Bamako a décidé de suspendre RFI et FRance 24 le 17 mars, la mesure a été exécutée dans la foulée. Et sans que la suspension de ces médias sous influence de la diplomatie française soit vraiment regrettée par les Maliens.
Il est toujours triste de voir la liberté de la presse muselée et ce genre de sanctions n’honorent pas ceux qui les prennent. Cependant, force est de constater que les Maliens ne se sont pas soulevés pour dénoncer la censure. Moult raisons expliquent cette indifférence. RFI surtout mais aussi france 24 sont devenus des outils diplomatiques au service du Quai d’Orsay et de l’Élysée plus que des médias indépendants et crédibles.
La boite de Pandore
Cela faisait un moment que les autorités maliennes avaient les rédactions de France Média Monde dans le collimateur, mais après le reportage de RFI faisant état de violences commises par l’armée malienne, elles sont passées à l’acte accusant la radio de « fausses allégations ». Même si ce n’est pas la première fois que cela arrive dans l’histoire de ce média (en juillet 2009, la République Démocratique du Congo avait coupé l’émetteur de la radio française pendant plus d’un an et demi), c’est une rupture de plus entre Bamako et Paris après le renvoi de l’ambassadeur de France dans ce pays.
Emmanuel Macron a d’ailleurs très mal pris ce nouveau coup, il a condamné « avec la plus grande fermeté une décision totalement contraire aux valeurs que portent le peuple malien et le Mali depuis son indépendance » en ajoutant que cette suspension était « grave » et qu’elle était le « le signe d’une course en avant vers le pire ». L’UE a repris les arguments du président français en parlant de « fuite en avant » et a jugé cette décision « inacceptable ».
Sauf que cette sanction des autorités maliennes arrive quelques jours seulement après que l’UE, présidée pendant six mois par le chef de l’Etat, a interdit de diffusion les journaux russes, Sputnik et RT. Les Maliens se sont déchainés sur les réseaux sociaux, à l’instar de ces internautes : « L’Europe suspend les chaînes RT. Silence… Le Mali suspend France 24 et RFI, Macron fait du bruit.» « « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fit », etc.
Une rédaction discréditée
Mais si la coupure se fait sans bruit, c’est aussi que RFI n’a plus l’aura qu’elle avait dans le passé
Si la radio compte des journalistes valeureux comme Ghislaine Dupont et Claude Verlon qui furent odieusement assassinés au Mali pour avoir fait leur travail, elle abrite de nombreuses brebis galeuses. À l’abri du service public, coexistent le bon grain et l’ivraie: des correspondants qui représentent dans une même capitale africaine aussi bien l’AFP que France 24 et RFI et abusent de cette situation de monopole, comme c’est le cas au Mali; des journalistes qui monnaient le passage sur l’antenne des personnalités politiques locales; d’autres plumitifs qui effectuent des « ménages » pour des intérêts privés », au premier rang desquels là encore le journaliste de RFI à Bamako qui possède sa propre lettre confidentielle; et enfin certains rédacteurs qui, après quelques années au service de RFI, effectuent de fructueuses reconversions au service des dictateurs locaux (1).
Autant de pratiques très répandues au sein de la rédaction « Afrique » de RFI dirigée depuis 2019 par Christophe Boisbouvier qui a fait l’essentiel de sa carrière à « Jeune Afrique »(JA). Rappelons que ce magazine montre un talent particulier pour collecter de gros budgets publicitaires auprès des régimes africains les moins recommandables dont il « couvre » les initiatives avec bienveillance. Le plus extravagant dans l’information des medias français sur l’Afrique est que le directeur de l’information de JA, François Soudan, bénéficie d’un temps d’antenne chaque semaine sur RFI pour faire la publicité de sa publication.
Une absence de pluralisme
En Afrique francophone, beaucoup avouent l’écouter par défaut faute d’un autre média qui couvre tout le Continent, d’autres suivent pour savoir « quel est la position de la France sur tel ou tel dossier », tous reprochent le manque de pluralisme. A ce titre, le traitement de la crise du Mali a beaucoup agacé et de nombreux auditeurs d’Afrique de l’Ouest se sont détournés de la radio du monde.
Les Ivoiriens, eux, n’ont pas oublié le traitement de l’actualité pendant la guerre de 2011 et soupçonnent les journalistes de collusion avec le pouvoir. La photo de Christophe Boisbouvier, patron du service Afrique (voir photo ci dessus), que l’on découvre souriant et attablé avec le président Ouattara le jour de l’élection présidentielle d’octobre 2020 a choqué plus d’un et les a confortés dans leurs opinions et ce d’autant que l’opposition avait boycotté le scrutin.
Ce genre de clichés n’est pas apprécié non plus en interne ou des journalistes plus à cheval sur la déontologie déplorent ce genre de pratique. En février dernier, une motion de défiance a été déposée contre la direction de RFI pour dénoncer « sa gestion d’un conflit interne » ainsi que « les dérives déontologiques successives. » En cause, le travail d’une autre star de la radio, Alain Foka, qui avait doublé la journaliste Sonia Rolley, à la réputation de « bosseuse » sérieuse , sur les Congo Hold up, comme Mondafrique le racontait en janvier dernier. « Nous sommes des centaines à qui on peut faire confiance, et une infime minorité se comporte de façon dangereuse pour la réputation de la radio, menaçant l’intégrité des journalistes sur le terrain » confiait une reporter.
Un déclin programmé
La rédaction Afrique a toujours été à part au sein de la radio et les baronnies ont toujours existé. Mais au cours des cinq dernières années les pratiques coupables, les interviews complices avec les chefs d’Etat, les ménages des uns et des autres et surtout le manque de pluralisme détournent les auditeurs et participe au sentiment anti-français. Ce qui est un comble puisque France Médias Monde est une radio publique dont la mission première consiste à participer au rayonnement de la France dans le monde !
Au sein de la rédaction de RFI, le meilleur et le pire
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