La différence entre le régime angolais actuel et le précédent, c’est que les cadavres des personnalités politiques ne disparaissent plus ! Ce qu en dit long sur le passé et l’avenir de ce pays riche en pétrole qui a été livré pendant trente huit ans au dictateur Eduardo dos Santos tout juste décédé!
Une chronique s’Yves Loizeau
À l’issue d’enchainements épiques, le corps d’Eduardo dos Santos, 79 ans, repose donc dans une clinique de Barcelone et il y a effectivement peu de chances qu’il soit kidnappé en Espagne…
Les derniers jours de l’ancien Président angolais seraient dignes de figurer dans une série télévisée. Maintenu artificiellement en vie grâce à des machines d’assistance, Eduardo dos Santos était en était de mort cérébrale depuis plusieurs jours et, comme dans la plupart des dictatures, la mort du malade a été officiellement annoncée une fois que le gouvernement angolais pensait que la plus grande partie des problèmes en suspens était en voie de règlement. Sauf qu’ils ne paraissent toujours pas l’être…
Deux camps en présence
Les enfants de l’ancien chef de l’Etat se disputent violemment la dépouille mortuaire: Tchizé dos Santos jusqu’à récemment députée du MPLA en dissidence. C’est une spécialiste de la communication et de la télévision qui a obtenu ses diplômes à Londres et parle en cinq langues. Elle est née du second mariage de l’ancien Président. Elle est sur place, à Barcelone, et gère d’une main de maitre la guérilla contre l’autre camp. Elle s’est imposée auprès des autorités médicales et de l’état espagnol comme l’interprète de son père et a déposé plainte contre “x” pour tentatives d’assassinat et d’autres crimes ou délits liés aux derniers jours de son père
Dans ce camp également, Isabel dos Santos, la fille ainée, née de la première épouse du défunt Président. Elle était jusqu’à il y a quelques mois considérée par le magazine Forbes comme la femme la plus riche d’Afrique. On rapporte que son mariage aurait couté 4 millions de dollars. Las. Elle a été déposée par le successeur de son père de tous les postes qu’elle occupait dans les plus grosses sociétés angolaises et notamment de la direction de Sonangol, la société qui contrôle le pétrole angolais. Elle a réalisé d’énormes investissement dans plusieurs pays dont le Portugal dans différents domaines qui vont de la banque à la télévision en passant par l’immobilier et les télécoms. Elle est accusée de corruption, de détournements de fond, de blanchiment d’argent et sous le coup d’un mandat d’arrêt international. L’état angolais lui réclame 5 milliards de dollars. Dans le courant du mois de juin, elle a été arrêtée aux Pays-Bas avant d’être relâchée par les autorités hollandaises. Elle vit entre Londres et Dubaï et possède également un passeport russe. On dit -mais elle aurait démenti- qu’elle aurait déjà vidé de tous ses meubles la résidence occupée par son père en Espagne pour les mettre à l’abri.
José Filomeno dos Santos, dit “Zenu”
Le 3eme personnage de ce groupe est le fils ainé d’ Eduardo dos Santos, José Filomeno dos Santos –dit “Zenu”- que son père avait mis à la tête du Fonds souverain angolais et qui est accusé d’un détournement de 500 millions de dollars. La justice angolaise, entièrement aux mains du pouvoir, l’a condamné à 5 ans de prison mais il semble aujourd’hui simplement sous contrôle judiciaire. Il se trouve donc pour l’instant à Luanda sans le passeport qui lui permettrait de se rendre en Espagne. Il semble jusque-là faire bloc avec ses sœurs et l’on peut lire des commentaires dans les journaux angolais laissant entendre qu’il aurait été victime d’accusations abusives : prélude à un changement de situation ? Est-ce par son canal et par sa réhabilitation que passent les obsèques nationales que l’actuel Président souhaite organiser.
Dans l’autre camp, celui des officiels de l’Etat angolais, se trouve bien évidemment l’actuel chef de l’Etat Joao Lourenco et la 5eme femme du défunt, Ana Paula dos Santos, mannequin et ancienne hôtesse de l’air de l’avion présidentiel. Sa biographie indique d’elle est avocate. Née en 1963, elle s’est mariée en 1971 avec Eduardo dos Santos dont elle a eu quatre enfants. “Un couple élegant, disait un observateur, qui pourrait vivre en Californie”. Elle se serait séparée du défunt lorsqu’il a quitté le pouvoir. Pendant son dernier séjour en Angola, Jose Eduardo dos Santos aurait refusé de la voir.
Plaintes pour tentatives de meurtre
Selon les informations de ses détracteurs , l’ancienne hôtesse de l’air serait réapparue à Barcelone quelques jours seulement avant le décès. Les enfants ont obtenus de la justice espagnole qu’elle ne puisse pas se rendre à la clinique. C’est elle –ainsi que le médecin personnel d’Eduardo dos Santos- qui sont visées par les plaintes de tentative de meurtre et autres gracieusetés déposées par l’autre “clan”.
En pleine période électorale, l’enjeu est de taille y aura-t-il ou pas des obsèques nationales à Luanda comme le souhaite le Président Louranço et le MPLA? Ou les obsèques auront-elles lieu à Barcelone comme le souhaites les enfants d’Eduardo dos Santos? Ce deuxième scénarion n’empêcherait pas d’organiser une cérémonie officielle, lors du retour du corps de l’ancien dictateur en Angola, “lorsque Louranço sera battu”, a indiqué Tchize dos Santos.
L’ancien chef d’état angolais Eduardo dos Santos entre la vie et la mort