Après avoir analysé dans un premier volet les réseaux de la gauche française en faveur du président Sassou N’Guesso (DSK, Pigasse, Valls), voici les amis de droite sur lesquels le pouvoir congolais peut compter. Une enquête d’Eric Laffitte
L’immense pouvoir de séduction du Président congolais à vie des congolais s’exerce tout aussi bien à droite, au centre, et au delà encore. Et c’est une tâche de titan que de dresser la liste de toux ceux qui se bousculent pour s’attirer les bonnes grâces d’un dictateur. Qu’il s’agisse de lui « vendre » un projet, de participer à une conférence, d’arracher une discrète audience, tous les prétextes sont bon pour faire le voyage à Brazzaville. Les plus méritants pousseront jusqu’à Oyo, fief natal du Président dans le nord du Pays.
Les sujets qui ne fâchent pas
C’est rarement sur les sujets qui fâchent que l’on sollicite le président Sassou. A son contact on aime s’instruire sur des thèmes tels que « l’écologie » « l’éducation » « la préservation de la forêt », la « Francophonie » etc. Jamais sur l’Etat de droit, ou la prévarication. Parle t-on jamais de corde dans la maison d’un pendu ?
La question reste bien sur ouverte de comprendre pourquoi un chef d’Etat aussi sulfureux est paradoxalement tant courtisé. Un vrai mystère.
2013 est une année noire pour l’UMP. Sarkozy non seulement est battu par François Hollande mais comme un malheur n’arrive jamais seul, les comptes de sa campagne présidentielle sont rejetés par le Conseil Constitutionnel. Soit 10 millions d’euros non remboursés et une série d’enquêtes judicaires en prime !
Toujours est-il que dans la foulée de cette déroute et sans doute pour s’aérer quelque peu l’esprit, toute une brochette de caciques de l’UMP déboule alors à Brazzaville.
Du « tourisme mémoriel » quasiment ; dans la famille gaulliste on se souvient alors que la capitale congolaise fut aussi celle de la France Libre !Secrétaire général de L’UMP, Jean-François Copé, ouvre la route de ces pèlerins en participant à l’édition 2013 du « Forum économique Forbes Afrique » organisé par Lucien Ebata.
« Forbes Afrique » est une déclinaison « congolo-congolaise » du magazine américain et Ebata, son propriétaire, un oligarque du régime qui a fait fortune dans la commercialisation du pétrole. Autant dire que le dit forum (cornaqué par l’agence Havas de l’ami Bolloré) ne tarit pas d’éloges sur les prouesses de l’économie congolaise et de son grand timonier.
« Le Journal du Dimanche » assure alors, que Copé, pour prix de sa participation encaisse alors la coquette somme de 30 000 euros. « Beaucoup moins ! » s’indigne alors Jérôme Lavrilleux, son directeur de cabinet et homme lige de l’affaire Bygmalion.
Qu’importe, l’important n’est-il pas de participer. ?
C’est en tout cas l’avis de Nicolas Sarkozy, qui honore de sa présence l’édition 2014 du prestigieux forum. L’ancien président n’aurait ainsi pas hésité à « interrompre ses vacances » pour être présent à l’événement et disserter sur les « défis de la bancarisation». Un sujet dont l’aridité lui vaut une enveloppe de 100 000 euros assurent les gazettes en glosant sur le fait qu’un « Sarkozy » vaut trois « Copé ». Ce que n’a jamais confirmé l’intéressé
Rachida Fati, reine du Congo
Dans le sillage immédiat de Copé, en juillet 2013 c’est Rachida Dati qui débarque à Brazzaville. La presse congolaise observe que Rachida est alors traité « comme une reine » et de fait, elle a bien les honneurs du voyage à Oyo.
Mais que vient donc faire l’ex-ministre de la justice, désormais maire du très chic VII ° arrondissement de Paris et députée Européen, à Brazzaville puis dans ce trou perdu d’Oyo où pullulent cobras et crocodiles ?« Avec le Président de la République, nous avons discuté du système éducatif du Congo. Le président a lancé une initiative qui est assez unique en Afrique, celle des lycées d’excellence » explique Rachida au quotidien national, Les Dépêches de Brazzaville ».
« Je soutiens donc ce projet, nous avons aussi échangé sur l’expérience française» précise encore Rachida, enthousiaste sur les performances du système scolaire congolais jusqu’alors plutôt réputé pour être incapable de fournir à ses élèves de simples chaises permettant de s’asseoir en classe.
Rachida Dati ajoute que ses échanges avec Sassou ont aussi porté sur « les possibilités de coopération entre le parlement européen et la chambre haute du parlement congolais».
On conviendra –admiratif qu’il fallait y penser !
Sollicitée à son retour à Paris pour évoquer cette riche expérience congolaise, et ce voyage d’étude sur les « lycées d’excellences » congolais, Mme Dati n’avait alors pas donné suite.
Toutefois, elle n’avait pas omis d’adresser à la Commission européenne une question écrite (29 juillet) demandant « dans quelle mesure le 11e FED [Fonds Européen de Développement] contribuera t-il à appuyer les autorités congolaises dans les efforts qu’elles mènent pour assurer l’afforestation et le reboisement ? »
Pour jauger des dits efforts, on se reportera aux touts récents articles publiés par Mondafrique sur le sujet.
