Il y a peu, cette capitale du sud-est de l’Anatolie grouillait d’une faune hétéroclite, entre les combattants syriens venus souffler entre deux combats, les candidats au Djihad, les trafiquants de tout poil, les marchands d’armes et les correspondants de guerre. Aujourd’hui, « Antep la victorieuse » est étonnement calme. L’immense salle à manger de l’hôtel Tugcan, au centre-ville, n’accueille guère que trois ou quatre clients fort silencieux. Le pouvoir turc a (presque) fermé la frontière avec la Syrie. Et les visiteurs trop curieux ne sont plus les bienvenus dans cette cité de deux millions d’âmes, abritant le plus grand musée de mosaïques du monde.
Gaziantep accueille le siège exécutif de l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM), l’une des ONG les plus efficaces en Syrie. Elle aide quelque 120 hôpitaux et plus de 200 centres de santé situés dans les zones tenues par les rebelles. La dictature syrienne classe l’UOSSM parmi les organisations terroristes, car elle soigne les opposants.
Des hôpitaux bombardés vingt-cinq fois
« C’est une guerre totale. Pour démoraliser la population, le régime et ses alliés, notamment les Russes, bombardent systématiquement les hôpitaux, y compris ceux pour enfants. Ils utilisent du matériel très sophistiqué pour pouvoir atteindre les centres de soins souterrains. Il s’agit d’une stratégie militaire délibérée », déplore Wael Al-Raas, deputy CEO-Medical, à l’UOSSM.
Originaire de Hama, étape entre Damas et Alep, ce dernier a été emprisonné quelques semaines, avant de pouvoir fuir et mettre sa famille à l’abri. L’année dernière, tous les hôpitaux soutenus par l’ONG à Alep, Idleb, Hama, Daraa, Quneitra, Homs ont été atteints par des frappes aériennes, certains d’entre eux, jusqu’à vingt-cinq fois… Le 4 avril dernier, à Khan Cheikhoun, dans la province d’Idleb, au nord-ouest de la Syrie, une attaque chimique a fait 88 morts, dont 31 enfants. « Actuellement, le gouvernorat est plutôt calme. Mais des rumeurs laissent entendre que Bachar al-Assad préparerait une nouvelle attaque chimique », ajoute Wael Al-Raas.
Coupures de courant mortelles
Le grand projet de l’UOSSM s’appelle Syria Solar. Il s’agit de fournir de l’énergie solaire aux hôpitaux et ainsi sauver des centaines de vies humaines. L’ONG a déjà installé dans un hôpital, au nord de la Syrie, 480 panneaux solaires photovoltaïques. « Nous ne donnons pas le nom de l’établissement pour lui éviter d’être spécialement visé par le régime », explique le responsable. Techniquement, outre les panneaux solaires, capables de produire 127 kWp de courant continue, l’installation comprend « 288 batteries capables de stocker 720 kWh de puissance électrique et des systèmes de contrôle de données avancées », explique le site de l’ONG. L’énergie solaire devrait permettre d’économiser plus de 7 000 litres de carburant par mois, soit 20 à 30 % des frais énergétiques mensuels de l’hôpital. L’objectif suivant sera d’équiper cinq autres hôpitaux. La guerre a détruit la plupart des réseaux électriques de Syrie. Résultat, tout fonctionne avec des générateurs diesel. Mais comment faire quand on tombe à court de carburant, faute de moyens financiers ou faute de pouvoir s’approvisionner ? Or, les couveuses, par exemple, fonctionnent à l’électricité et ne peuvent pas connaître d’interruption. En clair, l’énergie solaire devrait éviter la mort de blessés, de malades, de nourrissons.
3 150 euros pour un bloc opératoire
Les chiffres donnés par l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM) interpellent : plus de 465 000 morts depuis le début de la guerre, 11 millions de Syriens ont besoin d’eau, de systèmes sanitaires, de soins de santé. 732 soignants ont été tués. Pour continuer à soigner dans les zones rebelles, il faut des sous. 10 euros pour une consultation médicale, trente euros pour financer une dialyse, 1 500 euros pour une opération de prothèse du genou. 3 150 euros pour un bloc opératoire. « Nous aimerions soigner les populations habitant dans les territoires repris à l’Organisation Etat islamique. Mais comme ces régions sont occupées par les Kurdes, la Turquie ne nous permet pas de nous y rendre. Nous envisageons de passer par le Kurdistan irakien », explique Wael Al-Raas, « la Syrie a été transformée en pièces de puzzle ».
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