Les enquêteurs français qui interrogent Tariq Ramadan voyaient en lui un nouveau Tartuffe. Ils découvrent un « nouveau prophète » qui dénie aux hommes le pouvoir de le juger.
Il y a plus d’une vingtaine d’années, quand il n’était connu que d’un petit cercle en Suisse, Tariq Ramadan animait à Genève un Foyer culturel musulman. Le bulletin du foyer s’appelait « Jalons », renvoyant à Jalons sur le chemin de l’islam, l’ouvrage majeur de Sayyed Qutb, le penseur le plus radical de la Confrérie des Frères musulmans. Cet intellectuel, exécuté par Nasser en 1956, aura été le premier à décréter une fracture entre vrais et faux musulmans. Selon lui, les faux musulmans ne valent pas mieux que les juifs. Ils peuvent, sans pitié, être exécutés. Une interprétation criminelle reprise par l’Etat islamique. A peine trentenaire, Tariq Ramadan annonçait à ses premiers adeptes « qu’il le savait déjà, il mourra pour l’islam ». « C’était déjà un manipulateur. Au Foyer, il mettait en avant des marionnettes, mais par derrière, il dirigeait tout », raconte un ancien membre, qui a rompu depuis tout contact avec l’islamiste.
« Ramadan, l’avenir de l’islam »
Petit-fils de Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, Tariq Ramadan est élevée par une mère qui ne cesse de lui répéter : « Tu es un être supérieur. Les autres musulmans ne sont sur terre que pour te servir ». D’ailleurs, ne cite-on pas la formule choc attribuée au Soudanais Hassan al-Tourabi : « L’avenir de l’islam, c’est Tariq Ramadan ! » (voir ci contre) ? En 1993, accompagné par l’universitaire français François Burgat, Tariq Ramadan est à Khartoum, à l’occasion de la conférence annuelle de l’organisation islamique internationale, réunissant les mouvements islamistes les plus extrémistes de la planète. Hassan al-Tourabi, décédé il y a peu, était alors baptisé « le pape noir de l’islamisme ». A cette époque, Tariq Ramadan maîtrise parfaitement la taqiyya, la dissimulation. Le Genevois ne se contente pas de nier ses liens avec les Frères musulmans. Il va jusqu’à vanter ses profonds liens avec un chrétien progressiste. En l’occurrence Pierre Dufresne, rédacteur du chef du Courrier, le seul quotidien de gauche de la Suisse francophone. Dans L’islam en questions, co-écrit avec Alain Gresh, Tariq Ramadan le présente comme son père spirituel.
Enigmatiques études en Egypte
« Un de ceux qui m’ont accompagné dans ma formation intellectuelle est Pierre Dufresne, qui fut un catholique engagé pour les droits de l’homme. C’est quelqu’un qui m’a énormément marqué … C’était un ami », écrit-il. Sauf que Pierre Dufresne, décédé depuis de nombreuses années, ne peut plus le contredire. Seulement voilà, l’un de des proches de l’ancien rédacteur en chef du Courrier assure « qu’il n’a jamais vu Tariq Ramadan chez Pierre Dufresne, ni même entendu qu’ils se connaissaient ». Les mensonges les plus grossiers n’ont jamais perturbé l’islamologue suisse. Ainsi, dans l’ouvrage Faut-il faire taire Tariq Ramadan?, publié en 2005, il déclare en page 105, concernant ses études au Caire : « J’ai suivi des cours intensifs pendant quatorze mois (…) j’ai pu couvrir le champ de formation de cinq années d’études de sciences islamiques dispensées dans les universités spécialisées. C’était mon but, mais je ne désirais pas un diplôme. Seul le contenu de la formation m’intéressait ».
Le détour par Al-Azhar
Ce qui l’empêche pas de prétendre sur son site Internet qu’« Il a suivi une formation intensive en études islamiques classiques avec des savants de l’université Al-Azhar du Caire, et obtenu 7 ijazat [certification de mémorisation du Saint Coran] dans sept disciplines différentes ». Il est pour le moins curieux que dans les ouvrages qui lui sont consacrés, Tariq Ramadan oublie de préciser qu’il a étudié à Al-Azhar, la plus ancienne université musulmane active dans le monde et l’une des plus prestigieuse.
Lors de certaines interviewes, il s’honore même de l’obtention d’un doctorat obtenu d’Al-Azhar. De la même façon, selon ses interlocuteurs, il serait soit interdit de séjour en Egypte, soit titulaire d’un passeport égyptien. Tariq Ramadan ne cessait de prétendre que les dictatures arabes le boycottaient.
