obstacle à la paix.
Comment les Israéliens voient-ils les « colonies » ?
Les Israéliens ne considèrent pas que les « colonies » sont des colonies. La Cisjordanie/Judée-Samarie est pour eux un « territoire disputé ». C’est-à-dire un territoire que deux populations, l’une juive, l’autre arabe, doivent se partager à l’issue de négociations qu’elles seules sont en droit de mener. Négociations qui ont parfois commencé (2000, 2005, 2008…) mais n’ont jamais abouti.
Le Moyen Orient n’ayant jamais enregistré la présence d’un quelconque « Etat Palestinien », les Israéliens considèrent qu’ils n’ « occupent » pas la Palestine. On n’occupe pas quelque chose qui n’a jamais existé disent-ils. Au plan historique, la Cisjordanie a été avec d’autres territoires (Syrie, Irak, Arabie saoudite…) sous la coupe de l’empire Ottoman, du XVème siècle jusqu’à la fin de la première guerre mondiale en 1918, soit cinq siècles en tout.
En 1918, l’empire Ottoman a été démantelé et partagé entre deux puissances coloniales, la France et l’Angleterre. Entre 1918 et 1947, la Cisjordanie actuelle a été partie intégrante de la Palestine dite mandataire (Jordanie, Cisjordanie et Israel), un territoire confié par mandat à la Grande Bretagne par la Société des Nations. Le 22 mars 1946, après 28 ans de colonisation, les Britanniques renoncent à leur mandat sur la partie transjordanienne de la Palestine mandataire et créent la Jordanie. En 1947, incapables d’aboutir à un accord de partage entre juifs et arabes sur la partie restante de la Palestine mandataire (nul ne parle à l’époque de « Palestiniens » sauf pour désigner la population juive), les Britanniques remettent leur mandat à l’ONU et quittent la Palestine. En 1948, l’Assemblée générale de l’ONU vote le partage de ce qui reste de la Palestine mandataire en deux Etats, l’un pour les juifs, l’autre pour les arabes.
On connait la suite, les Arabes refusent le plan de partage, envahissent la partie de la Palestine mandataire attribuée aux juifs et sont vaincus. A l’issue de cette guerre de 1948, quand le cessez le feu se produit, Israël s’est agrandi, mais la Jordanie aussi qui occupe et annexe sans droit ni titre Jérusalem-est et la Cisjordanie ; idem pour l’Egypte qui s’agrandit et prend le contrôle de Gaza sans droit ni titre. Les deux y resteront jusqu’à 1967, date à laquelle les pays arabes déclarent à nouveau la guerre à Israël et sont à nouveau vaincus. Quand Israel propose aux arabes la restitution des terres en échange de la paix, la réponse sera non.
Les colonies sont elles un obstacle à un plan de partage ?
Le 22 novembre 1967, le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte la Résolution 242, qui fonde toute résolution du conflit. La Résolution 242 affirme la nécessité pour d’Israel de vivre à l’intérieur de « frontières sûres et reconnues » et demande à Israel de se retirer « des territoires occupés au cours du récent conflit » en échange de la paix, en ne se référant délibérément pas à « tous » les territoires. Profitant de ce flou et du refus prolongé des Arabes d’un quelconque partage territorial, les Israéliens ont développé une politique d’implantations que les médias et certains gouvernements appelle aujourd’hui « colonisation ».
Les Israéliens considèrent que faute de réelle volonté de paix de la part des Palestiniens, la politique d’implantations peut se poursuivre. Les Palestiniens considèrent que la colonisation est un obstacle à la paix.