Pour autant, s’agissant de sauvetage de la planète, Rachida Dati, persiste et signe. Elle estime, que dans ce combat, Denis Sassou N’Guesso est incontournable.
En novembre 2018, à Paris, en marge des commémorations du centenaire de l’Armistice, et au sortir d’une « audience » accordée par DSN à son palace parisien, elle déclare : « Quoi que l’on puisse dire, quoi qu’en puisse en penser c’ est un président important et qui a effectivement une vision et des propositions. »
Et de faire l’éloge du visionnaire et de son « Fonds bleu » qu’elle qualifie « d’outil exceptionnel » : « une réponse aux enjeux climatiques», « un moyen effectivement de sauver la planète », et même en prime de « maîtriser les flux migratoires ».
Lancé en 2017 à l’initiative du Congo, à l’occasion de la COP22 à Marrakech, le Fonds Bleu a en effet pour objet la préservation des ressources forestières et écologiques des états riverains du bassin du Congo.
Si l’ambition est vertueuse, rien ne permet à Rachida quelques mois seulement après sa mise sur orbite de qualifier ce projet « d’outil exceptionnel ».
Au vu des réalisations passées de Sassou depuis 40 ans, l’opposition y voit surtout un instrument remarquable de « greenwashing » du Président congolais, lui permettant sur l’autel de l’écologie de contourner l’embargo dont il fait l’objet sur la scène internationale.
On l’a compris Rachida est bon public…
Laurent Wauquiez, premier de cordée
Tout le monde n’a pas la fibre voyageuse et Paris demeure l’incontournable capitale de la Françafrique. Clément Mouamba est le Premier ministre congolais. Une position sans grand pouvoir réel, ce qui ne l’empêche pas d’avoir un agenda politique particulièrementfourni.
Ainsi lors de son séjour parisien du 3 au 10 février 2018 à l’hôtel Peninsula va t-il rencontrer toute une brochette de représentants de la droite parlementaire soucieux de renforcer les liens entre la France et la République du Congo.
Premier de cordée sur le carnet de bal de Clément Mouamba, Laurent Wauquiez, nouveau patron des Républicains.
Mais subtilité, ce n’est pas à ce titre que Wauquiez vient courtiser le régime congolais mais à celui de Président de la Région Auvergne- Rhône –Alpes.
Le tête à tête est d’ailleurs décentralisé au Sofitel de Lyon le 6 février. Ceci sous couvert de « l’agence internationale des Régions francophones ». Rien de politique donc dans cette rencontre, de simples échanges de vues sur les traditionnelles relations Corrèze-Zambèze et la « coopération décentralisée ».
Le même jour, toujours au Sofitel Mouamba échangeait avec l’ex député RPR Marc Fraysse et désormais directeur des relations institutionnelles de Gaz de France- Engie. Fraysse est aussi le Président de « France-Unie », une association lilliputienne de « réflexion et d’engagement politique, indépendante et hors des clivages politiques traditionnels ».
Hervé de Charette, le retour
Le Premier ministre congolais pouvait-t-il se rendre en France sans rencontrer le Président de « France-Unie » ? A l’évidence non. La veille, le 5 février, au Fouquet’s cette fois, c’est l’ex- ministre des affaires étrangères Hervé de Charrette qui était l’hôte du Premier ministre et du peuple congolais.
Figure aujourd’hui discrète de la vie politique française, Hervé de Charrette anime toutefois un micro parti, la « Convention démocrate ». Il est encore le président d’honneur des clubs « Perspectives et réalités » dont le Président est Yves Jego, est alors président du groupe d’amitié France-Congo.
Des amis la République du Congo n’en manque pas. Dans la foulée du déjeuner au Fouquet’s, le premier ministre Mouamba rend une visite de courtoisie à la famille centriste. Plus précisément au cabinet de l’avocat d’affaires Dominique Paillé.
Ex- conseiller de Sarko à l’Elysée, ex-porte parole de l’UMP, Paillé est un personnage aux innombrables casquettes. En désamour avec l’UMP, il a rejoint l’UDI, la formation centriste fondée par « l’africain » Jean-Louis Borloo, très investi –un temps-dans l’électrification de l’Afrique, avant de passer à autre chose, estimant « sa mission accomplie » !
Dominique Paillé se présente ainsi comme le « conseiller diplomatique » de L’UDI aujourd’hui dirigée par Jean- Christophe Lagarde, tête de liste aux élections européennes. Au cours de l’entretien entre les deux hommes, il aurait été peu question de diplomatie, ni d’électrification mais beaucoup du marché de l’eau de Brazzaville.
Un secteur familier à Dominique Paillé, qui lorsqu’il était député avait crée une société off shore à Chypre -, Otco Limited- spécialisée dans la « purification de l’eau ». Et laquelle -en dépit de son objet social – devaient s’intéresser deux juges d’instruction pour son peu de …transparence. L indice en tout cas que notre Paillé apprécie la discrétion et qu’il n’est pas non plus l’homme d’un seul talent.
L’intransigeante Corinne Lepage,
Au cours de son escapade parisienne Clément Mouamba devait encore rencontrer au Peninsula, Corinne Lepage, ex- ministre de l’environnement et figure de l’écologie.
Sur quel sujet a bien pu porter cet entretien entre le missi dominici de la dictature congolaise et la madame propre du Modem ? Nous l’ignorons.
Très vraisemblablement bien plus autour des vertes collines d’Afrique plutôt que sur les élections européennes qui s’annoncent alors.