Le faux professeur de Fribourg
Dire tout et son contraire, cela n’a jamais perturbé Tariq Ramadan. Pourquoi se gêner ? ses adeptes, qui se comptent par centaines de milliers, le suivent aveuglément, avalent toutes les couleuvres. Mondafrique a ainsi révélé que Tariq Ramadan se prétendait professeur de philosophie et d’islamologie à l’université de Fribourg, en Suisse, alors qu’en réalité, il proposait bénévolement un exposé sur l’islam. Et bien, suite à la publication de ce texte sur le site de Mondafrique (partagé par plus de 8 400 fois), aucun “ramadaniste“ n’a eu la curiosité d’appeler l’université afin de se faire sa propre opinion (*). De la même façon, l’auteur de cet article a eu l’occasion d’interviewer Tariq Ramadan à de multiples occasions dans la presse française et suisse. Il s’est également entretenu avec Hani Ramadan, avec son oncle (le frère de sa mère) et avec le plus jeune frère d’Hassan al-Banna en Egypte. Notamment pour le site francophone Oumma. Contre toute évidence, Tariq Ramadan n’a cessé de répéter que ni lui ni aucun membre de sa famille n’avaient jamais rencontré Ian Hamel.
Des crises de furie
Les policiers qui ont interrogés l’islamologue se sont heurtés au même phénomène : il nie l’évidence, sans le moindre trouble. Alors qu’ils ont pu recueillir en trois mois une multitude de témoignages de femmes qui ont eu des relations sexuelles avec lui, Tariq Ramadan le dément systématiquement. Même les preuves, les enregistrements, les photos compromettantes ne le font pas fléchir. Dans un mail du 12 avril 2011, le petit-fils d’Hassan al-Banna déclare pourtant : « Tiens, tu me donnes envie de baiser la furie que tu es !! Tu viens ? ». Et bien non, pour Tariq Ramadan, ce ne peut être qu’un faux grossier. Sa ligne de défense : il n’a jamais trompé sa femme (avec laquelle il vit pourtant séparé). Cette dernière s’est bien gardée pour l’instant de prendre la défense de son époux en public. Pour Tariq Ramadan, tout cela ne relève que d’un infâme complot. Sioniste, bien évidemment. Le problème, c’est que Tariq Ramadan s’est lui-même convaincu qu’il était « la Lumière », le nouveau prophète que tous les musulmans attendent depuis Mahomet. A partir de là, les mensonges, les menaces, les coups, les viols, ne sont plus pour lui que d’insignifiants détails. « Il estime qu’il n’a même plus besoin de prier, car il a un contact permanent avec dieu, raconte une ancienne victime. Mais est-il totalement lucide ? Il se bourre en permanence d’une quantité invraisemblable de médicaments, de produits dopants. Ce qui provoque ses crises de furie ».
Tariq Ramadan, « prisonnier politique »
Bref, pour Tariq Ramadan, tout ceux qui tentent de freiner son ascension ne peuvent être que « ses ennemis de toujours », des islamophobes, des démons. Depuis des années, dans ses conférences, Tariq Ramadan martèle à son auditoire que « si les “kouffars“ [les mécréants] s’en prennent à lui, c’est en fait pour s’en prendre à vous, aux musulmans ». Un discours assimilé par ses adeptes les plus convaincus. Sur les réseaux sociaux, ils présentent dorénavant Tariq Ramadan comme un « prisonnier politique ». Même la sénatrice socialiste de Marseille Samia Ghali insinue que c’est « le musulman » et non « l’homme » que la justice française a mis sous les verrous.
Un martyr vénéré
Bref, les deux seules plaintes pour viol déposées contre lui, qui présentent certaines failles, pourraient ne pas convaincre à elles seules une cour d’assises. Les enquêteurs qui ont recueilli beaucoup d’autres confidences de nombreuses victimes font le forcing pour obtenir d’autres plaintes. Ils ne sous estiment pas Tariq Ramadan, redoutable dialecticien, excellent orateur, et comédien hors pair. capable de sangloter en évoquant son respect des femmes, son amour pour son prochain, « qu’il soit juif ou chrétien ». Tant pis s’il n’hésitait pas à uriner sur ses victimes, et qu’il souhaitait « leur chier dans la bouche ». La police et la justice, persuadée de tenir un « monstre », plus dangereux encore pour ses théories religieuses intolérantes que pour ses histoires sentimentales,
« Contrairement à ce que l’on croit, Tariq Ramadan n’est pas malheureux dans sa prison. Il se vit en martyr. Un martyr qui sera vénéré pendant des siècles par les musulmans », assure l’un de ses anciens adeptes, catastrophé à l’idée que le faux islamologue puisse un jour retomber sur ses pieds.